• Aucun résultat trouvé

einrich Hertz avait prouvé, en 1887, l’existence des ondes électromagnétiques qui allaient porter son nom. En 1890, un savant français, Edouard Branly, réussit à les capter grâce à la mise au point de son tube de verre, le “cohéreur”. Marconi, en 1897, mettra

172 Il est indispensable de prendre en compte les contrats d’État de recherche-développement militaires. Ceux-ci ne donnent d’ailleurs pas systématiquement lieu à des monopoles, au contraire, l’Armée US impose souvent la règle de la double filière concurrente d’approvisionnement, pour cause de sécurité militaire.

173 BERTHO (Catherine),Télégraphes et téléphones, de Valmy au microprocesseur, (déjà cité), pp. 223, 224

finalement au point la synthèse des différents éléments indispensables pour communiquer sans fil en code Morse : l’antenne, le cohéreur et l’émetteur.

Mais il lui faut aussi pour cela mettre en convergence des logiques artistiques, commerciales, mass-médiatiques et publicitaires, suivant des principes éditoriaux proches de ceux de la presse. Ceci n’ira pas sans des progrès et des reculs constants, des gouvernements, presque partout dans le monde. Les États sont fermement attachés à l’idée de monopole et ils répugnent à s’allier avec l’univers commercial et publicitaire.

Deux logiques économiques parallèles, potentiellement indépen-dantes des États, sont alors en place, fortes de leur assise dominante dans les domaines hertzien et électronique :

Les marins, jusqu’alors totale-ment

empêchés de communiquer entre eux et avec le reste du monde, seront le premier

champ d’application de la

radio-télégraphie. C’est, en quelque sorte et jusqu’à la guerre de 1914, l’alliance bien connue du pouvoir (notamment colonial) de la Marine, des militaires et du grand commerce international qui sera le seul commanditaire de ce nouveau média qui parvient assez vite à savoir émettre la

parole (communication

radiotélépho-nique).

La Première Guerre Mondiale fournira l'occasion de s'exercer pour les communi-cations et les télécommunicommuni-cations.

Télégraphe, téléphone, radiotéléphonie,

cryptage, radiocommunication avec toutes

sortes d’engins mobiles (avions, bateaux, automobiles), la TSF avait commencé à

parler avant la Grande Guerre, elle la

termine en 1918, prête à devenir un média de loisir. Ainsi en quatre années de guerre, elle a suffisamment gagné en fidélité

sonore pour savoir chanter, ce qui lui est indispensable pour devenir un média de divertissement. Le composant de base industriel, fabriqué à des centaines de millions d’exemplaires, en est le TM (le Tube Militaire) que les industriels savent fabriquer en série... et qu’il faut continuer d’écouler !

- une logique de développement de composants électroniques nés de l’industrie de la radio : c’est cette industrie qui développe et perfectionne les premiers tubes de télévision, les lampes des calculateurs électroniques de la Seconde Guerre Mondiale, les tubes à rayons X inventés en 1895, etc., qui reprendra souffle avec la mise au point du transistor et restera partenaire à part entière de l’informatique. Ces industriels se lieront progressivement à l'électroménager et à l'intégration bureautique industrielle.

- une logique de loisir, de spectacle et d’information qui innove en occupant une place de plus en plus importante dans le temps libre des individus. Temps libre que se disputent avec un bonheur divers le pouvoir propagande et la publicité, couple alternatif ou associé, seuls à même de se mobiliser pour réaliser à grande échelle les infrastructures lourdes indispensables à la diffusion de la télévision.

Ces deux grands pôles d’activité humaine correspondent à un certain nombre de logiques professionnelles. C’est précisément ce qui constituera un des moteurs qui permettra de construire ce monde de communication numérique et convergent d’aujourd’hui.

Le Général de Gaulle sera un virtuose de cette convergence d’État. Maître “es utilisations de la radio”, puis coutumier des conférences de presse à la télévision, il est aussi celui qui, pour préserver la puissance et l'indépendance de l’industrie électronique française174, a décidé que la France aurait son propre standard de télévision. Il réinjecte volontairement une dynamique économique des loisirs et du spectacle, un monopole national indirect sur l’achat des postes de TV, dans une économie très convergente des technologies électroniques. Le standard SECAM sera la machine de guerre induisant un monopole d’achat en direction des seuls constructeurs français ainsi renforcés et préservés pour pouvoir développer parallèlement les compétences nécessaires pour répondre aux exigences d’un savoir et d’un savoir-faire technologique indispensables pour devenir une nation atomique. C’est un standard de télévision, dû à l’ingénieur Henri de France, qui présentait la particularité de coder les couleurs selon un principe séquentiel original beaucoup plus performant que le standard européen PAL.

