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Discours, signe et pensée

5. Apports de la sémiotique et des autres sciences du langage

5.2. Discours, signe et pensée

5.2.1. Le discours comme production sémiotique

Comme nous l’avons vu, il importe de nous appuyer sur une approche de l’activité humaine telle qu’elle est reflétée dans le discours, et donc de connecter plus étroitement notre réflexion avec les recherches sur les volets sémantique et pragmatique de la linguistique, dans l’idée de nourrir une réflexion plus générale interdisciplinaire sur toutes les formes d’échanges et de transactions communicationnelles symboliques [ZACKLAD03a] des acteurs agissant au sein de communautés.

Ces échanges impliquent des productions sémiotiques (cf. §4.6.2) des acteurs impliqués, en relation avec les artefacts mis en jeu dans ces transactions, artefacts qui sont porteurs des signes. Les productions sémiotiques des acteurs sont des paroles, des gestes, des manifestations de communication et de pensée, c’est-à-dire des signes. Ces signes sont aussi des formes utilisées dans l’argumentation, des références spatiales partagées, des documents ou des fragments de documents, des mots inscrits.

La notion de production sémiotique traduit pour nous la nécessité d’étendre la problématique du discours linguistique à celle de la signification à tous les niveaux y compris certains niveaux non-verbaux comme les gestes ou les relations spatiales. Il est également nécessaire de considérer que les acteurs, isolés ou en groupe, pensent toujours en rapport avec les productions sémiotiques qu’ils souhaitent émettre ou émettent et qui leur parviennent sans cesse. De plus, les apports des pragma-linguistes [KERBRAT-ORECCHIONI 01], comme ceux de certains courants de la psychologie du langage (cf. [CLARK 96] évoqué au §5.1.1.3), nous obligent à renoncer, ou du moins à considérer avec la plus grande prudence, les actions en apparence claires telles que « émettre » et « recevoir », au profit d’une conception « d’action jointe » entre les interlocuteurs, le récepteur étant aussi actif que l’émetteur. Autant cette rupture consommée avec le modèle de [SHANNON 48] semble aisée dans un cadre de SHS, autant elle reste un véritable défi dans une approche d’ingénierie informatique, pour laquelle la distinction émetteur-récepteur, particulièrement commode à opérationnaliser, est généralement considérée comme incontournable5.

L’emploi du qualificatif sémiotique, dès le titre et dès le début de ce mémoire, nécessite de préciser notre référence à la sémiotique comme étude des signes, et partant, d’affiner la définition du signe sur laquelle nous nous appuyons. En passant en revue quatre des principaux dictionnaires de la langue française à la rubrique « signe », pour l’emploi possible de ce mot dans le langage courant, [ECO 88] recense rien moins que vingt acceptations. La plupart tournent autour de l’idée, assez ancienne et déjà fortement discutée par Aristote puis par la pensée médiévale, qu’un signe est « quelque chose qui est mis pour quelque chose ». Au-delà des acceptations de sens courant, il nous faut repérer dans les différents courants de la science des signes (la sémiotique, appelée aussi par certains auteurs la sémiologie) une approche qui tout en possédant des racines philosophiques et logiques profondes, fournisse des bases solides à notre élaboration.

Cette assise théorique doit permettre de clarifier en particulier les questions qui nous sont posées sur la possibilité d’un rapport de multiples acteurs à un même signe, par exemple un même mot venant dans la conversation, ou observé sur un document écrit, pour lequel il fournissent des interprétations différentes. Déjà, le simple fait d’écrire « un même signe » comme nous venons de le faire pose problème si l’on s’intéresse comme nous le faisons à l’activité située. Par exemple, dans la pratique de la conversation, les acteurs ne parlent pas en général en même temps. Même dans le cas du signe

5Cependant la puissance de calcul et de connexion en réseau disponible aujourd’hui autorise un certain optimisme pour arriver à prendre en compte des actions jointes, à conditions de s’appuyer sur des approche de transactions communicationnelles symboliques, qui comme on l’a vu, prennent explicitement en compte le caractère sémiotique. Cela conduirait à ce qu’une donnée ou un terme de la conversation pourraient être considérée à la fois, simultanément, comme son interprétation par plusieurs interprétants (par exemple à la fois par l’un et l’autre de deux interlocuteurs). On trouvera dans [MORAND 04, p.110] un exemple d’explicitation du flux de la sémiose entre deux acteurs pris dans une transaction symbolique, autour des données d’une même facture perçue simultanément (et sémiotisée différemment) par le fournisseur et par le client.

