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S’intégrer dans un ordre socio-économique structuré : l’Inra et la création variétale en blé tendre

Avec le colza, nous étions dans le cas d’une filière quasi-inexistante avant guerre, sur laquelle aucun obtenteur français privé n’était présent ; l’engagement de l’Inra pour créer de nouvelles variétés s’inscrivait donc dans la volonté de créer ex-nihilo une filière colza. Le cas du blé offre un contrepoint intéressant : à l’opposé du colza, la filière blé est déjà fortement structurée et la création variétale assurée par plusieurs maisons privées. La présence de l’Inra comme obtenteur se justifie par conséquent moins. Cependant, comme on va le voir, loin de laisser le terrain aux sélectionneurs privés, l’Inra est relativement actif dans la création de nouvelles variétés de blé, avec un huitième des 66 variétés inscrites entre 1945 et 1962. Comment expliquer cette position ? Quels ont été les effets de la présence des variétés Inra sur les profession-nels ? Et inversement, quelle influence exerça la profession sur les recherches en amélioration du blé à l’Inra ?

L’Inra entre maisons de sélection et profession céréalière

Le blé tendre est l’espèce qui reçoit jusqu’au milieu des années 1960 l’essentiel des efforts de recherche des maisons privées. Le marché des semences de blé tendre est vaste, croissant (on passe d’un taux d’utilisation de quelques pourcents, en 1946, à 30 % à la fin des années 1960) et très concurrentiel. Tout en assurant l’hégémonie des lignées pures le régime réglementaire, organise une forte circulation des géno-types : on peut utiliser une variété concurrente dans un schéma de sélection car les critères DHS tolèrent des variétés assez proches, ce qui crée une émulation perma-nente favorable à l’amélioration des performances (selon les critères du moment). Au sortir de la guerre, des maisons de sélection du Nord et du Bassin parisien comme Vilmorin (qui domine le marché jusqu’au début des années cinquante avec Vilmorin

27), Desprez (qui inscrit Cappelle en 1946, variété au succès au long cours), puis

Benoist (succès de Champlein, inscrite en 1959) disposent de matériaux et de compé-tences qui n’ont pas grand-chose à envier à celles de l’Inra. En outre, à la différence du cas du colza, l’Institut n’est pas à l’origine des réseaux sociotechniques organisant la production du blé français. La filière blé est ancienne, structurée par divers centres de pouvoirs. Côté semences, l’un d’eux est constitué par quelques grandes maisons de sélection qui ont obtenu depuis les années 1920 une réglementation protégeant de mieux en mieux leurs intérêts. Côté syndical, l’Association générale des producteurs de blé (AGPB), créée en 1924, par de grands producteurs de blé joue un rôle essen-tiel après guerre dans la multiplication des semences, l’encadrement technique, et la défense de leurs intérêts économiques. L’Onic créé par le Front populaire, constitue incontestablement une troisième pièce maîtresse du dispositif. Les céréaliers et les représentants de l’AGPB, bien qu’opposés au départ à cet organisme de régulation du marché du blé, en investissent rapidement les instances pour influer directement sur la gestion des stocks et sur la fixation annuelle du prix garanti. L’Onic assure après guerre la tutelle des « producteurs grainetiers » (coopératives multiplicatrices) et devient prestataire de services pour le compte du Gnis. La constitution de grands groupes de coopératives céréalières dans l’immédiat après guerre constitue, enfin, une quatrième étape dans l’édification de ce que nous allons définir comme étant l’ordre socio-économique du blé de l’après-guerre. Deux grands groupes se mettent en place : l’Union générale des coopératives agricoles de céréales (Ugcac), issue de l’union de coopératives conservatrices d’avant-guerre (rue des Pyramides), et l’Union nationale des coopératives agricoles de céréales (Uncac) qui regroupe des coopératives plutôt liées aux organisations agricoles proches des Républicains d’avant-guerre, (groupe de Mac Mahon) vont dominer le marché national (Barral P., 1968 ; Wright G., 1967, 80-183 ; Coulomb P., et al., 1977). L’AGPB initialement plus proche politiquement de l’Ugcac entretient cependant de bonnes relations avec l’Uncac (statutairement, les présidents de l’Ugcac et de l’Uncac sont vice-présidents de droit de l’AGPB). La solidité du couple coopératives céréalières et AGPB constitue alors le moteur de la puissance syndicale des producteurs de céréales (Pesche D., 2000, 130). Les gros céréaliers conquièrent la FNSEA dans les années 1950 et imposent aux instables

