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Conclusion : liens entre parcours migratoires et parcours périnatau

Les femmes touchées par cette enquête témoignent d’une grande diversité de parcours de vie. Certaines expériences migratoires dessinent des points d’intersection dans ces parcours et favorisent ainsi des expériences périnatales communes. Tout d’abord, les parcours migratoires en général et les parcours périnataux en particulier semblent, en large mesure, façonnés par les projets migratoires. Ainsi, les différents projets migratoires, regroupés dans quatre catégories principales ont permis de dégager les points communs à leurs trajectoires.

Les femmes parrainées par les maris et engagées dans un mariage transnational se distinguent par leurs ancrages au foyer et par l’expérience subjective d’épuisement en raison des tâches domestiques. À cet épuisement, peut s’ajouter la méconnaissance du conjoint notamment dans le cadre d’une première grossesse.

De leur côté, les parrainées par les membres de la famille natale arrivées à Montréal plus jeune et avant leurs mariages, s’inscrivent dans des institutions de la société locale comme l’école et le travail, ce qui peut les amener à une appropriation partielle de normes et valeurs locales. Cette appropriation paraît s’exprimer dans les stratégies pour la première grossesse, ces femmes préférant attendre quelques années avant de tomber enceintes afin de bien connaître leurs maris parrainés en fonction d’un mariage transnational.

De leur côté, la plupart des femmes immigrées ayant un projet professionnel personnel, bien que hautement scolarisées, expérimentent la déqualification professionnelle. Le facteur le plus distinctif du parcours de ces femmes consiste en un entrecroisement des parcours professionnels et périnataux.

Enfin, pour les demandeuses d’asile, on remarque notamment dans leurs expériences périnatales des projections des contextes de départ marqués par des menaces et violences.

Ces projections se traduisent presque toujours en contexte migratoire par une forte détresse et vulnérabilité.

La reconfiguration des liens familiaux en contexte migratoire est aussi affectée par les différents projets migratoires. Ainsi, la nucléarisation de la famille est vécue de manière ambiguë et dépendante des situations de vie. D’une part, l’autonomie et la liberté sont mises de l’avant, mais le manque de soutien dans les activités quotidiennes est un aspect souvent déploré, cet aspect acquérant une dimension importante dans les expériences périnatales. De plus, les effets de la nucléarisation de la famille sont renforcés par l’éloignement géographique des membres de la famille ou la déstructuration des réseaux d’entraide. L’éloignement du réseau familial féminin, voire sa déstructuration, acquiert des sens particuliers selon les parcours migratoires et impacte de manière importante les expériences périnatales, notamment en raison du contraste vécu par rapport aux modalités de prise en charge de la périnatalité dans leurs différents contextes d’origine.

La constitution de liens sociaux est également affectée par les parcours migratoires. Ainsi, les femmes engagées dans un mariage transnational semblent avoir un réseau social circonscrit à celui de leur mari, notamment à cause des barrières de langue et, dans certains cas, des demandes du conjoint. Concernant les demandeuses d’asile, celles-ci décrivent en majorité une méfiance dans la constitution de liens en raison des peurs et ruptures vécues dans les contextes de départ. De même, les femmes ayant des projets professionnels apparaissent également relativement dépourvues de liens sociaux. En effet, leur logique de constitution de liens est en grande partie fonction de la manière dont se combinent le moment de la grossesse, les particularités du parcours socioprofessionnel et le nombre d’enfants déjà possédés à l’arrivée à Montréal. Finalement, les femmes parrainées par les familles natales semblent, elles, rompre leurs liens sociaux après le mariage transnational.

Même si cela peut varier en intensité et en sens selon le parcours migratoire, le mariage semble donc très fortement impacter la socialisation de nos interlocutrices. Parallèlement, mais plus faiblement, l’appartenance religieuse et la fréquentation de lieux de culte jouent également sur la socialisation en contexte migratoire, tout comme les continuités et discontinuités avec les dynamiques sociales prémigratoires via les questions d’appartenance religieuse, de classe et de caste.

Tous ces différents parcours de vie et migratoires se croisent et se côtoient suite à l’installation dans le quartier Parc-Extension. Après l’arrivée notamment pour des raisons économiques, la vie de quartier se structure autour de la fréquentation des commerces et

d’autres ressources sud-asiatiques ainsi qu’autour des ressources formelles de la société d’accueil. La majorité des femmes de notre recherche expriment ainsi un sentiment de gain en autonomie dans ce quartier et apprécient particulièrement la proximité et la facilité dans l’utilisation de diverses ressources (écoles, parcs, épiceries, institutions de santé, lieux de culte). Cependant, quasi toutes les femmes touchées par l’enquête expriment également une insatisfaction à l’égard de leurs logements souvent décrits comme très précaires ainsi que des problèmes liés aux barrières linguistiques. Ces inégalités sociales dans leurs expériences périnatales sont à rapprocher du concept de reproduction stratifiée qui met en relief les arrangements macrostructuraux répercutant négativement sur cet aspect de la vie humaine. Néanmoins, malgré leurs impacts, les conditions structurelles et les vicissitudes des parcours migratoires ne sont pas complètement déterminantes de leurs expériences périnatales. Comme rappellent Lock et Kaufert (1998, p. 2): “Women have always had to learn how they may best use what is available to them” et aussi Ginsburg et Rapp (1995, p.1): “People everywhere actively use their local cultural logics and social relations to incorporate, revise, or resist the influence of seemingly distant political and economic forces.” Dans les deux prochains chapitres, nous verrons ainsi les différentes ressources mobilisées par les femmes pendant leurs expériences périnatales et les différentes stratégies mises en place afin de gérer ce qui est disponible pour elles, de poursuivre leurs projets de maternité et de façonner leurs parcours de vie.

CHAPITRE 5 - PORTRAITS DE SOCIABILITÉS :

MOBILISATION DES RÉSEAUX LOCAUX ET

TRANSNATIONAUX

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