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La contribution de l’IAURP dans la définition des BPAL

Aménagement du territoire : le cas des bases de plein air et de loisirs

2. La contribution de l’IAURP dans la définition des BPAL

Tableau 7 Répartition du financement dans le cadre de l’aménagement de la BPAL de Jablines (Seine-et-Marne)

Phase 1 : Études et

acquisitions foncières Phase 2 : Travaux d’aménagement

Jeunesse, Sports et Loisirs 50% 35% District de la région parisienne 50% 35% Département et communes intéressées 0% 30% Source : Morel (1973).

La phase d’études et d’acquisition foncière nécessite une expertise dans le domaine de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, tant du point de vue juridique que technique. Aussi, le préfet de la région parisienne se tourne naturellement vers ses partenaires qui sont impliqués dans les grandes opérations d’aménagement autour de la capitale. En effet, la création de quatre villes nouvelles aux abords de la capitale a engagé une nouvelle vision de la métropole et développé des actions sans précédent. Des agences créées à l’initiative du gouvernement apportent l’aide technique aux collectivités dans le cadre de ces opérations. C’est également vers elles que vont se tourner les acteurs pour penser et concevoir les BPAL. Ainsi, l’Agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP) est mobilisée. Créée en 1962, l’agence assure le montage d’opérations intégrant opérations foncières, aménagement et constructions publiques en Ile-de-France. En 1967, une convention signée entre le Haut-commissariat d’État à la Jeunesse et aux Sports et le district de la région parisienne charge l’AFTRP de trois tâches : acquérir les terrains, réaliser les études préalables, et exécuter les premiers travaux d’aménagement permettant l’ouverture au public.

Cet appui technique révèle l’importance du rôle des urbanistes dans la conception et la réalisation des BPAL, notamment en région parisienne. Mais cette influence s’étend bien au-delà car si l’ingénieur des ponts et chaussées de l’AFTRP, C. Morel, témoigne du fait que « l’A.F.T.R.P. n’a voulu ni définir a priori un programme d’équipements, ni arrêter un plan d’aménagement figé » (1973, 33), le secrétariat d’État charge l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne (IAURP) d’établir un ensemble d’études pour faciliter la réalisation des bases de loisirs sur l’ensemble du territoire national. Sans aller jusqu’au plan type que l’on connaît pour les gymnases du type « COSEC » (Complexe OmniSport Évolutif Couvert) ou les piscines (modèles Tournesol, Caneton, Plein Ciel, Plein soleil, Iris), les guides de l’IAURP orientent clairement les schémas d’aménagement.

2. La contribution de l’IAURP dans la définition des BPAL

L’IAURP a été créé en 1960 à l’initiative du Ministère de la construction. Fondé dans le même esprit que l’AFTRP, cet institut a une expertise centrée sur l’urbanisme. Ainsi, le travail réalisé entre les deux agences est complémentaire pour mener à bien

des programmes urbains d’envergure qui nécessitent des compétences techniques pointues. L’expertise de l’IAURP et la pertinence du recours à ses services sont avérées par plusieurs faits : d’une part, l’IAURP a publié un numéro spécial de sa revue (Maurel, 1968a, 1968b) qui peut s’apparenter à un inventaire international de bonnes pratiques – avec un focus sur les loisirs nautiques aux États-Unis et l’aménagement des loisirs au Pays-Bas ; d’autre part, l’IAURP est mobilisé concrètement dans deux projets de BPAL de la région parisienne. Ainsi, lorsque l’IAURP est mandaté198 par le ministère chargé des sports pour réaliser différentes études afin de guider les acteurs impliqués dans un projet de création d’une BPAL, c’est bien un spécialiste de l’urbanisme qui est mobilisé.

