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196 trente ans les constructions d’ouvrages hydrauliques dans la région Les chiffres, au-delà du débat sur la précision, ont des effets non négligeables sur les populations de la région.

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ne fois que les informations circulent sur la construction de barrages, des groupes s’organisent pour donner des formations aux populations locales. Elles visent principalement à retransmettre les informations et préparer les familles aux prochaines modifications. Les formations semblent se faire spontanément, sans qu’il n’y ait de vraie concertation et de ce fait, les informations les concernant sont parfois confuses. Ainsi, on sait que ce sont les Églises et leurs paroisses locales qui les organisent avec l’aide d’autres acteurs.

Lors des entretiens, les populations font aussi référence à ces stages de formation. Les familles ayant cité ces stages ne savent jamais dire quels en sont les initiateurs et par qui elles ont été formées. Claudiomir12 raconte avoir reçu cette formation dans sa communauté (Dom José), à

Alpestre/RS, alors qu’il avait dix-huit ans, soit en 1981. Il affirme qu’elle fut très bénéfique pour les négociations et même s’il ne se remémore pas très bien du contenu et des formateurs, il a « appris à faire valoir ses droits ». D’autres personnes parlent des formations en confirmant les dates entre la fin de l’année 1979 et le début de 1981.

Lors d’un entretien, Pedro Melchior13 donne plus de détails et explique que c’est dans un premier

temps l’Église catholique qui dirige les formations. Elles sont aussi créées et diffusées avec l’aide de « pasteurs de des Églises protestantes, de dirigeants syndicaux et de quelques intellectuels locaux » (SIGAUD, 1995). Les intervenants sont dénommés « médiateurs » par L. Sigaud, jouant un rôle d’intermédiaires et de préparateurs. Ils sont écoutés dans les régions où ils interviennent car ils possèdent un type d’autorité (religieuse, syndicale, intellectuelle). Ainsi, les informations qu’ils transmettent sont plus souvent considérées et propagées plus largement.

Le mouvement des victimes de barrages, dans sa première version, le CRAB (Comissão Regional dos Atingidos por Barragens)14 vient ensuite prendre le relais. La commission met au point son

propre programme («  plan de formation de base  »)15, réalisé en trois stages, de deux jours. Le

justificatif donné par le leader local du MAB est que « La formation idéologique et la connaissance de la réalité peuvent créer des sujets capables de créer et de fortifier l’organisation pour contribuer au quotidien du mouvement. »16. L. Sigaud confirme les objectifs des formations « informer les paysans

afin de les mobiliser contre le projet de construction des barrages et ils s’employèrent à les alerter sur les «risques» inhérents au projet de l’entreprise » (SIGAUD, 1995). Ces portes paroles aident à la circulation de l’information, mais ne confirment pas toujours la vérité. Ils pratiquent donc une sensibilisation de la population.

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es projets de barrages sont petit à petit intégrés aux discussions et préoccupations des familles. Le passage de l’imaginaire au concret se réalise au fil des années et trois éléments viennent confirmer cette évolution :

• Les projets des années 1970, réalisés par le gouvernement militaire, ne laissent aucune trace écrite dans la région. Ce sont ces visites les techniciens qui valident concrètement les études. Quelques

12. Entretien à Alespetre/RS, le 16 juillet 2008.

13. Entretien par email avec Pedro Melchior, le 10 mars 2010.

14. Traduction : Commission régionale des victimes de barrages, ancêtre du MAB. 15. Traduction : « plano de formação de base ».

16. Traduction : « A formação ideológica e o conhecimento da realidade pode criar sujeitos capazes de criar e fortalecer a organização para contribuir no dia a dia do movimento. ».

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nouvelles aux informations locales, voire nationales, viennent les confirmer. Mais personne n’est jamais venu valider ces projets directement auprès de la population. Les familles s’en remettent donc par la suite, à toutes les informations qu’elles peuvent recueillir. Le premier media qui informe sur le Projeto Uruguai est la presse. L’information est très bien accueillie par la population selon un leader du MAB (POLI, 1999). On voit à travers les entretiens réalisés pour le barrage de Machadinho, que les familles s’imprégnèrent des informations qu’elles arrivent à glaner et cela les influence. Le sort de leur région les inquiète, notamment à partir du moment qu’elles connaissent « les dimensions du lac et la superficie de terre à être inondée »17 (POLI, 1999).

• L’existence des formations pour les familles renforce encore plus les idées de construction d’usines. Ces formations ont parfois été oublié. Elles n’ont pas toujours marqué les populations et sont présentées comme des éléments faisant partie de la préparation des familles au phénomène qui se met en place dans les années 1980. Elles servent pour que la population accepte les événements qui vont suivre et que les familles se préparent à revendiquer leurs droits. • Enfin, ce qui va rendre concret le faisceau de présomption, ce sont les premières constructions de barrages. Elles confirment ce qu’attendait la population et renforcent la peur d’une possible multiplication. Le premier projet qui semble le plus prompt à se concrétiser est celui d’Iraí, mais pour les raisons précédemment expliquées il n’en est rien. Ensuite, vient le projet d’Itá. Là encore, le projet naît au début des années 1980, mais diverses raisons empêchent le projet de se réaliser rapidement. Le contexte économique et politique retarde cette usine jusqu’à ce que dans les années 1990, le président Fernando Henrique Cardoso relance la politique énergétique et l’UHE d’Itá peu finalement être construite. Cette première construction dans la région sert d’exemple. Les expériences des nombreuses familles qui doivent migrer sont racontées, notamment tout ce qui concerne la lutte, les négociations et les déménagements. De l’autre coté, l’entreprise qui construit l’usine se sert d’Itá comme d’une vitrine. Le barrage joue un rôle important pour montrer comment le processus se déroule et quels en sont les résultats.

Ces trois points mis en commun ont donc alimenté la phase d’implantation des usines dans la région, mais aussi les bruits et la confusion. Tous ces éléments permettent à la population d’accréditer l’idée que les barrages existeront un jour. C’est une différence notable avec ce qui c’est passé dans le Nordeste, où les paysans n’ont pas cru à la possible montée des eaux et à ce qui leur était annoncé par les représentant de l’entreprise. C’est ce que L. Sigaud décrit comme « l’incrédulité des paysans » (SIGAUD, 1995), et leur non compréhension des événements en cours.

Entre les rumeurs et la vérité, il semble complexe d’établir un niveau d’information constant pour les familles. Carlos Vainer explique lors d’un séminaire18 qu’une mobilisation a lieu, dans le sud,

au début des années 1980. Ayant connaissance des projets, entre 1981 et 1982, une pétition, demandant leur révision, est lancée dans le Rio Grande do Sul. La pétition, malgré diverses difficultés, reçoit plus d’un million de signatures19.

Après le premier barrage construit, avec la concrétisation des projets encore plus de rumeurs circulent. Entre aussi dans ce phénomène une grande part d’imaginaire : un climat général est entretenu concernant les barrages hydroélectriques. L’appréhension d’un futur incertain et le manque d’informations peuvent parfois rendre les familles totalement réticentes aux usines hydroélectriques.

17. Traduction : « as dimensões do lago e a quantidade de terra a ser inundada ». 18. Intervention orale de Carlos Vainer (VAINER, 1995).

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