• Aucun résultat trouvé

170 rendez-vous forge des interrelations au sein de la communauté, notamment entre les femmes Les espaces de vie des familles dépendent de leurs activités et nécessités Il existe des différences entre les familles

avec ou sans enfant et celles qui pratiquent le sport ou non. Mais les atingidos ont tous l’occasion à un moment de la semaine de passer par le centre du reassentamento et d’échanger entre elles. Dans certains cas, des conflits existent entre les reassentados. Le directeur de la LRP explique que des antagonismes apparaissent pour des raisons politiques, notamment à cause de la nomination d’un nouveau maire. Ces problèmes semblent être ceux de tous groupes sociaux, indifféremment de leur localisation.

Enfin, l’installation de familles, avec les infrastructures et les activités qui en découlent, peut être porteuse de dynamisme dans une zone rurale. On peut aller jusqu’à parler de nouveaux centres ruraux dans le municipe de Barracão/RS, sachant que les reassentamentos collectifs 1 et 2 attirent des populations extérieures. Si le dynamisme n’existe pas pour tous les reassentamentos collectifs, le lien avec le centre administratif du municipe sera d’autant plus fort.

L

es reassentamentos collectifs sont installés en zones rurales, mais ne sont pas isolés du reste du municipe pour autant. Pour les familles résidentes, les voisins et les liens avec le centre urbain proche s’inscrivent dans une logique de mobilité à l’intérieur du municipe. Les atingidos viennent souvent s’installer dans des régions de grandes fazendas. Ainsi, le voisinage des familles atingidas peut-être composé de grandes ou moyennes propriétés terriennes. Dans le Santa Catarina, il est plus commun d’avoir un voisinage constitué de grands fazendeiros. Parallèlement, dans le Rio Grande do Sul, les voisins semblent davantage correspondre à des exploitations de taille moyenne (cf. Photo 2.85). Le dialogue avec le voisinage, hors reassentamento collectif, n’est pas toujours simple à établir et les atingidos déplorent ces relations. Néanmoins, de petits ou moyens agriculteurs travaillent en commun avec les atingidos, prêtant du matériel ou exploitant directement les terres inutilisées des atingidos.

Après leur migration, les familles s’installent dans des municipes qu’elles ne connaissent que très peu. Il faut donc s’adapter, notamment au nouveau centre (ville) du municipe et aux services disponibles. Le centre du municipe est important dans l’espace de vie des familles car elles y établissent beaucoup de relations. La vie quotidienne procure de nombreux motifs pour aller dans le centre  : banque, commerces, services, administration, etc. Mais les équipements des centres varient beaucoup selon les municipes. Ainsi, Barracão/RS compte 2 755 habitants, dans la zone urbaine, contre 22 500 pour Campos Novos/SC et 32 500 pour Curitibanos/SC (IBGE, 2000). De fait, les aménagements et

Photos 2.85 et 2.86 - Deux voisins de reassentamento collectif, un travaillant avec les familles, l’autre sans aucune relation, Barracão/RS, le 24 août 2007 et Campos Novos/SC, le 2 septembre 2007, G. LETURCQ.

171

les services offerts par une ville de 3 000 habitants diffèrent de ceux d’une ville de 30 000 habitants. Par exemple, on trouve quatre établissements de santé à Barracão/RS contre 19 à Curitibanos. Il y a onze écoles pour le municipe du Rio Grande do Sul contre 46 pour celui du Santa Catarina.

Les relations famille-ville sont elles aussi bien différentes. Soit, la famille accentue ce lien avec la zone urbaine par rapport à son espace de vie précédent ; soit la famille limite ses déplacements en ville, n’y trouvant pas sa place. On observe sur les photos suivantes que la morphologie urbaine des deux cités est très différente, ce qui implique un lien urbain particulier pour les familles.

Le lien avec le centre urbain illustre aussi l’adaptation et l’intégration des atingidos avec leur nouvel environnement. Ainsi, pour illustrer une intégration réussie, il existe l’exemple d’un atingido qui est devenu président du syndicat des travailleurs ruraux de son nouveau municipe (Barracão/ RS). Les atingidos se déplacent aussi en ville pour gérer les questions agricoles : les relations avec les coopératives, les liens avec l’Emater (Empresa de Assistência Técnica e Extensão Rural)93 ou

l’Epagri (Empresa de Pesquisa Agropecuária e Extensão Rural e Santa Catarina)94, etc. Beaucoup

d’atingidos sont en relation avec les coopératives. Elles ont un rôle important pour l’assimilation des familles dans le nouveau municipe car quasiment tous les producteurs agricoles s’inscrivent dans une coopérative. Ainsi, lorsque les atingidos s’installent dans un nouveau municipe, la coopérative locale peut être un bon vecteur d’intégration sociale.

