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CHAPITRE 5. OBJECTIFS GÉNÉRAUX

5.1. H YPOTHÈSES GÉNÉRALES

Nous souhaitons premièrement investiguer les différences d’âge en termes de sélection stratégique.

Les quatre études ayant employé la méthode des rapports item par item rétrospectifs ont généralement montré que les jeunes adultes utilisent davantage la stratégie d’imagerie que les adultes âgés utilisent. En revanche, il est rare d’observer des différences d’âge sur la sélection de la

15 Par exemple, Salthouse (2007) a évalué les performances en mémoire épisodique à trois occasions à l’aide de listes contenant 6 paires de mots.

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stratégie de répétition ou de génération de phrases.16 Nous faisons donc l’hypothèse dans notre étude que des différences d’âge devraient apparaître sur le pourcentage de paires de mots étudiés à l’aide de la stratégie d’imagerie. Cette hypothèse va toutefois à l’encontre des résultats obtenus par Dunlosky et Hertzog (1998, 2001) à l’aide des rapports item par item concourants. En effet, ils observent que les adultes âgés utilisent aussi souvent la stratégie d’imagerie que les jeunes adultes.

Une des particularités de leurs études est que les participants doivent apprendre des listes de paires de mots comportant un nombre d’items vraiment important (au minimum 40 paires de mots). Il est donc possible que ce soit la difficulté perçue de la tâche qui pousse les adultes âgés à utiliser la stratégie d’imagerie. Comme dans nos études les adultes âgés mémorisent des listes de 15 paires de mots, nous nous attendons à observer une différence d’âge dans la sélection de la stratégie d’imagerie. Ainsi, notre première hypothèse est la suivante :

H1 : La sélection stratégique des jeunes adultes et des adultes âgés diffère. Les jeunes adultes devraient utiliser davantage la stratégie d’imagerie que les adultes âgés.

Le but du présent travail reste avant tout d’examiner la variabilité stratégique dans l’épreuve d’apprentissage de paires de mots. Comme cela a déjà été montré dans d’autres épreuves, nous nous attendons à une forte variabilité stratégique. Coyle (2001a) a distingué deux types de variabilité stratégique dans une épreuve de rappel libre auprès d’enfants et de jeunes adultes : la diversité stratégique et le changement stratégique. Pour rappel, la diversité stratégique correspond au nombre de stratégies différentes qu’un individu applique dans une épreuve. Le changement stratégique fait référence aux variations quant à la fréquence d’utilisation des stratégies ou au nombre de stratégies utilisées au cours de différentes occasions.

En rapport avec les différences d’âge sur les deux types de variabilité stratégique, nous pensons que les jeunes adultes devraient montrer une diversité stratégique et un changement stratégique plus importants que les adultes âgés. En ce qui concerne la diversité stratégique, plusieurs résultats vont dans ce sens dans les épreuves de rappel libre ou d’arithmétique (Duverne, Lemaire et Vandierendonck, 2008 ; Rankin et al., 1984 ; Zivian et Darjes, 1983). En ce qui concerne le changement stratégique, nous pensons que les jeunes adultes devraient en moyenne changer davantage de stratégie que les adultes âgés. Il est probable qu’au fil des listes de paires de mots, la plupart des jeunes adultes prennent conscience de la plus grande efficacité de la stratégie d’imagerie ou de génération de phrases par rapport à la stratégie de répétition et utilisent de plus en plus l’une ou les deux stratégies interactives (Hertzog et al., 2012). En revanche, de nombreux chercheurs ont montré que les adultes âgés souffrent de ce qui est parfois appelé une inertie stratégique (Hertzog et al., 2012 ; Touron, 2006 ; Touron et Hertzog, 2004a,b ; Touron et al., 2004). Les adultes âgés ont plus de peine à identifier la stratégie la plus efficace et préfèrent continuer alors à utiliser une stratégie inefficace, mais plus facile à utiliser (Brigham et Pressley, 1981). Pour ces raisons, nous faisons l’hypothèse que le changement stratégique sera plus marqué chez les jeunes adultes que chez les adultes âgés. Les jeunes adultes devraient être plus nombreux à abandonner la stratégie de répétition au profil de l’une des deux stratégies efficaces (génération de phrases et imagerie) que les adultes âgés. Ainsi, notre seconde hypothèse est la suivante :

H2 : Les deux types de variabilité stratégique devraient être d’amplitude plus élevée chez les jeunes adultes que chez les adultes âgés.

