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Historique de l’immigration sud-asiatique au Canada et au Québec

Conclusion et ouverture

CHAPITRE 3 – APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE ET MISE EN CONTEXTE ETHNOGRAPHIQUE

14 entrevues « ouvertes » autour des récits de vie, concentrées sur les expériences

3.2 La population sud-asiatique au Canada 1 Préambule : notes à propos de la désignation et de

3.2.2 Historique de l’immigration sud-asiatique au Canada et au Québec

Le parcours migratoire de la population sud-asiatique au Canada et au Québec est marqué par des barrières explicites et implicites au sein desquelles on retrouve souvent de la discrimination et du racisme et où l’immigration féminine sera encore davantage défavorisée en fonction de l’interrelation entre le sexe, la race et la classe (Ralston, 1999b). Touchés par l’entrée en vigueur des lois canadiennes visant à favoriser certains bassins de populations immigrants identifiée comme « blanche », les Sud-Asiatiques ne seront présents dans les données sur l’immigration qu’à partir de 1904 (St-Germain Lefebvre & Boisvert, 2005). Ainsi, la première vague migratoire au début du 20e siècle est exclusivement masculine, ce sont quasi tous des hommes sikhs originaires de parties agricoles du Pendjab qui abandonnent temporairement leur famille dans la quête d’un travail, la grande majorité de ces premiers immigrants de l’Asie du Sud étant attiré par les salaires canadiens élevés. Ils arrivent alors à Vancouver en 1903 en raison de rumeurs sur les salaires élévés au Canada, rumeurs propagées par des membres des forces indiennes britanniques postées à Hong Kong qui ont traversé le Canada l’année précédente pour assister à la célébration du couronnement du roi Édouard VII en 1902 (Buchignani, 2010).

Ces immigrants « de couleur » arrivés en grand nombre ne tardent pas à être perçus comme une menace à l’équilibre précaire de la petite population anglo-saxonne en construction en Colombie-Britannique (St-Germain Lefebvre & Boisvert, 2005), ce qui se traduit par une couverture de presse la plus négative accordée à un groupe racial ou ethnique en Colombie- Britannique (Buchignani & Indra, 1989 in St-Germain Lefebvre & Boisvert, 2005). C’est dans ce contexte que cette immigration est stoppée dès 1908 par la mise en place de contraintes

pour obtenir le droit d’immigrer au Canada (Granger, 2013). Le gouvernement fédéral adopte en effet en 1908 un règlement d'immigration spécifiant que les immigrants peuvent entrer au Canada seulement au terme d'un voyage sans escale à partir de leur pays d'origine, or ce service de transport direct entre l’Inde et le Canada est inexistant. Cette interdiction a également pour conséquence de priver les hommes de la réunification avec leur famille et paralyse donc l'expansion des communautés. Certains commentateurs de ce moment historique interpréteront les motivations racistes derrière les sanctions imposées sur l’immigration asiatique au Canada avec un rejet prononcé envers les femmes. Un article publié dans un journal de Vancouver en 1913 met particulièrement cette réalité en relief : « They are not an assimilable people... We must not permit the men of that race to come in large numbers, and we must not permit their women to come in at all.” (in Helen Ralston,1999b, p.33). Entre 1903 et 1908, sur les 5 209 Indiens (90 % de sikhs) au Canada, près des deux tiers rentrent en Inde ou émigrent ailleurs dans le monde (Granger, 2013). Toutefois, dans un contexte historique complexe où se mêlent la construction des stéréotypes défavorables à cette population (Buchignani, 1977) et la stabilisation des conditions économiques de vie (St- Germain Lefebvre & Boisvert, 2005), les pressions de la communauté et du gouvernement indien sur le gouvernement canadien portent leurs fruits et, en 1919, l’immigration de femmes et d’enfants mineurs des résidents canadiens d’origine sud-asiatique est finalement rendue possible. On peut donc voir s’enclencher vers le milieu des années 1920 un léger mouvement d’immigration de femmes et d’enfants (Buchignani, 1977)40.

C’est ensuite en 1947 que les autorités canadiennes lèvent toutes les sanctions sur l'immigration asiatique ce qui donne lieu à une deuxième vague migratoire. Par la levée de ces mesures discriminatoires dans le processus de sélection de nouveaux immigrants, les autorités canadiennes cherchent avant tout une main-d'œuvre qualifiée et instruite (Vig, 2009). Autrement dit, face aux besoins économiques, les politiques migratoires basées sur les origines nationales sont remplacées par des politiques fondées sur les habiletés particulières (Ralston, 1999b). Toutefois, cette politique migratoire maintient une discrimination basée sur le genre, car les caractéristiques sous-jacentes aux notions d’habilité s’appliquent plus immédiatement aux hommes qu’aux femmes (Ralston, 1999b). Par la suite, au début des années 60, les deux

