• Aucun résultat trouvé

Tout en visant l’objectif de créer des hybrides franco-américains ou français, les chercheurs de l’Inra, vont organiser l’évaluation multilocale de différentes variétés

13 A.N. F10 5270. Agriculture Vichy, dossier maïs 1946-1949. Jean Bustarret à P. Protin, 21 décembre 1948.

14 ANCAC 870238/41. Fonds de la direction de la production et des marchés, maïs hybrides de 1949 à 1954, sous-dossier importation de semences de maïs d’USA, sous-dossier : Importation de semences de maïs d’USA, note pour le directeur de la production agricole P. Protin) du sous-directeur des productions végétales (Dauthy) 6e bureau, le 28 avril 1951.

d’hybrides américains en les comparant aux variétés populations pour repérer les plus adaptées aux conditions climatiques françaises. Dans les régions d’implantation tradi-tionnelle du maïs, il s’agit de montrer l’intérêt des hybrides par rapport aux maïs de pays ; dans les régions où le maïs n’est plus cultivé depuis longtemps, il s’agit de tester les hybrides américains les plus précoces susceptibles d’être aussi rémunérateurs que le blé, l’orge ou la betterave ou aussi intéressants comme fourrage que les prairies.

Dans le Sud-Ouest (Chalosse, Béarn, Pays Basque), les agriculteurs disposent d’excel-lentes variétés de pays très bien adaptées aux conditions locales. Le Grand Roux Basque, notamment, peut donner dans les meilleures terres des rendements de 60 quintaux à l’hectare ! Cette variété population a en effet été améliorée à la station de Saint-Martin-de-Hinx depuis les années 1930. Malgré tout, les nombreux essais comparatifs menés avec les hybrides américains montrent quasiment invariablement leur supériorité sur le Grand Roux Basque. Dans les conditions les plus favorables aux hybrides (avec des dates de semis et des façons étudiées par la station pour les valoriser au mieux), Iowa

4417, United 28 ou Wisconsin 464 atteignent des rendements supérieurs de 17 à 50 %

à ceux du Grand Roux Basque ! (Alabouvette L., et al., 1951, 39).

Sur des terres moins favorables au maïs, notamment dans la région toulousaine et le Lauragais, la supériorité des hybrides est moins évidente. Les hybrides ne font pas mieux que la population témoin, le Blanc de Chalosse : 15 quintaux à l’hectare. Les chercheurs de l’Inra restent donc prudents sur l’utilisation des hybrides dans cette région (Alabouvette L., et al., 1951). De même pour la région languedocienne, les expériences sur des variétés de pays sont difficiles à interpréter vu les effets limitants de la sécheresse. Le Wisconsin 355 à 90-95 jours de végétation en l’absence d’irri-gation semble être un peu meilleur que les populations de pays. Pour ces régions difficiles, Alabouvette se prononce beaucoup plus clairement que les chercheurs de l’Inra contre l’introduction des hybrides, il considère que les « nombreux essais

réa-lisés depuis la guerre (…) n’ont donné des rendements acceptables, c’est-à-dire dépassant nettement 20 quintaux à l’hectare, que 3 années sur 10 (1948, 1951, 1953). C’est une probabilité bien faible pour encourager une extension de la production – même en vue de la consommation à la ferme – partout où l’irrigation n’est pas possible. On doit donc se demander si (…) les régions, à été trop sec, n’auraient pas intérêt à orienter leurs productions de céréales secondaires vers l’orge et le sorgho grain, moins coûteuses et plus régulières dans leur rendement » (Alabouvette L., 1954, 4).

En Bresse, autre foyer d’implantation traditionnelle du maïs pour les élevages avicoles de la région, les hybrides américains donnent 59 qx/ha par rapport à Jaune

d’Auxonne, variété témoin donnant 38 qx/ha. Les hybrides particulièrement plébiscités

sont Wisconsin 240 et 255, United 20 et 22, Nodak 301. Les expériences de Georges Méneret sur les densités des semis montrent cependant que la supériorité des ren-dements hybrides tombe à 14 %, si on optimise les densités de semis des variétés de pays. Dans certains cas, avec des écartements un peu plus élevés, ce sont même les populations de pays qui ont des rendements supérieurs aux hybrides (Méneret G., 1951, 67).