Le centre du municipe est enfin un carrefour pour les déplacements internes et externes au municipe. On rencontre souvent des atingidos à la gare routière de Barracão/RS ou de Campos Novos/SC, se déplaçant pour revoir leurs familles ou amis restés sur l’ancien lieu de vie ou réinstallés dans d’autres municipes. À Campos Novos, la mobilité est exacerbée par la présence d’un axe de communication goudronné et très utilisé, le long de deux reassentamentos du municipe. Cette route relie les grandes villes de l’est du Santa Catarina avec Chapecó/SC, passant donc par la gare routière de Campos Novos/SC.

93. Traduction : EMATER – Entreprise d’Assistance Technique et d’Extension Rurale. C’est une institution d’aide technique agricole que l’on retrouve dans tous les municipes du RS.

94. Traduction : EPAGRI – Entreprise de recherche agro-pastorale et d’extension rurale et Santa Catarina . C'est la version de l’EMATER pour le SC.

Photos 2.87 et 2.88 - Les centres de Barracão/RS à droite et Curitibanos/SC à gauche, le 27 août 2007 et le 4 septembre 2007, G. LETURCQ.

172

Le reassentamento collectif est un élément qui s’inscrit dans la structure rurale d’un municipe, ainsi que dans sa structure générale. Les familles membres participent à la vie du municipe entier, à travers le voisinage, leur mobilité, la ville et ses services, etc. Ces éléments s’ajoutent à l’espace de vie global des atingidos.

P

armi les reassentamentos de Machadinho, celui du nord de Curitibanos/SC, Novo Amanhecer95,

se différencie beaucoup des autres. Son histoire est particulière, regroupant des familles qui ont lutté pour faire valoir leurs droits et bénéficier d’une compensation pour les pertes subies suite à la construction du barrage de Machadinho.

Du point de vue de la MAESA et d’autres acteurs proches de l’entreprise, les familles indemnisées profitent de la situation pour obtenir une compensation non justifiée. Les familles revendicatrices semblent pour la plupart des atingidas indirectes, c’est-à-dire des familles affectées par le barrage, mais dont les terres ne sont pas inondées. Elles sont plus de 300 à demander réparations, organisant leurs actions sous la tutelle du MAB. Parmi ces familles, nous trouvons par exemple certaines d’une communauté de Machadinho/RS amputée de 80 % de ses membres. Les familles ne souhaitent par rester vivre dans ces nouvelles conditions. Les familles demandent alors à être réinstallées dans un reassentamento collectif. Elles passent plusieurs années à manifester et négocier avec l’entreprise qui ne veut rien entendre. Finalement, la justice donne raison aux familles et ordonne à la MAESA de régler le conflit. Le gouvernement fédéral semble aussi pousser dans cette direction et la MAESA doit dès lors indemniser les familles. L’entreprise accepte et donne une somme d’argent au MAB. En échange, le mouvement a la charge de faire stopper les protestations, de réaliser le reassentamento et d’y installer les familles. Plus de 25 millions de reais sont attribués au MAB pour l’installation de 350 familles environ96. Pour la gestion de la somme et du processus

d’installation des familles, le MAB crée une délégation spéciale, l’Aconte. Le déroulement des réinstallations doit maintenant être exclusivement géré par le MAB qui divise l’argent pour plusieurs lieux de réinstallations.

Parmi ces localisations, on trouve le reassentamento collectif de Novo Amanhecer, à Curitibanos/ SC. On prévoit d’y accueillir dans un premier temps entre 120 et 140 familles, puis finalement que 72 familles. Le MAB initie l’aménagement de la propriété en divisant les lots et commence à construire les maisons, mais le chantier s’arrête après six mois. Il apparaît rapidement que le

95. Traduction : Nouvelle aube.

96. L’indemnisation moyenne théorique est donc d’un peu plus de 73 000 reais par famille.

173

reassentamento ne répond pas aux attentes des familles. Ces familles s’interrogent et demandent de l’aide à la MAESA pour que soit terminé le reassentamento afin qu’elles puissent y vivre correctement. De nouveau, sous le joug de pressions extérieures97, la MAESA, par l’intermédiaire

de la LRP, termine les maisons des familles qui vivent déjà sur place. C’est le gouvernement fédéral qui raccorde la structure en électricité.

La plupart des familles ont aujourd’hui un fort ressentiment contre la MAESA et le MAB. Elles sont prolixes concernant leurs parcours, leurs histoires et ont des avis tranchés. Finalement, ce processus reste assez flou, notamment les 25 millions de reais qui ne sont pas totalement utilisés pour les reassentados. Selon une atingida, Inês, le MAB aurait détourné l’argent des familles. Les autres déceptions à propos du mouvement concernent le manque de soutien et l’abandon du MAB et de ses dirigeants. Quand la LRP est intervenue pour terminer les maisons, elle a utilisé le reste de l’argent qui était prévu (soit 72 000 reais par famille) et a finalement redistribué le surplus. Le processus de manifestation puis d’installation des familles dure au total cinq années. Les familles l’évoquent comme une souffrance. Les conditions de vie ne sont pas bonnes avec des familles qui vivent plusieurs mois dans une grange, sans eau potable. Des regrets apparaissent quant au type d’indemnisation reçue car des familles auraient préféré vivre en reassentamento individuel, mais ils n’ont pas eu le choix. Aujourd’hui encore, les familles déplorent le long processus et ce passage de leur vie qui les a particulièrement marqués.

