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a radio numérique, de son nom technique DAB (Digital Audio Broadcasting)270 est nouvelle venue dans la galaxie des NTIC. On sait depuis peu qu’elle supplantera à terme la bande FM permettant globalement de multiplier par dix le nombre des stations ou plutôt celui de la quantité d’information diffusée. On sait aussi que le DAB transforme profondément la radio en la rendant multimédia271. On peut ainsi transmettre des informations textuelles, des données interactives,

269 On peut noter qu'à un certain niveau l'utilisateur lui-même doit aussi savoir s'organiser au niveau technologique et au niveau prospectif pour pouvoir faire évoluer son usage de l'information et de la communication dont peut dépendre étroitement sa pratique qui nécessite information et communication.

270 Il s'agit d'un standard industriel de radiodiffusion, résultat d'un projet Eurêka homologué par la plupart des pays industriels dans le monde à l'exception quasi unique des Etats-Unis. Il ne s’agit pas du DAB (Distributeur Automatique de Billets) qui rentre lui dans la problématique de l’échange et de la monétique. Notons que de mois en mois la norme européenne du DAB pourrait cependant être devancée par les formats américains concurrents en radio numérique. Les normes aussi peuvent mourir ou plutôt disparaître.

271 Pour des hypothèses d’usage pédagogique du DAB, voir : HUDRISIER (Henri), Radio : l’avenir c’est le numérique, in Universités, vol 18, n°1, mars 1997, pp. 13 à 16.

des images fixes, comme des cartes schémas ou des photographies. Au Salon de l’Auto 98, le DAB a été officiellement présenté parce qu’un des usages majeurs et haut de gamme de la radio est précisément l’autoradio.

De plus, le DAB répond à un besoin important du conducteur : celui de pouvoir disposer d’informations routières multimédias. Dans un premier temps, il s’agira de cartes et des données schématiques sur l’encombrement routier ou la météo. À terme, viendront s’associer des données d’assistance personnalisée au pilotage du véhicule ainsi que des informations touristiques ou commerciales localisées. Il est évident que le développement du DAB ne s’est pas fait en six mois. Le projet Eurêka, qui lui a donné naissance, s’est développé dans la fin des années quatre-vingt. Il s’appuyait sur l’hypothèse qu’on pouvait développer un potentiel communicationnel radio-numérique et interactif décrit plusieurs années auparavant par des chercheurs. Les diffuseurs d’informations radiophoniques, alliés aux constructeurs électroniques se sont concertés dans de nombreuses instances, notamment au Club DAB, qui leur a permis de développer des programmes au contenu d’abord expérimental puis aujourd’hui opérationnel et de faire évoluer des plates-formes techniques qui sont industrialisées comme première génération haut de

gamme innovante sous forme d’autoradios ou de cartes DAB destinées

aux ordinateurs multimédias actuels.

Selon un processus classique, la première génération sera amortie sur le petit marché très solvable des utilisateurs innovateurs. Les récepteurs seront proposés dans des fourchettes de prix oscillant entre 5000 et 15000 francs. Si tout fonctionne comme prévu, quelque temps plus tard viendra la deuxième génération amorçant le tournant vers le marché de masse.

D’un certain point de vue, ceux qui considèrent la radio numérique interactive comme une nouvelle technologie sont des imposteurs ; nouvelle technique certes, nouvelles technologies non !

Cet exemple montre bien, combien la plupart des innovations techniques dans le domaine de l’information et de la communication sont prévisibles à dix voire à quinze ans à condition de privilégier et de sélectionner les sources fiables, tels que les centres de recherches hautement spécialisés, les instances internationales de normalisation, les grands programmes de recherche internationaux et de ne pas se laisser influencer par le brouhaha médiatique issu du marketing industriel mélangeant volontairement les niveaux technique et technologique. Depuis cinq ans le nombre des institutions, des entreprises, des personnes informées du DAB était relativement important. Cela donne à penser que le besoin de discrétion prospective des industriels de l’information et de la communication est relayé dans la communauté des penseurs de la culture informationnelle par un bien étrange blocage collectivement inconscient. Nos sociétés développées vivent la nouvelle communication comme l’évolution collective et inconsciente d’un langage aux multiples ramifications. L’évolution de ce super langage répond à des comportements collectifs inconscients et l’on peut supposer que pour construire ce langage, nos cultures aient besoin de sentir

l’environnement communicationnel, son cadre technique, son devenir d’usage, comme un univers imprévisible sous peine de ne pouvoir se construire aujourd’hui face à un demain répondant à d’autres codes et d’autres environnements techniques et technologiques.

En ce sens, la prospective en information et communication prenant source en aval de la production industrielle de machines et de programmes serait bien l’autre face, complémentaire et indispensable de la prospective plus purement technologique.

Ce constat dichotomique et cette mise en cause simpliste dans son machiavélisme économico-industriel doivent être tempérés par une ou deux remarques.

La mise en place progressive d’un potentiel puis d’un devenir technologique générant la mise en production d’un univers technique de l’information et la communication est un long chemin pavé d’espoirs, de découvertes inattendues, de fécondations croisées, de déceptions, de faillites, de refus d’usage, de détournements des innovations. Jacques Perriault272, par exemple, a merveilleusement analysé les détournements d’innovations techniques par leurs utilisateurs, qu’il considère à juste titre comme un des moteurs primordiaux du progrès technique. De ce point de vue, l’observation par l’aval des objets techniques dans leur appropriation sociale est un des paradigmes clef de la réflexion technologique communicationnelle.

Les techniques de l’information et de la communication ont comme caractéristique importante d’être en synergie et en dépendance de l’information et de la communication humaine. Cette seule constatation permet d’expliquer comment coexistent, collaborent, se superposent ou s’ignorent les deux approches.

Cette délicate question de la confusion inconsciente ou volontaire de deux termes clefs pour l’appropriation du progrès technique rentre curieusement en résonance avec d’autres confusions plus anciennes. Nous allons aborder la question de l’appropriation du système décimal en Europe à la fin du Moyen-Âge, et il est étrange de constater que le premier traité de « calcul arithmétique à la plume », se soit appelé Liber abaci273 (Traité de l’abaque). C’est en effet par deux questions historiques, que nous aborderons l’approche techno-culturelle des normes. La première problématique sera celle de la difficile découverte par les européens de la fin du Moyen-Âge de l’articulation de leur écriture des nombres (le système décimal), la deuxième examinera l’entrée en lisse d’une conscience de la standardisation puis d’une normalisation industrielle au XIXe siècle à travers l’architecture métallique qui en fut le domaine d’application le plus évident.

272 PÈRRIAULT (Jacques), La logique de l’usage. Essai sur les machines à communiquer, Paris, éd. Flammarion, 1989.

273 FIBONACCI (Léonard de Pise dit), Liber abaci -1202-. Ce titre explique par son titre même que la technique du calcul ne pouvait à l'époque être comprise que comme pratique de l'abaque !

La querelle des abacistes contre les algoristes :