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Les identités « troubles », « labiles » des personnages pour le narrateur

Chapitre VI. La mémoire des personnages

6.1. Les personnages et les narrateurs

6.1.2. Les identités « troubles », « labiles » des personnages pour le narrateur

6.1.2. Les identités « troubles », « labiles » des personnages pour le narrateur

Les difficultés de la vie dans la jeunesse du narrateur sont un des thèmes importants chez Modiano. Pour l’exprimer, l’existence des personnages changeants est très importante. Les identités « troubles », « labiles » des personnages pour le narrateur sont cardinaux pour représenter les expériences pénibles du narrateur. Non seulement les narrateurs, les personnages aussi ont des difficultés pour leur vie. Leur « apparaître » est toujours dans un environnement bizarre et périphérique, nombres des personnages vivent dans ces circonstance suspectes.

L’on constate que, Modiano souvent crée les personnages de ses œuvres en s’appuyant sur sa vraie vie ; ainsi, l’on trouve les personnages renvoyant aux modèles réels. Souvent, l’influence des parents de Modiano apparait en tant que prototype des personnages. La vie marginalisée, le délaissement dont un enfant est victime, surtout le père de Modiano vivait dans un milieu suspect. Les gens que le père fréquentait étaient des gens marginalisés. La contrefaçon d’une identité fausse, le marché noir, concernaient les affaires suspectes. D’ailleurs, comme la mère de Modiano, les personnages de comédiens apparaissent souvent dans ses romans. On constate l’existence de modèles réels des personnes réelles. Non

seulement les personnages sont fonctionnalisés, comme dans Dora Bruder il a évoqué une

fille juive disparue dans un camp au moment de la guerre mondiale et elle est devenue un modèle d’un personnage principal.

La plus grande partie, pour les narrateurs qui vivent dans une situation difficile, les personnages sont des existences qui secouent et font souffrir le narrateur. Les personnages

dans La Petite Bijou, la mère de la narratrice née d’un père inconnu, abandonne son enfant et

l’envoie chez une de ses amis, son comportement a blessé véritablement la narratrice. Sa

293 Ibid, p.112.

294 Ibid, p.112

133 froideur et l’égoïsme est remarquable dans son attitude contre sa propre fille ; le jour où la narratrice a trouvé sa mère dans le métro à Paris, la mère n’a jamais reconnu sa fille. D’ailleurs, la mère de la narratrice mène une vie désenchantée après l’échec de la carrière en tant que danseuse classique, elle vit au jour le jour en travaillant dans plusieurs cabarets de nuit. L’usage abusif de l’éther, la fréquentation avec nombreux d’hommes étrangers, surtout un homme nord-africain, le revenu mystérieux des gros billets, l’appartement dans la banlieue parisienne, ces éléments rendent sa vie suspecte et signifient qu’elle vit dans un milieu périphérique.

Cette personne bouleverse la jeune narratrice. La mère dépourvue de la discipline, elle n’arrive à donner aucune leçon de morale à sa propre fille, leur vie se met à se dégrader. Le rapport entre la mère et la fille est donc instable. La mère lunatique, depuis l’enfance de la narratrice. Elle la délaisse, parfois dépend de sa fille, comme elle lui demande de masser sa cheville, et à la fin l’abandon de la fille à la maison de la compagne, la mère a disparu, son attitude est toujours labile pour la narratrice.

Comme la mère de la narratrice, les Valadier, un jeune couple d’une trentaine d’années, la narratrice s’occupe de leur fille en tant que baby-sitter. Les trafiquants, leur attitude impérieuse et indifférente est blessante non seulement pour leur propre fille mais aussi pour la narratrice. Elle remarque la distance entre un enfant et les parents, comme si la petite n’était pas leur fille. Évoquant son enfance solitaire, la narratrice éprouve de la sympathie pour cette petite fille. La femme infidèle, qui amène un jeune homme dans l’appartement pendant l’absence de son mari, de même, le mari trafiquant les nombres du couple se trompent l’un l’autre. L’usage de faux nom et prénom, peut-être ils en emploient plusieurs, en trompant les gens, un jour ce couple et la petite disparaissent devant la narratrice sans prévenir. Cette conduite donne un choc à la narratrice et fait ressentir une forte solitude. Les personnages, ils sont troubles pour la narratrice comme sa mère.

