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Les deux finalités de la supervision

et des dispositifs

2. Les deux finalités de la supervision

À l’issue d’une longue période où les animateurs de GEASE étaient les personnes qui s’autorisaient à en animer, nous avons profité de la création de notre master 16, pour proposer notre propre formation

d’animateurs qui a succédé à plusieurs universités d’été sur ce même sujet. Ces dispositifs ont fourni une occasion inespérée pour créer une formation des animateur et des formateurs sans oublier de renforcer les liens avec d’autres références qui avaient inspiré une maquette reposant sur diverses formes d’analyse du travail, de l’action, de l’activité et des pratiques : analyse de l’action située (Durand, 1998), clinique de l’activité (Clot, 1999), didactique professionnelle (Pastré, 2011 ; Mayen, 2004) et entretien d’explicitation (Vermersch, 1994 ; Vermersch & Maurel, 1997).

Dans ces conditions, la première finalité de la supervision apparaît comme une évidence : le besoin de développer les références dans le cadre de la multiréférentialité. Pas plus qu’il ne peut être polyglotte, l’animateur de GEASE ne peut travailler avec ces références sans un approfondissement de ces savoirs. Plusieurs étudiantes et étudiants des premières promotions (pourtant formés à Bac + 5) sont venus nous demander un renforcement de leurs connaissances théoriques mais aussi pratiques pour pouvoir mieux assurer l’animation des GEASE qui leur était demandée. Même si nous étions conscients de la demande

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Intitulé Conseil et Formation en Éducation, ce master a une double vocation, professionnelle et de recherche. Toute information peut être trouvée sur le site de l’université Paul Valéry-Montpellier 3 (www.univ-montp3.fr) et sur celui de la formation continue de cette même université (http://sufco.univ-montp3.fr/).

de réassurance que recelait cette démarche, nous lui avons accordé une oreille attentive tout en soulignant qu’à l’instar du GEASE dans lequel le groupe et les personnes se développaient dans et par l’analyse, la supervision allait partir de l’analyse de situations d’animation dans lesquelles nous serions en mesure collectivement de discerner les savoirs de référence à développer. Toutefois, et c’est une première différence avec le GEASE, la demande de supervision et l’urgence du développement des connaissances autorisent une prise en mains plus directe des références aux savoirs. Sans exclure la possibilité de découvrir réciproquement des besoins de référence complémentaires, nous avons établi un protocole de supervision (six à huit réunions de trois heures par an) qui commence invariablement par un « quoi de neuf ? » repris à la pédagogie institutionnelle où nous traitons de l’actualité des analyses de pratiques mais aussi de l’actualité des animateurs, en commençant par les besoins les plus urgents qui se subdivisent en deux, même si cette dichotomie est artificielle, d’une part les savoirs de référence et d’autre part les conseils sur l’animation.

Traitant un peu plus loin des conseils, nous dirons que les savoirs de référence sont un appel direct à nos connaissances et compétences en sciences de l’éducation et de la formation. Si nous avons des réponses et des références, nous en faisons état immédiatement pour être au plus près de la demande. Il arrive bien souvent que nous ne puissions être aussi réactifs que nous le souhaiterions et nous prenons note du

questionnement qui est traité soit dans les jours qui suivent sous forme d’un message soit lors de la séance suivante, ce qui inaugure un suivi dans la supervision. Des exemples concrets sont donnés en fin de chapitre pour illustrer ce dialogue plus typique de la supervision que des GEASE eux-mêmes où les animateurs se gardent bien de reprendre leur rôle de détenteurs-transmetteurs du savoir.

La deuxième question posée par les anciens étudiants portait sur l’exercice de ce difficile métier d’animateur de GEASE : comment professionnaliser la conduite de ces groupes et dispositifs que la commande institutionnelle multiplie ? En effet, l’effectif croissant de professionnels de métiers du social, de la santé et de l’éducation ou de la formation en activité ou en reconversion accentue la demande de compétence au sens du « savoir agir en situation » (Le Boterf, 1994 et 2004). Dès lors, la question de la professionnalisation retourne à ses origines : l’important est de savoir parler de son métier (Perrenoud, 2001 ; Jorro, 2002) ou plus exactement de tenir une « controverse professionnelle » (Clot, 1999 ; Tozzi & Étienne, 2004). Dans cette hypothèse, si les personnes se professionnalisent en analysant leurs pratiques, leurs actions, leur activité ou les situations dans lesquelles elles se trouvent, leurs formateurs se

professionnaliseront dans les mêmes conditions et il convient d’inventer une forme qui ne serait pas identique mais similaire. C’est ce que fait Patrick Robo (2003) quand il distingue les Groupes d’Analyse de Pratiques Professionnelles (GAPP) des Groupes de Formation à l’Analyse des Pratiques

Professionnelles (GFAPP).

