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Explicitation du périmètre d’étude de la thèse

2. Méthodologie et objectifs

2.4. Explicitation du périmètre d’étude de la thèse

2.4.1. Types d’usage des ontologies sémiotiques visés dans la thèse

En termes d’activités humaines liées aux Ontologies Sémiotiques, nous nous limiterons aux usages17 en recherche d’information dans un domaine d’activité et aux activités liées à la co-construction d’Ontologies Sémiotiques (activités socio sémantiques).

usages en dépôt et recherche d’information: nous concentrerons notre périmètre au

dépôt et la recherche de contenus informationnels et documentaires concernant des collections homogène d’entités (pour ce qui est de l’utilisation), incluant éventuellement des sous-entités relativement homogènes (par exemple, des composants de projets et des livrables dans le cas d’Agora). Dans ce type d’utilisation, l’ontologie sémiotique est alors considérée comme support d’une structure d’index pour rattacher les entités de la collection. Elle se prête bien ensuite à des formes de recherche de type navigation, pour retrouver ces entités à partir de points de vue multiples.

modélisation des activités socio sémantiques (utilisations en construction /

co-construction d’une ontologie sémiotique): nous étudierons plus particulièrement l’activité de structuration sémantique, que nous définirons plus précisément au chapitre 3 comme « activité socio sémantique explicite », par un individu et surtout par un collectif, en phase d’initialisation et ensuite en phase d’évolution. Cette étude se limitera à des ontologies sémiotiques liées au cadre d’utilisation précédent, c’est à dire pour le dépôt et la recherche de contenus informationnels et documentaires concernant des collections d’entités homogènes. Il est probable en effet que des ontologies sémiotiques visant d’autres utilisations (par exemple pour l’apprentissage, pour l’écriture/lecture collective ou pour la décision) soient construites fort différemment. Notons bien que cette modélisation concerne les activités socio sémantiques, qui sont des activités bien particulières, que nous définirons au chapitre 3, et pas les activités en général. Nous excluons donc la modélisation de l’activité métier ou la modélisation de l’organisation sociale (sauf pour l’organisation sociale visant à co-produire une ontologie sémiotique) qui sont en dehors du champ de cette thèse.

L’activité de co-construction nous a paru indispensable à étudier avant toutes choses, car avant toute utilisation, il faut que l’ontologie sémiotique existe. De plus, pour pouvoir tester des utilisations dans un contexte représentatif de la réalité, il faut viser de vaste domaines de connaissances nécessitant que plusieurs acteurs participent à la construction, d’où notre volonté de considérer dès le début les formes collectives de leur construction. Enfin, en préalable à bien des utilisations, il n’y a pas d’autre solution que de faire appel à plusieurs acteurs ou experts complémentaires et de leur offrir la possibilité de valider et modifier collectivement l’ontologie en cours d’activité.

Quant à l’utilisation en dépôt et recherche d’information sur des collections, ce cas nous a semblé être parmi les moins complexe à étudier, et sans doute le plus indispensable, pour initialiser un programme d’étude des usages des ontologies sémiotiques. Limité à la classification des entités d’une collection donnée, notre choix est plus restrictif que des utilisations qui viseraient par exemple l’indexation de corpus de documents très hétérogènes, portant sur des types variés d’entités. Le type d’utilisation que nous avons retenu présente aussi l’avantage d’ouvrir la voie à une opérationnalisation plus facile. Il permet aussi de trouver des terrains nombreux pour des expérimentations. Il offre enfin

