• Aucun résultat trouvé

La V e République et les infrastructures du plein air

Les activités de plein air dans les politiques sportives

4. La V e République et les infrastructures du plein air

pratiques participe à une réaction saine contre la sédentarité. L’instruction du 14 mars 1950 prolonge ces idées : « Par activités de plein air, il faut entendre toutes les activités qui, n’ayant pas pour objectif essentiel la participation à des compétitions, constituent un moyen à la fois éducatif et sportif d’utilisation des loisirs (ski, alpinisme, spéléologie, canoë, kayak, navigation à voile, camping, cyclotourisme). Faisant appel à l’esprit d’aventure et de découverte, aussi bien qu’aux qualités physiques, ces activités développent chez les pratiquants, à un haut degré, la volonté, l’endurance, le sang-froid, le sens de la solidarité. Elles constituent en outre une merveilleuse détente après de longues journées de travail »186.

Forte de ces vertus, une politique de développement est définie. Elle se décline autour de trois volets complémentaires : la dotation en équipements, la réglementation, et la formation des cadres. Si l’administration des sports sous la IVe République a engagé les premières actions dans le domaine de la réglementation des cadres et la formation, cette action sera considérablement amplifiée et accélérée sous la Ve République. Elle n’en demeure pas moins constante dans son idéologie et ses modalités.

4. La Ve République et les infrastructures du plein air

L’avènement de la Ve République, en 1958, marque un profond changement dans le gouvernement français. Le changement de constitution donne au gouvernement élu une majorité stable, à même de lui permettre d’engager pleinement ses actions. Les hommes qui l’instaurent, C. de Gaulle en tête, incarnent ce gouvernement fort qui engage des projets structurants pour la grandeur nationale. Le contexte économique favorable permet au gouvernement de réaliser d’importants investissements rendus nécessaires par la croissance de la population et les transformations du monde du travail, que ce soit pour soutenir l’industrie ou pour développer la formation scolaire. Cet esprit souffle également dans l’univers du sport et de l’éducation physique. M. Herzog est nommé Haut-commissaire à la Jeunesse et aux Sports. Il représente moins un politique que la figure de l’expert du secteur, comme C. de Gaulle les affectionnait dans son gouvernement. Même si M. Herzog, après son passage au gouvernement, de 1958 à 1966, poursuivra une carrière politique à la mairie de Chamonix, il est important de rappeler la figure qu’il était, avant sa nomination. M. Herzog est un alpiniste chevronné. Il a présidé le Club Alpin Français et figure parmi les héros de la discipline pour avoir atteint le premier, avec L. Lachenal, un sommet de plus de 8000m, l’Annapurna. Gloire des Français dans la course internationale vers les plus hauts sommets himalayens. Aussi, M. Herzog a une sensibilité personnelle particulière pour les sports de nature.

Pour autant, sa politique sportive se tourne vers le développement du sport de masse, que ce soit à travers les fédérations sportives auprès desquelles il s’attèle à faire davantage peser les orientations du gouvernement (Martin, 1999) ou en multipliant les équipements sportifs et socio-éducatifs. En effet, dès 1961, M. Herzog introduit ces infrastructures dans les plans quinquennaux d’investissements. Trois plans successifs permettront au gouvernement d’Herzog et de son successeur, F. Missoffe, d’ériger des milliers de stades, gymnases, plateaux EPS, piscines et autres courts de tennis. Ces équipements participent pleinement au développement du sport. La création rapide de nouveaux équipements peut être corrélée à l’augmentation de la pratique licenciée

même si d’autres facteurs culturels sont à l’œuvre, à l’école notamment (Attali & Saint-Martin, 2007).

M. Herzog semble intervenir sans privilégier les sports de nature sur les sports traditionnels qui sont au cœur des pratiques fédérales et scolaires. D’ailleurs, la demi-journée de plein air instaurée par L. Lagrange devient la demi-demi-journée de sports en 1961. Pour autant, son action de structuration des sports de nature est réelle et tangible (Lafabrègue, 2014).

Au niveau de la réflexion sur les activités, une commission des « loisirs de plein air » est créée en 1963 et confiée à l’explorateur polaire Paul-Émile Victor. La synthèse des réflexions paraît en 1964, dans la brochure intitulée De l’air… pour vivre187. Cette brochure révèle la volonté d’améliorer la qualité de vie face à l’urbanisation grandissante. Pour ce faire, il est préconisé de prendre en compte le besoin des personnes de renouer avec la nature dans les instances qui prévoient le développement économique et social des régions. Il est également souligné que les activités de plein air peuvent favoriser le développement des territoires, notamment les espaces reculés. Enfin, il est question de développer des sites de vacances et des centres de plein air. Au niveau des structures d’accueil, le Haut-commissariat à la Jeunesse et aux Sports contribue à la multiplication des centres d’initiation aux sports de plein air. Leur nombre passe de 332 en 1962 (56 236 stagiaires) à 974 en 1969 (190 612 stagiaires) (Moundalek, 1988). Il impulse l’aménagement des bases de plein air (chapitre 10) et développe des centres spécialisés à Socoa (64), Beg-Rohu (56), Vallon-Pont-d’Arc (07) et Chalain (39). Il soutient également l’UNCM et l’UNF, puis l’UCPA dans leurs efforts pour développer des infrastructures d’accueil pour des vacances sportives (chapitre 7). C’est ainsi qu’apparaissent des dispositifs, à différents degrés de proximité de la population, pour les loisirs du weekend ou les vacances. De manière plus atypique dans l’action du Haut-commissariat, il est important de citer le « plan Neige », engagé en 1964, qui prend forme à la fois dans les aides aux associations, les subventions pour le développement des infrastructures, et la collaboration avec les professionnels de la montagne (Attali & Saint-Martin, 2015).