En 2007, environ quarante familles résident dans le reassentamento. D’autres sont déjà parties malgré la construction de leur maison. On compte d'ailleurs une majorité de maisons restées inachevées. Le reassentamento collectif n’a pas les mêmes infrastructures que les autres. Les familles doivent elles-mêmes construire les lieux de vie de la communauté. Ainsi, une église temporaire a été fabriquée par les atingidos et ils construisent actuellement une salle communautaire. Les liens entre familles semblent particulièrement importants et l’entraide fonctionne, notamment pour les constructions de bâtiments communs. Les difficultés analogues vécues par les familles les ont rapproché et elles vivent maintenant ensemble. Par exemple sur les 41 familles, 37 viennent à l’église le dimanche matin selon Inês. Il existe aussi un club des mères98 et les familles se réunissent

97. Pouvoir judiciaire de Lages/SC et semble t-il le président Fernando Henrique Cardoso.

98. Le club des mères réunie les mère de familles du reassentamento pour la pratique commune de couture ou de cuisine.

Photos 2.91 et 2.92 - Maison abandonnée et paysage du reassentamento collectif Novo Amanhecer, Curitibanos/SC, le 6 septembre 2007, G. LETURCQ.

174

souvent autour d'un barbecue. Sur les Photos 2.93-2.94 et 2.95-2.96, on voit l’église de la communauté et le chantier pour la salle.

Les atingidos disposent entre dix et douze hectares de terre à cultiver. Le type de terre sur les plateaux ne correspond pas à ce que les familles connaissent. Les familles atingidas produisent du maïs et des haricots et vivent principalement grâce aux revenus apportés par le lait. Un camion de la coopérative passe deux à trois fois par semaine et recueille directement le lait dans les réservoirs. Ce revenu stable contribue à l’installation durable des foyers.

Les familles reçoivent l’aide d’un voisin, Gilson, qui profite de l’arrivée des atingidos. Sur quelques terres louées (30 hectares) et sur les siennes (100 hectares), il cultive et produit surtout de l’ail, des oignons, des betteraves, des haricots et du maïs. Il réalise certains investissements, notamment pour l’irrigation et il loue son équipement aux familles du reassentamento, particulièrement pour la mise en culture des terres. Il est heureux de l’arrivée des atingidos car cela lui permet de travailler avec ses nouveaux voisins et il envisage d’acheter une partie des terres inutilisées99 à cause des

départs de familles.

99. Gilson explique que le prix de la terre est d’environ 7 000 reais par hectare, soit une valeur inférieure au marché.

Photos 2.93 et 2.94 - Le club des mères et l’intérieur de l’église catholique du reassentamento, Curitibanos/SC, le 6 septembre 2007, G. LETURCQ.

Photos 2.95 et 2.96 - Salon communautaire en construction au sein du reassentamento, Curitibanos/SC, le 6 septembre 2007, G. LETURCQ.

175

L’intégration dans la vie du municipe n’est pas facile pour ce reassentamento collectif. Les familles habitent à plusieurs dizaines de kilomètres du centre du municipe de Curitibanos/SC et sont éloignées en zone rurale. Les enfants doivent faire entre 1 h 30 et 2 h de transport quotidien pour aller à l’école. Le reassentamento ne dispose pas d’école, mais des sections spéciales pour les enfants du reassentamento sont aménagées dans le centre urbain le plus proche. Pour Zelinda, la ville est trop éloignée, compliquant particulièrement sa vie au quotidien.

Les familles, notamment celles originaires du Rio Grande do Sul, ne s’habituent pas au système de santé présent dans le municipe catarinense. Celui-ci est trop fréquenté, avec des attentes de plus de deux heures pour les familles. Elles racontent les différences notables, notamment le fait qu’à Machadinho/RS il n’est pas nécessaire de payer, alors que maintenant tout est payant, même les médicaments. Des familles, notamment celles originaires de l’état gaúcho semblent avoir du mal à accepter les différences entre le nouvel état et l’ancien. La distance entre le centre et leur lieu de résidence est le plus gros problème à leurs yeux et n’aide pas à leur intégration. Certaines familles pensent essayer de vendre leur propriété pour aller s’installer en ville ou plus près d’un centre urbain. Mais la majorité semble avoir trouvé sa place et s’épanouit dans le reassentamento collectif. Elle pense rester y vivre, pour continuer à construire une communauté.

Photos 2.97 et 2.98 - Terre du voisin avec de l’irrigation et paysage rural du reassentamento, Curitibanos/SC, le 6 septembre 2007, G. LETURCQ.

Photos 2.99 et 2.100 - Deux maisons du reassentamento collectif Novo Amanhecer, Curitibanos/SC, le 6 septembre 2007, G. LETURCQ.

Outline

Documents relatifs