écrit6, les cas ou deux acteurs sont confrontés dans le même temps et surtout dans un rapport très approchant au même signe sont très rares. Même si le fournisseur et le client lisent ensemble la même ligne d’un catalogue de produits ou d’une facture, ils n’ont pas le même univers d’interprétation – chacun va en construire simultanément une interprétation qui lui sera particulière. Mais pour autant – c’est notre hypothèse avec les « points de vue » – ces acteurs ne sont pas plongés dans la subjectivité la plus totale et l’incommunicablité : il existe des facteurs organisateurs de l’intersubjectivité (ici des points de vue très liés à des rôles et à des métiers) qui peuvent aider à cadrer l’interprétation divergente des signes.

Dans l’exemple du « même mot venant dans la conversation », du fait qu’à l’instant précis considéré dans l’action jointe, pour un premier acteur le rapport au signe soit de l’énoncer et pour un second de l’entendre, il ne s’agit pas du « même signe », mais de deux signes qui s’enchaînent dans un mécanisme complexe d’enchaînement sémiotique. Le signe devient un signe interprété qui devient lui-même un signe, etc. S’il y a un second auditeur, on peut supposer en première approche qu’il perçoit bien le même signe que le premier auditeur, en se situant par exemple au « niveau d’action » n°1 proposé par H.H. Clark (cf. §5.1.1.3). Mais le passage à chaque niveau d’action supérieur de Clark correspond à la transformation du signe en une interprétation, et donc à un signe plus élaboré multipliant les sources de divergence dans la signification chez l’auditeur. Dès le niveau 1, l’interprétation des deux auditeurs va être élaborée avec une certaine marge d’indépendance, où vont intervenir des différences de métier, de culture, d’opinion, mêlés aux considérations pragmatiques mettant en jeu le contexte, et donc faisant intervenir les 4 niveaux et les 3 lignes d’action du modèle de Clark. Cette remarque pourrait aussi être élargie pour intégrer la théorie du cadre participatif proposé par Goffman. [GOFFMAN 80].

En même temps qu’ils conversent, les trois acteurs considérés dans cet exemple n’en ont pas moins une pensée propre. En nous appuyant sur la conception de Peirce selon laquelle toute pensée réside en signes, nous devons alors considérer les trois chaînes de signes de ces trois acteurs sont à la fois indépendantes et dépendantes d’une autre chaîne sémiotique, sans doute plus consciente pour les acteurs et aussi plus apparente à l’avant-scène, qui est le fil du discours. On voit donc dans cet exemple que les productions sémiotiques des acteurs sont prises dans un réseau sémiotique où un observateur extérieur, s’il pouvait y avoir accès, pourrait discerner diverses chaînes fort mêlées exprimant suivant les cas plutôt l’autonomie ou plutôt l’interdépendance des acteurs.

Ces questions difficiles, que nous n’avons pas eu le temps de considérer à fond dans le cadre de cette étude, font l’objet de nombreux débats en sémiotique et d’une façon générale dans les sciences du langage. Il serait pour nous crucial de les comprendre davantage pour pouvoir les transposer dans notre problématique d’ingénierie de connaissance et de travail coopératif assisté par ordinateur, dans le respect des méthodes de ces disciplines cibles, et aussi nous l’espérons sans trop trahir les concepts d’origine.

Cette acclimatation est cruciale car les facteurs qui nous portent à définir une notion d’ontologie sémiotique en ingénierie collaborative des connaissances ne sont pas liés à des questions sur le langage posées dans la généralité, ni même au discours ou aux artefacts considérés seulement comme des résultats, mais à des questions sur l’usage des signes plongé dans un contexte d’activité.