Les personnages, les parents indifférents pour les narrateurs sont un des thèmes importants chez Modiano. Les pères absents à la maison, les mères indifférentes à l’enfant sont les motifs

importants et apparaissent répétitivement. Dans Dans le café de la jeunesse perdue, dans la

rétrospection de l’adolescence de la narratrice, sa mère était aussi négligeable auprès de sa fille. Née en Sologne, elle travaille en tant que danseuse au Moulin Rouge à Paris pendant la soirée, elle était souvent absente le soir en laissant la narratrice toute seule dans l’appartement. Le père de la narratrice est aussi inconnu sans aucune surveillance, la narratrice sortait

134 souvent le soir et elle a été arrêtée par la police plusieurs fois. Chaque fois la mère vient la chercher à la police, l’attitude de la mère n’est pas chaleureuse, toujours elle joue un rôle de la mère « de façade » seulement devant les autres. Elle ne s’intéresse qu’à elle-même comme la

mère dans La Petite Bijou, elle traite sa fille avec négligence. D’ailleurs, son humeur

changeant la bouleverse.

Dans ce récit, la mère décède quand la narratrice avait quinze ans. Sa mort signifie que finalement son existence est labile pour la narratrice. À cause de sa disparition soudaine, la narratrice devient plus en plus solitaire ; la souffrance de cette vie solitaire l’accule au suicide à l’âge de dix-neuf ans.

De même, le père dans Accident nocturne est négligeant envers son fils, et son attitude

blesse le narrateur ; pour que le père se débarrasse de son fils, le narrateur a été envoyé d’un pensionnat à l’autre, ils n’habitent jamais ensemble après que le narrateur a atteint l’âge de raison. Les rencontres se passent toujours au café de Paris dans la banlieue parisienne en changeant de lieu. Il se rappelle qu’il n’y a jamais été par ses parents. « Mes parents eux-mêmes ne m’avaient été d’aucun recours et les rares rendez-vous que mon père me donnait dans les cafés s’achevaient toujours de la même façon : nous nous levions et nous

nous serrions la main »296. Le père est un homme guindé, même froid contre son propre fils.

Son style de vie de bohème est remarquable ; il n’a pas de domicile fixe, jamais il ne paie le loyer et il erre dans les appartements à Paris de l’un à l’autre sans laisser la trace.

Son style vestimentaire est aussi représentatif de son identité trouble. Dans la remémoration des derniers rendez-vous avec son père, le « moi narrateur » le décrit ainsi : « le costume élimé, les boutons qui manquaient au pardessus bleu marine. Mais les chaussures étaient impeccablement cirées. Je ne dirais pas qu’il ressemblait à un musicien au chômage. Non,

plutôt à l’un de ces « aventuriers » après un séjour en prison »297. Le contraste entre les

vêtements abimés et les chaussures neuves souligne l’étrangeté de son personnage ; pourquoi met-il les chaussurs neuves même si son vêtement est élimé ? Cela fait allusion à la vie errante.

À cause de son métier instable, menant une vie modeste, le père lui-même avait des difficultés dans la vie. Pas d’études, comme le « moi narrateur » dit que « Mon père, plus

aventureux et dont la seule école avait été celle de la rue »298, lui-même n’avait pas été

discipliné et n’avait reçu aucun éducation et il avait mené une vie nonchalante, finalement, lui

296 Patrick Modiano, Accident nocturne, Paris, Éditions Gallimard, 2005, p.33.

297 Ibid, p.51-52.

135 non plus n’était pas capable d’élever et s’occuper de son enfant.

Le narrateur vivait difficilement dans ces circonstances ; à cause du manque affectif et d’une identité incertaine, il souffre toujours du néant de la vie. Un événement quand il avait dix-sept ans, dans lequel le père a appelé la police pour se débarrasser de lui, était plus blessant dans sa vie. À partir de ce jour-là, le narrateur a perdu la confiance envers son père totalement. À cause de l’absence du soutien, le narrateur lui-même erre dans la ville de Paris.

Le père du narrateur dans La place de l’Étoile n’ était pas indifférent à l’égard de son fils,

mais son étrangeté de comportement, son esprit morbide fait souffrir le narrateur sans que son fils en ait conscience. La figure du père est celle d’un « singulier personnage » ; il est juif immigré en France, il était marchand clandestin. Sous l’Occupation, il fait exprès d’habiter en

face de la Gestapo. D’ailleurs, il récite souvent Bagatelles pour un massacre de Céline, en

trouvant que cet ouvrage est très « intéressant ».

Son style vestimentaire aussi est curieux, il portait les vêtements de différents couleurs voyantes. Dans la citation qu’on va donner, l’on peut comprendre que cette personne est presque aliéné. « Mon père ne portait plus un complet vert pâle, une cravate de daim rose, une

chemise écossaise, une chevalière en platine et ses chaussures à guêtres d’astrakan »299.

