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194 la construction de vingt-deux barrages dans le bassin, pour environ 40 000 familles victimes L’annonce du projet est précoce et dès lors la population assimile cette possibilité Lygia Sigaud

estime que dans beaucoup de cas de barrages au Brésil, les populations sont incrédules. Elles ne croient pas en la possibilité de voir l’eau monter et le paysage changer, « Les paysans du «noyau» disent tous qu’ils n’avaient pas cru que les eaux du fleuve pourraient atteindre les limites indiquées par la Chesf, … » (SIGAUD, 1995). Le résultat final de ces études successives est la validation du grand potentiel hydroélectrique de la région et la multitude d’emplacement possible.

L

es familles proches du municipe de Machadinho ont déjà entendu parler d’un barrage dans leur région depuis 1979 selon certains agriculteurs. Dans les entretiens informels réalisés dans le municipe de Barracão/RS, beaucoup de personnes entendent parler des barrages depuis plus de trente ans. Un tournant a lieu avec le barrage d’Iraí. C’est un des premiers projets de barrage du milieu des années 1980. Il est prévu de très grande taille et doit inonder de nombreux municipes, dont deux villes (São Carlos/SC et Águas de Chapecó/SC), alors qu’il ne doit pas affecter Barracão/RS, des familles sont informées de l’ampleur des migrations prévues. L’effet psychologique est souvent important avec ce type d’annonce car l’ampleur des barrages et les nombreuses conséquences sur les populations effraient.

Diverses raisons expliquent l’arrêt temporaire des projets, mais elles varient selon les sources d’informations et selon la position sur terrain conflictuel. Pour les entrepreneurs et décideurs, l’abandon des barrages est la conséquence d’une d’étude économique qui prévoit des coûts trop élevés et un retour sur investissement aléatoire. Pour les familles et les mouvements sociaux, l’abandon des projets s’explique par les manifestations et les protestations, puis par les négociations avec les instances dirigeantes. Quelle que soit l’explication, les projets de barrage d’Iraí et de Machadinho sont finalement abandonnés au milieu des années 1980. Il est en tout cas certain que ces projets laissent une marque profonde dans l’esprit de la population de toute la région du Haut bassin de l’Uruguay.

A

fin de mieux comprendre les effets de l’inscription dans le temps des projets de barrages sur les populations, nous avons effectué une enquête dans des municipes affectés par le barrage de Foz do Chapecó. Notre objectif est de connaître depuis combien de temps les projets de barrages font partie de la vie des familles3. Pour les municipes de São Carlos/SC, Águas de Chapecó/SC et

Alpestre/RS, les rumeurs concernant les barrages datent de très longtemps.

Au cours de cette enquête réalisée en 2007, sur cinquante deux réponses la moyenne est d’un peu moins de vingt ans (19,8). La première fois qu’elles ont entendu parler de barrages dans la région date d’environ 1987. Un peu moins d’un quart des personnes interrogées répondent « trente ans » et le maximum énoncé (Carlos de Caxambu do Sul/SC), est de « cinquante ans ». Les informations reçues font appel à la mémoire, d’où le possible niveau d’incertitude et donc d’appréciation par les familles. D’un point de vue dialectique, il est aussi utilisé diverses expressions insistants sur la perception de durée, tel que « Mais de … »4. Une personne utilise une expression relative au temps qui passe,

disant « Já faze horas . »5. Un futur atingido observe la différence entre l’abstrait et le concret,

distinguant les premières rumeurs entendues (vingt ans) et les premières questions officielles concernant sa propriété (neuf ans). Enfin, une dernière personne cite précisément dix-huit ans dans le passé, c'est à cette époque qu’elle entend parler des usines hydroélectriques et d’un sondage

3. cf. Annexe 4.2 Question 88. 4. Traduction : « Plus de … ».

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en 1989. On en déduit que les premières études (1960-1970) faites dans la région sont hors du système d’information. Les familles ont dans un second temps des informations sur les projets et peuvent réagir en conséquence (McDONALD, 1989).

