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La m´ etaphore du jeu et la complexification des rela-

1.3 Conclusion

2.1.1 La m´ etaphore du jeu et la complexification des rela-

egalement une approximation du contenu de la notion de configuration. En effet, l’´equilibre des tensions `a un moment donn´e correspond `a une configu-ration sp´ecifique prenant en compte plusieurs niveaux de la r´ealit´e sociale.

Une autre image c´el`ebre, utilis´ee par Elias, est l’id´ee de jeu. Elias mobi-lise cette m´etaphore pour illustrer de quelle mani`ere les ´el´ements qui com-posent la soci´et´e, individus et groupes, se trouvent en interd´ependance fonc-tionnelle les uns avec les autres `a l’int´erieur d’une configuration. Ces parties ne sont donc pas vues comme des entit´es ind´ependantes les unes des autres, mais comme n´ecessairement imbriqu´ees sur plusieurs niveaux d’interp´en´ e-tration.

La m´etaphore du jeu permet d’enrichir davantage la d´efinition du concept de configuration, car elle introduit aussi un regard sur les aspects dyna-miques du social : la configuration est en effet changeante puisque soumise

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a des tensions qui se cr´eent dans le processus de jeu lui-mˆeme. Les pro-chaines sections approfondissent les aspects du concept de configuration li´es aux niveaux des interd´ependances, `a la nature des interd´ependances et `a leur transformation.

2.1.1 La m´etaphore du jeu et la complexification des rela-tions humaines

Elias (1991) se fonde sur l’image du jeu pour rendre compte des interd´ e-pendances qui caract´erisent les formes relationnelles aux diff´erents niveaux d’int´egration des individus. Il d´efinit des mod`eles de jeu qui exemplifient les transformations ayant caract´eris´e les changements historiques des relations humaines associ´es au passage `a la modernit´e : une augmentation des joueurs et des niveaux de jeu ainsi qu’un ´equilibrage du pouvoir entre les joueurs et un allongement des chaˆınes d’interd´ependances entre eux.

La classification des mod`eles de jeu est un outil important pour com-prendre comment les relations de confiance sont reli´ees `a la distribution changeante du pouvoir. Comme on l’a vu au premier chapitre, dans les so-ci´et´es contemporaines, la confiance compense l’absence de contrˆole direct de l’individu sur les processus sociaux. Elias nous permet de comprendre que la confiance est l’autre face de ce contrˆole dans les soci´et´es complexes. Il classe les jeux selon deux dimensions principales, l’une horizontale et l’autre verticale, `a travers une diff´erenciation du degr´e de contrˆole exerc´e par les joueurs. Sur la dimension horizontale, `a une extr´emit´e, on trouve un mod`ele de jeu dans lequel le pouvoir est in´egalement distribu´e et, `a l’autre extrˆeme, un mod`ele de jeu o`u le pouvoir est ´egalitairement r´eparti et donc o`u aucun des joueurs n’a le contrˆole complet de la dynamique du jeu. Sur la dimen-sion verticale, l’augmentation du nombre de joueurs am`ene `a la distinction de deux niveaux hi´erarchiquement diff´erents : `a une extr´emit´e, le pouvoir sera distribu´e de mani`ere in´egalitaire entre les niveaux, par cons´equent les joueurs du niveau sup´erieur auront le contrˆole sur la dynamique propre au jeu du sous-groupe auquel ils appartiennent sans ressentir l’interd´ependance avec le niveau inf´erieur ; `a l’autre extr´emit´e, le pouvoir r´eparti de mani`ere plus ´egalitaire cr´eera une interd´ependance plus forte entre les niveaux et le jeu des joueurs du niveau sup´erieur devra tenir compte de la pr´esence des joueurs de l’autre niveau.

