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CHAPITRE 6. ETUDE 1

6.4. D ISCUSSION

Conformément à notre première hypothèse, nous avons montré que les jeunes adultes utilisent davantage la stratégie d’imagerie que les adultes âgés. Cette différence d’âge a été observée dans la liste d’entraînement à l’aide d’un rapport global mais également dans les listes de paires de mots suivantes lorsque les participants rapportent les stratégies utilisées sur chaque paire de mots. Ces résultats sont très intéressants pour deux raisons. Premièrement, ils apportent un début d’explication sur les différences d’âge dans le pourcentage de mots correctement rappelés.

Malheureusement, les analyses conduites nous montrent également que les différences d’âge dans la sélection de la stratégie d’imagerie ne permettent pas d’expliquer entièrement pourquoi les adultes âgés rappellent moins de mots que les jeunes adultes. Deuxièmement, ces résultats montrent que même lorsque les stratégies sont identifiées à l’aide de rapports item par item concourants les adultes âgés utilisent moins souvent la stratégie d’imagerie que les jeunes adultes.

Les précédentes études sur le sujet ont toutes montré que les adultes âgés utilisent aussi souvent la stratégie d’imagerie que les jeunes adultes lorsque des rapports item par item concourants sont récoltés (Dunlosky et Hertzog, 1998, 2001, et même tout récemment, Hertzog et al., 2012). Pour l’instant, la divergence entre notre étude et les études de Dunlosky et Hertzog reste difficile à expliquer étant donné que la procédure utilisée dans leurs études et la nôtre est semblable. En revanche, nous avons administré des listes de 15 paires de mots aux adultes âgés alors que dans leurs études ils administrent des listes de 40 paires de mots au moins.

Il est intéressant de relever que la sélection de la stratégie d’imagerie mesurée dans les rapports globaux et dans les rapports item par item concourants corrèle positivement avec le pourcentage de mots correctement rappelés. En effet, plus les individus mentionnent utiliser la stratégie d’imagerie (que ce soit avec l’une ou l’autre méthode), plus ils rappellent de mots corrects. Par ailleurs, les deux types de rapports montrent une bonne validité convergente puisqu’ils corrèlent entre eux. Les rapports globaux, s’ils sont administrés après l’apprentissage d’une liste de paires de mots, ne peuvent pas avoir d’effets réactifs sur les stratégies utilisées.

Tant les jeunes adultes que les adultes âgés démontrent une variabilité stratégique importante. Non seulement, ils utilisent plusieurs stratégies mais leur façon de réaliser la tâche change progressivement au fil des listes de paires de mots. Il ressort que tant les jeunes adultes que les

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adultes âgés tendent à abandonner la stratégie de répétition au fil des listes de paires de mots. Nous avons également pu constater que les différents indices de variabilité stratégiques ne corrèlent pas entre eux mais se distinguent d’une part en des indices de diversité stratégique et d’autre part en des indices de changement stratégique (Coyle, 2001a). Les indices de diversité stratégique correspondent au nombre de stratégies différentes utilisées en moyenne dans une liste de paires de mots. Les indices de changement stratégique prennent eux en compte l’évolution entre les listes de paires de mots sur les stratégies utilisées. Il faut toutefois ajouter que chez les adultes âgés deux facteurs de changement stratégique relativement indépendants ont été identifiés.

En rapport avec les différences d’âge sur les indices de variabilité stratégique, et contrairement à notre seconde hypothèse, nous n’observons pas de différence entre les jeunes adultes et les adultes âgés sur les trois indices de changement stratégique. Tous les participants tendent à abandonner la stratégie de répétition au profit d’autres stratégies. Comme d’autres études ont montré que les adultes âgés souffrent d’une inertie stratégique plus importante que les jeunes adultes (Hertzog et al., 2012), cette hypothèse va être à nouveau testée dans l’étude 2. En ce qui concerne les indices de diversité stratégique, seul un indice (répertoire stratégique) montre que les jeunes adultes utilisent plus de stratégies diverses que les adultes âgés.

