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Différents styles dans la tenue des rôles

Approfondissements et récits exemplaires

Texte 1 - Histoires de chats

3. L’institution : rôles et statuts, jeux de rôles, prises de rôles

3.2 Différents styles dans la tenue des rôles

Quelques figures dans la manière de tenir son rôle peuvent nous éclairer sur certains comportements ; que se passe-t-il, subjectivement, quand un individu joue un rôle social ? L’individu peut plus ou moins « habiter son rôle ». Pour certains, l’implication est si forte que l’individu se confond presque avec son rôle. Sa position sociale a marqué très profondément sa personnalité ; son rôle devient véritablement une seconde nature. On pourrait dire qu’il lui colle à la peau ; dire alors qu’il « s’investit » est presque trop faible tant sa personnalité, ce qu’il est devenu, dépend totalement de ce rôle qu’il incarne. Dans ce cas, il n’y a pas de distance au rôle : plus on se prend au jeu, plus on se prend au sérieux (Martucelli,2002). Pour d’autres, au contraire, la distanciation est forte ; il est plus difficile pour ces individus d’incarner le rôle, d’y croire vraiment, de le jouer à fond. Même s’ils remplissent toutes les obligations du statut, ils le font avec une certaine ironie, en laissant percevoir surtout « qu’ils ne sont pas dupes du personnage » Certains auront toujours un style plus détaché, constamment à distance de soi, car ils ne laissent pas paraître leurs émotions ni, surtout, leur implication, laissant croire qu’ils ne tiennent pas tellement à leur rôle

Les raisons de cette distanciation peuvent être de nature diverse : elle peut provenir soit d’une attitude générale vis-à-vis des autres soit d’une prise de rôle encore récente soit d’une acceptation provisoire d’une fonction peu souhaitée (avec l’espoir de trouver ensuite un métier plus valorisant) soit, au contraire, d’une trajectoire sociale brisée, et d’une impression d’échec…

Enfin on peut se demander si une très grande rigidité dans la manière de tenir son rôle n’est pas signe parfois de difficulté personnelle. Généralement, la personne ne coïncide pas totalement avec ses rôles. Elle sait se conformer à ces modèles de conduites, mais aussi s’en détacher, passant avec souplesse d’un rôle à l’autre ; elle a su intégrer des expériences successives et dépasser ainsi les injonctions précises et étroites de chacun des rôles. Quand elle semble totalement coïncider avec le rôle, celui-ci peut lui servir d’écran, de refuge, d’alibi.

On pourrait croire que, pour l’institution au moins, cette manière de « tenir le rôle » est la plus efficace, la plus souhaitable ; mais rien n’est moins sûr. S’il n’existe pas de jeu, d’écart, l’innovation sera impossible (par exemple face à une situation d’urgence qu’aucun règlement n’avait prévue). Même le bon

fonctionnement de l’institution, qui demande qu’interviennent malgré tout des jugements personnels en fonction de situations inédites, sera compromis. L’évolution moderne des institutions qui exige de plus en plus d’initiatives des participants renforce cette demande. La rigidité dans la manière de tenir le rôle (autoritarisme dans le commandement, obéissance inconditionnelle, règlement appliqués à la lettre, refus d’assumer de nouvelles responsabilités ) est de moins en moins appréciée dans les institutions

contemporaines. Or, ce sont ces mêmes institutions qui continuent à s’appuyer sur leurs règles et règlements pour sanctionner les professionnels « déviants »…

Texte 7 – Martucelli : prenons le cas de l’école…, 2002 p. 160.