gouvernements de la IVe République des politiques de garantie de prix15. En 1953, ils s’emparent de l’Onic : un plan céréalier rend ses représentants majoritaires dans le conseil central de l’Onic, désormais automatiquement présidé par l’un d’entre eux16. Par la mise en place d’un mécanisme d’intervention garantissant aux producteurs français vendant au prix du marché mondial une rémunération au prix du marché français, l’Onic, initialement instrument de régulation du marché intérieur, devient en quelque sorte une pompe à exporter. Dès 1952, la production de blé devient régulièrement excédentaire, et la France devient exportatrice de céréales sur le marché mondial. En 1957, enfin, l’indexation des prix du blé sur les prix industriels (après celle obtenue par les éleveurs laitiers en 1953) constitue une grande victoire des céréaliers au sein de la FNSEA. Une politique dangereusement inflationniste est par là même imposée à la IVe République. Si le CNJA emmené par des éleveurs plus modestes prend le contrôle de la FNSEA en 1964, le pouvoir des céréaliers restera déterminant à Bruxelles. En janvier 1962, l’acte fondateur de la PAC porte ainsi leur marque en soutenant les prix par des systèmes de prélèvements variables, et les dirigeants céréaliers pèsent directement sur les instances européennes (via le comité consultatif des céréales ou le comité des organisations professionnelles agricoles de la CEE, Copa), et sur la fixation annuelle des prix du blé (Gervais M., et al., 1976, 482 ; Pesche D., 2000, 195). Le 15 décembre 1964, lors de la première fixation du prix du quintal, les céréaliers français remportent une autre très grande victoire : un relèvement de 10 % par rapport au prix français et une garantie couvrant la totalité de la production. Ce mode de fonctionnement devient effectif en juillet 1967 avec l’établissement du règlement céréalier. L’instauration de la PAC constitue finale-ment un moyen d’étendre le système français de production de céréales à l’espace communautaire.

Ainsi se met en place l’ordre socio-économique blé de l’après-guerre. Nous empruntons la notion d’ordre socio-économique (OSE) à Franck Aggeri et Armand Hatchuel. Pour ces sociologues, il s’agit là d’« espaces d’actions collectives

relative-ment homogènes, encadrés par des normes, où coopèrent différents acteurs (agriculteurs, industriels, prescripteurs, acteurs publics locaux) » (Aggeri F., et Hatchuel A., 2003,

120). Ce concept permet de mieux rendre compte des pratiques professionnelles structurées par et structurant les politiques publiques. Les OSEs délimitent des normes d’action collective qui ne se limitent ni à la réglementation (le catalogue, le règlement technique de l’espèce, les règles de certification des semences, etc.) ni même aux normes infra-réglementaires écrites (accord Lequertier et fonctionne-ment des licences végétales, règles de contrôle de la production de semence, etc.) (Aggeri F., et Hatchuel A., 2003, 120). Ils qualifient, en somme, les pratiques qui se développent à l’intérieur de cadres réglementaires sans être exclusivement définies

15 Lors de l’accord mondial sur le blé de Washington, en 1948, ce lobby pèse sur le Gouvernement pour faire accepter par les États-Unis le principe d’une protection du marché français, (Pesche D., 2000, 135).

par eux. En fonction de critères essentiellement économiques – notamment le degré de stabilité des biens échangés qui déterminent différents types de stratégies d’innovation par les entreprises, Franck Aggeri et Armand Hatchuel distinguent deux types opposés d’OSE :

les « OSEs concurrentiels à prescripteurs multiples » correspondent à une –

forme de compétition relativement simple dans laquelle les produits échangés sont relativement stables et les stratégies industrielles ne portent que sur quelques paramètres comme le prix et le rendement (c’est le cas selon les auteurs des céréales à paille) ;

les « OSEs néocorporatifs » correspondent, au contraire, à des situations –

dans lesquelles les biens produits et échangés sont instables, du fait d’un renou-vellement constant des qualités et des valeurs associées. « Il en résulte des formes

d’organisation et de compétition plus complexes dans lesquelles l’innovation, le marke-ting, les marques, la réputation jouent un rôle clé. (…) Le régime d’action collective est fortement structuré par un ensemble de normes communes qui peuvent couvrir un large éventail (normes de procédés, de qualité, de formation, d’organisation du travail) allant, parfois, jusqu’à la fixation planifiée des prix de vente et des quan-tités des matières premières (raisin pour la fabrication de champagne, lait de brebis pour celle du roquefort par exemple) » (Aggeri F., et Hatchuel A., 2003, 122).

