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Artefacts de référence et artefacts d’interaction dans l’activité

4. La référence centrale à l’Ingénierie des Connaissances

4.6. Documents et productions sémiotiques

4.6.8. Artefacts de référence et artefacts d’interaction dans l’activité

l’activité

Reprenons l’exemple d’une ontologie sémiotique telle qu’Agora présentée au chapitre 1. Celle-ci étant accédée au motif de différents usages, nous rappelons d’abord le schéma de la Fig.1.9, que nous avions proposé alors pour illustrer les activités de discussion, dans le groupe des éditeurs de la structure sémantique.

Fig.1.9 – Artefact et activité dans le cas de l’application Agora (rappel du chapitre 1)

PDA

Assistant portableTerminal Terminaux Palm Pocket-PC Bluetooth mains libres Mobile WAP connecté filaire Membre2 Voyages Membre 3 Membre 4 Membre5

est d’accord pour

renomme place

suggère

s’oppose appuie

Artefact d’ontologie sémiotique

Membre1

La discussion dans le groupe

des éditeurs de la structure sémantique

Fig.9

Éditeurs

de la structure sémantique

Utilisateurs

dans les roles « consulter « et « contribuer » (recherche, dépôt d’entités)

Nous proposons de reformuler ce schéma de la Fig.1.9 en le généralisant et en considérant que dans l’activité de ce groupe sont en fait mis en jeu deux types d’artefacts basés sur des productions sémiotiques :

- l’ontologie sémiotique correspond à un objectif de capitalisation d’un terrain partagé de connaissances et d’accords définitionnels dans le groupe, compatible avec la pluralité des points de vue. Même tiraillée entre une pluralité d’usages, même fréquemment modifiée ou réinterprétée dans l’action, l’application Agora est un signe d’ensemble qui fait sens en lui-même pour les acteurs considérés car il s’inscrit comme la plupart des RTO dans un objectif de temporalité longue. C’est « la cartographie Agora des projets de R&D ». 33 Nous parlerons « d’artefact de référence ». L’enjeu est de permettre la manipulation de cet artefact pour tous les usages pour lesquels il parviendra à s’apparier avec la classe des situations-problèmes du groupe.

- les discussions et les micro-actions, permettant la construction collective de l’ontologie et l’élaboration des accords définitionnels nécessaires, correspondent à d’autres formes de supports, qui pour Agora se sont surtout limités à la conversation orale présentielle ou distante, synchrone ou asynchrone. De nombreux aspects pourraient faire l’objet d’une artefactualisation explicite plus poussée, partielle ou totale, basée sur le numérique (e-mail, forum, chat, annotation de documents numériques, enregistrement audio ou vidéo de la discussion… ) en complément de techniques plus traditionnelles (« post-it », notes manuscrites, tableau de papier conservé après usage…). Nous parlerons dans ce cas « d’artefact d’interaction ». C’est cet artefact que nous avons cherché à renforcer, en introduisant dans l’outil Agoræ v1.2 un système de forum de discussion pour tracer d’éventuels désaccord ou remarques, spécifiquement au niveau de chaque thème et point de vue de la carte. C’est cet système de discussion que nous avons commencé à tester sur l’application Yeposs (cf. §6.4.4) et [CAHIER 05b].

Le schéma Fig.1.9 devient alors le schéma suivant (Fig.4.2). Nous n’y mentionnons plus comme sur la Fig.1.9 le détail des trois rôles (consulter, contribuer, structurer) ceux-ci étant davantage des fonctionnalités d’outil que des usages prenant un sens au niveau de l’activité. En effet, à la lueur des réflexions qui précèdent (notamment des §3.3.3 et §4.3, sur la distinction importante entre action de résolution de problème / tâche d’un côté, usages / activité de l’autre), il nous semble en effet nécessaire de remonter la réflexion au niveau du modèle d’activité.