Il s’habille différemment des Français, cela montre qu’il est étranger, et n’a pas la même culture. Il est mal intégré en France. Grâce aux ressources obtenues par la vente de la forêt de Fontainebleau aux Allemands, finalement il part définitivement aux États-Unis pour fonder une société anonyme la Kaléidoscope Ltd. Dans ce sens, il est aussi labile pour le narrateur ; sa curieuse pensée le bouleverse, et il s’en va devant son fils en le laissant tout seul.

Le motif du père juif correspond au vrai père du narrateur, cette coïncidence apparaît dans

les autres œuvres. Le père du narrateur dans Remise de peine aussi est juif immigré en France,

il a l’expérience d’être arrêté par la police sous l’Occupation. Il est libéré finalement grâce à son ami, cet épisode aussi est similaire de celui du père de Modiano.

Les nombres de familles qui apparaissent dans les œuvres de Modiano sont souvent labiles et troubles. Mais non seulement eux, mais les autres personnages aussi se caractérisent par ces qualificatifs.

Le premier chapitre de Des inconnues, un des personnages, Guy Vincent est aussi identifié

par le mot « trouble » et « labile » par la narratrice. Dans ce récit, la narratrice raconte

136 l’histoire de sa jeunesse dans laquelle elle a quitté ses parents à Lyon. Un jour, quand elle cherchait un travail, elle trouve une demande de travail d’un mannequin par hasard. Mais l’entretien se passe très mal, le rêve de devenir un mannequin est brisé, d’ailleurs, la réaction froide du monsieur qui a discuté avec elle l’a blessée véritablement.

Pour aller à Paris à l’âge de dix-huit ans en comptant sur son amie Mireille Maximoff, que la narratrice avait rencontré à Torremolinos, au sud de l’Espagne. Mais elle n’arrive pas à trouver de travail, par conséquent elle reste toute seule dans l’appartement en ressentant une solitude profonde. Dans ces circonstances, la rencontre avec Guy Vincent fascine la narratrice et lui donne l’envie d’être avec lui pour qu’elle puisse sortir de la solitude. Ce personnage répond à la question de la narratrice qui demande son métier et dit qu’il s’occupe « des

voyages d’affaires entre la France et la Suisse »300, et « d’une “agence” à Paris »301. Mais son

identité est mystérieuse, car la narratrice constatait plusieurs de ses comportements obscurs. L’on va citer la parole de la narratrice qui exprime son identité « trouble ». « Par la suite, chaque fois que nous étions dans un endroit public, j’avais l’impression qu’il s’y sentait mal à

l’aise, comme s’il n’avait rien de commun avec personne. »302.

La narratrice a un doute sur l’attitude évasive de Guy, mais elle n’arrive pas à deviner sa nature à ce moment-là. Le fait qu’il habite à l’hôtel, sans avoir de domicile fixe, et qu’il emploie de faux nom et prénom renvoie à son identité incertaine. Guy Vincent menait la vie solitaire comme la narratrice, l’enfant abandonné, car son père est parti au Pérou après la guerre en le laissant tout seul. La narratrice et Guy Vincent s’attirent l’un et l’autre à cause du vide dans la vie qu’ils ressentaient. Dans le paragraphe qu’on va citer, elle explique pourquoi ce personnage est attirant aux yeux de la narratrice. « Après tout, ses mensonges étaient une partie de lui-même. Tant pis s’ils ne cachaient que du vide. C’était le vide qui m’attirait aussi chez lui. Souvent, il avait le regard absent. J’aurais voulu savoir à quoi il pensait. J’essayais

de le deviner. Je le trouvais mystérieux, insaisissable »303. L’intérieur sombre de Vincent était

si charmant pour la narratrice, qu’ils se mettent à habiter ensemble à l’hôtel dans Paris.

Comme la mère de La Petite Bijou, Guy Vincent avait beaucoup de ressource grâce aux

trafics mystérieux, il donne une « une liasse de billets de banque et il me la glissait dans la

main. »304 pour qu’elle fasse des courses dans un magasin de luxe. Cependant, la vie avec lui

ne dure pas longtemps ; car un jour, quand elle rentre à l’hôtel, les policiers avaient installé les

300 Patrick Modiano, Des inconnues, Paris, Gallimard, 2000, p.33.

301 Ibid, p.33.

302 Ibid, p.34.

303 Ibid, p.45.

137 barrières sur le passage et Guy Vincent avait disparu. Soit il a été arrêté par la police soit il est décédé, la vérité ne s’élucide jamais. Après sa disparition, la crise de panique arrive chez elle. Pour la narratrice ce personnage est toujours labile et trouble, comme les autres personnages des œuvres de Modiano.