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i Derrida et Gelb ont éprouvé le besoin d’une nouvelle activité alors qu’ils n’ignoraient pas la linguistique, c’est parce que la linguistique s’était exclusivement consacré à l’aspect non matériel du sens dans la langue, c’est-à-dire à ce que Saussure définit comme la linguistique interne.

La linguistique en affirmant son objet : l’étude du sens et de son codage, a pêché par trop de rationalité. Cela a eu pour conséquences que la plupart de ceux qui ont travaillé sur la langue se sont écartés d’une réflexion de la matérialité du signe, de la matérialité du signifiant et de la matérialité du support mais aussi du contexte de l’information.

D’autre part la grammatologie vient à un moment non neutre où s’est déployée sur une large échelle, la Galaxie Marconi et toutes les machines à communiquer du XIXe et XXe siècles tels que la photographie, le cinéma, la télévision ou l’informatique.

Dans les années 50-60, la communauté scientifique qui s’intéresse au langage et au signe commence à ressentir la nécessité d’élargir, non seulement la linguistique, mais aussi la sémiotique : s’ouvrir à une étude sémiotique complète, c’est-à-dire déployée dans sa dimension interne mais aussi externe.

En effet, pour des raisons philosophiques tenant à ce que nous considérons comme le support privilégié de la pensée c’est-à-dire le texte, la sémiotique33 n’a pas eu l’importance sociale et la capacité de s’affirmer comme une discipline scientifique aussi importante que la linguistique.

Certes, de ce fait la mobilisation en sémiotique a été moindre : peut-être à cause du nom même de “sémiotique”qui induit plus encore que

linguistique l’injonction de se concentrer sur la sémiotique interne,

correspondant à une linguistique interne.

D’un certain point de vue, le fonctionnement du signe non linguistique, lorsqu’il s’attachait à son aspect matériel était considéré comme une dérive de la sémiotique. Est-ce que l’étude du fonctionnement matériel de l’image et du son serait une tâche assez sérieuse pour un sémiologue digne de ce nom ?

La grammatologie est fondamentalement un cri d’alerte épistémologique. Il constitue un manifeste, un nouveau champ disciplinaire mais cette nouvelle science n’est pas forcément assurée dans ses méthodes et dans sa légitimité. D’autre part, elle est critiquée par les tenants des disciplines traditionnelles qui considèrent que la grammatologie leur dispute leur champ d’étude.

33 Qui a pu être considérée comme moins urgente à développer que la linguistique dans la mesure où elle était porteuse d’un mode d’information considéré comme secondaire dans la formation de la pensée raisonnable.

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Ce travail cherche à prolonger ce qui a été très largement inauguré par Derrida : une science au delà du texte.

Derrida sent bien que si on veut traiter de tous les langages et de tous les modes d’expression et de médiation à la fois, cela ne peut pas être analysé et communiqué avec comme seul outil scientifique le texte et le discours. Il s’agit d’aller bien au-delà du potentiel de la pensée logique et linéaire, seul à même de répondre aux questions complexes de la communication et de la cognition dans le monde des NTIC.

La convergence industrielle n’a pas seulement un effet sur l’usage social des technologies de la communication, elle a aussi une conséquence épistémologique fondamentale. En effet, si tous les langages peuvent s’articuler34 entre eux et fonctionner à un niveau d’encodage commun constitué par le code binaire, nous devons, pour rester cohérent, construire une sémiotique générale, à la fois interne et externe, qui prenne en compte cette évolution de l’écriture débouchant sur une néo-écriture.

Notre société est ainsi confrontée à une interrogation indispensable. L’épistémologie qui d’ordinaire reste réservée à des cercles très restreints, se retrouve projetée au cœur de ce que la société doit résoudre pour s’approprier les NTIC. Nous ne pouvons que constater que la pensée instrumentalisée, conséquence du progrès grammatologique, a des répercussions extrêmement importantes sur l’intel-ligence des hommes et leurs capacités à rassembler, traiter et diffuser l’information. Depuis de longues années j’ai été régulièrement confronté à une pratique de prospective des NTIC. Leur dynamique de convergence est ainsi devenue pour moi un sujet de préoccupation majeur. Pour ce qui me concerne la méthode grammatologique est aujourd’hui le cadre premier dans lequel s’organise ma pratique et ma théorie de l’ingénierie et de la prospective des NTIC.

