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Les activités pour co-construire la collaboration

Chapitre 2. État de l’art

2.2. Activités tout au long du cycle de vie de la collaboration avec les

2.2.2. Les activités pour co-construire la collaboration

Nous présentons ici les activités, recensées dans la littérature, rattachées à la phase de préparation de la collaboration. Le Tableau 2-2 présente la synthèse de ces activités.

L’intégration des fournisseurs se réalise dans cette phase (Bidault et al., 1998; Ylimäki, 2014). En effet, une relation client-fournisseurs positive augmentera la performance du projet et de l’innovation. Les fournisseurs doivent se sentir soutenus par l’entreprise cliente (Bidault et al., 1998). De plus, le type de collaboration, et donc le niveau d’intégration des fournisseurs dans le projet, est dynamique et peut être ajusté pour coller aux évolutions des besoins de l’entreprise cliente (un black box peut donc se transformer en un grey box au cours du projet s’il s’avère que les besoins de l’entreprise cliente ont été mal définis au début du projet) (Ylimäki, 2014). Enfin, cette activité est également l’occasion pour l’entreprise cliente de discuter avec les fournisseurs des possibilités de développement de la relation sur ce projet ou sur d’autres collaborations qui peuvent naître en parallèle.

Le partage des objectifs du projet est une activité essentielle d’une collaboration client-fournisseurs (Petersen et al., 2005). Impliquer le fournisseur dans la définition des objectifs du projet et obtenir l’aval de l’entreprise cliente et des fournisseurs sur ces objectifs est un élément clé de la performance du projet, notamment lorsque les fournisseurs prennent une part de responsabilité importante (Petersen et al., 2005).

La co-construction de la collaboration se joue au travers du partage des objectifs du projet, de la co-définition des spécifications, de la coordination des activités, de la création d’une équipe commune, de la définition des rôles et responsabilités et de l’analyse de risques, le tout entre les différents acteurs du projet. En parallèle de ces activités a lieu l’activité de contractualisation où est mise par écrit la synthèse des discussions précédentes. Cette phase permet à l’entreprise cliente de continuer l’intégration des fournisseurs dans le projet.

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Tableau 2-2. Les activités de la phase de co-construction de la collaboration

La co-définition des spécifications a été largement mise en avant par la littérature (Almefelt et al., 2006; Karlsson et al., 1998; Langner and Seidel, 2009; McGovern and Hicks, 2006; Nellore and Söderquist, 2000a, 2000b; Nellore, 2001; Nellore et al., 1999; Perks, 2005). L’entreprise cliente peut être inexpérimentée dans la définition et l’écriture des spécifications. Elle peut manquer de connaissances et éprouver des difficultés pour formaliser les spécifications, c’est pourquoi elle peut avoir besoin des fournisseurs (Perks, 2005). Les premiers échanges autour de cette activité de co-définition ont pu avoir lieu dans la phase de préparation de la collaboration lors de la sélection des fournisseurs. Mais cela dépend de leur expérience (Langner and Seidel, 2009). La définition des spécifications évolue, à travers des itérations entre les activités de définition du besoin et des spécifications et celles-ci se concrétisent dans cette phase de co-construction de la collaboration.

Les spécifications ne sont pas vues comme des données figées une fois pour toute dans le projet. La co-définition des spécifications est une activité de discussion ouverte avec les fournisseurs (notamment dans le cas du Black Box par exemple). Le changement de spécifications n’est pas vu comme une perte de temps mais comme un possible avantage compétitif (Karlsson et al., 1998). La proactivité des fournisseurs a un effet positif sur le processus de spécifications. En effet le contenu des spécifications peut être défini par les compétences techniques de l’entreprise cliente mais aussi des fournisseurs (McGovern and Hicks, 2006). Les spécifications doivent laisser de la liberté aux fournisseurs (Nellore et al., 1999) pour faire leurs propres choix technologiques. Impliquer les