À la suite d’une série de bouleversements, le travail d’autorité des enseignants, qui cependant reste plutôt clair dans ses grandes lignes et ses exigences, devient en pratique fort difficile à effectuer ; désormais l’ordre ne découle plus d’un cadre organisationnel légitime et respecté mais il est de plus en plus ressenti comme découlant de traits spécifiques aux individus. En fait, dans la mesure où l’autorité n’est plus instituée d’emblée par le rôle professionnel et reconnue légitime par les élèves, les traits personnels deviennent des ressources prisées. La force de la personnalité, le charisme, la compétence, les capacités de communication, l’humour, sans oublier la taille, le sexe, l’âge, la discipline enseignée (à faible ou fort coefficient) deviennent des facteurs permettant d’expliquer le différentiel d’autorité dont jouissent certains enseignants, au détriment des autres. […] Les situations sont très souvent vécues par les enseignants comme des problèmes personnels, voire psychologiques, et ce d’autant plus qu’ils sont stigmatisés par des collègues ; grâce à une compréhension plus globale de la situation à laquelle il est confronté, l’enseignant doit pouvoir relativiser sa « culpabilité » en parvenant à comprendre tout ce que sa situation individuelle doit aux fêlures organisationnelles.

Texte 8 - Clot : la ténacité des enseignants, 2010, p. 58.

Il est visiblement difficile maintenant de rester lucide en toutes circonstances dans l’exercice de ce métier. Pourtant l’étude montre surtout la ténacité coûteuse dont sont capables les enseignants. Elle montre surtout que l’ambition pour les élèves, enracinée dans l’ambition mathématique, parfois en sourdine, reste la force de rappel de l’activité des enseignants avec lesquels ces chercheurs travaillent depuis des années (1). Cette ambition professionnelle doit se mesurer à la tâche de rétablir pour travailler ce qui auparavant s’imposait aux élèves ; la distinction entre le dedans et le dehors de la vie scolaire. Contre les mécomptes de cette porosité concédée, travailler, pour un enseignant, c’est d’abord « réussir à faire rentrer les élèves en classe, à restaurer les limites de la situation ». Or l’activité des enseignants s’est transformée, ces dernières années, pour y parvenir. Et elle parvient effectivement à introduire en classe – au moins la plupart du temps et pour de nombreux élèves – l’espace inattendu d’un apprentissage la surprise de la rencontre avec d’autres soucis que ceux par lesquels ils sont littéralement occupés, le temps d’une

réflexion arrachée à la vacuité défensive de la « bougeotte ». Alors, « le cours se passe bien ». Mais il faut convenir que c’est là une activité que l’on n’imaginait guère être le cœur du métier de professeur il y a peu.

Texte 9 - Dubet : malentendus dans la tenue des rôles, 1990.

Dans son enquête sociologique François Dubet remarque que les lycéens font des reproches très durs aux enseignants. Mais, dans les entretiens avec les professeurs, il constate que ceux-ci non seulement ignorent ces attentes mais par principe, ne voudraient surtout pas y répondre. Les lycéens souhaitent une relation plus personnelle, plus chaleureuse, alors que les enseignants se défendent de toute proximité : ils sont là avant tout pour enseigner. Les difficultés de communication semblent venir de conceptions

différentes dans la tenue des rôles.

Entretiens avec les élèves (p 195 à 197)

Le personnage visé est d’abord le professeur qui entre, fait son cours, bien ou mal, et s’en va. « Il fait son cours en regardant par la fenêtre, il connait pas nos noms, c’est comme si on n’était pas là.. » « Il y a des profs, ils détiennent le savoir et ils nous déversent le savoir, ça s’arrête là… »

« Ils nous disent ce qu’ils savent, et c’est tout. Ils finissent leur cours et partent à la sonnerie, c’est tout ». Chez les lycéens cette indifférence est perçue comme du mépris : « Ils méprisent les élèves, c’est plutôt je m’en fous, c’est comme s’ils avaient un masque » « Ils nous prennent pour des machines à écrire » Les appréciations des bulletins paraissent aussi trop objectives, indifférentes : « ils enfoncent, y a jamais un petit mot ».

La comparaison est faite avec le collège où, malgré tout, les enseignants étaient plus proches, discutaient parfois de problèmes généraux « ils nous faisaient un peu de philosophie de la vie, c’était intéressant ». Entretiens avec les professeurs (p 218 à 220)

On s’aperçoit que la trop grande distance perçue par les élèves est sciemment construite par les professeurs. L’un d’eux explique qu’il craint le pouvoir de séduction des élèves tout autant que de les séduire : « j’évite les rencontres personnelles, je préfère toujours qu’on soit plusieurs », « je suis

professeur, adulte, jamais un copain. Il y a des affrontements difficiles, et il faut être très sûr de soi, très fort, pour les aborder de façon détendue, sans se cuirasser, sans se masquer », « on paie de sa personne, il ne faut pas se laisser avoir ».