En quelque sorte, l’évolution actuelle et future des technologies de l’information et de la communication dépasse le livre et le texte mais sans que le danger pressenti par Derrida ait engendré à ce jour une quelconque catastrophe.

Par contre pour établir cette jonction, la grammatologie doit évoluer vers une forme plus instrumentale. Elle doit devenir une pratique plus qu’une science, rassemblant les avancées de méthode proposées par Gelb, Derrida, Mac Luhan, Jack Goody, Leroi-Gourhan, penseurs qui ont toujours eu le souci d’étudier matériellement l’information et la communication. Cependant, ce souci de la grammatologie instrumentale ne serait d’aucune efficacité s’il ne maintenait pas un lien avec l’étude de l’arbitraire et l’articulation du code, de sa mutabilité ou immutabilité. En effet, qu’est ce que l’informatique, si ce n’est une industrie fondée sur l’arbitraire et l’articulation du code ?

34 Tous s’articulent à partir de ce niveau (exactement comme la langue s’articule à partir des phonèmes ou l’écriture à partir des caractères.

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En ce sens, je plaide fondamentalement pour quelque chose qui est effectivement un bricolage. Ce n’est pas un chemin qui va de A à Z. On avance en construisant un pont assez large avec de nombreux à-côtés. Cette avancée technique a besoin d’être éclairée sous différents angles, très divers (histoire technique, appropriation sociale des techniques et des concepts, économie, écologie du signe, philosophie, métaphysique, mythologie). Cet éparpillement du propos est obligatoire et rend d’autant plus difficile son exposé linéaire. Je suis conscient des écarts et digressions de l’écriture d’un tel sujet, mais je reste persuadé que ces points marquent des jalons importants quoique parallèles à ma problématique.

Depuis 150 ans nous avons été confrontés à l’explosion des médias, aux nouvelles opportunités dans les modes de médiations qui peuvent maintenant laisser de nouvelles catégories de traces : des nouveaux modes d’engrammation35 comme la photographie, la phonographie, le cinéma, la vidéo. Ces nouvelles manières d’engrammer l’information sont également devenues numériques, calculables et logiques ce qui rend ces nouvelles traces intégrables et utilisables dans un même continuum logique que l’écriture. Ainsi devenu homogène ce même univers d’informations numériques peut être le lieu d’une même réflexion logique et convergente.

D’autre part, la plupart des modes de saisie de l’information sont devenus réalisables en temps réel. Ainsi la voix peut être saisie par dictée vocale ce qui élargit considérablement la phonographie traditionnelle et analogique. Pour les gestes signifiants de la langue des signes, on commence à voir apparaître les premiers résultats de recherches qui permettent d’espérer que les sourds puissent disposer dans quelques années de dictée par saisie gestuelle de leurs conversations. La danse est aussi le lieu de nombreuses recherches qui débouchent déjà sur des chorégraphies numériques. Alors que la transcription chorégraphique par les méthodes traditionnelles était, on le sait, longue et fastidieuse, on passe là aussi à un tout autre niveau d’opérabilité. On comprend que la dictée chorégraphique36 ainsi que les enregistrements cinématiques numériques et cohérents d’événements industriels ou scientifiques nous permettent d’entrevoir un nouveau devenir de la trace c’est-à-dire de l’engrammation de toutes les modalités de l’information (paroles, musiques, images en 2 ou 3 D, gestes...). Ces formes complexes de saisie numériques n’en sont qu’à leur début mais se déploieront avec des effets cumulatifs croisées dans la décennie à venir.

Ce qui est possible pour l’information en temps réel est évidemment

transposable pour les patrimoines d’information traditionnelle

(photographies, cinéma, archives sonores, dessins, plans, cartes) qui peuvent ainsi générer de nouveaux patrimoines numériques cohérents et convergents.