5.2.2. Trois problèmes d’ordre sémiotique qu’il nous faut aborder

Les acteurs, isolés ou en groupe, pensent en rapport avec les productions sémiotiques qu’ils produisent, reçoivent et échangent en permanence, et notamment en rapport avec les artefacts qu’ils manipulent, par exemple les documents visuels qu’ils ont sous les yeux. C’est en particulier le cas lorsque les acteurs conçoivent ensemble un artefact, ou s’appuient sur un artefact déjà existant pour en construire un nouveau (ou une nouvelle version du « même » artefact, avec sur ce « même » une remarque analogue à celle du paragraphe précédent). Pour l’acteur, le rapport avec l’artefact qu’il est

6 Cette problématique commune au document écrit et à la conversation orale a justifié d’unifier notre cadre de recherche autour de la notion de production sémiotique (cf. §4.6.2).

en train de concevoir le place dans un rapport d’intertextualité [BENEL 03]. Par exemple la connaissance d’une ébauche de la carte de thèmes, ou d’une carte de thèmes sur un autre sujet, ou de la « légende » nécessaire pour bien interpréter certains symboles de la carte, appellent des liens entre documents constitutifs d’un phénomène d’intertextualité. Cette intertextualité fonde un dialogue interne à un acteur ou à un groupe, qui va par exemple aider à établir une version plus complète de la carte (nous aurons l’occasion de revenir sur ce concept d’intertextualité).

C’est pourquoi, dans l’activité de conception collective d’ontologie à laquelle nous nous intéressons, nous devons faire face à une longue liste des problèmes sémiotiques, exigeant de prendre appui sur une théorie sémiotique confirmée et adaptée. Nous ne citerons ci-après que trois exemples de ces problèmes:

P1) La notion de « concept sémiotique ». L’impossibilité de « concepts au sens strict »

qui prétendraient être réellement et parfaitement communs aux acteurs d’un collectif humain, a déjà été mentionnée. Une approche de « concepts au sens strict » pourrait certes s’appliquer à un collectif humain prescrit. Mais elle est impossible pour un collectif humain situé tel que nous l’envisageons, dont les membres sont placés dans un contexte et dans un rapport d’intersubjectivité, en particulier lorsque les « concepts » objets de réflexion sont en cours d’élaboration par le groupe. C’est pourquoi il nous faudra préciser une notion de « concept sémiotique » (cf. §5.3.2) ;

P2) Iconicité, Indexicalité et Symbolisme des ontologies sémiotiques. Les cartes de

thèmes multi-points de vue, comme ontologies sémiotiques, sont lues, écrites, réécrites, utilisées par les acteurs dans une forme qui est incarnée visuellement (listes, « cartes de thèmes », couleurs et codes « graphiques »…) sur un support tel qu’un feuille de papier ou un écran informatique. Cette particularité nous conduit à nous intéresser à ces artefacts comme porteurs de libellés mais aussi de signes de natures très diverses, et à attacher aussi une certaine importance aux aspects topologiques d’implantation des symboles dans l’artefact, et à certaines hypothèses de routines et de fonctionnements cognitifs liés à l’image, aux rapports spatiaux dans l’image et aux rapports symboliques d’intertextualité avec le modèle descriptif ou « la légende » qui en facilite la lecture. Les termes et leurs associations figurées dans une « carte de thèmes » sont alors à considérer à la fois comme nous l’avons vu i) dans leurs propriétés de purs symboles langagiers, ii) comme porteurs d’indexicalité vers de objets du monde, mais aussi iii) dans leurs propriétés d’iconicité, c’est-à-dire de ressemblance directe avec l’objet (lien iconique de la carte avec l’image qu’a le groupe de son territoire (point que nous avons commencé à évoquer au §3.2.1.