En ce qui concerne la relation entre les indices de variabilité stratégique et les performances en mémoire épisodique (troisième hypothèse), nous n’avons pas trouvé beaucoup de résultats allant dans le sens de nos hypothèses. En effet, dans l’échantillon d’adultes âgés, seul un des six indices (répertoire stratégique) corrèle positivement avec le pourcentage de mots correctement rappelés.

Cela indique que plus les adultes âgés utilisent de stratégies différentes, plus ils rappellent de paires de mots. Le score factoriel de diversité stratégique n’a toutefois pas montré de corrélation positive avec le pourcentage de mots correctement rappelés. Chez les jeunes adultes, les indices de changement stratégique ne corrèlent pas avec les performances en mémoire épisodique. Les indices de diversité stratégique en revanche corrèlent négativement avec le pourcentage de mots correctement rappelés. Ces résultats suggèrent donc bien qu’au moins l’une des formes de variabilité stratégique (diversité) n’est pas un phénomène adaptatif chez les jeunes adultes.

En ce qui concerne la quatrième hypothèse, à savoir la relation entre l’amplitude de la variabilité stratégique et la variabilité intra-individuelle des performances en mémoire épisodique, les résultats sont nuancés. D’une part, nous n’observons pas de corrélations significatives entre les indices de changement stratégique et la variabilité intra-individuelle en mémoire épisodique chez les jeunes adultes. D’autre part, nous observons que l’indice de changement stratégique lié à la stratégie de génération de phrases et l’indice de changement stratégique lié à l’imagerie corrèlent avec la variabilité intra-individuelle dans les performances en mémoire épisodique chez les adultes âgés. Des variations dans le type de stratégie utilisée au fil des listes entraînent des variations dans le pourcentage de mots correctement rappelés (Allaire et Marsiske, 2005).

Nous avons fait l’hypothèse que la variabilité intra-individuelle des performances en mémoire épisodique serait plus forte chez les jeunes adultes que les adultes âgés. Or, nous avons trouvé un résultat allant à l’encontre de celui attendu. Dans cette étude, les adultes âgés montrent une variabilité intra-individuelle en mémoire épisodique plus forte que les jeunes adultes. Cela peut s’expliquer par le fait que nous n’ayons pas non plus montré que les jeunes adultes changent davantage de stratégique que les adultes âgés. Cela est intéressant car il est rare d’observer un tel

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résultat dans les épreuves de mémoire alors qu’il est courant de le trouver dans les épreuves de temps de réaction. Nous allons voir dans la seconde étude si nous répliquons cet effet.

En ce qui concerne notre sixième hypothèse, nous avons effectivement montré que la variabilité intra-individuelle dans les performances en mémoire épisodique corrèle négativement avec le pourcentage de paires de mots correctement rappelés chez les jeunes adultes et positivement avec le pourcentage de paires de mots correctement rappelés chez les adultes âgés. La variabilité intra-individuelle semble donc non adaptative dans cette épreuve pour les jeunes adultes, ce qui va dans le même sens des résultats observés dans les épreuves de vitesse de réaction. Les résultats obtenus auprès des adultes âgés font donc écho aux données d’Allaire et Marsiske (2005) qui montrent également une corrélation positive entre le pourcentage de bonnes réponses dans trois épreuves de mémoire et l’amplitude de la variabilité intra-individuelle.

Afin de nous assurer que les effets observés dans notre première étude ne soient pas produits par la présence de rapports item par item concourants, nous avons décidé de conduire la seconde étude avec les mêmes hypothèses testées que dans la première étude. La principale différence entre l’étude 2 et l’étude 1 réside dans l’utilisation de rapports globaux uniquement, administrés lorsque toutes les listes de paires de mots ont été administrées aux participants.

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