Sur l’axe horizontal, le plus simple mod`ele de jeu se constitue entre deux individus. Dans une version caract´eris´ee par la distribution in´egale du pou-voir, le premier individu a la force de contraindre le jeu du second individu ; il exerce son pouvoir sur le jeu et contrˆole le processus relationnel en sa faveur. Dans une version ´egalitaire de ce type de jeu, aucun des deux indi-vidus ne peut vraiment influencer le jeu, puisque personne n’est sup´erieur

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a l’autre dans le processus relationnel. Le passage de la premi`ere version de jeu `a la seconde est l’illustration d’un processus social de d´ emocratisa-tion puisque, `a ´egalit´e de force pour les joueurs, il ne s’agit plus de r´ealiser un plan individuel, mais de participer `a un processus qu’ils ne peuvent pas pr´evoir.

Sur l’axe vertical, la distinction de diff´erents niveaux de jeu est n´ eces-saire `a cause du nombre de plus en plus grand de joueurs. Le nombre accru de joueurs empˆeche la participation directe de tous les individus aux dyna-miques de jeu, par cons´equent des «fonctionnaires de la coordination [...]

– repr´esentants, d´eput´es, leaders, gouvernements, maisons princi`eres, ´elites monopolistes» (Elias, 1991) – assument cette fonction.

Sur l’axe vertical, un premier type de jeu est oligarchique. Dans ce jeu, le pouvoir est entre les mains des hommes de l’´etage sup´erieur, puisqu’ils en contrˆolent l’acc`es et sont capables de se faire «une image de la configura-tion mouvante des joueurs du jeu»(Elias, 1991). Elias nous dit cependant

qu’avec l’augmentation des joueurs et des niveaux, la transparence du jeu diminue progressivement. Dans les soci´et´es complexes, des examens scien-tifiques de la r´ealit´e sociale sont donc rendu n´ecessaires pour permettre la compr´ehension de la transformation des interd´ependances.

Un second type de jeu est nomm´e d´emocratisation simplifi´ee. Dans ce cas, l’´etage inf´erieur acquiert progressivement de la force dans le jeu et, comme dans les autres jeux ´egalitaires, oblige l’´etage sup´erieur `a tenir de plus en plus compte de sa pr´esence :«Le r´eajustement de l’´equilibre des forces entraˆınera un renversement des donn´ees. Tous les participants auront de plus en plus l’impression que les joueurs de l’´etage sup´erieur n’existent que pour les joueurs de l’´etage inf´erieur. Les premiers vont devenir progressivement des fonctionnaires, des porte-paroles, des repr´esentants de l’un ou de l’autre groupe du niveau inf´erieur»(Elias, 1991, p. 104). Si l’on consid`ere que tous les individus impliqu´es composent une configuration dans laquelle l’´equilibre des tensions d´epend en mˆeme temps de tous les autres individus, on se rend ais´ement compte de la complexit´e extrˆeme qu’a atteint le jeu de type d´emocratique.

Les mod`eles de jeux sont distribu´es selon les axes du pouvoir et du nombre de joueurs. Les soci´et´e complexes exigent un haut niveau de confiance puisque, comme on l’a vu, le contrˆole direct des processus sociaux n’est plus possible. Les deux axes th´eoriques ´elabor´es par Elias nous permettent

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egalement d’interpr´eter la distinction entre confiance interpersonnelle et confiance institutionnelle : le premier type de confiance fonctionnera d’abord dans les interactions interindividuelles au sein des groupes et le second type de confiance fonctionnera dans les rapports verticaux entre individus et les organisations cr´e´es dans le but de repr´esenter des groupes plus larges.

Elias met en ´evidence que des chaˆınes d’interd´ependances potentiellement tr`es longues unissent les individus les uns aux autres. La confiance se d´ e-veloppe donc comme interd´ependance et au sein des chaˆınes d’interd´ epen-dance. Etant situ´ee au niveau individuel, son ´etude passe donc par l’analyse de ces derni`eres et par la prise en compte de niveaux multiples de la r´ealit´e sociale qui influencent l’individu. Les deux types de confiance, interperson-nelle et institutioninterperson-nelle, refl`etent finalement l’int´egration des individus dans la modernit´e : des chaˆınes d’interd´ependances allong´ees sont `a la base d’une diff´erenciation entre les deux types de confiance, puisque l’individu com-pense le contrˆole de processus sociaux lointains par de la confiance dans les institutions, et le savoir de plus en plus partiel sur les autres par de la confiance interpersonnelle.