17 Nous définirons ultérieurement plus précisément la notion d’usage au sens de l’Ingénierie des Connaissances (cf. §4.2.6.4), en plaçant cette notion d’usage au même niveau de généralité que l’activité, notion que nous définirons aussi, cette fois en référence à la Théorie de l’Activité (cf. §3.3.3). Cela signifie que nous considérons un usage non comme une tâche bien définie d’un utilisateur stéréotypé se ramenant à un agencement déterminé d’un petit nombre d’actions de résolution de problèmes, mais comme un ensemble ouvert comportant une infinité de combinaisons entre les actions de plusieurs acteurs motivés par une activité, la situation de référence pour ces usages étant l’activité de conception. En première analyse on pourra considérer ici comme des notions de même niveau, l’usage (de l’ Ontologie Sémiotique par le groupe) et l’activité (du groupe avec l’ Ontologie Sémiotique), ce qui signifie bien que nous adressons ainsi l’activité de métier et non la seule activité socio sémantique (cf. Fig.3.1).

une voie, que nous avons commencé à explorer, pour tenter de mesurer le gain de performance que les ontologies sémiotiques pourraient entraîner en recherche d’information.

Si l’on considère l’architecture des modèles sur lesquels peuvent être construites les applications à base d’ontologies sémiotiques (cf. figure 2.5), ces restrictions sur les activités correspondent au domaine de validité du modèle KBM, qui type exclusivement trois rôles (consulter, contribuer, éditer la carte). Cependant, le modèle Hypertopic possède quant à lui une portée beaucoup plus étendue. Durant de notre étude nous avons pu envisager de nombreux autres emplois potentiels des Ontologies Sémiotiques dans le Web socio sémantique, qui pourraient utiliser la même cellule de base Hypertopic pour modéliser l’activité instrumentée. Comme le montre la figure 2.5, il est possible d’imaginer de nombreux autres types d’espaces de coopérations que le modèle KBM, correspondant à des types variés d’activités collectives s’appuyant sur des cartes hypertopiques: pour la recherche d’information portant sur des entités très différentes, pour l’aide à la décision, la conception, la négociation, l’apprentissage, l’écriture collective, la lecture collective utilisant l’annotation, la traduction, la construction d’indicateurs économiques et la régulation d’échanges, le paramétrage de logiciels… Tous ces genres d’activité mériteraient d’être étudiées de façon plus approfondie, et une théorie complète des ontologies sémiotiques dans le Web socio sémantique devrait naturellement les prendre en compte.

Nous limiterons quant à nous notre étude aux deux cas de co-construction et de recherche d’information. Nous ferons cependant une exception au chapitre 7, lorsque nous serons amenés à comparer l’approche du Web sémantique logique et celle du Web socio sémantique. Nous évoquerons alors (dans une expérience de pensée) un cas d’utilisation d’ontologie sémiotique en aide à la décision et en négociation.

2.4.2. Autres limitations concernant le périmètre d’étude 2.4.2.1. Contraintes sur le type de groupe

Pour la co-construction, nous nous sommes limité au cas de groupes humains parlant une même langue18 et impliqués dans une ou plusieurs activités, que nous désignerons dans la suite comme « organisation » ou « communauté » au sens large, pouvant typiquement aller de quelques personnes à plusieurs centaines ou milliers de personnes. Cette conception ne préjuge pas du tout d’un groupe homogène, du point de vue des rôles des acteurs ou des connaissances. Le groupe considéré inclut naturellement des sous-communautés, celles-ci réunissant alors par exemple des membres d’un même métier ou domaine de compétence, ou porteurs d’un même point de vue, ou compétents pour les thématiques de ce point de vue, etc. Un pré requis important, comme nous le détaillerons au §3.3.4 en définissant la notion de communauté, est l’implication des membres dans des activités partagées relevant de motivations communes. Par exemple une association aura des motifs internes et externes tels que fonctionner conformément à ses statuts, faire connaître des positions à l’extérieur, fournir un service...