Dans les régions où le maïs n’est pas implanté traditionnellement, il n’est nul besoin de multiplier les essais pour les comparer aux variétés locales. L’objectif est de tester les hybrides américains dans des climats du Nord de la France où le réchauf-fement printanier est moins rapide qu’aux États-Unis et où les maïs hybrides ont par conséquent des difficultés au démarrage. Il s’agit aussi de savoir si le maïs peut concurrencer le blé. La combinaison d’une bonne précocité et de bons rendements constitue donc le centre des questionnements et les chercheurs ne s’attardent pas sur les essais comparatifs avec des variétés de pays à fécondation libre, comme Jaune de

Bade, Étoile de Normandie et Maïs du Nord. André Cauderon s’attache ainsi à étudier

cinq dates différentes de semis sur les années 1949 et 1950 pour le seul Wisconsin

255 qui devient le témoin pour tester d’autres hybrides. Il procède de même pour

les distances des interlignes et la densité des peuplements. À l’issue de ces essais, la station de Versailles plébiscite les hybrides Wisconsin 255, United 20, Wisconsin 240 et Pride D 1 A (Cauderon A., 1950). Les chercheurs de la station Inra de Clermont-Ferrand recommandent de n’essayer que les hybrides américains les plus précoces, la maturation étant plus longue dans le Centre de la France (Schad C., Villax E., 1951a, 50). À Colmar, les hybrides United 22 et Nodak 301 donnent de très bons résultats (Larembergue R., 1951).

Dans l’ensemble, le protocole de comparaison entre hybrides américains et variétés de pays n’est pas symétrique. On cherche à aller vite, on teste de nombreux hybrides par rapport à une seule (ou quelques) population(s) témoin(s), on multiplie les conditions de culture (date des semis, écartements, fumures, etc.) pour les hybrides et non pour la variété de population témoin. Peu à peu, on glisse ainsi d’un protocole d’expérimentation censé comparer les rendements hybrides à ceux des populations de pays, à des protocoles qui consistent à mettre au point les procédés culturaux qui conviennent le mieux aux hybrides. On accumule ainsi des connaissances sur les hybrides qu’on ne cherche pas à obtenir sur les variétés locales. Il en est de même des recherches de résistance aux maladies du maïs (Fusarium, Gibberella Zeae, anthracnose, Macrophomina et Helminthosporium), menées à la station de pathologie végétale de Pont-de-la-Maye et à celle d’amélioration des plantes de Saint-Martin-de-Hinx, qui portent toutes sur des variétés hybrides dès le début des années cinquante (Messiaen C.-M., Lafon R., 1965).

Les essais pour les maïs fourragers s’organisent à peu près de la même manière. L’intérêt des hybrides comme plantes fourragères paraît cependant plus discuté et discutable. Hédin montre, par exemple, que les maïs hybrides n’arrivent jamais à maturité en Normandie contrairement à des variétés comme Étoile de Normandie,

Blanc des Landes et Roux des Landes qui ont souvent 15 jours d’avance, alors que la

maturité demeure importante même dans le cas du maïs fourrager si l’on veut obtenir des ensilages avec de bons taux en protéines. Hédin montre encore que les exploitants ont tout intérêt à couper tôt le maïs sans attendre la maturité pour enchaîner sur une culture de colza fourrager plus riche en protéines. Pour lui « les variétés précoces

variétés américaines plus tardives. » (Hédin L., 1951, 91). Alabouvette et ses collègues

constatent à peu près la même chose pour le Sud-Ouest. Les variétés américaines sont victimes de la sécheresse, leur valeur fourragère est considérée comme moins intéressante que celle du sorgho. Comme Hédin, ils estiment que « le plus économique

est de s’en tenir aux variétés de maïs-grain produites sur place » (Alabouvette L., et al.,

