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L’intégration fournisseurs chez Schneider Electric

Chapitre 1. Contexte et émergence de la problématique

1.3. La collaboration client-fournisseurs en développement de nouvelle offre

1.3.4. L’intégration fournisseurs chez Schneider Electric

Sur un chiffre d’affaires de près de 26,6 milliards d’euros en 2015, la part des Achats dans l’entreprise Schneider Electric est de près de 11 milliards d’euros (soit 40% du chiffre d’affaires). Le groupe a des relations commerciales avec quelques 50 000 fournisseurs dans le monde. Quelques centaines d’entre eux sont prioritaires, c'est-à-dire que les échanges ne se limitent pas seulement à de simples transactions commerciales. Les fournisseurs prioritaires sont force de proposition pour des développements d’offres futures (par exemple l’intégration de nouvelles technologies) et sont considérés comme fiables pour co-développer. Les fournisseurs prioritaires sont des partenaires. Quelques dizaines seulement sont stratégiques. Il s’agit de fournisseurs avec lesquels Schneider Electric crée des alliances à long-terme, afin de pouvoir partager des ressources, développer ensemble un nouveau marché, investir en commun sur des capacités de productions. La variété de fournisseurs avec lesquels Schneider Electric travaille à travers le monde démontre à quel point le groupe compte sur son réseau de fournisseurs pour tenir sa place de leader sur les marchés qu’elle occupe.

Même si l’entreprise a une histoire manufacturière et s’est développée suite au rachat d’autres entreprises, Schneider Electric travaille en collaboration avec certains de ses fournisseurs pour développer de nouveaux produits, de nouveaux services, ou de nouveaux systèmes de produits-services. Ce type de collaboration a été relativement rare jusque dans les années 2000 mais, comme nous l’avons expliqué en introduction avec l’évolution des marchés, des clients et de la concurrence, l’entreprise se tourne de plus en plus vers ce type de relation pour continuer à être leader sur ses marchés et toujours proposer des innovations répondant aux (nouveaux) besoins de ses clients. Ce sont ces collaborations avec les fournisseurs qui nous intéressent dans notre étude. Pour cela nous allons voir comment les processus de développement de création d’offres actuels abordent la problématique de la collaboration. Puis nous présenterons un ensemble d’outils d’aide à la collaboration développée en 2007 chez Schneider Electric.

Le processus qui nous intéresse ici est le processus de développement des produits, -Product Management Process (PMP)- (Figure 1-6) qui est au cœur de la problématique du co-développement d’une nouvelle offre. En effet, le Le besoin des équipes projet est d’améliorer la prise en compte de la problématique du co-développement dans les processus de création d’offres actuels. Les équipes projet faisant face à une problématique de collaboration sont peu supportées et aidées par les processus actuels. Une boîte à outils d’aide à la préparation et à la gestion de la collaboration a été développée par les équipes centrales en 2007. Notre projet de recherche s’appuie sur le contenu de ces outils, qui recense de multiples éléments critiques à partager avec le fournisseur afin d’améliorer la performance de la collaboration. Ces outils sont en fin de compte supports à notre projet de recherche.

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développement d’un système de produits-services comprend le développement de produits et de services qui suivent ce processus PMP. Ce dernier est composé de jalons et d’un ensemble de livrables. Chaque livrable est sous la responsabilité d’un métier. Dans notre cas, ce sont principalement des livrables gérés par les Achats qui nous intéressent. Lors du stage de Master Recherche nous avons analysé la place du co-développement par le processus PMP. Nous avons mis en avant quelques faiblesses des processus actuels pour répondre aux besoins des équipes projet travaillant en co-développement avec des fournisseurs. Par exemple quelques livrables font référence à des outils d’aide à la collaboration (les outils TANGO, expliqués ci-dessous). Ces livrables ne spécifient pas les activités à effectuer par Schneider Electric ou par le fournisseur dans les phases de préparation ou d’exécution de la collaboration. Nous notons donc un manque de clarté dans la finalité des livrables : quel message portent-ils ? A qui s’adressent-ils ? Pourquoi ?

L’audit effectué par les équipes centrales sur la viabilité des processus de créations d’offres actuels a mis en avant le manque de support de la part du processus dans la gestion de ce type de relation avec les fournisseurs. Il y a une forte demande des chefs de projets, responsables techniques, acheteurs, d’approfondir cette problématique dans le processus PMP. Cela passe notamment par le besoin de spécifier dans le processus la définition des rôles et responsabilités de chacun dans la collaboration et de définir un processus de développement commun. Ces aspects ne sont explicités nulle part dans le processus et bien souvent les équipes projet passent outre, oublient, ce qui cause par la suite de graves dommages aux relations client-fournisseurs (augmentation du délai de développement, augmentation du coût du projet, perte de qualité, conflits). C’est pourquoi l’intérêt de manager par les processus est d’autant plus vraie dans une collaboration client-fournisseur : l’objectif est de généraliser de bonnes pratiques et de bonnes lignes directrices afin d’améliorer la performance. C’est à cela que notre projet de recherche va contribuer.