33 De même l’expression « Plan de Troyes » fait-elle sens pour un cercle assez large, même compte tenu de ce que cette ville change sans cesse, que personne ne la connaît au même degré, ni ne la conçoit de la même façon, etc..

Fig.4.2 - Artefacts et activité - 1

Pour être plus précis, dans le modèle KBM utilisé pour Agora, les différents rôles d’acteurs sont définis rigidement en référence à des tâches (consulter, contribuer, éditer) et corrélativement les usages sont eux-mêmes prescrits (recherche, dépôt d’information, co-construction). Mais nous estimons qu’il est possible de généraliser ce modèle :

- en y intégrant l’activité métier qui, nous l’avons vu, possède ses usages propres des artefacts de référence et est imbriquée avec l’activité socio sémantique (cf. fig.3.1)

- en y intégrant toutes sortes d’autres rôles et usages (par exemple moins contraints que les rôles stéréotypés du modèle KBM) qui transitent par l’activité et visent (ou non) les artefacts. Nous pouvons alors tenter de généraliser encore davantage le schéma de la Fig.4.2. C’est ce qu’exprime la Fig.4.3 ci-après, qui schématise le rapport qui existe entre les quatre termes suivants :

- Les acteurs,

- Leurs motifs d’activité, qui sont en général pluriels (en intégrant dans cette catégorie, de façon ouverte : les problèmes, les rôles et métiers, les genres d’activités, les types d’usages…). Notons bien que tout accès des acteurs aux artefacts passe par un usage et prend donc sens par l’activité. Nous ne faisons donc pas figurer de lien direct, entre l’acteur et l’ontologie de référence. Un lien qui ne serait pas un type d’usage justifié au niveau de la communauté n’aurait pas de motif d’activité, donc pas de sens pour l’un quelconque des acteurs. Même le fait d’explorer sans but, ou de simplement de lire (ou réécrire) est un usage correspondant à un passage par une activité. Un acteur peut tout à fait, à chaque instant, inventer des usages nouveaux (par exemple augmenter la conscience mutuelle en se servant de l’artefact de référence comme système d’alerte) : si cet usage a un sens pour lui ou pour une partie du groupe, cela rejoint le cadre de l’activité.

PDA Terminaux Bluetooth mains libres Mobile WAP filaire Membre2 Voyages Membre 3 Membre 4 Membre5

est d’accord pour

suggère

s’oppose à

Artefacts de référence primaires (corpus, ressources Web) et secondaires (RTO, dont ontologie

sémiotique) Activité métier et

Activité socio sémantique Fig.4.1 Acteurs Assistant portable Palm place Artefacts d’interaction

(annotation, mémoire des interactions, support à la discussion) connecté appuie Membre1 Terminaux Le 22/12/02 Membre4 renomme Membre3 reno place www Motifs d’activité Intervention des acteurs dans différents rôles, genres d’activités et types d’usages Ex: - Faire de la R&D - Trouver des partenaires

- Faire connaître son projet - Savoir qui

fait quoi - S’inscrire dans

- L’activité elle-même, considérée comme activité située (avec ses deux plans imbriqués d’activité primaire et d’activité socio sémantique, que nous avons séparé dans le schéma, mais dont le «8» vertical illustre l’interaction incessante). Dans l’activité globale, les acteurs, (co-) auteurs de leurs productions sémiotiques, puisent mutuellement dans ces productions au moment ou ils les manifestent, en s’appuyant plus ou moins fortement sur les artefacts d’interaction et sur les artefacts de référence, en tant que documents pour l’action.

- Les artefacts (avec les deux temporalités spécifiques des artefacts d’interaction et des artefacts de référence) qui ont vocation à supporter l’ensemble des signes que les acteurs ont besoin de manipuler explicitement et de réutiliser dans leurs activités et usages.

