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1 L’armée royale : anatomie d’une institution

B) Des garnisons à l’armée de campagne

Les garnisons bénéficient d’une relative stabilité des effectifs, à l’exception notable d’un siège, comme à Moncontour (1593) ou à Blavet la même année. Inversement, l’armée en campagne est plus exposée aux pertes. Il s’agit donc de déterminer les différences et les oscillations entre l’armée de campagne et les garnisons.

1) Différences d’organisation

Les garnisons et l’armée en campagne ne sont pas gérées de la même manière, bien que des unités de l’armée de campagne soient souvent mises en garnison pendant l’hiver. Dans l’armée de campagne, les unités d’infanterie sont organisées en compagnies, elles-mêmes regroupées en régiments sans échelon intermédiaire. Les unités de cavalerie sont elles aussi organisées en

151 MONTMARTIN, « Mémoires… », in Histoire ecclésiastique…, op.cit., p. cclxxxvi. 152 DOM MORICE, Mémoires pour servir de preuves…, op.cit., coll. 1538-1540.

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compagnies, et certaines compagnies d’arquebusiers à cheval sont rattachées à des régiments d’infanterie.153 Cette pratique n’est cependant pas automatique.

Dans les garnisons, principalement constituées d’infanterie, la structure hiérarchique est assez similaire mais présent aussi quelques différences avec l’armée de campagne. Les compagnies d’infanterie peuvent être beaucoup plus larges que celles utilisées dans l’armée de campagne. En 1594, la garnison de Rennes contient des compagnies de cent fantassins alors que l’effectif théorique des compagnies de gens de pied français dans les régiments n’est généralement que de cinquante soldats.154 La plus grande taille des compagnies en garnison s’explique par la moindre nécessité d’un encadrement, permettant de réduire le coût des officiers. Les compagnies de cavalerie n’ont en revanche rien de particulièrement remarquable par rapport aux unités de l’armée en campagne, si ce n’est des effectifs adaptés en fonction de la taille de la place.

Au niveau du commandement supérieur, la frontière est plus marquée. Les places fortes ont des gouverneurs alors que les compagnies ont des capitaines, et les régiments des mestres de camp. La principale différence est que le commandant d’une place forte n’est pas forcément un gouverneur, ni même forcément un capitaine. En 1591, les garnisons de Québriac et de Combourg, composées respectivement de 15 et 20 arquebusiers, sont toutes deux commandées sur le terrain par un sergent, dont la paye est substantiellement majorée.155 Les garnisons offrent donc la possibilité d’obtenir un commandement pour des sous-officiers. La présence d’un gouverneur n’empêche pas non plus ce phénomène. A Vitré la même année, Montmartin est le gouverneur de la place, et capitaine de 50 hommes d’armes des ordonnances, mais son sergent- major commande 40 arquebusiers à pied laissés en garnison au château de la place. Le poste peut même être détenu par un étranger, puisque Sourdéac a 50 Suisses en garnison dans le château de Brest en 1596.156

2) Les quartiers d’hiver

153 AD35, C2912, f° 76. Les arquebusiers à cheval du sieur de Demby sont associés au régiment du sieur de Lignery. 154 AD35, C2913, f° 297-298. Le régiment du sieur du Plessis-Balisson, traditionnellement en garnison dans la

ville ne compte que des compagnies d’environ 50 hommes. AD35, C2913, f° 73.

155 AD35, C3669. 156 AD35, C3750.

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Pour le corps expéditionnaire espagnol, l’hiver est synonyme de diminution d’effectifs. François de la Noue estime que le froid et la faim, une fois combinés sont un facteur de décomposition d’une armée.157 L’hiver combine justement ces deux facteurs. D’une part la

température baisse, nécessitant un apport nutritionnel supérieur pour obtenir les mêmes performances physiques d’un soldat sur le terrain. Le système logistique n’est pas forcément capable de tenir la cadence à ce moment, puisqu’il y a plus de nourriture à amener, et que les routes ne sont pas forcément praticables. Souvent, la réalisation d’une campagne d’hiver est effectuée avec une armée de campagne moins efficace. D’autre part, la nourriture est plus rare, puisque les récoltes sont achevées. Il est donc plus difficile de vivre sur le pays, et la solution de secours aux problèmes logistiques disparaît. Des magasins de vivres sont donc indispensables158 pour maintenir l’armée en état de se battre si le commandement décide de réaliser une campagne d’hiver. Il est donc surprenant que le prince de Dombes débute sa campagne en février 1590. En effet, si tôt dans la guerre, le service des vivres de l’armée n’a pas encore eu le temps de totalement s’adapter à l’armée de plusieurs milliers d’hommes qui mène les opérations à ce moment.

Les unités de campagne sont donc dispersées dans les garnisons, le plus souvent à la fin de la campagne. L’armée d’Aumont de 1594 est en partie dispersée à Quimper après la montre du 3 décembre. Ceci est particulièrement manifeste pour le régiment du sieur de Champfleury, ce dernier a récupéré le régiment de son frère, Romégou, tué au siège de Crozon. Le régiment a donc bien combattu et participé à la campagne.159 Il est ensuite transféré à Quimper pour l’hiver, puis laissé là-bas pour lui donner le temps de se reconstituer, tout en renforçant la défense de la ville.160 Les quartiers d’hiver sont donc l’occasion de lever de nouvelles recrues, de les équiper,

et de leur donner un rudiment d’instruction militaire

Une fois jugés en état de rejoindre l’armée, les régiments sont mobilisés les uns après les autres pour venir renforcer l’armée de campagne. Le régiment du sieur de Lignery, en garnison à la Guerche lors de l’hiver 1594-1595 rejoint ainsi l’armée d’Aumont pour sa campagne de 1595.161

157 LA NOUE, Discours politiques et militaires, op.cit., p. 659-660. 158 AD35, C2914, f° 254-261.

159 Voir annexe 17.

160 Voir annexe 18, on y observe la reconstitution du régiment sur la période février-avril. 161 AD35, C2914, f° 99, C3746.

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