Dans ce sens, les groupes que nous ciblons peuvent tout aussi bien être des « communautés de pratiques », au sein desquelles vont exister des différences d’expertises et des apprentissages dans l’activité, que des « communautés de communautés », ou des « communautés d’actions » telles qu’une

18 La restriction à une seule langue intervient surtout dans le but de limiter les difficultés pratiques d’un problème déjà fort compliqué. La langue est souvent un facteur majeur dans le découpage du contour d’une communauté, tenant compte de la condition, souvent requise, que les membres du groupe se comprennent bien entre eux: la construction d’ontologie sémiotique est d’essence langagière et basée sur des formes proches des interactions verbales.

entreprise (éventuellement élargie aux cercles de ses fournisseurs ou de ses clients), un syndicat professionnel, un réseau de soins, un ensemble de projets de développement de logiciels Libres, etc.19

2.4.2.2. Contraintes sur le type d’acteurs et d’activité

Pour des raisons avant tout de clarté, notre champ d’étude privilégie les acteurs réels ou réalistes, et tend à exclure à la fois les acteurs simulés (ex: agents logiciels). Bien qu’ils mettent aussi en œuvre des transactions communicationnelles symboliques (cf. Chapitre 3), les groupes trop « désincarnés» (comme les participants à un jeu virtuel ou à une simulation), ou dont les buts communs d’activité affirmée seraient « de pure connaissance » nous semblent susceptibles de conduire, sans précautions particulières dont l’élaboration demanderait du temps, à des biais d’interprétation. Nous écarterons également des groupes trop opaques du point de vue de leurs buts d’activité réelle, comme par exemple un groupe mystique uni par la croyance à une même transcendance, la fraternité des lecteurs d’un même écrivain, les auditeurs d’une même radio religieuse, etc., qui demanderaient aussi l’approfondissement du contexte sociologique et sans doute l’élaboration de précautions méthodologiques particulières.

Nous reconnaissons bien volontiers ce que ces exclusions peuvent recéler d’arbitraire, dans la mesure où il n’est pas d’activité fût elle de croyance, d’évasion ou de contemplation qui ne soit en dernier ressort « incarnée ». De l’activité peut être mise en évidence y compris dans les situations en apparence les plus passives, abstraites et imaginaires. Mais justement le psychisme humain est fort complexe, la représentation et la réalité sont souvent enchevêtrées, aussi étant donné que nous nous attaquons à des problèmes assez complexes, nous souhaitons simplement, d’un point de vue méthodologique:

considérer les situations où les sujets des actions et des interactions, ainsi que les interprétants des significations sont relativement identifiables au niveau des personnes et des groupes de personnes,

et écarter au contraire des représentations et des « lectures » de situations hors contexte social, où la part d’idéalisation est trop importante. Ce cas présente un risque accru de confusion entre les groupes humains réels et des groupes d’agents idéalisés ou théoriques, tels qu’à la limite ils s’identifieraient à des agents simulés sur ordinateur (ou tels que ces acteurs eux-mêmes souhaiteraient se voir comme agents).

Une telle confusion rendrait plus complexe encore le décryptage de l’expérience. Dans l’expérimentation en laboratoire que nous avons réalisée pour vérifier certaines de nos hypothèses (cf. §8.3) nous avons pris grand soin d’établir le protocole expérimental en prenant en compte (par questionnaire) une connaissance des sujets réels participant à l’expérience et leurs motivations, et en assurant le caractère « écologique » des consignes données à ces sujets par rapport à leurs connaissances et leur environnement habituels.

2.4.2.3. Contraintes sur le type de connaissances

Nous nous limiterons au cas de connaissances de « métier » des acteurs. Pour nous ces connaissances, considérées comme « de métier » au sens large rentrent dans le cas de connaissances de sens commun (par opposition aux connaissance scientifiques de type encyclopédiques ou académique, qui pourraient présenter le risque de prétendre renfermer une vérité universelle et logique, débat dans lequel nous ne voulons pas entrer pour le moment). Cependant ce ne sont pas toutes les connaissances de sens commun mises en jeu par l’activité de la communauté qui sont visées, mais seulement les