35 Nous définirons cette notion plus bas. Cf. infra $$>>

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C’est certainement la conscience que s’élargissait le panorama des médias, des modes de médiation, des modes d’engrammation... qui a incité Gelb, puis plus près de nous Derrida, à définir des objectifs socialement nécessaires à la grammatologie. Chez Gelb et beaucoup plus encore chez Derrida, le fait d’être les pionniers tout autant que les inventeurs d’une discipline, leur interdit d’abord d’avoir une vision absolument claire du domaine et donc entraîne naturellement ces deux auteurs à insister sur les questions d’épistémologie et de méthode ainsi que sur la définition d’un territoire. En ce qui me concerne je me situerais beaucoup plus en aval comme praticien grammatologue. Je pars dès lors de l’hypothèse que la méthode grammatologique peut être un outil utile pour celui qui veut comprendre le fonctionnement des NTIC, en analyser les fonctionnalités, les modes d’appropriation et éventuellement servir de matrice d’invention pour en dessiner des lignes d’évolution voire proposer des applications futures.

Il s’agit en fait d’utiliser la grammatologie pour qu’elle nous aide à instruire une enquête technique, sociale et culturelle des NTIC.

L’ensemble de la démarche historique, philosophique, anthro-pologique, linguistique constitue évidemment, une assise, une amorce pour l’une ou l’autre de mes facettes d’approches, mais cela ne me donne jamais le droit de penser que je suis devenu pour autant philosophe, historien, anthropologue ou linguiste...

Mon but essentiel consistera à m’efforcer de mettre en relation un maximum de ces faits, résultats, remarques ou hypothèses avec des problèmes concrets posés aujourd’hui par les nouvelles technologies. En cela, la démarche n’est pas nouvelle. Elle ne peut être que ponctuellement pratiquée par tel ou tel chercheur, mais l’intérêt des machines grammatologiques associées au réseau, est de rendre possible une véritable approche collaborative, permettant de pratiquer une grammatologie au-delà du livre, telle que l’a prédit Derrida.

Celui qui l’a sans nul doute pratiqué comme pionnier et très systéma-tiquement, c’est Marshall Mac Luhan. Malheureusement, il nous a quitté trop tôt avant que les NTIC amorcent la convergence numérique actuelle et il a dû raisonner sur un paysage médiatique beaucoup moins touffu que le nôtre mais aussi bien moins net quant à la dynamique de convergence numérique que nous connaissons aujourd’hui. Ecrire la suite posthume de la Galaxie Gutenberg et de Comprendre les médias est un projet difficile mais que j’ai souvent caressé. De nombreux instituts et fondations se réclament aujourd’hui non sans raison de cette ligne de recherche prophétique qui devient d’année en année plus indispensable à notre civilisation communi-cationnelle, numérique et convergente.

Georges Ifrah, historien encyclopédique des nombres et du calcul, a lui aussi pratiqué une démarche de grammatologie instrumentale. Son œuvre est de ce point de vue passionnante et d’autant plus démonstrative qu’elle reste focalisée sur un seul secteur élargi : les

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nombres, le calcul et l’informatique. Il conforte ses découvertes en essayant systématiquement d’expérimenter et de faire fonctionner par lui-même les systèmes de numération et de calcul qu’il décrit. Certes, il s’agit là d’une attitude normale de chercheur (reconstituer le fonctionnement de ce que l’on découvre), mais le plus intéressant, et c’est en ce sens qu’il n’est pas un historien banal des chiffres et du calcul, tient en ce qu’il réalise ses essais de reconstitution, non seulement sur ses propres travaux de recherche, ce qui est normal, mais sur une compilation exhaustive mondiale de l’histoire des nombres et du calcul. Mieux, en bon professeur de mathématiques enseignant toujours dans le secondaire, il propose des exercices systématiques au lecteur pour s’assurer qu’il a bien compris avant de passer au chapitre suivant. C’est grâce à ces petits exercices que j’ai pu revivre la mentalité du comptage corporel des Elema de Nouvelle-Guinée37 comprendre en les

pratiquant les systèmes de comptage mésopotamien38, m’essayer à

l’abaque de Gerbert39, au comput de Bède le vénérable40, aux

multiplications dites “de la jalousie”41 prédécesseurs de nos

“multiplications à la plume”42 ou suivre étape par étape les progrès techno-numériques des calculateurs puis des ordinateurs43.

