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La structure de l’industrie de média de masse

Chapitre 4. Les « Kansaïens (Kansaï-jin) », la langue et le monde littéraire

2. La littérature

3.2. La structure de l’industrie de média de masse

Tout comme Nippon Television260 fondé par le groupe du journal Yomiuri Shinbun, Fuji

Television est lié au journal Sankei, TBS est lié au journal Mainichi, TV Asahi est lié au journal Asahi Shinbun et TV Tokyo est lié au journal Nikkei261. Chacun est aussi lié à une station de

radio. Ces compagnies d’édition sont appelées « les cinq grands journaux nationaux 全国五大 紙 », car leur réseau de distribution couvre tout le Japon. Dans cette structure, l’éditeur a une forte influence sur la station de télévision en tant qu’actionnaire principal. La législation en matière de radiodiffusion de 1950 adoptée par le ministère japonais des Affaires intérieures et des Communications appréhende les effets sociaux de la participation croisée des médias. Cependant, cette législation interdit seulement le monopole du média dans une même zone, et par conséquent, n’empêche pas un groupe médiatique de posséder trois sortes de média (télévision, radio et journal) dans cette même zone. Ce procédé est même encouragé, mais le problème que soulève ce système, c’est que la fonction administrative de ces cinq compagnies est située à Tokyo262; elles sont donc teintées de la vision tokyoïte.

Les journaux japonais, dont l’origine remonte selon certains au kawaraban en circulation au moins depuis le 17e siècle, sont passés de la publication de potins à la publication des

dernières nouvelles, en passant par quelques écrits politiques entre la fin de l’époque Tokugawa et les années de la presse politique d’avant 1900. En 1890, on crée des clubs des journalistes (kisha kurabu) dans le but d’obtenir le droit d’assister à la première session de la Diète impériale afin de recueillir des informations. Entre 1900 et 1930, les médias de masse japonais et les journaux d’opinion263 se développent sous le patronage du secteur privé, qui cible la classe

moyenne émergente (Rausch 2012). Cependant, après la prise du pouvoir par les militaires, marqué par l’assassinat du premier ministre Inukai en 1932, l’Agence de presse Dōmei (Dōmei

260 À cause de la situation historique et géographique, Nippon Television ne couvre pas Okinawa.

261 En 1975, parmi les stations affiliées de la zone Kinki, Asahi hōsō, liée au journal Asahi Shinbun, et Mainichi

Broadcasting liée au journal Mainichi ont été échangées; Asahi hōsō devenait l’affiliée du réseau ANN et Mainichi Broadcasting devenait l’affiliée du réseau JNN, le tout dans un effort de consolidation des médias japonais.

262Asahi Shinbun, Mainichi Shinbun et Sankei Shinbun sont originairement fondées à Osaka. Aujourd’hui, seul

Asahi Shinbun garde son siège social enregistré à Osaka. Cependant, comme les autres, elle place sa fonction administrative (honsha kinō) à Tokyo.

Tsūshinsha 同盟通信社) voit le jour en 1936, à la suite de la fusion de la Shinbun rengōsha 新 聞聯合社 (Association des journaux, fondée par les compagnies de journaux) et de l’Agence de publicité Dentsū 日本電報通信社264 afin de se préparer à la guerre sino-japonaise et dans le

but d’uniformiser l’information. Toujours dans l’optique d’aligner les compagnies d’édition et le gouvernement, on fonde la Japan Culture Association of Publishers (Nihon shuppan bunka kyōkai 日本出版文化協会) en 1940 et la Renmei (Nihon Shinbun Renmei 日本新聞連盟 : la ligue des journaux du Japon) en 1941, en suivant les plans élaborés par le Bureau d’information du cabinet (Johōkyoku 情報局) (Shillony 1991). Les règles établies par la Renmei 記者会規約 veulent que l’affiliation aux clubs des journalistes (Kisha kurabu) se fasse au nom de la compagnie d’édition, et non pour chaque journaliste individuel. De plus, le nombre de clubs est restreint à un par organisation gouvernementale. Le Bureau d’information du cabinet exerce un contrôle sur les journaux et les maisons d’édition par le biais d’un contrôle sur l’attribution et la distribution du papier, et le ministère de l'Intérieur pratique la censure sur le contenu des publications (Ikawa 2008). Par la suite, le gouvernement encourage la consolidation des journaux, sur une base d’un journal par département, à l’exception de Tokyo et Osaka qui conservent leur journal départemental265 en plus de leur journal distribué à l’échelle nationale266.

Cette phase de consolidation est complétée en octobre 1943.

Sous l’occupation américaine après la Seconde Guerre mondiale, l’Agence de presse Dōmei, la Japan Culture Association of Publishers et la Renmei, qui servaient de diffuseurs pour la propagande du gouvernement militaire, sont dans l’obligation de se dissocier. Le Commandant suprême des forces alliées impose un Code de la presse 267; plusieurs publications

264 La loi de mobilisation nationale adoptée en 1938 permettait au gouvernement non seulement d’interdire ou de

restreindre la publication d’articles portant sur la diplomatie et sur l’armée (article 27 de la loi sur les journaux, entrée en vigueur depuis 1909), mais aussi de museler les publications considérées comme nuisibles à l’ordre social et de punir leurs éditeurs (article 23 et 41).

