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L’amélioration des plantes : colonne vertébrale de l’Inra

En 1946, l’Inra compte moins de 200 chercheurs et ingénieurs. Vingt ans plus tard, il en compte 1 115. En francs constants de 1962, la dépense de recherche sur le budget du ministère de l’Agriculture est passée de 14,2 millions de francs en 1954 (0,3 % du budget du ministère) à 199,7 MF en 1973, soit 1,2 % du budget du ministère (Alphandéry P., et al., 1988, 186). Les effectifs chercheurs et ingé-nieurs du département GAP de 47 en 1947 passent à 109 en 1967. Héritage des stations de l’entre-deux-guerres, c’est le secteur de recherche qui possède dès 1946 le plus grand nombre de chercheurs et d’ingénieurs. La station centrale de GAP de Versailles est le centre d’impulsion. Bustarret en confie la direction à Robert Mayer en 1948. Ce dernier reste à sa tête jusqu’en 1972, date à laquelle Bustarret quitte la direction de l’Inra. Le binôme Bustarret-Mayer règne donc pendant plus d’un quart de siècle, pour structurer le département GAP, orienter les recrutements et développer la recherche.

La plupart des jeunes chercheurs recrutés et tous les futurs directeurs des stations des années 1960 et 1970, ont effectué dès leur arrivée à l’Inra un séjour de quelques

années à la station centrale de Versailles1. Ils y complétaient la sommaire formation de génétique reçue à l’Agro par le certificat de génétique récemment créé à Paris où enseignaient Boris Ephrussi, Philippe L’Héritier, Georges Teissier et Georges Rizet, et les enseignements de biométrie et de statistique de André Vessereau et de Philippe L’Héritier. Des conférences, des visites et des exposés y étaient également organisés, et destinés aussi aux ingénieurs des entreprises de sélection. Ceci contribua « à créer

de nombreux liens entre les deux secteurs, public et privé » et, selon Michel Simon, « la coopération s’en trouva grandement facilitée »2. Au début des années 1950, la station se compose alors déjà de plusieurs laboratoires :

le laboratoire des céréales de Pierre Jonard, avec notamment Camille Moule et –

Lucien Degras sur les orges et avoines, André Vincent, Edmond Pochard, Michel Simon et Claude Goujon sur le blé ;

le laboratoire des betteraves de Jacques Margara, avec également Henri Laby ; –

le laboratoire des plantes oléagineuses (mais qui a travaillé, en fait, surtout sur –

le colza) dont le jeune Max Rives est chargé, puis Jacques Morice ;

le laboratoire d’André Cauderon sur le maïs, puis aussi l’orge et l’avoine ; –

le laboratoire du lin de François Plonka ; –

le laboratoire des plantes fourragères de Jean Rebischung (graminées), avec –

Michel Kerguélen (graminées, botaniste hors pair), Jean Picard (trèfle violet), Yves Demarly (Luzerne), ainsi que Claude Hutin, Michel Gillet, Pierre Jacquard, Paul Mansat, Guy Lenoble… ;

le laboratoire de Jean Fleckinger qui travaille sur les arbres fruitiers (pommiers –

à cidre, poiriers) ;

le laboratoire des plantes maraîchères de Pierre Pécaut avec Hubert Bannerot, –

Georgette Risser… ;

les deux laboratoires de cytologie, de Marc Simonet et de René Écochard. –

Progressivement, les activités concernant certaines espèces sont transférées dans de nouvelles stations des centres de province : fourrages à la station de Lusignan confiée à Yves Demarly ; arboriculture à Angers ; oléagineux et avoine à la station de Rennes confiée à Camille Moule puis Jacques Morice ; maraîchères et potagères méridionales à la station de Monfavet (Avignon) confiée à Pierre Pécaut ; puis betteraves à la station de Dijon. En 1962, à la veille de la réforme créant les départements au sein de l’Inra, le futur DGAP est ainsi consolidé (fig. 3.1). Cinq nouvelles stations d’amélioration des plantes ont été créées (Rennes, Montpellier, Lusignan, Landerneau, Montfavet-Avignon), elles viennent s’ajouter à celles de Clermont-Ferrand et de Dijon, tandis que celle de Colmar est transformée en une station de recherche viticole. Au total le futur département dispose donc de sept stations et de deux laboratoires d’amélioration

1 Michel Simon, « L’amélioration des plantes aux premiers temps de l’Inra : des hommes, des textes, des variétés. » in : Cranney J., 1996, p. 263.

