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Impulsées dans le cadre de la politique publique de M. Herzog

Aménagement du territoire : le cas des bases de plein air et de loisirs

1. Impulsées dans le cadre de la politique publique de M. Herzog

la pratique des activités de plein air ? En d’autres termes, remplissent-elles la fonction d’un jardin public ou d’un équipement sportif ?

Pour répondre à nos questions, il est nécessaire de revenir sur la conception des premières BPAL. Cette analyse, qui permet d’établir qui les a financées, pensées, réalisées et gérées, nous amènera à clarifier les usages souhaités et les effets espérés de ces infrastructures. Une attention particulière à la position des acteurs nous aidera à comprendre leur manière de penser les BPAL et d’en définir les espaces différenciés pour les usages escomptés.

Pour réaliser ce travail, les principaux fonds d’archives mobilisés sont issus des dépôts du ministère chargé des sports, aux archives nationales et à celles de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne. La focale est particulièrement centrée sur l’action du ministère et les réalisations en Ile-de-France car cette région, particulièrement urbanisée, était la cible principale de l’action publique.

La période étudiée s’étend sur douze années, de 1964 à 1976. Le choix de cette période correspond à l’initiative du Haut-commissariat à la Jeunesse et aux Sports qui, par une circulaire datée de 1964, impulse la réalisation des BPAL. Nous faisons le choix d’interrompre nos investigations en 1976 du fait de deux événements successifs : d’une part, la fin des plans d’investissements nationaux dans les équipements sportifs en 1974, qui ont apporté les financements nécessaires à la concrétisation du projet et, d’autre part, la réalisation de deux études sur le fonctionnement de nombreuses bases qui sont nombreuses à avoir débuté leur activité dans les premières années de la décennie 1970. De cette manière, ce texte embrasse toute la phase de création des BPAL jusqu’à la première évaluation du fonctionnement du dispositif. De plus, elle s’arrête volontairement à la charnière entre l’impulsion du gouvernement et la prise en charge par les collectivités territoriales, qui marque une nouvelle étape dans leur développement.

1. Impulsées dans le cadre de la politique publique de M. Herzog

1.1 Les BPAL : un concept nouveau à définir

Avec le recul historique, les BPAL semblent être des équipements hybrides, des jardins publics étendus intégrant des équipements sportifs. De fait, dans la mesure où de nombreux jardins publics ont toléré l’implantation d’équipements sportifs en leur sein, il est parfois difficile de distinguer clairement leurs différences. Pourtant les BPAL font l’objet d’une définition qui s’inscrit dans une vision sportive et urbanistique particulière des années 1960.

Avant tout, dans la mesure où l’initiative provient du Haut-commissariat à la Jeunesse et aux Sports, c’est sous la signature de M. Herzog qu’apparaissent les premiers éléments de définition du concept : « En résumé, il est convenu d’appeler base de plein air et de loisirs, un complexe réunissant dans un site naturel, proche de la population à desservir, les éléments nécessaires à favoriser la pratique des sports et des activités de plein air et d’études culturelles, ainsi que la détente et l’oxygénation. »197

De cette définition jaillissent plusieurs points importants. En premier lieu, les BPAL sont des complexes édifiés dans des espaces naturels. La dialectique entre aménagement et nature est particulièrement intéressante car les activités de plein air, dont il est question ensuite, ont la particularité de permettre un déplacement dans un environnement naturel et de se définir, en grande partie, par ce cadre. Or, il s’agit ici d’inverser cette relation : l’activité ne se construit plus par l’adaptation de l’homme à un environnement naturel déterminé mais par l’aménagement de l’environnement « naturel » à une pratique déjà définie. En second lieu, les BPAL s’inscrivent dans une logique d’aménagement et d’urbanisme : elles représentent une polarité qui réunit les fonctions de détente et de pratique sportive, en un lieu qui est localisé en fonction de l’implantation de la population, ce qui sous-tend une réflexion sur la proximité et le transport. Enfin, il est important de noter les usages auxquels sont destinés les BPAL : des activités sportives et de plein air en premier lieu, mais également des activités culturelles et de détente. Sur ce point, la confusion avec les jardins publics disparaît : les usages sont semblables mais les priorités inversées. Les jardins publics ont été pensés pour l’oxygénation de la population urbaine et se sont vus progressivement investis par des pratiques sportives ; les BPAL sont des lieux pensés pour les pratiques sportives mais qui accueillent également la population à la recherche d’oxygénation. Ainsi, la circulaire du 20 janvier 1964 apporte des précisions sur les équipements qu’il convient d’implanter au sein de la BPAL pour répondre à sa vocation sportive (Tableau 6). L’intention du Haut-commissariat à la Jeunesse et aux Sports apparaît donc clairement à travers les qualités urbaines prévues pour ces lieux : rendre l’activité sportive accessible à tous, et créer un continuum entre la populaire promenade dominicale et l’activité sportive.

Tableau 6. Activités souhaitables pour les BPAL Activités nautiques - Aviron : lignes droites de 1500 à 2200m sur 90 à 120m de largeur - voile : largeur la plus grande souhaitable, vents favorables, garages à bateaux - canoë-kayak - canotage, pédalo - plage, baignade, bassin - plongée sous-marine - pêche Activités sportives - jeux d’équipe - tennis - pelote à main nue - ping-pong - golf (réduit ou normal) - hippisme - tir/tir à l’arc - boules - patinages à roulettes Autres activités - jeux divers (golf miniature, bowling…) - jardins d’enfants - activités de scoutisme - activités culturelles et jeux non sportifs - accueil (camping, hôtellerie, auberges de jeunesse) Source : Annexe de la circulaire du 20 janvier 1964.