C’est aussi en pratiquant par moi-même nombre de ces systèmes de comptage ou de calcul, qui font plus appel au geste signifiant qu’à l’écriture des nombres et des symboles que j’ai pu en éprouver senso-riellement l’altérité grammatologique.

Sans que Georges Ifrah s’inscrive explicitement dans une démarche

grammatologique44, il est pour moi un excellent modèle d’une démarche

grammatologique expérimentale spécialisée. Je lui suis redevable d’une formidable dette : celle de m’avoir conduit dans sa démarche d’historien, de mathématicien et de pédagogue à établir une jonction solide entre la culture du geste, celle du calcul, de la proto-écriture puis de l’écriture avec les NTIC.

À Bernard Stiegler, je suis aussi très redevable. Je me dois de souligner que sans les travaux de postes de lecture automatisée que ce dernier a initiés à la BNF puis à l’INA, je n’aurais sans doute jamais avancé mes réflexions si avant dans la direction d’une grammatologie instrumentale de la bibliothèque virtuelle. C’est lui, mais aussi Alain Giffard45 ou Roger Lauffer,46 qui ont permis que j’établisse mon pontage personnel entre mes pratiques professionnelles (l’ingénierie documentaire multimédia et

37 IFRAH (Georges), Histoire universelle des chiffres, (déjà cité), tome I, pp46 et suivantes.

38 IFRAH (Georges), Histoire universelle des chiffres, (déjà cité), tome I pp. 189 à 385.

39 IFRAH (Georges), Histoire universelle des chiffres, (déjà cité), tome II pp. 344 à 347.

40 IFRAH (Georges), Histoire universelle des chiffres, (déjà cité), tome I pp. 125, 132, 133, 137, 141, 145, 483, 540 ; TII p. 344.

41 IFRAH (Georges), Histoire universelle des chiffres, (déjà cité), tome II pp. 322 à 340.

42 La question du « calcul à la plume sera abordée plus loin . Cf. infra $$>>

43 IFRAH (Georges), Histoire universelle des chiffres, (déjà cité), tome II pp. 469 à 715.

44 Georges Ifrah est trop spécialisé sur le seul mode communicationnel du calcul pour s’intéresser en profondeur à la démarche grammatologique : Derrida n’est pas mentionné, Gelb l’est et plus étonnant Goody manque comme référence alors que même sa première édition française (Laffont 1981) est postérieure aux travaux de Derrida et Gelb.

45 Alors Directeur de l’Informatique et de l’innovation à la BNF.

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l’enseignement) et la recherche la plus avancée au niveau mondial en matière de bibliothèque virtuelle.

La grammatologie n’est pas une discipline neutre en soi mais bien plutôt un outil, une méthode. Le reproche “d’historien conventionnel” lancé par Derrida à Gelb, ou de celui de “[grammatologue] mais philosophe cependant”, que je signale chez Derrida ou même chez Stiegler, risque d’être décliné pour ma propre démarche. Spécialiste de l’ingénierie du document, de l’étude prospective, de la documentation multimédia, je

reste sans doute, en pratiquant la grammatologie un

“documentaliste résolument traditionnel”.

Quelle que soit l’origine de celui qui utilise la démarche grammatologique, elle s’adaptera toujours à la pratique de son utilisateur. Mon bricolage grammatologique consiste ainsi à proposer une sorte de boîte à outils, de jeux de filtres ou de prismes permettant d’observer et de penser les NTIC.

Elle reste un outil, dans la main du bricoleur grammatologique:

« Sans jamais remplir son projet, le bricoleur y met toujours quelque chose de soi »47.

Je ne pense pas m’éloigner en cela du projet de Gelb ni de celui de Derrida qui a énoncé plusieurs fois cette nécessité d’étude pratique et d’étude du devenir de l’information et de la communication.

Néanmoins, je préfère employer le terme de grammatologie instrumentale et non celui moins positif quoique plus imagé de bricolage

grammatologique, parce qu’il situe bien ma volonté de toujours rapporter

ma réflexion grammatologique à une compréhension, non pas seulement de l’histoire de l’information mais si possible, à une compréhension de ce que sont devenues la communication et l’information avec les NTIC. Une prospective de son devenir serait indispensable pour en organiser l’ingénierie.

