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1.1 La confiance dans les soci´ et´ es complexes

1.1.1 La confiance dans l’ordre social

En introduisant son analyse de la confiance, Luhmann (2006 [1968]) sp´ecifie que les analyses fonctionnalistes s’int´eressent `a r´esoudre le probl`eme de la stabilit´e des syst`emes. La probl´ematisation ne se fait donc pas en partant de l’empirie, ni `a travers des m´ethodes positivistes inductives ou d´eductives recherchant des lois g´en´erales, mais, selon les mots de Luhmann, dans une perspective «heuristique» (Luhmann, 2006 [1968], p. 2).

Le premier chapitre de l’ouvrage La confiance. Un m´ecanisme de r´ e-duction de la complexit´e sociale (Luhmann, 2006 [1968]) pose les jalons de la discussion en consid´erant la complexit´e sociale comme un probl`eme qui doit ˆetre r´esolu. L’objet d’´etude de la recherche fonctionnelle est le syst`eme.

Ce dernier ´etant par d´efinition ouvert `a toute possibilit´e, il d´evoile le pro-bl`eme de r´ef´erence de l’analyse fonctionnelle : la complexit´e. Le syst`eme a un potentiel illimit´e de complexit´e, d’´elargissement de l’univers du possible, qui le d´estabilise. Le monde est donc complexe `a cause du nombre infini de ses possibilit´es. De ce fait, quelle que soit la nature d’un syst`eme, celui-ci doit proc´eder `a une s´election d’´el´ements environnementaux pertinents pour

2. Les th´eories de Luhmann peuvent aussi ˆetre consid´er´ees postmodernistes. Nous par-lerons de la soci´et´e contemporaine sans distinguer entremodernit´e avanc´eeet postmoder-nit´e.

sa fonction et sa reproduction. Cette r´eduction produit de l’ordre et de la stabilit´e.

Puisque la complexit´e «transcende la diff´erence entre syst`emes psy-chiques et syst`emes sociaux»3 (Luhmann, 2006 [1968], p. 4), Luhmann pr´econise un langage th´eorique plus g´en´eral utilisant les concepts de sys-t`eme, de fonction et de complexit´e d’une mani`ere assez abstraite pour ˆetre interpr´et´es aussi bien de mani`ere psychologique que sociologique. En cela, il compare sa d´emarche `a celle entreprise par Parsons dans sa th´eorie de la structure sociale.

Luhmann (2001, 2006 [1968]) construit son propos `a partir de l’id´ee de familiarit´e («familiarity ») et de symbole comme moyen de faire rentrer le non-familier dans l’ordre du familier. En postulant que l’individu a une tendance anthropologique `a la distinction entre ce qui est familier, le connu, et ce qui n’est pas familier, l’inconnu, il explique comment tout m´ecanisme de confiance s’ancre dans la familiarit´e (Luhmann, 2001). Dans les commu-naut´es traditionnelles et peu diff´erenci´ees, l’individu r`egle le rapport entre non familier et familier `a travers des symboles, le plus souvent de type re-ligieux (comme l’expression de la volont´e d’un dieu ou comme partie d’une cosmologie), lesquels permettent une distinction nette4 entre le familier et le non familier dans une r´ealit´e sociale fond´ee sur l’exp´erience directe de l’individu.

A l’´epoque moderne, par un glissement vers le «technologique», l’in-formation potentiellement `a disposition de l’individu s’est accrue et touche aussi des domaines hors de la r´ealit´e directement connue par l’individu : la limite entre familier et non familier est plus floue et le risque ´emerge comme un fait in´evitable de la vie courante. C’est dans le champ de la familiarit´e que la confiance devient une solution aux probl`emes de la contingence (le risque) et de la vuln´erabilit´e des relations typiques des soci´et´es complexes, puisqu’elle rapproche l’inconnu au familier.

On peut illustrer la situation des communaut´e traditionnelles en pensant au rituel du kula (Malinowski, 2007). Souvent utilis´e pour expliciter les m´ecanismes de base de la r´eciprocit´e et de la solidarit´e (cf. Mauss, 2012), le kula est d’abord un ´echange direct d’objets qui symbolisent des forces magiques dans la cosmologie de diff´erentes tribus qui ne parlent pas la mˆeme

3. Dans la terminologie de Luhmann, l’individu correspond `a un syst`eme, le syst`eme psychique. Si on consid`ere les ´ecrits de Luhmann, la r´ef´erence aux individus est encore pr´esente dans l’œuvre de 1968 d´edi´ee `a la confiance (Luhmann, 2006 [1968]) ; elle dis-paraˆıtra dans les travaux ult´erieurs pour laisser la place aux «syst`emes psychiques».

L’ouvrage de 1968 peut d’ailleurs ˆetre encore consid´er´e en dialogue direct avec les travaux des sociologues am´ericains Parsons, Goffman et Garfinkel – cf. la«Pr´eface»de Lukas K.

Sosoe `a Luhmann (2006 [1968]).

4. Souvent `a travers des dichotomies claires, par exemple, bienvs.mal.

langue. Cet ´echange r´eaffirme aux yeux des habitants des ˆıles Trobriand la reconnaissance mutuelle qui permet ensuite d’´echanger ´egalement des biens non symboliques. On peut ensuite penser aux achats `a travers Internet pour illustrer la situation des soci´et´es complexes : la plateforme ´electronique nous fournit g´en´eralement l’information qui rend plus floue la limite entre le connu et l’inconnu et, malgr´e le risque qui ´emerge, la confiance nous permet de faire devenir une personne inconnue assez famili`ere pour qu’on ´echange des biens avec elle.