Il est intéressant de noter que certaines activités font l’objet de précisions pour redéfinir la nature par rapport à l’activité sportive et ses contraintes. Trois cas se

distinguent. L’aviron est né du canotage sur les lacs et les rivières. Son évolution vers une pratique sportive, mue par la recherche de vitesse, a entraîné des évolutions dans les embarcations qui sont devenues si étroites et si légères (Arquey, 2007) qu’elles ne s’accommodent plus des virages d’une rivière (Beaudouin & Schut, à paraître). Ainsi, il est proposé, ni plus ni moins, de faire des couloirs rectilignes à l’image des lignes d’eau des bassins de natation, pour favoriser la pratique. À l’inverse, la voile connaît un développement d’embarcations légères, capables d’évoluer rapidement, de sorte que les adeptes ont besoin d’un espace large. 1Is abandonnent ainsi progressivement les bras des fleuves, qui offrent des conditions de pratique difficiles, pour privilégier les lacs ayant les dimensions adéquates. Les BPAL doivent donc intégrer ces besoins pour créer les conditions optimales de pratique de la voile. Enfin, la baignade est pensée en référence à la plage. Outre la représentation que l’on peut associer à la plage, au moment où une grande partie de la population part en vacances en bord de mer chaque été, la plage permet une pratique de la baignade dans de bonnes conditions de sécurité pour tous, que l’on sache nager ou pas. Un sol stable et une profondeur qui augmente progressivement permettent aux plus jeunes de se baigner et d’apprendre à nager tandis que les nageurs évoluent à leur rythme dans un second périmètre, plus profond.

Ces exemples montrent la volonté de modeler le terrain pour créer un espace naturel artificiel qui réponde aux exigences des pratiques sportives ciblées. Le tour de force souhaité à travers les BPAL est de favoriser plusieurs styles d’habiter (Stock, 2012) en offrant, en un même lieu, des espaces différenciés qui permettent l’individualisation de l’appropriation de l’espace.

1.2 Le choix des acteurs

La mise en œuvre des BPAL sur le territoire français est organisée sensiblement suivant la même procédure que celle initiée pour les autres équipements sportifs édifiés dans le cadre des plans d’investissements quinquennaux. M. Herzog a très tôt fait appel à une forme de déconcentration de l’action publique en s’appuyant sur les services départementaux (Falcoz & Chifflet, 1998), notamment sur une commission départementale composée de trois parties égales : les représentants de l’administration centrale, les élus locaux et le mouvement sportif. Cette forme d’action publique permet, bien entendu, de bénéficier d’une meilleure connaissance du territoire et entraîne la participation des acteurs locaux, autrement dit, des futurs usagers et gestionnaires des équipements.

Dans le cas des BPAL, la volonté d’une déconcentration est également manifeste mais les acteurs impliqués diffèrent, ce qui ne sera pas sans conséquences. Le préfet de la région joue un rôle important dans la programmation de l’équipement. Puis, pour chaque BPAL, un syndicat mixte, mis en place, a la charge d’effectuer les études préalables. Cet organe est composé de représentants de l’administration centrale et des collectivités locales : Conseil général et communes du lieu d’implantation.

Les collectivités locales sont associées, dès le début des opérations. Elles n’ont pas à assumer les dépenses d’études ni les acquisitions foncières ; en revanche, il est prévu qu’elles participent au financement des aménagements, à hauteur de 20 à 30% (Tableau 7).

Tableau 7 Répartition du financement dans le cadre de l’aménagement de la BPAL de Jablines (Seine-et-Marne)

Phase 1 : Études et

acquisitions foncières Phase 2 : Travaux d’aménagement

Jeunesse, Sports et Loisirs 50% 35% District de la région parisienne 50% 35% Département et communes intéressées 0% 30% Source : Morel (1973).

La phase d’études et d’acquisition foncière nécessite une expertise dans le domaine de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, tant du point de vue juridique que technique. Aussi, le préfet de la région parisienne se tourne naturellement vers ses partenaires qui sont impliqués dans les grandes opérations d’aménagement autour de la capitale. En effet, la création de quatre villes nouvelles aux abords de la capitale a engagé une nouvelle vision de la métropole et développé des actions sans précédent. Des agences créées à l’initiative du gouvernement apportent l’aide technique aux collectivités dans le cadre de ces opérations. C’est également vers elles que vont se tourner les acteurs pour penser et concevoir les BPAL. Ainsi, l’Agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP) est mobilisée. Créée en 1962, l’agence assure le montage d’opérations intégrant opérations foncières, aménagement et constructions publiques en Ile-de-France. En 1967, une convention signée entre le Haut-commissariat d’État à la Jeunesse et aux Sports et le district de la région parisienne charge l’AFTRP de trois tâches : acquérir les terrains, réaliser les études préalables, et exécuter les premiers travaux d’aménagement permettant l’ouverture au public.

Cet appui technique révèle l’importance du rôle des urbanistes dans la conception et la réalisation des BPAL, notamment en région parisienne. Mais cette influence s’étend bien au-delà car si l’ingénieur des ponts et chaussées de l’AFTRP, C. Morel, témoigne du fait que « l’A.F.T.R.P. n’a voulu ni définir a priori un programme d’équipements, ni arrêter un plan d’aménagement figé » (1973, 33), le secrétariat d’État charge l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne (IAURP) d’établir un ensemble d’études pour faciliter la réalisation des bases de loisirs sur l’ensemble du territoire national. Sans aller jusqu’au plan type que l’on connaît pour les gymnases du type « COSEC » (Complexe OmniSport Évolutif Couvert) ou les piscines (modèles Tournesol, Caneton, Plein Ciel, Plein soleil, Iris), les guides de l’IAURP orientent clairement les schémas d’aménagement.

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