16 Nous allons nous centrer sur ces trois stratégies dans le reste de ce travail.

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Nous faisons également l’hypothèse que les deux formes de variabilité stratégique devraient être liées aux performances en mémoire épisodique dans les deux groupes d’âge. Alors que ces deux formes de variabilité stratégique devraient être adaptatives chez les adultes âgés, elles ne devraient pas l’être chez les jeunes adultes. Comme nous nous attendons à ce qu’une bonne partie des adultes âgés n’utilisent pas spontanément la stratégie d’imagerie, ceux qui l’utilisent devraient avoir une diversité stratégique plus importante que ceux qui ne l’utilisent pas et donc un niveau de performances plus élevé. Par ailleurs, les adultes âgés qui changent de stratégie au cours des listes de paires de mots pour adopter la stratégie d’imagerie devraient avoir de meilleures performances que les adultes âgés qui utilisent peu cette stratégie tout au long des listes de paires de mots. Nous nous attendons donc à une corrélation positive entre la diversité et le changement stratégique et le pourcentage de mots correctement rappelés chez les adultes âgés. En revanche, comme nous nous attendons à ce qu’une bonne partie des jeunes adultes utilisent la stratégie d’imagerie dès la première liste de paires de mots, nous pensons que les individus qui utilisent cette stratégie de manière consistante auront de meilleures performances que les individus qui utilisent plus de stratégies (y compris des stratégies inefficaces). Par ailleurs, les individus qui utilisent la stratégie d’imagerie dans toutes les listes de paires de mots devraient avoir de meilleures performances en moyenne que les individus qui n’utilisent principalement cette stratégie qu’après quelques listes de paires de mots. Autrement dit, nous devrions observer une corrélation négative entre le changement stratégique et la diversité stratégique avec le pourcentage de mots correctement rappelés chez les jeunes adultes. Ainsi, notre troisième hypothèse est la suivante :

H3 : La variabilité stratégique devrait corréler positivement avec le nombre de mots correctement rappelés chez les adultes âgés et corréler négativement avec le nombre de mots correctement rappelés chez les jeunes adultes.

Nous pensons que le changement stratégique devrait corréler avec la variabilité intra-individuelle en mémoire épisodique dans les deux groupes d’âge. Cela signifie que plus le changement de stratégie est important, plus l’amplitude de la variabilité intra-individuelle en mémoire épisodique devrait l’être aussi. En effet, nous nous attendons à ce que les individus qui abandonnent les stratégies les moins efficaces (en l’occurrence, la répétition) au profit de stratégies plus efficaces dans l’épreuve d’apprentissage de paires de mots (l’imagerie et la stratégie de génération de phrases) voient leurs performances fluctuer davantage que les individus qui utilisent la même stratégie tout au long des listes de paires de mots. Ainsi, notre quatrième hypothèse est la suivante :

H4 : L’amplitude du changement stratégique devrait corréler positivement avec la variabilité intra-individuelle des performances en mémoire épisodique dans les deux groupes d’âge.

Si la variabilité intra-individuelle en mémoire épisodique est fortement influencée par le fait que les individus changent de stratégies entre différentes liste de paires de mots, nous devrions nous attendre à des résultats assez semblables en ce qui concerne les différences d’âge et la variabilité intra-individuelle en mémoire épisodique et les différences d’âge en rapport avec l’amplitude du changement stratégique. Nous devrions observer que les performances des jeunes adultes fluctuent davantage que celles des adultes âgés. Autrement dit, la variabilité intra-individuelle en mémoire épisodique devrait être plus forte chez les jeunes adultes que chez les adultes âgés. Ainsi, notre cinquième hypothèse est la suivante :

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H5 : La variabilité intra-individuelle des performances en mémoire épisodique devrait être plus forte chez les jeunes adultes que chez les adultes âgés.

Comme nous nous attendons à ce que l’amplitude du changement stratégique corrèle négativement avec le pourcentage de mots correctement rappelés chez les jeunes adultes, nous pensons que la variabilité intra-individuelle en mémoire épisodique devrait corréler négativement avec le pourcentage de mots correctement rappelés. Chez les adultes âgés, étant donné que nous nous attendons à une corrélation positive entre l’amplitude du changement stratégique et le pourcentage de mots correctement rappelés, il devrait également y avoir une corrélation positive entre la variabilité intra-individuelle en mémoire et le pourcentage de mots correctement rappelés (pour des résultats semblables, voir Allaire et Marsiske, 2005). Ainsi, notre sixième hypothèse est la suivante : H6 : La variabilité intra-individuelle des performances en mémoire épisodique devrait corréler positivement avec le nombre de mots correctement rappelés chez les adultes âgés et corréler négativement avec le nombre de mots correctement rappelés chez les jeunes adultes.