Depuis le début des années 1980, il existe un projet d’usine hydroélectrique (Iraí) proche de l’emplacement de Foz do Chapeco. Mais concernant le futur barrage de Foz do Chapecó, la première étude date de 1999. L’EIA (Étude d’Impact Environnemental) et le RIMA (Rapport d’Impact Environnemental) sont réalisés par l’Engevix et datent de février 2000. Le PBA (Projet Basique Environnemental) est ensuite écrit par l’ECSA (Engenharia Socioambiental Sociedade Simples)6, en avril 2003. C’est à partir de ce rapport qu’on détermine les familles affectées par le

barrage et sa retenue et celles à indemniser. La date butoir, établie dans ce rapport, qui détermine ensuite toutes les indemnisations, est le 3 décembre 2002. Les familles commencent ensuite à migrer en décembre 2009, soit sept ans après le passage des techniciens pour le PBA.

L

a série de barrage sur le fleuve Uruguay ne se termine pas avec Foz do Chapecó et déjà lors de divers entretiens informels, des références sont faites aux futurs barrages. Il est surtout question d’un projet dans le municipe de Itapiranga/SC, à la frontière avec l’Argentine. Au cours de discussions surgit parfois la peur d’une multiplication des ouvrages (cf. Carte 1.5).

Les études prévoient une utilisation maximale du potentiel du bassin de l’Uruguay, allant ainsi jusqu’à construire vingt deux barrages sur le bassin. Il reste encore dans les discours cette peur explicable d’un développement des usines hydroélectriques. Celle-ci est renforcée par les derniers plans de croissance (PAC) du gouvernement Lula. Les financements pour ce type d’ouvrages vont continuer dans la région (cf. Carte 1.8), notamment pour les barrages de d’Itapiranga et São Roque. Dans la région, le projet de barrage entre les municipes de Pinheirinho do Vale/RS et Itapiranga/ SC, portant le même nom est ancien, mais à ce jour rien n’est construit. Les dernières informations parlent de premières études et de plans de constructions pour 2013. L’usine fait déjà parler d’elle à cause des probables effets destructifs sur la forêt et sur le paysage régional. On trouve à quelques kilomètres de l’emplacement du barrage, les chutes Salto do Yucumã7, qui se situent dans le parc d’état

du Turvo8, dans le municipe de Derrubadas/RS. Face au projet, des écologiste et des acteurs locaux9

se mobilisent afin de faire annuler la construction ou du moins d’en réduire les effets néfastes.

L’impact social de ce futur barrage n’est pas non plus connu. Comme bien souvent, les chiffres exacts du nombre d’atingidos restent vagues et une guerre de données s’engage. Dans un entretien dans la revue électronique EcoDebate10 Pedro Melchior dit que «  L’étude que nous avons faite

(MAB) indique qu’entre 1 500 et 2 000 familles seront affectées. L’entreprise est en train de noter jusqu’à 60 % de moins dans sa recherche. »11. Pedro Melchior est le responsable du Mouvement

des victimes de barrages (MAB) pour la région Ouest du Santa Catarina. Il suit depuis plus de

6. Traduction : ECSA – Entreprise socio-environnementale, contracté par Foz do Chapecó Energia pour gérer le processus d’indemnisation et négocier ces dernières avec les familles.

7. Traduction : Chute de Yucumã. 8. Traduction : perturbé.

9. Parmi les participants on retrouve : le MAB, le MST, la Via Campesina, les diocèses de Chapecó/SC et de Frederico Westphalen/RS, diverses mairies, la faculté d’Itapiranga, etc.

10. Entretien de Pedro Melchior dans la revue électronique EcoDebate, le 8 septembre 2009. Disponible sur  : <www. ecodebate.com.br/2009/09/08/uhe-de-itapiranga-uma-luta-de-mais-de-30-anos-entrevista-especial-com-pedro-melchior>. 11. Traduction : « O estudo que fizemos aponta que entre 1500 e duas mil famílias serão atingidas. As empresas estão colocando até 60 % menos na pesquisa. ».

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