2.1 La réalisation des guides

Au sein de l’IAURP, M. Michel négocie le contrat pour « l’étude des conditions optimales de réalisation de BPAL » avec M. Grosborne du Secrétariat d’État aux sports. Il est prévu de constituer une équipe pluridisciplinaire, dont le recrutement est spécialement pensé pour répondre à la commande, et qui doit être pérennisée pour développer une cellule « loisirs » au sein de l’IAURP. Cette équipe doit être composée d’un urbaniste, d’un paysagiste, d’un économiste, d’un ingénieur et d’un dessinateur199. Malheureusement, la gestion du projet au sein de l’IAURP ne suit pas le plan initial.

A. Maurel, chargé de recherche au sein de l’IAURP et qui avait participé à la définition du contrat, se retrouve en charge du pilotage, prenant un niveau de responsabilité supérieur à sa fonction. L’équipe souhaitée ne verra jamais le jour, pour différentes raisons. Une paysagiste est recrutée mais s’avère inefficace et souvent absente ; elle finit par être licenciée. L’affectation d’un économiste de l’IAURP au projet est prévue mais, au dernier moment, la personne est licenciée avant même de prendre ses fonctions. L’ingénieur prévu n’est jamais recruté. Enfin, pour couronner le tout, la secrétaire est également licenciée en cours de contrat. A. Maurel se retrouve pratiquement seul à assumer cette mission, non seulement au niveau du travail à réaliser, mais également pour assumer personnellement certains frais de documentation et de rémunération d’une dessinatrice ! C’est donc dans des conditions difficiles que sont réalisés ces travaux. A. Maurel200 s’en plaint à sa direction au sein de l’IAURP et en informe le Secrétariat d’État à la Jeunesse et aux Sports (SEJS) qui continue de payer une prestation telle qu’elle a été définie initialement, tandis que les conditions de travail se dégradent.

Pour notre analyse, il est important de retenir que les compétences mobilisées pour ces études sont, avant tout, celles de A. Maurel, qui a porté ce travail de bout en bout et permis sa réalisation. Il s’agit donc d’un homme dont les compétences sont celles d’un urbaniste qui transmet sa conception de la ville à travers ses espaces de loisirs et leur place dans la cité.

198 Par un contrat signé le 4 décembre 1969.

199 Contrat n°69.05.133.232.75.01 relatif à une étude sur les conditions optimales de réalisation des bases de plein air et de loisirs, AN 19810453/9.

200 Courrier du 24 avril 1971 de A. Maurel (IAURP) à M. Laure (IAURP) et à M. Grosborne (SEJS). AN 19810453/9.

2.2 Études techniques et schémas fonctionnels

En dépit des difficultés internes, les études commandées par le SEJS voient le jour, parfois en ayant recours à la sous-traitance, et les mémoires sont progressivement remis entre décembre 1970 et juillet 1972. Le champ des sujets traités est vaste. Il est question des problématiques liées à la création de la BPAL : choix du lieu d’implantation en fonction des possibilités géographiques et géologiques, dispositions juridiques permettant l’acquisition foncière, et exemples d’aménagements (Tableau 8). Tableau 8. Études réalisées par l’IAURP et remises au SEJS. • Exemples d’aménagements à réaliser dans les bases de plein air et de loisirs • La réalisation des bases de plein air et de loisirs • Note de travail sur les aménagements liés à l’eau • Note de travail sur les aménagements des surfaces terrestres et paysagistes • Aide-mémoire pour la préparation des dossiers de bases de plein air et de loisirs • Inventaire et analyse des caractéristiques naturelles des sites en vue de l’implantation des bases de plein air et de loisirs (guide d’étude) • La préparation des avant-projets pour la réalisation des bases de plein air et de loisirs • Éléments bibliographiques sur les loisirs de plein air Sources : AN 19810453/9

Même s’il est prévu de profiter de dispositions naturelles existantes, les bases de plein air sont pensées d’emblée comme des aménagements pour modeler la nature en fonction des besoins déterminés. Ainsi, en région parisienne, une première étude des lieux d’implantation potentiels est réalisée en sélectionnant des espaces qui disposent d’atouts, du fait de leur caractère forestier ou de leur proximité avec un cours d’eau (Figure 19). Si certains lieux présentent déjà des plans d’eau existants, les lieux d’implantation sont souvent des gisements de sable et de gravier à sec que l’on trouve au voisinage des rivières car « il sera en effet possible, soit d’aménager des excavations existantes en plan d’eau, soit d’inclure dans le processus d’exploitation de ces gisements, la création ultérieure d’un plan d’eau » (Poitvein, 1972, p. 31). Cette nécessité de modeler le terrain de manière artificielle suit une logique d’optimisation du terrain pour répondre aux contraintes des pratiques de loisirs prévues.

