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4.5 Les jeux et stratégies politiques

4.5.7 La succession des votations et des élections

Cette particularité du suffrage helvétique est toujours mise en évidence par le biais de la comparaison avec l’étranger179

. Pour contrecarrer la critique selon laquelle une telle justification dissimulerait une mystification ou simplement une mauvaise volonté des citoyens et des politiciens, en 1951, Karl Wick (LU/PDC) apporte un argument défendu par les intéressées elles- mêmes. « Die ablehnenden Frauen nehmen aber die Frage des Frauenstimmrechtes sehr ernst. Sie fühlen eine Überlastung durch die vielen Urnengänge, wodurch sie von ihrer eigentlichen

entgiftenden Einfluss auf das politische Leben ausüben. Nach den Erfahrungen im Ausland, wo die Einführung des Frauenstimmrechts nirgends zur Begründung einer besondern Frauenpartei geführt hat, glaubt heute kein Mensch mehr, dass unsere Mitbürgerinnen – frei nach Schiller – himmlische Rosen ins politische Leben flechten würden » (BSOAF, Conseil national, 19 mars 1958, p. 277).

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Armand Droz (FR/PLR), rapporteur, rappelle : « Du fait du droit de referendum et d’initiative, le peuple suisse est très souvent appelé aux urnes et, en matière fédérale principalement, invité à trancher des questions forts complexes » (BSOAF, Conseil national, 13 juin 1951, p. 514). Karl Wick (LU/PDC) et Max Albert Rohr (AG/PDC) relèvent également cet aspect, BSOAF, Conseil national, resp., 13 juin 1951, p. 519 et 19 mars 1958, p. 270.

179 Selon Melchior Hefti (GL/Dém.) : « Wenn das Frauenstimmrecht in unserem Lande nicht Fuss zu fassen

vermochte, so hat das seine triftigen Gründe. Schon der Unterschied, dass es sich im Ausland nur um ein Wahlrecht, bei uns aber um ein an den Bürger viel grössere Anforderungen stellendes Stimmrecht handelt, ist wesentlich » (BSOAF, Conseil des Etats, 20 septembre 1951, p. 382).

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Aufgabe im Staat und in der Gesellschaft abgelenkt würden180 ». Partisan acharné de la répartition sexuée traditionnelle de la société et des tâches, il a beau jeu de relever cette réalité qui s’est confirmée avec les années : même si les femmes recevaient de nouveaux droits et devoirs, elles conserveraient ceux qui leur étaient traditionnellement impartis ; une nouvelle répartition butte contre de nombreux obstacles, ce qui a pour conséquence de convertir toute nouvelle attente envers les femmes comme une charge181. La contradiction réside dans le refus d’une partie des femmes à intégrer un nouveau statut, fondamentalement positif et hautement valorisé dans la mesure où il revêt les valeurs chères à l’idéal démocratique. De façon surprenante, Ernst Bärtschi (BE/PLR) reprend cet argument, en 1951, pour lui donné un sens nouveau et inhabituel. La succession des votations ne représente pas un empêchement ou une charge inutile, comme aiment à le répéter les adversaires au suffrage féminin, mais, au contraire, elle ne fait que souligner plus douloureusement le traitement inégal entre femmes et hommes182.

Cette caractéristique de la démocratie référendaire helvétique est principalement utilisée comme argument contre le suffrage féminin par les opposants. En effet, dans leur vision du monde sexué, et de celle d’une grande partie des femmes et des hommes, l’activité politique ne représente qu’une charge supplémentaire pour les femmes183. Alors qu’il est définit comme droit essentiel pour le citoyen, il devient un lourd devoir pour les femmes. Un droit peut être utilisé selon son bon vouloir, alors qu’un devoir contient un aspect contraignant. De ce point de vue, le refus d’une partie des femmes à se voir imposer un nouveau devoir est compréhensible184

. Ainsi, la caractérisation des droits civiques a, ici, une application différenciée selon les sexes et une certaine portée menaçante dans la mesure où l’insistance sur le devoir est prédominante. En 1951, Harald Huber (SG/PSS) rejette catégoriquement cette perception de charge dans la mesure où il

180 BSOAF, Conseil national, 13 juin 1951, p. 519.

181 Aujourd’hui, l’investissement des femmes dans les tâches domestiques et familiales n’a pas diminué malgré

l’accroissement de leur participation à une activité rémunérée. Il est à souligner, qu’entre 1997 et 2007, les hommes, dans les mêmes circonstances, ont accru leur participation dans le travail domestique et familial, principalement dans l’assistance et le soin des enfants. Actualités OFS, « Temps consacré au travail domestique et familial : évolutions de 1997 à 2007 », Neuchâtel, 18.08.2009, notamment p. 19.

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« Da macht es nun in der Öffentlichkeit einen gewissen Eindruck, wenn von den Verfechtern des Frauenstimmrechtes bemerkt wird, gerade darin bestehe die Zurücksetzung der Schweizer Frau, dass der Mann so häufig abzustimmen und zu wählen habe, zur Urne gehen könne, während sie dazu das Recht nicht besitze » (BSOAF, Conseil national, 13 juin 1951, p. 536).

183 Comme le dit si joliment Jean Gressot (BE/PDC) : « […], car si, comme on l’a dit, la chose n’est peut-être pas

encore mûre cela ne provient pas d’un état de fait par la charge qu’on mettrait sur les frêles épaules de la femme ou de la mère de famille, car, en somme, si le droit politique est un honneur, c’est aussi une charge – […] » (BSOAF, Conseil national, 12 décembre 1945, p. 736).

184 Alois Grendelmeier (ZH/AdI.) dit à ce propos : « Diese unmassgeblichen Frauen, […], haben das Stimmrecht in

vollkommen unrichtiger Weise als blosse Pflicht bezeichnet. Genau so denken alle jene famosen männlichen Staatsbürger, die regelmässig nicht an die Urne gehen » (BSOAF, Conseil national, 13 juin 1951, p. 533).

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s’agit effectivement d’un droit donné aux citoyens qui en font librement l’usage qui leur semblent bon. « Aber niemand wird behaupten, dass die politischen Rechte eine Last seien, niemand wird gezwungen, am politischen Leben teilzunehmen, der das nicht tun will185 ». Le contenant implique souvent le contenu, et certains parlementaires abordent l’activité civique sous son aspect réflexif, avec, comme point de mire sur les femmes, sa complexité et le manque d’expérience, mais aussi l’immaturité politique des femmes.