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L’analyse qualitative appuyée sur la théorisation ancrée

Chapitre 5 – Une méthodologie qualitative pour saisir un objet complexe

5.5 L’analyse qualitative appuyée sur la théorisation ancrée

Notre méthode d’analyse s’appuie partiellement sur la théorisation ancrée (Paillé, 1994; Strauss et Corbin, 1997; Glaser et Strauss, 1967; Corbin et Strauss, 2008) puisque les catégories d’analyse sont principalement issues des entretiens. Cette façon de faire favorise le va-et-vient (ou une « approche en spirale » (Guillemette, 2006)) entre la collecte des données et l’analyse. Dans notre cas, la transcription a été faite immédiatement après chacun des entretiens (à part lorsque plusieurs étaient réalisés en quelques semaines). Sans faire une analyse proprement dite des entretiens, ce travail a permis d’avoir une idée d’aspects nouveaux à aborder ou de façons différentes de les aborder. L’émergence de nouveaux thèmes ou idées a ainsi enrichi la grille pour les entretiens subséquents. La théorisation ancrée est une approche inductive : les récits des individus servent de matière première à l’analyse (codification et catégorisation). Toutefois, cela n’empêche pas une certaine forme de déduction : cette approche ne nie pas les connaissances et les expériences du chercheur (LaRossa, 2005). Les prochaines sections présentent brièvement les différentes étapes concrètes de l’analyse.

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5.5.1 L’utilisation du logiciel QDA Miner, un premier découpage

Le logiciel QDAMiner (v4.1.27) a été utilisé pour effectuer un premier découpage de l’ensemble des entretiens. Ce logiciel correspond à l’approche privilégiée, soit une approche manuelle se rapprochant de la « pratique artisanale » (Paillé, 2011) traditionnellement utilisée lors d’une analyse qualitative de données (Roy et Garon, 2013). C’est la personne menant la recherche qui est au cœur de l’analyse ou, comme l’affirme Paillé, « ce qu’il y a dans la tête de l’analyste est ce qu’il y a de plus important » (2011, par. 15).

Dans cette optique, le logiciel a deux fonctions principales. Premièrement, il est un support pour l’analyse qualitative en offrant aux chercheurs et aux chercheuses de l’aide pour coder et classer les données (Roy et Garon, 2013). Ainsi, un logiciel avec une approche manuelle permet plus facilement de faire un premier découpage du matériau tout en impliquant grandement la chercheuse puisque c’est bien elle qui doit définir les différentes catégories ainsi que les passages y correspondant (Dumont, 2010). Deuxièmement, le logiciel facilite l’explicitation des différentes étapes effectuées lors de l’analyse :

Les logiciels d’analyse qualitative remédient aux ratés de l’analyse en obligeant l’analyste à « mettre cartes sur table ». En effet, les rouages techniques qui, sous le mode informatique, commandent leur exploitation obligent à déterminer exactement les opérations et les règles qui donnent ici corps à l’analyse. (Hamel, 2010, p. 174)

Le premier découpage du matériau a permis d’établir différentes catégories et différents codes issus à la fois de la problématique de la recherche et des entretiens eux-mêmes. Finalement, 14 catégories regroupant plus de 200 codes ont été utilisées à cette première étape. Ces catégories et codes n’étaient pas tous au même niveau, certains renvoyant à des pratiques concrètes ou des informations générales sur les personnes (comme « occupation » ou « dettes ») tandis que d’autres correspondaient à des représentations des personnes participantes (« représentation – parentalité », par exemple). Enfin, dans une catégorie « autres », ont été mis quelques codes comme « choix-non-choix » ou « discussions-non-discussions » représentant plutôt notre propre interprétation du récit des personnes participantes en lien avec la problématique sous-jacente. Dans plusieurs cas, les catégories et codes étaient plutôt larges puisque cette première étape se

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voulait le moment de trier le matériau assez abondant (autour de 1000 pages de transcription dans le logiciel Word).

5.5.2 Une analyse par trajectoire et une analyse thématique

Une fois le premier découpage des entretiens réalisé à l’aide du logiciel, nous avons développé pour chacun des couples un tableau rendant compte de leur trajectoire professionnelle/occupationnelle. En nous inspirant des « cycles de vie familiale » de Barrère- Maurisson (1984), nous avons pu mettre en parallèle les moments clés de la vie des couples (début de la relation, début de la cohabitation, mariage (s’il y avait lieu), naissance du ou des enfants) avec leur trajectoire sur le marché du travail respective. Nous avons ajouté une colonne à ces « biographies familiales » pour y inscrire la façon dont le travail domestique était divisé au sein du couple et y indiquer, lorsque nécessaire, les changements qui ont eu cours concernant cet aspect de la division sexuelle du travail. Nous avons aussi ajouté une colonne concernant les arrangements de garde d’enfants. Certes, ces trajectoires peuvent sembler séparer le travail rémunéré de celui qui ne l’est pas, mais elles ont l’avantage de mettre de l’avant plus facilement, d’une part, des similitudes et des différences entre les trajectoires de la femme et de l’homme formant un couple, mais aussi, d’autre part, des trajectoires des femmes et des hommes en général. Elles permettent aussi d’observer s’il y a ou non un changement dans la division du travail domestique lorsqu’il y a un changement dans la trajectoire professionnelle de l’un ou l’autre membre du couple. Une fois ces trajectoires élaborées, nous avons fait une analyse thématique des données en nous attardant à chacune des catégories cernées au premier découpage, et ce, à tour de rôle. Vu la quantité importante de données à traiter, cette façon de faire facilitait la compréhension du matériau.

5.5.3 La présentation des résultats

La présentation des résultats de nos analyses, même si elle doit rendre compte de l’imbrication de divers aspects de l’analyse, doit aussi permettre de bien comprendre les différents types d’arrangements à l’œuvre au sein des couples participants. Ainsi, nous commençons par présenter, au chapitre 6, les arrangements conjugaux liés au travail : division du travail rémunéré et du travail domestique, bifurcations dans les trajectoires professionnelles des femmes et des

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hommes et les facteurs qui les expliquent, ainsi que les divers arrangements de garde des enfants qui sont à la fois liés à l’activité professionnelle des conjoints et au travail domestique. Le chapitre suivant, le chapitre 7, est quant à lui consacré aux arrangements financiers des couples. Sont abordés les modes de gestion, ainsi que les quatre dimensions au cœur de l’étude de l’argent dans les couples, soit la propriété de l’argent, l’accès à l’argent, le contrôle de l’argent et la responsabilité du travail de gestion financière. Enfin, le dernier chapitre, le chapitre 8, rend compte de l’entrelacement des logiques du travail, de l’argent et de l’amour mises de l’avant dans notre cadre théorique en montrant comment les deux types d’arrangements conjugaux décrits précédemment sont mis en place et comment s’expliquent la satisfaction des conjoints de ces arrangements. Il est important de spécifier que les extraits d’entretiens, suivant notre approche qualitative, se veulent des illustrations « types » des analyses effectuées qui rendent compte des pratiques et des significations des arrangements conjugaux des personnes rencontrées. En outre, aucune section précise ne sert à présenter spécifiquement les analyses différenciées pour les deux membres d’un même couple ou les analyses issues des mises en situation ou des maximes. Ces analyses sont intégrées aux diverses sections des trois chapitres lorsque pertinents. Enfin, nous présentons en continu nos analyses tout au long de la présentation des résultats. Avant de passer aux résultats proprement dits, nous présentons brièvement les caractéristiques des personnes participantes, de même que les limites de notre étude.