Les vacances : un temps de loisirs dans la nature
4. Le Club Med, vacances sportives et plongée sous-marine
minimum de temps et permettre aux stagiaires de “se faire plaisir” tout en progressant. »
Cette démarche pédagogique s’accompagne logiquement d’un effort mené sur le matériel. En équitation, l’usage de la selle creuse privilégiée à la selle anglaise, qui nécessite une certaine expérience de pratique, en est un exemple. Dans le domaine de la voile, les embarcations d’utilisation simple, réduisant le technicisme au strict nécessaire, sont plus à même de répondre aux besoins des stagiaires et de garantir un coût raisonnable en limitant également l’accastillage. L’UCPA a même contribué directement à la conception de certaines embarcations (Malesset, 1985). Ainsi, l’effort pédagogique concilié avec un choix ou avec la conception d’un matériel adapté permet à l’UCPA d’être plus efficace dans ses missions, à savoir favoriser la pratique des activités de plein air pour le plaisir de la jeunesse.
L’UNCM, l’UNF puis l’UCPA révèlent l’émergence des vacances sportives et de la consommation des loisirs (Chovaux, 2008). La création de camps fixes en montagne ou sur les rivages assure les conditions matérielles de développement des séjours sportifs. La jeunesse qui a vécu les colonies de vacances ou participé à Jeunesse et montagne a révélé la pertinence de ces dispositifs et le succès est au rendez-vous. Mais l’UCPA a la spécificité d’être une association soutenue par l’État, qui participe donc à sa politique sportive. De ce fait, elle bénéficie de subventions pour offrir une prestation accessible au plus grand nombre, mais néanmoins ciblée sur les jeunes. Aussi, le marché n’est pas saturé et d’autres acteurs émergent pour offrir des prestations semblables, dans le sens où il s’agit de séjours pour lesquels le sport occupe une place importante mais à destination d’une autre clientèle, plus aisée et éventuellement moins jeune.
4. Le Club Med, vacances sportives et plongée sous-marine
Si le Club Med apparaît aujourd’hui comme un acteur important du tourisme dont les connexions avec le monde sportif sont limitées, il est important de rappeler que l’activité sportive n’est pas seulement un service annexe proposé aux voyageurs mais fait partie des fondements du concept du Club Med. Ainsi, plusieurs auteurs (Réau, 2005 ; Passavant, 1996 ; Mascret, 2010) sont revenus sur cette entreprise qui a contribué au développement des activités physiques de plein air.
À l’origine du Club Méditerranée, selon l’historique de l’entreprise publié sur son site177, G. Blitz, ancien champion de water-polo découvre un camp de toile en Corse qui inspire son concept original. Il s’associe avec Trigano, fabriquant de tentes, pour lancer son premier village à Alcudia sur l’île de Majorque en 1950. Son équipe assure les animations et l’encadrement d’activités sportives dans une ambiance décontractée. « Venir au Club, c’est caser l’envie, ouvrir les bungalows de ses désirs les plus cachés. (...) De fait, à la fin des années 50 alors que les Français pensent encore à la reconstruction nationale, la nouveauté́ tient à une forme de relations humaines qui rompt tout autant avec les contraintes de la vie de tous les jours qu’avec l’anonymat feutré de l’hôtel. » (Rauch, 2001, p. 171).
Le succès est immédiat et toutes les demandes ne sont pas satisfaites. Rapidement, les villages se multiplient : on en dénombre 26 en 1965, 31 en 1967. Les implantations se
font d’abord sur le littoral méditerranéen, puis le long des plages tropicales, avant d’investir la montagne pour se saisir du succès du ski.
Le concept du Club Med fait une place importante aux activités sportives. Partant de cette simple observation, il joue un rôle dans le développement du sport et, par sa spécificité en termes de localisation et de temporalités, les activités de plein air sont les premières concernées. Mais le Club Med va plus loin, pour assurer une offre toujours plus attractive, en innovant au profit du développement de la pratique sportive. La thèse de V. Mascret met clairement en évidence cet argument dans son histoire de la plongée de loisir en scaphandre autonome. Qui plus est, il souligne que le rôle du Club Med n’est pas anecdotique, tant qualitativement que quantitativement, et cette analyse justifie pleinement la prise en compte des acteurs du tourisme dans le développement de la pratique sportive.