Ainsi la distance ressentie par les élèves est volontairement construite par les professeurs ; ceux-ci, de peur justement d’être trop proches, trop exposés, ou de tomber dans d’autres rôles (« je ne suis pas une assistante sociale ») évitent une relation trop personnelle avec les élèves.

Récit 5

Le malaise de Ghyslaine, puéricultrice

La situation est ici une scène d’entretien (conseils aux mamans) sollicité par une jeune mère et prévu par l’institution – la Protection Maternelle Infantile (PMI en France) – entretien qui fait partie du travail des puéricultrices. L’entretien doit être « éducatif », ou aurait dû l’être en tout cas, car ce qui déroute

Ghyslaine, c’est justement qu’elle n’a rien pu dire. Voici son récit au début d’une séance d’analyse de pratiques sous forme de GEASE (voir deuxième partie) :

« Bon, je me lance. J’ai mal au ventre. J’ai reçu hier une maman qui venait d’avoir un bébé, hospitalisé quelques jours; un entretien d’une heure quinze. Je pensais qu’elle allait me poser des questions ; mais, pendant tout l’entretien, elle a dit "je suis stressée" ; je ne comprenais pas ce qu’elle voulait. Elle parlait, elle parlait… Moi, je me fatiguais à force… Elle m’envahissait… Elle racontait, racontait… Et, plus elle parlait, plus elle avait l’air épanouie.

Qu’est ce qu’elle voulait ? J’ai cru toucher un point quand elle m’a demandé si l’enfant comprenait quand on se dispute ; elle me parlait des discussions avec le père ; je lui ai posé des questions sur son couple. Je lui ai proposé un autre entretien pour peser le bébé. En partant, elle avait l’air super contente... J’avais l’impression de n’avoir rien fait, je n’ai pas vraiment compris. »

Dans la séance qui suit le GEASE en commun, nous présentons une analyse de la situation en distinguant les différents gradins (voir le chapitre 1) :

« Pour analyser la situation, on peut la déconstruire en distinguant plusieurs niveaux d’analyse, en parcourant les différents gradins : niveau de la personne, niveau du groupe, niveau de l’institution. Ici, la situation est assez simple, celle d’un entretien entre deux personnes. Nous n’aurons pas apparemment de

phénomènes de groupe, comme l’intervention d’autres collègues, et il n’y aura pas non plus de réactions devant des tiers, mais dans ce face à face l’institution sera bien là, et peut-être même le groupe, mais nous verrons sous quelle forme.

1° gradin : relations entre les personnes

La relation s’instaure entre des personnes qui ne se connaissent pas ; leur personnalité, qui résulte de leur histoire passée, joue bien sûr un rôle dans l’établissement de ce rapport. Mais elles se découvrent d’abord par leur apparence extérieure, comme dans tout contact humain ; l’autre est toujours abordé par son physique, son look, sa voix, sa façon de parler ; on identifie spontanément qui il est, y compris d’ailleurs son milieu social. Pour un professionnel, il existe toujours une première évaluation spontanée, comme dans toute rencontre ; mais il ne doit pas s’en tenir à ce premier mouvement car il doit savoir surmonter une aversion première, liée à un aspect physique, ou à une voix désagréable.

Qu’est-ce qui, dans la personnalité de la jeune femme a pu déclencher un malaise chez Ghyslaine ?