Au niveau des personnels, les conseillers techniques régionaux « plein air » renforcent les structures du Haut-commissariat. En 1959, la définition du brevet d’initiateur, de moniteur et d’instructeur de plein air, ouvre la voie des formations de cadres, avant que la définition du diplôme d’éducateur sportif, en 1963, donne une nouvelle base à la déclinaison des formations disciplinaires.

Le développement du sport, aux débuts de la Ve République, est manifeste. L’action de l’État est très importante et tout ce que les précédents gouvernements ont souhaité engager mais n’ont pas pu faire, faute de temps et/ou d’argent, le Haut-commissariat à la Jeunesse et aux Sports a les moyens de le mettre en œuvre. Les effets se font rapidement sentir. D’ailleurs, Martin (1999) sous-titre son ouvrage l’« élan gaullien ». On ne peut que partager son analyse, tant les réalisations sont importantes. Une conjoncture économique favorable, une politique centralisée dynamique, et une certaine habileté politique sont les clefs du succès qui permettent à M. Herzog de mener son action que ces successeurs poursuivront. L’alpiniste a su faire, aux activités de plein air, une place entière et particulière. De nombreux dispositifs sont instaurés pour favoriser l’accès à la pratique, y compris en rapprochant les activités de plein air de la population urbaine ciblée en premier lieu. En effet, le cœur de la politique

d’Herzog est le développement du sport de masse à des fins éducatives. Nul doute que ses convictions pour les activités de plein air devaient leur donner une place de choix parmi les dispositifs : « La vie en plein air représente, à notre époque de civilisation urbaine et d’existence trépidante, le plus précieux des éléments d’équilibre. Elle rapproche de la nature, elle est liée au développement du sport, elle constitue une véritable école de formation du caractère. Elle aide à produire des hommes, au sens plein du mot. Le plein air est synonyme de santé, de vigueur, d’audace raisonnable. Qu’il le soit aussi de solidarité et de loyauté. Qu’il forge entre les jeunes tous les liens de l’équipe et de l’effort commun ! J’invite la jeunesse française à trouver, dans les activités de plein air, tous les bienfaits de la nature, d’un harmonieux développement physique et de l’équilibre dans l’amitié »188.

* * * * *

Ce chapitre rend compte des politiques sportives menées depuis le Front populaire jusqu’à la fin des années 1960. Cette période correspond au début d’une action publique nationale véritablement incitative, à l’initiative de L. Lagrange, jusqu’à la période d’investissement la plus intense, sous le gouvernement de C. de Gaulle. Il apparaît très nettement que les activités de plein air ont une place à part entière, dans cette politique. Une place spécifique également. En effet, les activités de plein air sont définies par l’environnement et par leur organisation non compétitive. Elles sont donc les instruments appropriés pour favoriser l’hygiène des populations urbaines et la lutte contre la sédentarité. Ainsi, les objectifs assignés aux activités de plein air diffèrent légèrement des objectifs poursuivis dans les sports de compétition, même si les uns et les autres se recoupent sur les missions d’éducation et de santé. Malgré la spécificité des activités de plein air, les services en charge de la jeunesse et des sports mobilisent les mêmes outils que sont la formation, le soutien au mouvement sportif et l’aide à la construction. Les réalisations engagées à cette époque structurent durablement l’action étatique en France.

En mettant la focale sur la politique sportive en lien avec les fédérations sportives, ce chapitre aborde, de manière incomplète, l’action menée dans le cadre scolaire ou périscolaire, à l’image des classes de neige mises en place par le Dr Max Fourastier dès 1953 (Laffage-Cosnier, 2013) et, plus généralement, l’action menée par les professeurs d’EPS sur la demi-journée de plein air devenue demi-journée de sport en 1961. L’enseignement de l’éducation physique représente un pan particulier au sein du Ministère. Ce corps professionnel fonctionne comme les enseignants rattachés au ministère de l’éducation nationale. En parallèle, l’action du Ministère en charge des sports est davantage tournée vers le mouvement sportif (Le Noé, 2001), sur lequel il s’appuie de plus en plus pour mener à bien son projet. Or, les activités de plein air étaient fondées jusqu’alors sur des organisations peu conventionnelles dans le mouvement sportif, mais les assises institutionnelles évoluent.

Chapitre 9

Documents relatifs