1951, 95). Dans le Centre, Schad et Villax semblent plus convaincus de l’intérêt des hybrides américains pour le fourrage. Enfin, à Versailles et à Rennes, les chercheurs de l’Inra avouent que les essais ne donnent pas vraiment avantage aux hybrides (Hedin L., 1951 ; Alabouvette L., et al., 1951 ; Schad C., et Villax E., 1951b ; Cauderon A., et al., 1951). Même André Cauderon, pourtant très favorable aux hybrides dans le cas du maïs grain, reste très prudent sur l’opportunité d’utiliser ce type de semence pour la production de maïs fourragers15. La culture des maïs hybrides dans les régions d’élevage ne semble donc pas très avantageuse pour la plupart des experts. Cependant dans le cadre d’une division du travail dans une agriculture nationale planifiée, la demande des régions d’élevage – régions où le maïs ne parvient pas à maturité – en semences de maïs fourrager est déjà bien perçue comme la condition de l’épanouissement d’un secteur de production de semences, dans les départements au climat propice comme ceux du Sud-Ouest. Le 13 septembre 1946, la direction de la production agricole, envoie une circulaire aux directions des services agricoles de 11 départements où les maïsiculteurs sont importants, spécifiant que « la France doit produire des semences

de maïs fourrage pour en cultiver pour l’élevage laitier, voire pour l’exportation vers la Hollande et la Belgique » et qu’il faut parvenir selon le Commissariat général au plan à

produire 400 000 quintaux de semences16. C’est déjà la perspective dessinée quelques mois plus tôt par Alabouvette dans un rapport au plan. Considérant en effet que les semences américaines pour le maïs fourrage ne sont pas meilleures que les semences produites en France, il recommande que les régions où le maïs parvient à maturité se spécialisent dans la production de semences de maïs fourrage pour fournir celles où le climat n’en permet pas le développement17. Cette position explique sans doute que les chercheurs Inra soient restés assez dubitatifs quant à l’intérêt d’utiliser des hybrides américains pour la production de maïs fourrages. Une alliance va ainsi rapidement

15 « Répondant à certaines questions relatives au maïs fourrage, André Cauderon expose que ne dispo-sant que de peu de renseignements pour l’instant, il est diffi cile de se prononcer quant à la supériorité des maïs hybrides sur les maïs français. Tout, d’ailleurs, dépend de l’époque à laquelle les agriculteurs désirent les utiliser ». ANCAC 870238 / 41. Maïs hybrides de 1949-1954, sous-dossier : Importation de maïs hybrides d’USA, besoin en semences, note pour le directeur de la production agricole (René Protin) du sous-directeur des productions végétales (Dauthy) 6e bureau, le 28 avril 1951.

16 A.N. F10 5270. Agriculture Vichy, dont maïs, ravitaillement 1940-1942 ; variétés/semences échanges avec les États-Unis 1949, direction de la production agricole, 2e bureau, Braconnier « production de semences de maïs fourrage », circulaire 13 septembre 1946.

17 A.N. F10 5270. Agriculture Vichy, dont maïs, ravitaillement 1940-1942 ; variétés/semences échanges avec les États-Unis 1949, 5e réunion de la sous-commission « céréales » de la commission de la production végétale au Commissariat général au plan, procès-verbal du 23 mai 1946, annexe 2, rapport : « la culture du maïs en vue de la production de semences de maïs fourrage », Luc Alabouvette, 13 mai 1946.

naître entre les chercheurs de l’Inra et l’AGPM pour faire cesser les importations massives de semences américaines de maïs fourrage, contre l’avis même de l’Onic, et malgré leur quasi gratuité dans le cadre du plan Marshall.

Inra 200 et Inra 258, premiers hybrides « franco-américains »

Documents relatifs