265 Selon Tsukamoto (1974, 147), 2 422 journaux sont consolidés en 55 journaux. 3 664 maisons d’édition sont

consolidées en 203 compagnies. De plus, la circulation des journaux était déjà réduite à cause du manque de matériel (Raucsh 2012, 35).

266 Osaka Asahi et Tokyo Asahi fusionnent et deviennent le journal Asahi; Osaka Mainichi et Tokyo Nichinichi

deviennent le journal Mainichi. On peut ajouter aussi la fusion de Yomiuri et de Hōchi qui deviennent le journal Yomiuri, mais sa distribution n’était pas faite à l’échelle nationale.

267 Le Commandant suprême des forces alliées est même intervenu dans le conflit syndical-patronal du Journal

Yoimuri en 1946 (Takeuchi 2003, 317). Pour plus de détails sur ce conflit ainsi que sur la situation des autres journaux, soit Asahi et Mainichi, voir Imanishi (2008).

sont censurées et interdites268. Le Commandant suprême exige aussi que les clubs de journalistes

donnent accès à tous les journalistes. Par la suite, la Shinbun kyōkai 新 聞 協 会 (Japan Newspaper Publishers and Editors Association), formée en 1946 par les anciens affiliés de la Renmei, établit en 1949 l’orientation des clubs de journalistes269 comme suit : les clubs de

journalistes sont des organismes de bonne camaraderie et non-interventionnistes. Cependant, aujourd’hui, l’existence de ces clubs est souvent considérée par les journalistes japonais indépendants270 et les journalistes étrangers271 comme un obstacle à la liberté éditoriale au

Japon, puisque, dans les faits, les clubs excluent les journalistes non affiliés aux grands noms de la presse272.

La restriction en matière de distribution et d’allocation du papier (shinbun yōshi wariate seido 新聞用紙割当制度) est retirée en 1951. L’occupation américaine se termine l’année suivante, en 1952. Ainsi s’amorce l’époque de la libre concurrence médiatique (jiyūkyōsō no jidai 自由競争の時代). Cependant, ce changement a plutôt ouvert la porte à l’émergence de ce que Freeman (2000) appelle « les cartels d’information », qui prônent l’autocensure pour assurer la conformité de la presse sous le « système de 1955 (gojūgonen taisei 55 年体制) » du Parti libéral-démocrate (Rausch 2012). Dans ce système, les bulletins de nouvelles ne sont pas contrôlés par les journalistes, mais plutôt par des sources d’information telles que les membres

268 Des ouvrages portant sur l’armée japonaise, tels que Les Derniers jours du cuirassé Yamato (Senkan yamato

no saigo 戦艦大和ノ最期) de Yoshida Mitsuru, jusqu’aux poèmes de Tōge Sankichi portant sur les effets

déshumanisants de la bombe atomique.

269Kisha kurabu ni kansuru hōshin 記者クラブに関する方針.

270 Journalistes des compagnies de média de masse non affiliés à ces organismes, notamment Uesugi Takashi

(2008).

271 La Chambre de Commerce européenne au Japon (EBC), dans son Livre blanc sur l’Économie japonaise publié

annuellement, dénonce ce système. Il en va de même pour Reporters sans frontières (RSF) qui, dans son

classement de la liberté de la presse, positionne le Japon à la 37e place en 2005, mais à la 51e en 2006. Selon RSF,

le système restrictif des clubs de presse (kisha clubs) et la montée du nationalisme menaçant certains acquis de la démocratie ont fait reculer le Japon. Par contre la situation s’est améliorée peu à peu et le Japon est classé à la 11e

place en 2010, pour ensuite être rétrogradé en 2011 à la 22e place à cause de la couverture du tsunami et de

l’accident nucléaire de Fukushima qui a donné lieu à des restrictions tout en révélant les limites du pluralisme de la presse. Dans un article daté du 6 novembre 2012, RSF déplore le fait qu’on ait interdit aux journalistes indépendants de couvrir les manifestations anti-nucléaires.

272 Par exemple, en 1969, la Shinbun kyōkai 新聞協会 (Japan Newspaper Publishers and Editors Association), la

Minpōren (Nihon minkan hōsō renmei 日本民間放送連盟 : National Association of Commercial Broadcasters in Japan, créée en 1951) et la NHK ont créé le Japan National Press Club; un organisme indépendant de l’État qui a accès aux annonces officielles importantes telles que le débat des chefs avant une élection. Les journalistes des magazines ou les journalistes indépendants sont exclus.

de la Diète, qui encouragent ainsi les journalistes à couvrir leurs histoires d’une façon qui leur convient. Ceux qui refusent de faire partie de ce système sont exclus des clubs qui donnent accès aux conférences de presse. Par conséquent, les nouvelles sur la politique intérieure sont homogénéisées, presque identiques, et cette tendance est davantage renforcée par la participation croisée des médias (Freeman 2000).