Entre ces deux situations, les auteurs définissent un troisième type, les « OSEs coopératifs étendus ».

La filière blé des Trente Glorieuses correspond ainsi à un « OSE concurrentiel à

prescripteurs multiples » dans le cadre d’un modèle de production de masse (Allaire G.,

1995 ; Heintz W., 1995) :

le produit fait l’objet d’un marché ouvert à une forte concurrence entre produc-–

teurs (même si la concurrence mondiale est tamponnée par les soutiens nationaux et européens) ;

les producteurs sont conseillés par divers prescripteurs (AGPB, revues techniques, –

Inra, chambres d’agricultures, coopératives et autres organismes stockeurs, firmes phytosanitaires, etc.) ;

le marché du blé est peu segmenté. Dans le modèle de production de masse –

qui se généralise, « la question de la qualité ne se pose pas, dans la mesure où elle est assurée par une définition réglementaire du produit (normes) à laquelle satisfait toute la production » (Heintz W., 1995, 267). Les politiques de soutien des prix sont indifférenciées en fonction des qualités et variétés de blé, tandis que les orga-nismes stockeurs en expansion privilégient des économies d’échelle (gros volume de collecte et nombre réduit de cellules de stockage) qui tend à promouvoir l’usage d’un nombre restreint de variétés par les agriculteurs (Heintz W., 1995). L’évaluation variétale, on l’a vu, normalise en amont l’offre variétale en réduisant le nombre de variétés au catalogue et en imposant des critères-seuil à l’inscrip-tion. En aval, les pains demandés par les consommateurs sont peu différenciés

et les blés utilisés en panification sont encore peu distincts17 des blés destinés à l’exportation, l’alimentation animale, l’amidonnerie ou la biscuiterie ;

la concurrence entre producteurs (et entre organismes stockeurs) porte alors –

essentiellement sur le prix (donc des hausses de productivité et des économies d’échelle, plutôt que sur une différentiation des qualités) ;

plus spécifiquement, la filière semence blé, par son nombre encore élevé –

d’obtenteurs, s’apparente en partie à un « OSE concurrentiel à prescripteurs

multi-ples », tandis que d’autres traits la rapprochent plutôt d’un « OSE néocorporatif »

(Aggeri F., et Hatchuel A., 2003, 122) où prix et normes de qualité sont fixés au sein d’un club restreint : fixation des normes variétales au sein du CTPS, rôle de l’Onic puis des coopératives dans la prescription des variétés à utiliser comme semences.

Un « progrès génétique » façonné

par un ordre socio-économique productiviste

Si l’action publique sur le marché du blé est d’évidence fortement contrainte par cette configuration de l’OSE blé des Trente Glorieuses, qu’en est-il des orientations de l’innovation variétale et des recherches de l’Inra ? Pour répondre partiellement à cette question complexe, on peut d’abord comparer les variétés privées les plus importantes aux obtentions Inra pour essayer de dégager la spécificité de ces dernières (tabl. 3.3). On constate premièrement que toutes les variétés importantes des Trente Glorieuses (Inra et privées confondues) possèdent au moins en commun, outre un ancêtre Vilmorin, un ancêtre Ira ou Inra. C’est là le fruit de la période Schribaux-Crépin d’élargissement de la base génétique par croisements à des variétés étrangères apportant des gènes de résistance au froid, aux maladies ou une meilleure « force boulangère ». Cet héritage permet à l’Inra de se faire une place dans la création variétale blé, voire de se poser en coureur de tête pour les régions du Sud et de l’Est où la sélection privée était peu présente. Le succès de certaines variétés Inra, et surtout d’Étoile de

Choisy contraste ainsi fortement avec l’apathie de la création variétale publique du

Plant Breeding Institute anglais à la même époque (Perkins J., 1997, 253). En outre, la diversité du matériel génétique étranger introduit dans les variétés Inra témoigne d’une certaine manière de la recherche publique en amélioration des plantes de se distinguer de ce que font les obtenteurs privés.