En effet, comme l’analyse Mascret (2010, p.158) : « L’aventure sous-marine devient indissociable du Club Méditerranée et le passage de la chasse avec peu de matériel à
la plongée avec un peu plus d’équipement est rapide. En 1951, Le Trident, le bulletin
du Club, titre : « Une nouvelle activité du club : l’exploration sous-marine », et le précise clairement : « Dans son programme de développement, le Club a prévu pour cette année, la création d’une nouvelle section d’exploration sous-marine. [...] Il ne s’agit pas pour nos explorateurs de tuer du poisson. Il s’agit de tourisme sous-marin. »178. Le succès du Club Med en fait un acteur phare du développement de la plongée sous-marine. En 1959, les deux écoles de plongée du Club Med (Palinuro et Paleokastritza) comptent plus de 2000 inscriptions aux cours d’initiation au scaphandre autonome. Dans l’ensemble des activités du Club Med, incluant la chasse sous-marine, 8000 personnes ont pratiqué. La même année, le nombre de licenciés à la Fédération française d’études et de sports sous-marins est de 10 313.
L’exemple du Club Med est intéressant pour révéler l’importance que peuvent avoir des organismes privés dans le développement des pratiques de nature. La demande de loisirs sportifs représente un marché économique viable dans les années 1950. Si le secteur associatif se positionne sur les jeunes avec une mission d’éducation, le créneau des adultes est concurrencé par les entreprises commerciales. Et, contrairement à la majorité des sports de compétition, cette classe d’âge représente, dans les activités de nature, la majorité des pratiquants. Les services sportifs mis en œuvre par des professionnels, que ce soit les guides ou les moniteurs de ski qui se structurent à cette époque, drainent une large part des pratiquants et constituent, à ce titre, des acteurs importants du secteur. Cette situation est d’autant plus remarquable que, contrairement aux fédérations de sports de compétitions, la clientèle des professionnels ne recoupe que très marginalement les membres des clubs. À partir des années 1950, il faut également envisager de composer avec des professionnels du tourisme qui ont choisi de se spécialiser dans les activités sportives.
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Les activités de plein air posent un problème d’accessibilité plus grand encore que la pratique des sports en général. Non seulement, les pratiques se sont développées dans les franges les plus aisées de la population mais, en outre, la pratique impose des coûts importants liés au déplacement et à l’hébergement à proximité des sites. Il y a un effet géographique perceptible car, au niveau du CAF, on remarque que le recrutement est moins élitiste dans les villes de montagne où les membres aux positions sociales les moins élevées tirent avantage de la proximité des sites pour s’impliquer dans telle ou telle pratique.
Pour les classes moyennes puis populaires, ce même avantage peut se produire de manière temporaire, pendant les vacances. En effet, le temps des vacances offre cette opportunité de s’appuyer sur une période prolongée de temps libre pendant laquelle la mobilité devient possible. Bien entendu, au début de notre période, le phénomène touche d’abord les jeunes. Puis, au fur et à mesure du développement des congés payés, d’autres catégories de personnes sont touchées. Avant les accords de Matignon, les employés des banques et assurances bénéficient des premières mesures en faveur des congés annuels. Le Front populaire généralise les quinze jours de congés payés avant qu’ils ne soient progressivement étendus.
S’ajoutent à cela les opportunités matérielles. Le camping devient populaire durant l’entre-deux-guerres et représente très vite un formidable potentiel pour permettre à des gens peu fortunés de partir en vacances à moindres frais. Le TCF s’est d’ailleurs emparé de la promotion de cet outil pour développer le tourisme populaire. Les premiers séjours du Club Med sont bâtis sur ces villages de toile.
Ainsi, les vacances, pour tous les âges et tous les budgets, offrent souvent des opportunités particulières pour pratiquer des activités de plein air. Elles contribuent à initier de nombreuses personnes. Parmi elles, certaines choisiront de s’engager durablement dans ces activités et participeront au mouvement d’institutionnalisation des pratiques (chapitre 9). Cette dynamique est d’autant plus efficace qu’elle s’appuie sur le soutien de l’État. En effet, alors que se construisent les premières politiques sportives nationales, les activités de plein air sont très vite intégrées pour jouer un rôle spécifique, propre à leur identité.