40 Buchignani (1977) souligne la résistance plurielle érigée pendant cette période de la part de la petite

communauté asiatique à sa subjugation comme une caste racial, dont l’épisode du navire Komagata

Maru. En bref, ce navire venu de l’Inde tente de rentrer dans le port de Vancouver, mais les 376 indiens

tiers des hommes sud-asiatiques qui immigrent au Canada sont des professionnels. Ils sont enseignants, médecins, professeurs ou chercheurs. Au cours des années 60 et 70, la préférence du Canada pour des immigrants très qualifiés contribue à la diversification de l'éventail ethnique des immigrants sud-asiatiques et à la diminution de la proportion de sikhs, majoritairement présents dans les années 50 en raison des liens de parenté avec les premiers immigrants (Buchignani, 2010). Pendant cette période, cette immigration fleurira et vivra des changements profonds également du fait de l’accueil de réfugiés et des mesures facilitant la réunification familiale (D’Costa, 1993 in St-Germain Lefebvre & Boisvert, 2005).

De nos jours, les personnes venues de l’Asie du Sud représentent un des plus grands groupes ethniques non européens au Canada et majoritairement concentré à Vancouver et à Toronto (Statistiques Canada, 2016). Le Québec a toujours reçu moins de ressortissants sud- asiatiques, car la tendance d’installation les dirigeait davantage vers la Colombie-Britannique et l’Ontario. La langue française majoritairement utilisée au Québec et la rigueur du climat québécois sont autant de facteurs qui ont possiblement ralenti l’implantation de ces ressortissants au Québec comparativement à l’ouest du pays (Fiore, 2010; Dufresne, 2013). En effet, le passé colonial sud-asiatique favorise davantage la connaissance de l’anglais. Les barrières linguistiques qui séparent l’Asie du Sud de pays non anglophones paraissent en effet contribuer au désintérêt de la construction de réseaux diasporiques qui faciliterait ensuite l’immigration et les échanges entre les expatriés sud-asiatiques et leurs pays d’origine. Malgré tout, une communauté sud-asiatique existe au Québec, composée majoritairement de ressortissants de l’Inde, du Pakistan, du Sri Lanka et du Bangladesh (Statistiques Canada, 2016).

Une première vague d’immigration sud-asiatique au Québec se produit dans les années 60 après l’abolition des lois discriminatoires déjà évoquée un peu plus tôt. Elle est constituée d’une population urbaine et très scolarisée (Dufresne, 2013), majoritairement originaire de l’Inde (Fiore, 2010) et de faible importance numérique (Montréal & Québec, 1995). Il s’agit de jeunes professionnels des domaines du génie, de l’enseignement, de l’administration et de la médecine (Montréal & Québec, 1995). Dans les années 1970-80, la proportion de Sud- Asiatiques triple au Québec et se diversifie davantage (Fiore, 2010). Le visage de cette immigration se transforme avec l’arrivée des immigrants issus de réunifications familiales et des réfugiés (Fiore, 2010). De plus, dans les années 1970, le processus de décolonisation en

Afrique pousse un grand nombre de Sud-Asiatiques à quitter le continent africain41 et ceux venant s’installer au Québec constituent alors le premier groupe de réfugiés politiques sud- asiatiques au Québec (Fiore, 2010). Surtout originaires de l’enclave de Goa et de confession chrétienne, ils mettent sur pied l’Association Goanaise du Québec (Fiore, 2010).

De 1970 à aujourd’hui, la population sud-asiatique au Québec comporte de plus en plus de personnes admises sous les catégories de réfugiés et de la réunification familiale (Dufresne, 2013). Comme dans la première vague d’immigration, les ressortissants arrivent encore majoritairement de l’Inde (surtout du nord du pays), mais également du Sri Lanka, du Bangladesh et du Pakistan (Montréal & Québec, 1995). En raison de difficultés économiques et de logement, cette arrivée importante de réfugiés à faibles revenus paraît se répercuter directement sur l’installation de Sud-Asiatiques dans de mêmes zones modestes du centre- ville (Fiore, 2010) ainsi que dans les quartiers à forte concentration de minorités ethniques. Ainsi, le profil de la migration sud-asiatique récente dressé par l’Enquête nationale auprès de ménages de 2011 a identifié une forte densité de Sud-Asiatiques dans certains arrondissements de la ville de Montréal, dont Parc-Extension. Mais avant d’explorer l’importance de ce quartier pour la diaspora sud-asiatique, nous allons d’abord tenter de dresser un portrait de la migration sud-asiatique récente au Québec.

3.2.3 Portrait de la migration sud-asiatique récente au Québec

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