Certes, ces filtres sont aussi divers qu’hétérogènes et ils participent pour moi de la ressource d’hypothèses, de la recension de faits de communication qui parlent d’eux mêmes dès lors que l’on devient réceptif aux homothéties grammatologiques. Nous pourrions définir l’homothétie grammatologique comme une transformation à un instant précis ou dans une culture précise, par l’intervention d’un “progrès” (le centre de l’homothétie) qui fera subir une mutation plus ou moins importante (le rapport mathématique) dans la même direction. L’homothétie grammatologique consiste à comparer les dissemblances d’efficience, les disparités modales ou médiatiques, le plus ou moins grand degré d’automatisation... C’est pour moi la figure type, le maître mot du savoir-faire du grammatologue instrumental.

Pour pouvoir appliquer ces outils et ces filtres, le praticien des NTIC, qui se confond de plus en plus avec tous ceux qui utilisent l’information, a

47 LÉVI-STRAUSS (Claude), La pensée sauvage, Paris, éd. Plon, 1962, cité in DERRIDA (Jacques), De la grammatologie, (déjà cité), p. 173.

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besoin de ressources grammatologiques (historiques, anthropologiques, linguistiques...) qui lui permettent d’effectuer ses mises en homothétie, il a aussi besoin d’une méthode, plus instrumentale que théorique. Son but n’est plus en effet de contribuer à explorer et à affiner les concepts proposés par Gelb ou Derrida, mais de pouvoir les utiliser dans des situations concrètes pour comprendre ou projeter dans l’avenir ce fantastique flux de nouveautés dans le domaine de l’information et de la communication qui sont autant de défis à notre entendement de ce qui s’engramme, informe et communique et relève donc de la grammatologie.

Dans les chapitres qui vont suivre cette méthode grammatologique se développera donc sur trois concepts principaux, l’efficience, la modalité engrammatoire et la convergence.

La convergence se développera de son coté de façon relativement complexe, mais nous verrons par contre qu’elle a sans doute vocation a être un concept fédérateur du devenir de l’information et de la communication notamment dans leur aspect NTIC.

Il faut en effet répéter, une fois encore, que le grammatologue n’est pas un anti-historien (de l’histoire des mentalités, des techniques, de la médiation, de l’art ou de la cognition), ni un anti-anthropologue ; c’est quelqu’un qui intégrera ces démarches sans les approfondir obligatoirement, puis qui, utilisant ce premier matériel conceptuel, repensera sa praxis de professionnel de l’information et de la commu-nication, éclairera sa vision du futur ou même proposera à l’historien, à l’anthropologue, au philosophe une autre lecture que leur lecture de spécialité. Le grammatologue utilise ces différentes démarches parce que, en généraliste, il a besoin de leur science pour comprendre dans le détail, tel ou tel point du fonctionnement global et convergent de l’information et de la communication. Cependant, il ne peut pas justifier ensemble toutes ces démarches disciplinaires, sinon, il ne pourrait pas avancer sa propre démarche. Par contre, cette démarche multidisciplinaire et grammatologique apporte forcément aux historiens, aux anthropologues, aux philosophes un enrichissement par cet éclairage nouveau et pluriel.

Tentons de donner un aperçu de ce nouveau type de démarche intellectuelle résolument pluridisciplinaire. Considérons à travers l’exemple des premières apparitions du métier d’imprimeur à quel point le grammatologue peut et doit sauter à pieds joints par-dessus certaines obligations des historiens, des anthropologues, à quel point un mythe de fondation d’une innovation de la communication peut parfaitement

déclencher des heuristiques grammatologiques extrêmement

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La recherche historique n’a toujours pas tranché pour savoir qui, des Coréens ou des Chinois, ont été les premiers à inventer, ou à pratiquer48

l’imprimerie.

Là où l’historien de l’imprimerie cherchera les premières traces attestées d’imprimerie chinoise ou coréenne, le grammatologue n’aura que faire de