17 Heintz (1985) met toutefois en évidence le maintien d’un secteur de meunerie et de collecte plus artisanal qui demeure plus apte que le modèle de masse à assurer la qualité des farines pour la panifi cation.

Tableau 3.3 — Les principales obtentions françaises de blé d’hiver des Trente Glorieuses. Variétés des obtenteurs privés Variétés Inra

• Vilmorin 27 (Vilmorin, 1927). Productive, la plus cultivée en France pendant deux décennies, malgré sa faible résistance au froid, avant d’être détrônée au début des années 1950 par Cappelle. • Cappelle (Desprez, 1946). Meilleur rendement du moment. Une certaine résistance au piétin verse, une bonne résistance à la verse,

une résistance partielle à la rouille jaune qui s’est avérée durable. Une force boulangère médiocre. Représente plus de la moitié des emblavements durant plus de 10 ans en France (et la variété la plus cultivée au Royaume-Uni de 1958 à 1968). Vif succès aussi en Grande-Bretagne. Issue du croisement Vilmorin 27 x Hybride du Joncquois (Desprez), cette dernière variété étant issue de Vilmorin 23 x Institut Agronomique (équipe Schribaux).

• Champlein (Claude Benoist, 1959), variété très productive, adaptée à la zone nord, et qui a eu un grand succès commercial dans les années 1960. Possède notamment pour géniteurs : Hybride du Joncquois (Desprez) elle-même issue de Vilmorin

23 et Institut agronomique (équipe Schribaux)

et Yga (Blondeau), elle-même notamment issue de Red fi fe, un blé de force canadien.

• Capitole-Vilmorin (Vilmorin-Andrieux, 1964), variété d’hiver ayant une bonne qualité boulangère et un bon rendement et qui a connu un bon développement. Résistante aux deux mosaïques. Possède pour géniteurs : Cappelle,

• Étoile de Choisy, et un géniteur INRA (parent de Carest) résistant au froid aux rouilles, et à haut W. • Maris-Hunstman (Plant Breeding Institute, Royaume-Uni, 1973), variété anglaise non panifi able mais possédant un très bon rendement, qui a connu un grand succès commercial. C’est une des variétés possédant le gène Pm6 de résistance à l’oïdium, provenant de T. timopheevi • Talent (Claude Benoist, 1973), variété d’hiver de blé court (gène Rht8 provenant de la variété italienne « Fortunato ») à grande souplesse d’adaptation et productivité élevée.

• Renfort (Inra, 1948).

• Magdalena (Inra, 1949). Issue des programmes de l’équipe Schribaux d’élargissement de la base génétique à Versailles. Possède pour parent un blé de force hongrois. Force boulangère très élevée. (Radiation 1981).

• Étoile de Choisy (Inra, 1950). Variété précoce (parent italien). Grand succès dans les régions méridionales près de deux décennies (rendement de 5 à 20 % plus élevé que les variétés antérieures). Résistante aux deux mosaïques. Cette variété permit l’essor du blé dans le Sud-Ouest. • Hébrard (Inra, 1950) (régions méridionales). • Colmar (Inra, 1950).

• Hybride de la Noue (Inra, 1951). Variété sélectionnée pour les régions de l’Est et du Centre Est, demi-précoce et résistant au froid, assez sensible aux rouilles, bon rendement.

• Carest (Inra, 1958), résistante au froid.

• Languedoc (Inra, 1962). issue de Étoile de Choisy et plus résistante à certaines maladies.

• Courtot (Inra, 1974). Variété semi-naine. Elle cumule les allèles de nanisme Rht1 et

Rht2 (Reduced heigh)t, provenant de variétés

japonaises) et présente une très bonne valeur boulangère. Cette variété non résistante aux rouilles a dû son succès commercial à l’usage de fongicides systémiques effi caces.

• Roazon (Inra, 1976).