Tout paraît venir de la manière de parler de la jeune femme : pas vraiment sa voix ou son langage, mais sa manière de manier le langage ; quand elle parle, c’est un flot qui se déverse (« Elle parlait, elle parlait …. Moi, je me fatiguais à force… Elle m’envahissait… Elle racontait, racontait… »). Le récit de Ghyslaine a toujours besoin de redoubler les termes, pour donner une image de ce flux incessant. Mais on ne sait pas si c’est une manière habituelle de parler ou si c’est la situation particulière (en entretien) qui provoque ce flot de paroles ; c’est peut-être un trait de personnalité. (il existe des personnes qui utilisent le langage pour remplir un vide angoissant : elles parlent sans pause, sans respirer, sans s’arrêter, sans laisser aux autres un espace pour répondre, une véritable logorrhée). Ce trait permanent peut être aussi avivé par l’angoisse de la naissance et de la situation d’entretien ( elle a dit aussi « qu’elle avait peur de lâcher son bébé »).

Que sait-on d’elle par ailleurs ? Rien de vraiment sûr : qu’elle est d’origine maghrébine. On le sait par son prénom, et elle « secoue sans arrêt ses boucles brunes ». C’est une fille jeune, de culture française, qui peut-être ne veut pas subir l’influence trop lourde, à la naissance, d’une mère plus traditionnelle. Elle a demandé un entretien pour des conseils à la PMI.

Dans l’entretien, Ghyslaine, la puéricultrice, est comme figée, paralysée ; elle ne peut pas placer un mot, et très vite elle abandonne. Il s’agit ici de difficultés de communication entre les personnes à un niveau très physique, d’une mésentente première, comme le dit bien la langue (« je ne peux pas le sentir » … « elle me pompe l’air »…). Ghyslaine, elle, a parlé de « fatigue », « d’envahissement ». Sa réponse n’est pas agressive ; c’est plutôt une réponse de démission, de fuite. Ghyslaine a du mal à se sentir au diapason de la personne : elle veut l’écouter, professionnellement, (« j’étais payée pour ») ou elle voudrait l’écouter même par simple politesse, mais elle s’aperçoit qu’elle ne le peut pas. Et elle abandonne ! (« elle

s’ennuie…elle pense à la fin de l’entretien ! »). Elle écoute mais elle n’entend pas. Si, effectivement, elle a très bien décrit le flot incessant de paroles, elle n’a pas rapporté ce qui était dit… Ghyslaine est polie, elle sait échanger, respecter les codes de tout dialogue (parler puis faire silence, attendre son tour) et comme elle ne coupe pas la parole, elle a été comme « mise à l’écart » et n’a pas pu faire son travail. Nous passons ici déjà d’un rapport entre les personnes au problème des déterminants institutionnels (le 2ème gradin, celui du groupe, ne semble pas ici, à première vue, pouvoir être détaché spécifiquement). 3ème gradin : l’institution

Ce qui aggrave le malaise de Ghyslaine, c’est bien qu’elle-même devrait parler. L’entretien est prévu dans le cadre de l’institution de la PMI, elle doit donner des conseils à la maman ; cela ne devrait pas se passer comme ça : elle doit écouter et répondre à une demande précise ; or, ici le flot incessant de paroles ne semble porteur d’aucune demande précise et elle est impuissante à arrêter ce discours, pour placer un mot et jouer son rôle.

Cet entretien se passe mal pour elle car ce n’est pas un entretien professionnel normal : ce sont les normes prescrites pour un entretien de puéricultrice qui sont bafouées : il suppose échanges, questions de

l’accouchée sur les savoir-faire : combien de tétées, que donner comme lait, évolution du poids de l’enfant… Ghyslaine est une professionnelle du lien maternel qui est payée pour donner des conseils, pour répondre à une demande d’aide réelle concernant les besoins de l’enfant. Rien ne se passe comme cela, elle est dépossédée de son rôle.

Ici, l’institution qui commande est la Protection Maternelle Infantile, qui a une histoire, des valeurs, un projet. Ghyslaine a un statut de puéricultrice, ce qui suppose des tâches à accomplir et une place dans la hiérarchie. Au statut est associé un rôle : un comportement, un style de conduite, que chacun s’attend à trouver si l’on a ce statut. D’après son statut, et comme elle est ici dans le cadre de ses fonctions, elle doit se comporter d’une certaine manière. Or, elle a été comme délogée de son rôle ; elle n’a pas pu rester à sa place, faire son travail, ce pour quoi « elle était payée ». Elle a éprouvé un sentiment d’impuissance (pas vraiment d’échec au début car c’était malgré elle) ; l’autre lui a imposé de sortir de son rôle, peut-être même lui a fait jouer un rôle qui n’était pas le sien. Car on le comprend assez vite, ce qui complique la situation, plus encore que la mise entre parenthèse de son rôle professionnel habituel, c’est cette impression qu’on lui fait jouer « un autre rôle ». Mais lequel ?