Le schéma proposé pour réaliser la synthèse entre la Fig.3.1 et la Fig.4.1 est alors le suivant :

Fig.4.3 - Artefacts et activité - 2

Ce schéma constitue une prise de position sur de nombreux points, qu’il nous faudra justifier et sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir, notamment dans la partie suivante (§4.7) qui aborde l’apport de l’IC à la constitution des RTO. Etant donné que nous nous interrogeons pour le moment sur les notions d’artefact et de production sémiotique au sens de l’IC, nous voulons insister sur quelques uns des problèmes liés à ce schéma :

- Comme nous l’avons déjà posé, la sémantique des acteurs se construit en rapport à l’activité métier et à des usages déterminés de l’ontologie participant de cette activité. Les acteurs co-construisent leur sémantique en tant qu’ils l’utilisent de façon potentielle ou actualisée, pour certain usages ou situations-problèmes présents dans leur activité principale. La boucle d’activité socio sémantique est potentiellement incluse à tout moment dans la boucle d’activité métier. Mais de son côté la boucle d’activité métier est potentiellement incluse à tout moment dans la boucle d’activité socio sémantique, quand il s’agit par exemple pour un groupe d’acteurs en position d’éditeurs sémantiques de simuler leur activité métier pour trouver le point de vue approprié ou l’expression juste dans la carte de thèmes. C’est cette imbrication qui est aussi suggérée sur le schéma par la double boucle verticale en forme de «8».

Acteurs Fig4.2 Activité socio sémantique Artefacts de référence (ex: RTO, ontologie sémiotique, corpus) Artefacts d’interaction Fig4.2 Activité métier Boucle principale d’activité « métier » Boucle d’activité socio sémantique Motifs d’activité Motifs d’activité

- Sans motif d’activité, il ne peut pas y avoir un usage authentique de l’artefact. Parmi les motifs d’activité, on peut trouver une dominante de motifs pour l’activité métier (ex : faire de la R&D, être le premier sur un axe d’innovation…) ou une dominante de motif pour l’activité socio sémantique (ex : disposer d’une cartographie de son environnement métier qui soit actualisée). Il n’y a pas sur ce schéma d’arc direct reliant l’acteur et l’artefact. Un tel lien n’a pas de sens pour l’acteur. Il peut prendre un sens pour l’informaticien qui teste techniquement l’application (tout à fait comme dans le cas des niveaux d’évaluation 1 et 2, dans le modèle à entrée « par le système » qui avait été proposé sur la Fig.2.1). Mais l’acteur pour interagir de façon authentique avec un artefact a toujours besoin de le faire dans le cadre d’une activité qui ait pour lui un sens. On peut envisager des situations où l’activité est possible sans passer par les artefacts explicites (sur le schéma, l’arc ne serait plus alors prolongé autant vers la gauche). Par contre il n’existe pas de situations où l’arc serait non originé (donc tronqué sur la droite): il est toujours nécessaire que le tryptique acteur(s) / motif (s) d’activité / activité (s) soit en place pour que les artefacts soient mobilisés.

Dans l’exemple d’Agora, les motifs d’activité du côté de la boucle d’activité métier sont par exemple, pour la communauté concernée par cette carte de thèmes, la volonté d’innover par la R&D, d’assurer la position de l’entreprise sur son marché, de créer de façon souple des réseaux d’excellence internes, etc. Les situations problèmes que partagent les groupes et sous-groupes par rapport à ces motifs d’activités sont par exemple de trouver un projet précisément sur un thème qui exprime un besoin de renforcement stratégique, de pouvoir bien décrire les projets que l’on cherche à faire connaître pour trouver des partenaires, de contacter des pairs pour écrire des articles en commun contribuant au rayonnement scientifique des équipes, etc. Ces problèmes apparaissent typiquement dans les discussions stratégiques sur l’orientation de la recherche, sur le fait de donner la priorité à certains thèmes, sur l’orientation des carrières, etc.

