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Extraits d’entrevue en lien avec le thème du chapitre

Chapitre 2 : Le jibanchinka du Kansaï

4. Extraits d’entrevue en lien avec le thème du chapitre

M. Ōtsuki : Recteur de l’Université Hannan

M. Noto : Employé de Kawashima Orimono Selkon, une compagnie de textile de Kyoto M. Dohman : Président de la compagnie Oliver, spécialisée dans les sauces

M. Ietsugu : Président de la compagnie pharmaceutique Sysmex (KCCI) M. Minemura : Directeur d’une compagnie dans le domaine informatique M. Kato : Journaliste au journal Kobe shinbun

* Le profil complet de chaque participant est disponible à l’annexe 4.2.

« Si on pense au futur d’un pays, l’économie ne devrait pas être le seul critère. Ici, la culture est concentrée dans le Kansaï. Même s’ils ont réussi à déplacer l’empereur, ils ne peuvent pas déplacer le temple Hōryūji ni la statue du grand bouddha à Nara. C’est seulement à partir de la Restauration de Meiji que Tokyo a commencé à rassembler les biens culturels de partout au Japon. Si on remonte plus loin dans notre histoire, le même phénomène s’est produit à partir de 1600, quand Tokugawa Ieyasu a créé le bakufu à Edo, mais l’héritage culturel traditionnel du Japon demeure au Kansaï. Tokyo a essayé de concentrer la culture du Japon dans sa main. Il possède des salles de cinéma, des théâtres et des salles de concert, mais la culture en tant que telle est au Kansaï; c’est notre histoire. Jusqu’à nos jours, tous les pays ont mis de l’avant le développement économique comme objectif ultime, et je souhaitais que le Japon réagisse contre cette tendance, mais ce n’est pas évident. […] Lorsqu’on parle de l’indice économique, on entend des termes comme “ l’affaissement de terrain”, mais si on regarde l’indice de qualité de vie, on en vient à une conclusion différente. On est plus riche qu’on le pense au Kansaï. […] Je pense qu’après une croissance économique aveugle, les gens vont commencer à chercher une croissance culturelle. Je ne ressens pas de rivalité avec Tokyo. […] Que ce soit Tokyo ou le Japon tout entier qui assume le rôle économique, une fois que la population s’enrichira, ce sera au tour du Kansaï de jouer un grand rôle. » (Ōtsuki)

« Le Kansaï n’est pas une simple région. Si on parle d’axe d’innovation et d’avant-gardisme, plutôt que du nombre d’habitants, Tokyo et Osaka sont les deux plus grands. D’ailleurs, je sens fortement le déclin d’Osaka. La preuve, c’est qu’une personne comme moi, née et élevée dans le Kansaï, en vienne à penser que c’est seulement à Tokyo qu’on peut faire des affaires. Pour arrêter l’“ affaissement de terrain du Kansaï ”, on devra peut-être faire comme Tokyo et remplacer les bâtiments tous les cinq ans. Ce que je comprends de l’expression “ affaissement de terrain ”, c’est le “ dépeuplement ”. Le déplacement de la population a pour cause et conséquence de diminuer les attraits et le dynamisme de la région. » (Noto)

« Même si la zone de commerce est déplacée ailleurs, on garde soit le siège social, soit quelque chose de symbolique dans le Kansaï, comme l’a fait Kawasaki avec son importante usine de sous-marins. Par ces décisions, il démontre qu’il appartient à cette région. C’est un plaisir personnel : “ Vous voyez, les personnes importantes ou symboliques restent ici. Ils conversent en dialecte d’ici. ” L’échec de la fusion entre SUNTORY et Kirin en est représentatif. Ça démontre qu’il y a quelque chose de plus important que le simple avantage de l’efficacité économique. Ainsi, aller à Tokyo n’est pas du tout un symbole du succès. » (Dohman)

« En arrivant au Japon, lors d’un voyage d’affaires, je suggère aux étrangers d’atterrir au Kansaï au lieu d’atterrir directement à Tokyo. Ça change complètement et positivement la vision de nos clients sur le Japon. La première impression est importante. Les étrangers sont toujours impressionnés par notre région. Je dis ça en toute objectivité. C’est un environnement naturel et le paysage est d’une grande beauté. De plus, puisque le Kansaï était autrefois le centre du pays, soixante pour cent des trésors nationaux s’y trouvent. » (Ietsugu) « Si Osaka s’affaisse, ce serait une situation vraiment critique pour tous les Japonais, car Osaka a prouvé sa position dans l’histoire jusqu’à nos jours. » (Minemura)

« Le système d’éducation d’avant la Seconde Guerre mondiale était meilleur, parce que les élites pouvaient choisir les lycées supérieurs régionaux qui préparaient l’entrée à l’Université Impériale. Il y en avait à Kanazawa, à Nagoya, à Taiwan, etc. On choisissait selon la spécialisation de l’école et selon la préférence de la ville. Aujourd’hui, les élites ne sortent pas de Tokyo. Certains arrivent directement des écoles secondaires reconnues de l’extérieur de Tokyo, comme La Salle et Nada, mais personne ne s’intéresse aux autres régions. Aujourd’hui, les bureaucrates de Tokyo décident du sort des régions, mais ils ne tiennent plus compte des spécificités de chacune d’entre elles.

Nous avons parlé de l’affaissement du Kansaï dans nos articles, mais je dois réfléchir sur ces phénomènes ou sur leurs effets. Je crois que l’affaissement du Kansaï est plutôt celui de la société japonaise en entier. Partout au Japon, les

shōtengai (les petits magasins regroupés, souvent sous un passage couvert), qui

se situent traditionnellement au centre de la ville, sont en voie de disparition depuis l’arrivée des centres commerciaux inaccessibles sans voiture. Partout au Japon, le charme de chaque ville est en train de disparaître. […] Notre nouveau collègue m’a parlé à ce sujet récemment. Il est natif de Kobe et il y est revenu après avoir étudié à Tokyo, à l’Université Keio. Il pense que le paysage des régions du Japon ressemble de plus en plus à des miniTokyo. De Shimane, ou bien de Shikoku, on voit que l’accès à Tokyo est devenu beaucoup plus facile aujourd’hui. Avec cette amélioration des transports, il y a moins d’attraits propres aux régions. Les attraits régionaux de Kyushu, de San’in, de Tohoku ainsi que de Hokkaido disparaissent sous la force magnétique de Tokyo. Seul le Kansaï reste debout, avec peine, et conserve ses particularités. On dirait que le

Japon est divisé en deux : d’un côté, le pays Kansaï, et de l’autre, le pays Tokyo et les régions “ tokyonisées ”. […] La richesse du Kansaï lui permet de prospérer. C’est un endroit où il fait bon vivre, où les paysages sont beaux, où l’héritage culturel est riche, et où on retrouve plusieurs universités. Donc, même si on sent l’affaissement de la région, je crois qu’il est impossible que cette région devienne un jour dévastée et vide. » (Kato)