En effet pour des raisons de périodes électriques - 50 en Europe, 60 en Amérique -, l’Europe ne pouvait utiliser le standard américain de la télévision en couleur NTSC.

Avec la brusquerie dont il était coutumier, le Général De Gaulle intervint personnellement pour rompre brusquement les négociations en cours au CCITT (Comité Consultatif International des Télécommunication et Télédiffusion) : « pour la France, ce sera le SECAM175, un point c’est tout

174le plan calcul seul à même de permettre à la France de devenir membre à part entière du club atomique

175 L'humour des sigles des standards de télévision

La signification officielle de ces sigles et acronymes se décline ainsi : • NTSC=Network Television System Corporate;

• PAL=Phase Alternate Line; • SECAM+Séquentiel à mémoire.

! » De Gaulle avait parfaitement compris qu’il fallait donner aux industriels français le marché de l’équipement de tout le territoire et des ex-colonies pour disposer d'une industrie électronique nationale florissante.

Il avait raison à court terme, parce que la diffusion hertzienne de la télévision était, à l'époque, obligatoirement limitée à un territoire aménagé par un réseau de tours relais. Par conséquent, l’échange et le commerce international des programmes était une pratique encore très exceptionnelle.

Au terme de trente ans, la logique poursuivie se transforme en un handicap très lourd pour les producteurs de télévision, pénalisés par l’existence du SECAM presque exclusivement national qui oblige à des transcodages onéreux et qui entraîne des pertes de qualité...

C'est trente ans après ce qui aurait risqué de nous arriver une nouvelle fois si les technocrates européens s'étaient entêtés sur le format D2-MAC-PAQUET.

Cette logique d’arsenal, profondément introduite dans les

télécommunications et les nouvelles technologies, nous la voyons en œuvre, associée à la logique spatiale, sa cousine germaine. C’est la logique qui donne naissance, d’une part, à la télédétection et, d’autre part, aux télécommunications par satellites. La grande panne de la technologie américaine176 montre bien à quel point les industries de pointe et militaires ne réagissent pas de la même manière que les industries confrontées à l’obligation de vendre tous leurs produits de recherche et développement sur des marchés non protégés (ceux des médias grand-public et professionnels).

Un exemple comme celui du vidéodisque Thomson est démonstratif de ce type de logique : on sait que Thomson, marchand d’électronique grand

public et de produits électroménagers, mais aussi gros marchand

d’armes, avait mis au point, simultanément avec Philips, un vidéodisque optique qui fut le point de départ d’un savoir-faire pour le stockage

Cependant le milieu des professionnels a vite proposé :

• NTSC ( = Never Twice the Same Colour, soit “Jamais deux fois la même couleur”). C’est en effet un standard né trop tôt (dix à quinze ans avant les autres dans le monde) et qui ne s’était donc pas encore doté de l’inversion de phases, innovation présente dans le PAL et le SECAM, qui permet une stabilité temporelle du signal et notamment une bonne transmission en cas d’intempérie.

• PAL, (= Peace At Last : allusion à la lenteur des accords européens),

• SECAM, (= Something Evidently Contradictory Against American Message.) L'allusion à la politique française pour le SECAM est évidente et prend encore plus de relief quand on sait que les pays soviétiques choisirent le SECAM pour s'isoler de l'Europe libre qui fonctionnait en PAL.

176 DERIAN (Jean-Claude), La grande panne de la technologie américaine : Challenger explose, Airbus décolle, les Japonais dépassent les Américains… Que se passe-t-il ?, Paris, éd. Albin Michel, 1988.

optique de l’information né en Europe. L’inaptitude totale de Thomson contrairement à Philips à maîtriser les aspects de marketing consumériste fut patente et entraîna son abandon, bien qu’elle restât un acteur important du stockage optique professionnel de l’information. Ce n’est pas un hasard si la Hollande et le Japon (deux pays petits par leur surface se battant dos à la mer et à très faible industrie militaire) ont été les champions du stockage optique de l’information (CD et maintenant DVD177) qui constituent encore aujourd’hui, un des piliers de nos communications contemporaines.

Chapitre 4, Première partie