Cependant, on peut aussi lire, à l’inverse, dans ce tableau tout le poids que fait peser la configuration de l’OSE blé sur l’innovation variétale y compris publique, notamment en faisant du rendement un objectif central de sélection. Nonobstant les nombreux petits agriculteurs produisant du blé, le marché est en volume dominé par de gros exploitants employant une main-d’œuvre salariée (fortement réduite par la mécanisation) et utilisant des semences certifiées lignées pures en vue d’une homogénéisation du végétal propice à la récolte mécanisée. Ces gros céréaliers du Bassin parisien et du Nord, ayant conquis des débouchés grâce à un soutien des prix à l’exportation, mettent l’accent sur l’augmentation des rendements. À la différence de la vigne ou des fruits, où le marché est plus fragmenté, la filière blé est un marché de masse, régi par la concurrence du marché et où, en l’absence de valorisation de telle ou telle qualité, la survie passe par l’intensification. Dans la lignée de Vilmorin

27, les variétés phares de la période (Cappelle, Champlein, Capitole-Vilmorin…) dont

l’atout maître est le rendement qu’elles sont capables de donner dans les régions du Bassin parisien et du Nord répondent bien à cette intensification unidimensionnelle. Ces variétés adaptées à des apports croissants d’engrais, font bondir les rendements de 27 à 38 q/ha entre le début et la fin des années cinquante (Bustarret J., 1966b, 79). La compétition instaurée par les essais VAT du CTPS, qui n’homologue que les variétés au rendement supérieur aux variétés de référence, accélère cette course aux rendements. L’Inra ne peut s’affranchir de cette contrainte, sauf au risque de voir ses variétés délaissées (cas de Roazon), et il devient donc partie prenante de cette course. Ainsi Colmar ou encore Hybride de la Noue résultent de programmes de sélection presque exclusivement centrés sur le rendement ne se distinguant guère des sélections privées (Simon M., 1953, 7).

L’Inra en étendant ce type de variétés aux régions jusqu’ici peu touchées par l’intensification, va même ouvrir aux sélectionneurs privés de nouveaux marchés. C’est particulièrement le cas des régions au sud de la Loire, où il n’existait presque pas de maisons de sélection avant que l’Inra n’ouvre la voie. L’Institut considère en effet de son devoir d’offrir aux régions pauvres des variétés plus performantes (Bustarret J., 1947, 71). Étoile de Choisy, variété très précoce, réagissant particulièrement bien à de fortes doses d’engrais azoté, et adaptée aux régions méditerranéennes et du Sud-Ouest en est le parfait exemple. Inscrite au catalogue en 1950, elle constitue le premier grand succès commercial de l’Inra. Cette variété réunit des caractères considérés jusqu’alors contradictoires : la précocité, la productivité, une certaine résistance au froid et une résistance à la verse. Étoile de Choisy est ainsi le résultat d’un croisement entre Mouton (une lignée très résistante au froid sélectionnée à partir de popula-tions de l’Est de la France) et Ardito, une création italienne, précoce et résistante à la verse, elle-même issue de la variété japonaise Akagomughi. Son introduction va contribuer au renouveau de la céréaliculture dans le Sud-Ouest en bouleversant les techniques de culture et en permettant un recours intensif à la fertilisation. Les bénéfices dégagés par Étoile de Choisy y favorisèrent les investissements nécessaires à l’introduction des maïs hybrides(Bustarret J., 1966b, 81). Cette réussite contribue

fortement à démontrer l’efficacité des méthodes de sélection de l’Inra et à susciter l’intérêt des maisons privées pour ses travaux et ses collections. Dans les années soixante, Étoile de Choisy est la variété la plus cultivée en France, même si Cappelle domine au Nord de la Loire. Les généticiens de l’Institut vont poursuivre, par la suite, un programme de création variétale à partir d’Étoile de Choisy, en essayant d’en supprimer les principaux défauts (sensibilité à certaines rouilles noire et brune, à la septoriose, à l’oïdum, au pietin verse, qualité boulangère moyenne). Languedoc, une nouvelle variété issue des rétrocroisements de lignées résistantes avec Étoile de

Choisy, est inscrite au catalogue en 1962, et améliore sensiblement la résistance à ces

maladies. Hébrard, résultat du croisement entre Buisson et Ardito, possède également une productivité moyenne, voire médiocre, mais est particulièrement bien adapté aux régions méditerranéennes.

Pour les régions de l’Est et du Massif central, l’Inra essaie de combiner la recherche du rendement avec l’introduction de résistances à la verse, aux maladies et au froid. En sélectionnant à Dijon des lignées issues du croisement [(Martin x K3) x Hohenheimer 77] 5-2-1 x Oro], les généticiens de l’Institut obtinrent des lignées résistantes au froid et à la rouille, de bonne qualité boulangère mais sensibles à la verse et de faibles rendements. Recroisées avec des blés résistants à la verse et plus productifs, comme

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