P3) Une définition sémiotique du « Point de vue ». Pour refléter la réalité du processus

de co-conception d’une ontologie sémiotique, nous devons être capables de prendre en compte concurremment plusieurs interprétations du rapport entre un signe et son objet. Hypothèse ou positions établies, ces interprétations sont celles de plusieurs instances différentes: acteurs individuels nommés, mais aussi sous-groupes ou « personnes morales », exprimant à un moment donné un accord de plusieurs acteurs, une prescription, une alternative ou une position majoritaire dans la communauté, etc. Cela constitue un jeu infini de combinaisons au cours du temps, au sein desquelles il est nécessaire pour les acteurs de considérer pragmatiquement des attracteurs permettant d’organiser la situation pour réduire sa complexité et son incertitude. En particulier nous explicitons à la fin du présent chapitre la notion du « point de vue » qui pour simplifier relie ou « croise » les qualités et caractéristiques de l’objet se donnant à voir avec les dimensions de vision, d’intention et de motif d’activité appartenant aux acteurs.

Tous ces problèmes convergent vers le sujet de la présente thèse, à savoir les ontologies sémiotiques dont nous posons la possibilité de co-construction en s’appuyant sur les NTIC dans le cadre du Web socio sémantique.

5.2.3. Le choix de la sémiotique de Peirce

L’approche que nous avons retenue est l’approche Peircéenne du signe. Charles Sanders Peirce (1839-1914) né à Cambridge (Massachusetts) et diplômé de Harvard en 1859, est considéré par beaucoup d’auteurs comme le véritable fondateur de la sémiotique (science des signes), bien avant la linguistique moderne issue des travaux de Ferdinand de Saussure. Il est l’auteur d’un ensemble d’écrits particulièrement nombreux dont la plupart ne furent publiés que bien après sa mort: les Collected Papers, dont six volumes parurent entre 1931 et 1935 et deux autres en 1957 et en 1958.

Dans le domaine qui nous intéresse, Peirce jette les bases du pragmatisme dans sa « rhétorique spéculative » et écrit par exemple en 1868 un article « Sur la compréhension et l’extension logique » et en 1877 un article sur « la Fixation de la croyance ». Nous aurons l’occasion dans la suite de ce mémoire de nous appuyer sur plusieurs volets de la pensée philosophique, logique et sémiotique de cet auteur. Cette approche nous autorise à prendre en compte à la fois dans une même grille de lecture sémiotique à la fois la pensée individuelle, considérée comme chaîne de signes, la communication, les artefacts porteurs de signes intervenant dans la pensée et dans la communication, et les actions de conception de ces artefacts. Les travaux de Peirce nous sont aussi utiles pour apporter une définition de la croissance de l’information (cf. §4.4.3) et pour aborder certains points d’intérêt présentés par la pensée catégoriale (cf.Annexe A). Ils nous seront particulièrement nécessaires à la fin du présent chapitre pour fonder logiquement une notion de Point de Vue compatible avec notre projet.

Fig.5.1 - La relation-signe, d’après C.S. Peirce

(schéma proposé par [MORAND 04], p.63

On connaît en général des « triangles sémiotiques », proposé selon des versions voisines par plusieurs auteurs. Pour Peirce, la théorie du signe concerne bien trois éléments, le signe (S), son objet (O) et son interprétant (I). Mais elle prend la forme d’une seule relation: la « relation-signe » S-O-I. Nous préférons, en suivant [MORAND 04], exprimer cette relation-signe sous la forme d’une relation triadique « d’un seul tenant » (cf. Figure 5.1), à la manière d’une phrase qui serait énoncée au moment où le phénomène signe se produit avant que l’on se préoccupe de l’analyser. Si l’on schématise

Signe

Objet

Interprétant

Fig.- La relation-signe, d’après C.S. Peirce (schéma proposé par [MORAND 04], p.63

S I

O

quelque chose tenant lieu de quelque chose Pour quelqu’un à un certain égard ou titre Fondement

comme le font certains auteurs la relation-signe sous la forme d’un triangle, cette dernière forme tend à suggérer plutôt l’existence de trois relations exprimées par chaque coté du triangle. Or dans une approche « analytique », se proposant de rendre compte de la dynamique de la relation-signe au moment où elle à lieu, il n’y a qu’une seule relation, ou si l’on veut, un seul prédicat à trois arguments: le signe pour Peirce est un representamen, c’est à dire en première approche « quelque chose qui est mis pour quelque chose (son objet) pour quelqu’un à un certain titre ». Dans cette première approche, qui nous le verrons au paragraphe suivant doit être précisée car l’interprétant n’est pas forcément une personne, le signe crée dans l’esprit de ce « quelqu’un » un signe équivalent ou plus développé qui est l’interprétant du premier signe. Nous reviendrons dans le paragraphe suivant sur le commentaire de ce schéma, sur la notion de « fondement » de la relation signe et sur une définition plus détaillée de cette relation qui va être l’élément de base de la chaîne sémiotique, donc du développement du sens et de la communication.