Les motifs d’activité du côté de la boucle socio sémantique peuvent être d’établir une vision cohérente des projets et des compétences, de permettre à tous d’exprimer leurs connaissances, de permettre aux documentalistes du service documentation de pleinement jouer leur rôle, etc. Les situations problèmes associées sont par exemple de prendre les meilleures décisions pour trouver un plan de classement, selon un jeu de points de vue qui représente un compromis optimisé pour le collectif concerné. Ces problèmes apparaissent typiquement dans les types de discussion tels que : faut-il un seul point de vue « par technologies », plutôt que deux respectivement « par technologies visées » ou par « technologies utilisées », comme évoqué en note au §1.2.3 (p.19)

- Dans l’activité, les acteurs mettent en jeu des productions sémiotiques, dont certaines ne réfèrent pas aux artefacts, mais dont d’autres correspondent à des usages des artefacts (notamment des usages des ontologies sémiotiques) et à des situations transactionnelles liées à ces usages. Elles sont produites dans leurs deux sortes d’activités (activité principale et activité socio sémantique), considérées comme activités situées en train de se dérouler. Certaines de ces productions sémiotiques, par exemple les interventions dans la discussion vont être marquées de façon explicite et même pérennisées sur des supports grâce à des artefacts. Ce sont ces artefacts que nous avons appelé « artefacts d’interaction ».

- Les productions sémiotiques qui jouent un rôle clé dans notre cas d’étude se répartissent donc sur un axe qui

o d’un côté inclut des documents à vocation de référence partagée pour le groupe, qui sont éventuellement institutionnalisés et plus fortement pérennes (« artefacts de référence », incluant éventuellement les corpus de documents primaires et les RTO qui les indexent)

o et d’un autre côté inclut des « artefacts d’interactions » qui sont des productions sémiotiques plus locales et de temporalité généralement plus éphémères (quoique aussi pérennisables). Dans ce second cas, les productions sémiotiques sont celles, très diverses, qui interviennent au niveau granulaire des opérations effectives ponctuelles d’un acteur sur les artefacts de référence, des commentaires d’un acteur par rapport à ces opérations, des postures argumentatives prises par les acteurs dans la discussion, etc. Toutes peuvent, au moins en théorie, être explicitées au moyen d’un artefact

d’interaction, mais dans la pratique, bien que certains apports du TCAO commencent à se diffuser (annotation, outils de support à la discussion tels que forum, chat…) leur support artefactuel est jusqu’à présent partiel et en grande partie volatil.

- Il est relativement naturel de distinguer les artefacts de référence et les artefacts d’interactions, qui correspondent à des temporalités différentes, nettement différenciées. En revanche, il n’est pas en général possible de différencier nettement la part des interactions qui concerne l’activité de métier, de celle qui concerne l’activité socio-sémantique (souvent il y a interférence entre les deux, comme le montrent les arguments métiers qui accompagnent les débats sur les dénominations ou les placements de thèmes, et qui pèsent d’un poids décisif dans ces choix). C’est pourquoi nous avons représenté graphiquement sur la Fig.4.3 l’artefact d’interaction comme une continuité s’appuyant sur les deux sortes d’activités. Quant aux artefacts de référence, comme l’ontologie sémiotique ou les corpus de ressources primaires, ils constituent des ensembles difficiles à scinder: une ontologie qui ne serait qu’une cible d’interactions socio-sémantiques et qui ne serait la référence d’aucune activité principale n’aurait pas de sens pour les acteurs. Symétriquement, une ontologie qui ne correspondrait à aucune activité socio-sémantique, c’est à dire ne serait jamais discutée et amendée en tant que telle par les acteurs, est de son côté peu probable34.

Notons bien que, concernant l’artefact d’interaction, nous ne voulons nullement par ce schéma (Fig.4.3) affirmer une quelconque différence de nature entre

- les productions sémiotiques elles-mêmes telles qu’elles sont manifestées par les interactions de la situation transactionnelle en train de se dérouler,

- et la considération de leur inscription sur un support.

En effet, si l’on suit la théorie du support [BACHIMONT 04] cette inscription est toujours le cas35.