Figure 3.1 —

La branche GAP

des plantes, de trois stations d’arboriculture fruitière, et de trois autres stations de recherche viticole.

Cette expansion rapide des stations, couplée à la volonté de couvrir toutes les espèces – on passe d’une dizaine d’espèces travaillées à l’Ira vers 1930 à près de 70 à l’Inra en 1970 – offre aux jeunes « ingénieurs agro » recrutés dans les dix premières années de l’Inra de grandes responsabilités et des carrières fulgurantes : « En

amé-lioration des plantes, les responsables vous confiaient tout de suite des responsabilités. Il n’était pas question, en effet, de rester dans le sillage d’un plus ancien : on vous confiait immédiatement un secteur [une espèce ou un groupe d’espèces] et c’était à vous de prendre les initiatives et de demander les conseils dont vous aviez besoin » se souvient ainsi

Claude Hutin arrivé à la station de Versailles en 1951 (Archorales, 2, 151). « Les

directives données aux chercheurs sont alors d’une extrême simplicité », rapporte de son

côté André Cauderon. Pour l’orge on lui dit, par exemple : « il existe une collection

internationale de variétés d’orges dans l’armoire du premier étage. Elle est en mauvais état parce qu’elle a été récoltée trop tard (année de la Libération). Il faut la remettre en ordre et voir ce qu’il y a à faire » (Cauderon, in : Boistard P., et al., 2004, 2). Pour

le maïs, le même chercheur rapporte que Jean Bustarret, rentrant d’une mission en Amérique du Nord avec Luc Alabouvette, fin 1946, lui dit : « J’ai vu là-bas des maïs

précoces qui ont l’air intéressant. Voici quelques adresses. Vous écrivez, vous demandez des lignées, des hybrides, des documents et vous regardez ce qu’il y a derrière ». André

Cauderon affirme que c’est la seule directive de recherche qu’il ait reçue et qu’elle était excellente, les dirigeants de la période, Robert Mayer et Jean Bustarret, avaient le mérite, selon lui, « de savoir faire confiance et d’ouvrir des pistes nouvelles, d’éviter

le détail tout en maintenant le cap et en surveillant le mouvement. » (Cauderon, in :

Boistard P., et al., 2004, 2). Pour la plupart des plantes, hormis la pomme de terre et le blé pour lesquels une filière semence était déjà bien structurée, tout était à faire, et les jeunes chercheurs se voyaient donc confier l’amélioration d’une espèce dans une grande autonomie. « Faites une thèse ou une variété » lançait Mayer à ses jeunes recrues. On ne saurait mieux résumer la diversité des activités des chercheurs entre recherche d’amont, création variétale et, organisation de la filière semencière. Yves Demarly raconte encore combien les activités des chercheurs de la période étaient variées : « Nous étions chargés de faire à Versailles de la sélection, de participer

au contrôle des variétés au niveau national (contrôle des semences), de faire enfin des conférences dans les directions des services agricoles des divers départements (à raison d’une tous les quinze jours environ) pour enseigner les moyens à mettre en œuvre pour améliorer la culture des fourrages et faire mieux connaître les travaux auxquels nous participions. » (Archorales, 3, 137). En confiant ainsi à de jeunes chercheurs des tâches

d’organisation des filières, d’administration de laboratoires et de nouvelles stations en province, les dirigeants de l’Inra encouraient cependant le risque de mal exploiter leur potentiel scientifique et de délaisser les recherches les plus fondamentales. Yves Demarly reconnaît d’ailleurs que si « la charnière entre les praticiens et le monde de

à mi-temps, le reste de notre temps étant réservé aux activités de vulgarisation et de contrôle des semences. » (Archorales, 3, 137).

Méthodologies et recherches

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