Ce qui est à noter déjà à ce stade est que cette définition se relie aux problèmes que nous nous posons (cf. les problèmes P1 à P3 énumérés au §5.2.3). En effet la relation-signe inclut un interprétant, le « tiers » sur lequel s’inscrit l’interprétation. Si nous relisons par exemple les problèmes P1 et P3, nous voyons que leur solution passe par une détermination la plus précise possible du ou des interprétants de la relation entre le signe et l’objet auquel il renvoie. La détermination fine de certains interprétants va par exemple jouer un rôle-clé pour aider les acteurs à maîtriser le processus de co-conception dans lequel ils sont engagés. Si le signe signifie quelque chose, il s’agit de s’avoir quoi mais pour cela, il s’agit aussi de savoir pour qui ce signe renvoie a cet objet. Comme, de plus, plusieurs types d’interprétants apparaissent mobilisés dans les problème posés, nous avons de bonnes raisons rechercher dans Peirce une théorie de l’interprétant propre à nous aider à clarifier ces distinctions.

Face aux problèmes que posent les ontologies sémiotiques, C.S. Peirce nous est apparu progressivement un point de passage incontournable, car une partie importante de son œuvre a visé à classer et à structurer tous les mécanismes de la signification pouvant se présenter, sans se centrer exclusivement sur la signification des seuls symboles intervenant dans le discours verbal. De plus, la démarche peircéenne englobe le signe linguistique (celui-ci est, dans la classification qu’il propose pour les signes, un cas de « légisigne symbolique »), mais ne s’y limite pas. Elle ne nous apparaît pas pour ce qui nous concerne en contradiction avec la sémiotique développée plus tard par Saussure (même si cette dernière serait sans doute mieux adaptée à une réflexion purement linguistique). Mais pour résoudre un problème tel que le problème P2, qui fait intervenir le fait qu’une carte de Thèmes peut aussi prendre une signification en tant que diagramme, (cf. [MORAND 04], pp. 231 à 279), il nous est nécessaire de disposer d’une théorie du signe qui englobe aussi certains aspects d’iconicité

Pour finir, il est également important pour nous que la contribution sémiotique de Peirce soit indissociable et se soit développée dans un lien de cohérence avec sa réflexion phénoménologique et logique. Cela inclut la théorie peircéenne des Catégories (Primarité, Secondarité, Tiercéité) qui a un impact direct sur son approche sémiotique, ainsi que le principe selon lequel toute pensée réside en signe (« la pensée prend toujours place au moyen de signes »), où nous retrouvons, avec ces termes choisis avec soin tels (« prendre place » plutôt que « est constitué de ») une problématique de localisation qui est également au cœur de notre réflexion. La référence à Peirce nous permet ainsi de bénéficier indirectement de tout cet arrière-plan théorique. Cela est appréciable non seulement pour la cohésion philosophique des fondements de notre démarche, mais aussi parce que nous pouvons ainsi, si besoin, expliciter davantage les « présupposés cachés », que Peirce a pour sa part cherché à établir de façon rigoureuse, logique et publique, et non en les fondant sur une métaphysique ou une transcendance inaccessibles à la discussion. Ce dernier point, comme l’attachement de Peirce à fonder logiquement son approche, nous semblent important dans une démarche dont l’horizon est une mise à l’épreuve dans une réalité technique (sur l’ordinateur, qui ne transige par avec la logique) et sociale (dans des sociétés réelles).

Plus précisément, la définition peircéenne du signe, parfois exprimée par la formule « un signe est quelque chose qui est mis pour quelque chose pour quelqu’un », doit être considérée, ainsi qu’il