Ainsi, « Les plages ou solarium devront être orientés Sud, Sud-Ouest, afin de bénéficier d’un ensoleillement maximal, en particulier l’après-midi. » (Poitvein, 1972, p. 19). Les vents ne sont pas non plus subis car : « Le vent crée, en effet, des sensations de froid qu’il est nécessaire d’éviter, il faudra donc dans ce cas combiner l’orientation avec des systèmes de protection du vent. » (Poitvein, 1972, p. 19). Même les arbres utilisés en coupe-vent sont pensés en cohérence avec l’usage du plan d’eau pour la voile car, selon la perméabilité du coupe-vent, l’écoulement du vent risque d’être perturbé au détriment des conditions de pratique de la voile (Figure 20). Ainsi, il est préférable d’implanter des feuillus, moins denses que les conifères.

Figure 19. Sites de la région parisienne susceptibles d’être aménagés en BPAL en novembre 1965. Source : Archives Nationales Figure 20. Comparaison de l’effet de freinage du vent suivant la nature de l’obstacle (d’après Poitevin, 1972, p. 17)

Ces quelques exemples révèlent que l’aménagement des BPAL ne laisse rien au hasard. Tout est conçu en amont pour répondre de manière optimale aux usages prévus. Il est intéressant de voir que la logique de construction et de développement des sports de plein air est totalement inversée dans cette démarche. La dynamique

à PARIS

d’évolution de ces activités est largement liée aux efforts d’adaptation de l’homme pour investir des espaces naturels souvent difficiles d’accès. Là, une représentation de ces activités à un moment donné permet de définir des conditions de pratique déterminées comme idéales. Aussi, il est important de considérer que ce qui apparaît comme un vecteur de massification de la pratique, de par l’accessibilité des BPAL à la population, est simultanément un handicap pour l’évolution des sports de plein air, déconnectés de l’environnement qui leur a donné naissance et de ses expressions multiples et variées.

Par ailleurs, la pratique des sports de plein air est très souvent liée à une mobilité. Mobilité pour accéder aux sites de pratique mais aussi mobilité pour changer de site de pratique. Même s’il y a des effets d’appropriation locale de territoires proches, comme l’a montré E. de Leseleuc (2000) pour l’escalade, il existe aussi une forte propension à une mobilité parfois très importante pour découvrir de nouveaux sites de pratique : Schut (2007a) et Mascret (2010) l’ont démontré dans l’histoire respective de la spéléologie et de la plongée sous-marine, notamment dans la deuxième moitié du XXe

siècle, avec le développement des compagnies aériennes. Les tours opérateurs spécialisés dans les voyages sportifs en sont également les témoins : UCPA, Club Med (notamment pour ses destinations plongées), Terres d’aventures pour le trekking, etc. Les BPAL, avec leurs aménagements standardisés pour créer les conditions « idéales » de pratique, génèrent simultanément, entre elles, une concurrence stérile, susceptible de freiner leur attractivité.

Mais la logique du raisonnement est autre. Les BPAL de la région parisienne sont pensées par rapport à une zone de chalandise réduite dans l’espace. S’il est entendu qu’elles doivent se situer aux portes de la ville, il est également attendu qu’elles répondent aux besoins des habitants d’un territoire proche. S’il y a un espace prévu pour l’hébergement, il est pensé essentiellement pour des séjours courts, le temps d’un weekend par exemple.

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