Bien des questions nouvelles sur l’animation surgissent quand il y a commande d’intervention et plus seulement la bienveillance du groupe d’étudiantes et d’étudiants qui aide spontanément l’animatrice ou l’animateur en formation initiale. Ainsi, la deuxième fonction de la supervision concerne la mise en

œuvre du dispositif qui n’est pratiquement jamais observée dans les conditions idéales décrites dans les ouvrages de référence. Il faut alors improviser et gérer des imprévus.

Dans notre approche, la supervision se fait sous deux formes : la première, la plus attendue, est groupale. Elle procède par évocation dans un « quoi de neuf ? » ou dans un GEASE concernant la situation qui a posé problème. La deuxième est plus originale mais aussi plus coûteuse en temps et en argent : une ou un des superviseurs se déplace et pratique ce que nous appelons, à tort, une co-animation. En fait, cette personne réalise une observation participante et développe a posteriori une analyse qui ne fait pas autorité mais qui permet d’amorcer la « controverse professionnelle » évoquée ci-dessus. Nous avons conservé le terme de supervision mais, comme nous détournons le sens premier de formateur ; nous avons également décidé de ne pas adopter un mot qui déstabiliserait les personnes qui désirent s’inscrire dans cette

démarche. Notre supervision se présente donc comme un accompagnement à l’instar de ce qui se passe dans les réunions régulières du GEASE 17 : l’autorité est construite et accordée par les participants qui développent leurs compétences et leurs connaissances en interaction avec les deux « superviseurs » puisqu’il est pertinent de les dénommer ainsi : aux participants de s’ériger en « auteurs », comme aime à la préciser Ardoino (1994).

Quatre autres objectifs plus précis sont poursuivis par les participants aux travaux du groupe :

• tout d’abord adapter le dispositif à des milieux ou à des contextes très divers (une équipe en crise dans un institut médico-social, les équipes de greffe des CHU d’une région, la formation à l’animation de pratiques amateurs dans l’univers du cirque, etc.),

• puis répondre à des questions très ponctuelles sur des processus à l’œuvre (comment intégrer une personne qui tarde à rejoindre le groupe ? accepter une commande en cas de conflit interne ? comment négocier avec le commanditaire sur la confidentialité indispensable à la sécurité du groupe, etc.),

• évaluer et faire évaluer l’animation alors que le GEASE repose sur la suspension du jugement (Étienne, 2008) et,

• enfin et surtout, réassurer les animateurs participants qui, en surévaluant les compétences des superviseurs, sous-évaluent les leurs.

17 Il faut noter ici que le GEASE est déjà une instance de supervision collective puisqu’il s’agit de tenter de comprendre a

Mémento 4 - élément 3 : les objectifs de la supervision

La supervision se met en place dans l’intention de :

- développer les références du groupe d’analyse, par exemple le cadre de la multiréférentialité pour le GEASE : il s’agit de répondre le plus directement et le plus complètement possible aux demandes des animatrices et animateurs ;

- professionnaliser la conduite de ces groupes et dispositifs que la commande institutionnelle multiplie : analyser les pratiques, oui mais comment ;

- faire face aux imprévus qui peuvent surgir dans ces groupes, qu’ils viennent des participants, du narrateur ou de l’animateur ou encore du « monde extérieur » ;

- faire fonctionner une situation isomorphe à celle du GEASE, même si une plus grande souplesse dans la conduite est envisageable dans la mesure où le dispositif réunit des personnes censées savoir ce qu’est l’animation d’un GEASE ;

- transposer le dispositif dans des milieux ou des contextes très divers ;

- répondre à des questions très ponctuelles sur des processus liés à des contextes précis ;

- évaluer et faire évaluer l’animation alors que le GEASE repose sur la suspension du jugement ;

- réassurer et rassurer les animateurs qui sous-évaluent leurs compétences.