Activités Auteurs

Intégrer le fournisseur Bidault et al. 1998; Ylimäki 2014

Partager des objectifs du projet Petersen et al. 2005

Co-définir les spécifications Karlsson et al. 1998; Nellore et al. 1999; Nellore and Söderquist 2000a,

2000b; Nellore 2001; Perks 2005; Almefelt et al. 2006; McGovern and Hicks 2006; Langner and Seidel 2009

Coordonner les activités Wynstra 1998; Wynstra et al. 2003; Calvi et al. 2004

Créer une équipe commune Fliess and Becker, 2006; Boni et al., 2014

Définir les rôles et responsabilités

Calvi et al. 2004; Meier et al. 2010; Vasantha et al. 2012

Analyser conjointement les risques

Wu and Choi 2005; van Echtelt et al. 2008; Parida et al. 2013; Personnier, 2013; Zhao and Cao 2015

Contractualiser Bidault et al. 1998; Nellore 2001; Lingegård and Lindahl 2014; Reim et

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fournisseurs dans le développement des spécifications est donc crucial. Nellore and Söderquist (2000a, 2000b) ont recensé deux types de spécifications. Celles ayant une définition « étroite » (narrow-based definition) et celles définies de manière plus « large » (broad-based definition). La première ne laisse aucune liberté aux fournisseurs pour prendre des décisions de technologies. La seconde, quant à elle, est définie de manière moins précise et cela permet des échanges entre l’entreprise cliente et les fournisseurs au long du projet pour proposer une solution qui répond à cette spécification. Dans ce cas les fournisseurs peuvent donc être proactifs en proposant des solutions intermédiaires à l’entreprise cliente. Il est à noter que la co-définition des spécifications se fait en parallèle de l’écriture du contrat (Nellore, 2001).

Néanmoins cette activité de co-définition des spécifications comporte certains risques. Les fournisseurs peuvent avoir tendance à prendre des décisions sur des spécifications de manière à favoriser leurs propres intérêts. Le risque pour l’entreprise cliente est d’étendre la définition des spécifications, d’être hors besoin ou bien de sur- spécifier son besoin. Il y a donc besoin d’une collaboration proche (Almefelt et al., 2006).

La coordination des activités entre l’entreprise cliente et les fournisseurs est une activité identifiée par la littérature comme étant nécessaire dans tout projet de collaboration (Calvi et al., 2004; Wynstra, 1998; Wynstra et al., 2003). En effet le management de l’intégration des fournisseurs suppose de prendre des décisions et de coordonner les activités entre l’entreprise cliente et les fournisseurs en fonction des ressources, tâches et responsabilités (Wynstra et al., 2003). Les acteurs impliqués dans le projet doivent définir quelle entreprise prend le rôle de coordinateur. Qui est le plus approprié pour le faire ? Le plus souvent c’est l’entreprise cliente. Mais celle- ci peut faire des bénéfices importants en laissant les fournisseurs se coordonner entre eux (économie de coûts de supervision et de communication) (Wynstra, 1998). La coordination inclut l’ajustement et l’adaptation des activités de développement et des ressources entre l’entreprise cliente et les fournisseurs, dans le temps. Sans coordination, le développement en collaboration mènera à des composants inadaptés, à un double travail de développement, à des solutions techniques incompatibles15 (Wynstra et al., 2003, p.71). Pour cela Calvi et al. (2004) proposent trois mécanismes de coordination. L’un avant que le développement commence (coordination ex ante), l’autre pendant le projet (coordination in cursu) et le dernier à la fin du projet (coordination ex post). L’idée portée par ces auteurs est qu’un projet de co-développement a un continuel besoin de coordination. La coordination avant le début du développement a été étudiée par Hasan (2009). Cet auteur propose cinq modes de coordination qui illustrent une gestion des interfaces différentes entre deux équipes projet et aborde notamment la question d’adopter de multiples points de contact ou bien un seul point de contact. Dans un cas comme dans l’autre, la forme d’organisation du projet doit faciliter la coordination et l’échange d’informations entre l’entreprise cliente et les

15Citation originale: Without coordination, joint development will result in ill-fitting components, double work,

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fournisseurs (van den Ende et al., 2008). La définition de ces interfaces rejoint le besoin de définir des interfaces de communication soulevé par van Echtelt et al. (2008).