A première vue, on pourrait dire un rôle de psychologue. Le malaise viendrait de cette substitution qu’elle a assurée sans véritablement l’assumer car en un sens elle était « à l’écoute » ; finalement, elle a accepté d’être à l’écoute, sans répondre, sans rien dire.. Elle essaie de comprendre ce stress : elle pense à l’hôpital, au mari, elle en arrive même à proposer une piste, celle de la relation de couple ; mais cette hypothèse ne lui semble pas vérifiée.

D’un autre côté, elle ne se sent pas le droit de faire cela :

• « moi je ne suis pas psychologue… »,

• « j’ai une écoute restrictive ».

Donc, d’abord, elle ne comprend rien à la dérive de l’entretien (elle se sent embarquée) ; puis, elle essaie quand même de comprendre la patiente, elle accepte, avec plus ou moins de réticence, de seulement écouter, mais à nouveau elle n’y comprend rien car elle n’a aucun élément pour saisir d’où vient l’angoisse de cette femme et surtout, contradiction majeure, pourquoi à mesure qu’elle parle, tout en se référant à son stress, elle semble aller de mieux en mieux. Cette incompréhension dure jusqu’au moment du départ où elle la quitte en la remerciant chaleureusement en se disant « super-contente ». Finalement comme dira Ghyslaine: « elle ne sait pas vraiment quel rôle on lui a fait jouer » ! Ce qui semble un malentendu sur le rôle lui donne finalement une impression d’échec. Elle s’est prêtée au jeu avec réticence, entrant plus ou moins dans ce 2ème rôle ; mais cela ne lui a pas permis de comprendre la cause de son stress… même si l’entretien a paru faire du bien à la patiente.

Après avoir distingué ces différents niveaux d’approche, reprenons des aspects essentiels, en

rassemblant au contraire, en découvrant les interactions ou confusions, entre les différents niveaux, leur imbrication parfois, et en proposant aussi un éclairage théorique sur quelques points.

Revenons sur le rapport professionnel/personnel :

Il existe ici une confusion entre la personne privée et la personne dans son rôle professionnel. Ghyslaine n’a pas supporté le flot incessant de paroles, elle a été empêchée de jouer son rôle. Mais on ne peut exclure qu’elle ait revécu elle-même un souvenir personnel ; une sorte de confusion s’établit alors entre les deux niveaux : elle est gênée professionnellement mais elle est touchée aussi personnellement dans une situation de harcèlement où elle répète une scène ancienne ; n’aurait-elle pas été personnellement « envahie » par certaines personnes ? La répétition des mots « incessant…incessant… » donnait

l’impression que c’était vraiment très désagréable à vivre. Autre hypothèse : pourquoi a-t-elle entendu et donné un certain poids à la dispute entre les parents, et cherché à creuser cette piste ? Elle-même pourrait- elle être préoccupée par ce problème ? Ceci est une hypothèse qui ferait comprendre comment le

« personnel » peut aiguiller, infléchir, l’entretien professionnel, comment il peut y avoir une sensibilité dans l’écoute qui vient de ses propres problèmes.

Cette sensibilité dans l’écoute est-elle celle du psychologue ? Non, car l’écoute du « psy » n’est pas seulement une écoute « en sympathie ». Le psychanalyste a appris à accepter le transfert (s’il perçoit de l’agressivité, il ne répond pas du tac au tac, et ne se sent pas personnellement visé), mais aussi le contre-transfert : il a appris justement à se méfier des projections personnelles, à analyser ce qui, venant de lui, pourrait infléchir l’interprétation. L’écoute professionnelle du psychanalyste n’est pas seulement l’écoute bienveillante d’un ami. Elle est « armée », grâce à des outils théoriques, des expériences passées, le