La collaboration avec les fournisseurs en dans le développement de nouvelles offres a été le sujet de travaux antérieurs chez Schneider Electric. La communauté des Achats dans l’entreprise a été motrice dans ces travaux. L’un de ces travaux, le plus abouti aujourd’hui est l’offre d’outils d’aide au management d’une collaboration client- fournisseurs appelé TANGO. C’est une boîte à outils développée par Marie-Anne Le Dain lors de son année de délégation dans l’entreprise entre 2006 et 2007. Certains de ces outils ont été approfondis pendant la thèse de Sandra Cheriti entre 2007 et 2009. TANGO est décrit comme un processus regroupant cinq étapes (Figure 1-12) : la décision de collaborer ou non avec des fournisseurs (Design or Buy Design decision), la sélection du fournisseur (Supplier Selection), l’exécution de la collaboration (Collaborative Management), la mise à disposition d’une plateforme d’échanges de données (Collaborative Workspace) et enfin l’évaluation de la performance de chaque partenaire (Schneider Electric et les fournisseurs) dans le projet collaboratif (Performance Evaluation). Le succès de

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la collaboration peut aboutir à délivrer au fournisseur un label TANGO, qui valide la possibilité de collaboration future avec lui.

Figure 1-12

Les éléments de la boîte à outils TANGO (source Schneider Electric)

A chaque étape, des outils ont été développés pour aider à la construction et au management de la collaboration. L’objectif était d’aider les équipes projet à faire face à la problématique du développement conjoint d’une nouvelle offre avec un fournisseur.

Par exemple l’outil Supplier Involvement Matrix permet à l’équipe projet Schneider Electric de positionner les produits à externaliser sur la matrice des situations collaboratives (présentée en Figure 1-11) et, au vu du marché fournisseurs, aide à prendre la décision de Design-or-Buy-Design (c'est-à-dire de développer en interne ou de collaborer avec un fournisseur). Une fois la décision prise de collaborer, cet outil permet à Schneider Electric de définir le niveau de responsabilité à accorder au fournisseur, d’évaluer le risque du projet et mettre en évidence les points critiques à surveiller. Cet outil qui se présente sous forme de feuille Excel permet à l’équipe projet d’aborder de multiples éléments d’évaluation, de se poser les bonnes questions et d’anticiper des éléments qui peuvent être critiques pour la suite du projet.

L’offre TANGO comporte de multiples outils riches en éléments que les équipes Schneider Electric et fournisseurs doivent se partager et discuter. L’utilisation de ces outils nécessite une volonté de la part des équipes de mettre en place une démarche commune de développement collaboratif. En ce sens les outils peuvent aider à construire et piloter la collaboration car ils amènent les équipes projet à se poser de multiples questions relatives à la

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collaboration. Par exemple celles-ci sont amenées à réfléchir à leur habileté à co-développer avec un fournisseur, à analyser leurs propres faiblesses et leurs propres forces, à comprendre l’environnement du fournisseur. Les outils TANGO sont donc de riches mines de questions qui soulèvent de nombreux éléments de discussion lors de la préparation de la collaboration. En ce sens, notre projet de recherche s’appuie sur la boîte à outils TANGO et aux nombreux éléments soulevés par les questionnements présents dans ces outils.

1.4.

Emergence des questions de recherche

Notre projet de recherche s’inscrit dans la continuité de travaux de recherche dans lesquels, aussi bien l’entreprise Schneider Electric que les laboratoires G-SCOP et CERAG, ont participé. Le travail de thèse de Slim Harbi (1998- 2001) a initié la collaboration entre ces différentes entités. Puis Schneider Electric a été partenaire du projet PRAXIS (2006-2013), projet dont l’ambition était de développer et déployer des outils et méthodes pour construire et piloter une relation performante avec les fournisseurs dans les projets de développement de produits nouveaux. Ce projet a donné lieu à la délégation d’un an de M.A. Le Dain (2006-2007) et à la thèse CIFRE de Sandra Cheriti (2007- 2010). Enfin cette collaboration a perduré avec le travail de thèse d’Hélène Personnier (2010-2013) développé en collaboration avec l’entreprise SOMFY, dont l’objectif était d’étudier les dysfonctionnements potentiels dans le Développement de Produits Nouveaux en collaboration avec les fournisseurs.

Nous allons dans un premier temps voir comment la collaboration initiée en 1998 continue aujourd’hui avec notre projet de recherche. Pour cela nous faisons le parallèle entre l’évolution des besoins de l’entreprise et les connaissances apportées par les instituts de recherche, les uns comme les autres ayant contribué à l’émergence de notre projet (section 1.4.1). Puis nous détaillons dans une seconde partie les questions de recherche qui ont structuré notre étude (section 1.4.2).