La création d’une équipe commune collaborative et interdisciplinaire améliore les chances de succès du projet (Boni et al., 2014). Créer une équipe collaborative et transdisciplinaire intégrant un réseau de partenaires pose de nouveaux défis à relever en management, au niveau du développement de l’équipe et de sa performance (Boni et al., 2014). Fliess and Becker (2006) ont identifié la création d’une équipe commune comme une activité à part entière de leur processus de co-développement.

La définition des rôles et responsabilités est cruciale dans un projet en co-développement intégrant de multiples acteurs (Calvi et al., 2004; Meier et al., 2010; Vasantha et al., 2012). Il est nécessaire de définir les rôles et responsabilités des différents acteurs devant agir au sein de la méta-organisation (Calvi et al., 2004, p.88). Ceci a été formalisé dans le cadre du Développement de Produits Nouveaux, mais a également été validé dans celui du développement de systèmes de produits-services (Meier et al., 2010). Vasantha et al. (2012) ont d’ailleurs noté que les processus de développement de systèmes de produits-services ne prennent pas clairement en compte la nécessité de clarifier les rôles et les responsabilités de chaque acteur du projet.

L’analyse conjointe de risques est une activité à réaliser avant de se lancer dans le développement de l’offre (van Echtelt et al., 2008; Parida et al., 2013; Personnier, 2013; Wu and Choi, 2005; Zhao and Cao, 2015). Pour cela le processus de sélection des fournisseurs et son degré d’implication dans le projet est critique car il permet d’anticiper et d’adresser les risques techniques et ceux liés à l’organisation (van Echtelt et al., 2008). L’entreprise cliente n’est pas seulement là pour évaluer les risques des fournisseurs, mais bien pour les comprendre et l’aider à les minimiser (Personnier, 2013; Wu and Choi, 2005). En effet l’externalisation d’une partie d’une offre amène l’entreprise cliente et les fournisseurs à être interdépendants. Cela crée des asymétries de pouvoir, qui sont à prendre en compte dans les activités de management des risques (Zhao and Cao, 2015). Un acteur du réseau de développement et de livraison d’un système de produits-services peut accepter de prendre plus de risques en échange de meilleurs revenus. Cela peut donc être bénéfique aussi bien pour l’entreprise cliente que pour les fournisseurs (Parida et al., 2013).

L’activité de contractualisation est commune aux relations client-fournisseurs (Bidault et al., 1998; Lingegård and Lindahl, 2014; Nellore, 2001; Reim et al., 2014; Sjoerdsma and van Weele, 2015). Le contrat porte les conditions de chaque acteur avant de se lancer dans le co-développement de l’offre. Un contrat de co-développement de système de produits-services précise les responsabilités et les termes de l’agrément et le niveau de risques pris par les acteurs (Lingegård and Lindahl, 2014). C’est un document plus ou moins formalisé et complexe dépendant du

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type de système de produits-services développé (product, use, result oriented). (Reim et al., 2014). Le contrat stipule le niveau de contribution des fournisseurs et la nature de leur implication. C’est un document plus complet qu’un agrément logistique type supply agreement qui spécifie uniquement les quantités, le prix, la livraison des produits (Bidault et al., 1998). L’élaboration du contrat permet une discussion entre l’entreprise cliente et les fournisseurs autour de la propriété intellectuelle (qui est propriétaire de quoi) (Bidault et al., 1998), des contraintes de coût, qualité et délai (Bidault et al., 1998) et des spécifications (Nellore, 2001). Néanmoins l’entreprise cliente ne doit pas uniquement se focaliser sur l’élaboration du contrat, mais aussi mettre de l’effort à manager la relation informelle avec les fournisseurs (Sjoerdsma and van Weele, 2015).