19 Comme nous l’approfondirons au chapitre 3, il n’est pas non plus très important que ces groupes soient des organisations, ou participent ou non à des organisations, au sens que la gestion donne à cette notion. La même remarque s’applique à la possibilité ou non pour ces groupes de disposer de systèmes d’information, notion que nous élargissons aux systèmes d’information et de coopération (SIC). Toutes ces configurations nous intéressent, dans la mesure où comme nous le développerons au §5.1.5, l’élément langagier est essentiel aux organisations et aux usages des systèmes d’information et de coopération (SIC). Donc les ontologies sémiotiques peuvent trouver éventuellement des applications en complément de ces systèmes. Cet élément langagier est bien sûr plus important dans certains types de SIC que dans d’autres, aussi énumérerons-nous à cette occasion (§5.1.6) les types plus favorables à l’utilisation d’ontologies sémiotiques.

objets de connaissance bien particuliers, que les acteurs eux-mêmes choisissent de considérer comme objet d’attention selon un ou plusieurs points de vue et vont juger utile de « cartographier ».

L’une des conséquences de notre choix est que dans leurs connaissances de métier, les acteurs, qui appartiennent à plusieurs métiers, vont mettre en jeu de nombreuses significations reposant sur l’interprétation dans leur cadre d’activité. Ces connaissances risquent donc de se révéler contradictoires du point de vue logique. La figure 1.2 dans le chapitre 1 consacré à l’application Agora montre un type de connaissances que nous visons particulièrement.

Cette restriction, rejoignant alors celle effectuée au point précédent, nous conduira à éloigner de notre champ, comme nous l’avons vu, des communautés qui s’affirmeraient de « pur savoir a priori» ou se fixeraient par exemple comme unique but avoué la recherche d’une vérité logique. En réalité, nous savons que rares sont les connaissances scientifiques qui échapperaient complètement aux connaissances « de sens commun » ou « de métier », au contexte d’activité et à l’interprétation. Même lorsque sont affichés explicitement et exclusivement des buts de recherche de vérité, les acteurs doivent énormément composer avec différents points de vue simultanés au plan de leur activité réelle20.

2.4.2.4. Contrainte sur le type de domaine et la variété des connaissances Nous nous attachons à des cas impliquant des champs de connaissances vastes, hétérogènes, fragmentés et discontinus, tels que les contenus qui interviennent dans les pratiques d’entreprise considérées dans leur changement et impliquant plusieurs métiers munis chacun de buts différents. Par exemple dans l’application Agora, il apparaît évident que ce champ est trop vaste pour être abordé d’un seul tenant par la pensée d’un seul acteur : c’est ce type de champ qui nous intéresse. C’est pourquoi nous nous intéressons aux cas nécessitant la coopération de plusieurs acteurs détenant chacun à un certain moment une partie de la connaissance nécessaire, et pour lesquels les connaissances ne sont pas forcément en assonance ou en accord. On peut aussi considérer que ce sont des domaines de connaissances qui sont trop abondants, trop complexes ou trop collectifs pour être utilisés et conçus sans artefact. Donc il ne sera pas très instructif pour nous d’un point de vue scientifique de chercher à faire une ontologie sémiotique dans un champ de connaissance a priori très compact tel que « le diagnostic des maladies de la tomate » dans lequel une seule personne serait (hyper-) spécialisée: ce type de champ relèverait plutôt des approches de système expert.

Cependant notre contrainte de fragmentation du champ peut être étendue aux connaissances d’un même acteur, tenant compte du fait qu’en un même individu les connaissances ne sont pas forcément intégrées, du fait d’incertitudes, de pluridisciplinarité, de phénomènes d’évolution de ces connaissances en raisons de changements internes ou externes, du souhait de considérer la situation de plusieurs points de vue ou de reconnaître des zones d’ignorance, etc. Cette remarque renforce alors notre choix exprimé dans le paragraphe précédent, de considérer les acteurs tels qu’ils sont dans leur contexte singulier, épistémique et social.

2.5. Hypothèses et questions scientifiques soulevées dans la