La cat´egorie du risque ´emerge dans cette situation comme concept pour indiquer que les r´esultats inattendus des actions peuvent aussi ˆetre les cons´ e-quences de d´ecisions humaines (les nˆotres, mais aussi celles de personnes lointaines). Par cons´equent, la confiance rentre dans la vie de tous les jours pour faire face au risque : elle est un ´el´ement du domaine familier et grˆace, non plus `a des symboles religieux, mais `a des repr´esentations symboliques li´ees `a des ´ev´enements ou `a des situations contingentes (Luhmann, 2001), l’individu mobilise sa confiance pour d´epasser la situation de risque. La si-tuation de familiarit´e avec ses limites et ses conditions de risque sert donc de base aux diff´erents usages de la confiance.

Luhmann distingue laconfiance assur´ee et laconfiance d´ecid´ee, dans le texte original en anglais : «confidence» et «trust ». La distinction entre la premi`ere et la seconde se fait sur la base de la perception individuelle de l’agir des autres et de l’engagement individuel dans l’action. Dans la situa-tion de confiance assur´ee, l’individu a une attente claire sur les actions des autres et sur les ´ev´enements contingents (Luhmann, 2001). La d´eception de ces attentes est rarement ou difficilement consid´er´ee comme possible puis-qu’elles s’appliquent `a des actes routiniers : on ne se pose par exemple pas la question de savoir si les feux qui r`eglent la circulation routi`ere fonctionnent

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a chaque fois que l’on traverse la route sur un passage pi´eton. Cette situa-tion repr´esente ainsi une condition de base de la vie sociale. Sans cette base, les acteurs seraient en effet paralys´es et vivraient dans un ´etat d’incertitude permanente. La situation de confiance d´ecid´ee pr´evoit en revanche l’enga-gement de l’acteur dans une interaction comportant une situation de risque reconnu :«Si vous choisissez une action de pr´ef´erence `a d’autres, en d´epit de la possibilit´e d’ˆetre d´e¸cu par l’action des autres, vous d´efinissez la situation comme une situation de confiance d´ecid´ee»(Luhmann, 2006 [1968], p. 11).

Dans les soci´et´es complexes, la confiance trouve donc son utilit´e puis-qu’elle se d´eploie dans l’interaction (la zone de familiarit´e) entre les sys-t`emes psychiques (les individus) et les syst`emes sociaux. Les m´ecanismes de la confiance assur´ee agissent face aux ´ev´enements contingents. Ces ´ev´ ene-ments repr´esentent aussi des situations dans lesquelles on n’a que peu ou pas d’alternatives et, en cas de d´eception des attentes, on r´eagira par des attributions externes (au syst`eme psychique). La faute d’une signalisation

routi`ere en panne sera par exemple attribu´ee aux organisations qui doivent s’occuper de sa maintenance et, en derni`ere analyse, `a des syst`emes externes

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a l’individu. En ce sens, pour Luhmann (2001), le syst`eme politique et le droit contrˆolent la distinction entre les acteurs qui sont sources ou victimes de d´eception comme r´eflexion pr´e-adaptative et mesure de protection de la d´eception caus´ee par l’action sociale des acteurs dans le syst`eme : par exemple, dans«l’institution juridique du contrat, qui s’est form´ee par une simple d´eclaration de volont´es, le principe de la confiance est reformul´e de mani`ere `a ˆetre juridiquement maniable et autonomis´e [...]. Les pr´etentions peuvent ˆetre fond´ees directement sur le contrat et il devient non pertinent de savoir si [...] quelqu’un a fait confiance `a un autre et de qui il s’agit» (Luhmann, 2006 [1968], p. 38). Dans ces conditions, pour le maintien de la confiance assur´ee, l’acteur devra seulement occuper une position dans le syst`eme social et accomplir un rˆole.

La situation de confiance d´ecid´ee d´epend en revanche du risque qui

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emerge comme composante de la d´ecision d’agir de l’acteur (le syst`eme psy-chique) et les attributions en cas de d´eception seront internes (Luhmann, 2001).

«L’action se d´efinit en relation avec un risque particulier comme une possibilit´e externe (future), quoique en mˆeme temps le risque soit inh´erent `a l’action et n’existe que si l’acteur choisit de s’ex-poser `a l’´eventualit´e de cons´equences malheureuses et de faire confiance.»(Luhmann, 2001, p. 19)

Les m´ecanismes de la confiance d´ecid´ee agissent face aux ´ev´enements contingents dans des situations d’interaction avec d’autres individus et les attentes peuvent donc ˆetre plus facilement d´e¸cues.

Luhmann construit un mod`ele s´equentiel qui distingue des phases de la confiance : la familiarit´e ´etablit (consciemment ou inconsciemment pour l’ac-teur) les limites du syst`eme de r´ef´erence ; l’acteur trouve une position s´ ecu-ris´ee `a l’int´erieur du syst`eme social `a travers les m´ecanismes de la confiance assur´ee et agit en assumant des risques `a travers la confiance d´ecid´ee. La confiance est utilis´ee comme alternative `a la pr´ediction, en r´eduisant ainsi la complexit´e de la r´ealit´e sociale et finalement le risque.

Le passage de la confiance assur´ee `a la confiance d´ecid´ee correspond `a l’abandon d’un cadre pr´esent construit sur des«orientations instrumentales [qui] se rapportent `a des fins» (Luhmann, 2006 [1968], p. 14), c’est-`a-dire une rationalit´e du syst`eme structurellement garantie, pour se projeter dans un futur proche `a travers des «orientations expressives»5. La situation

5. Dans une note en bas de page `a un passage portant sur le th`eme de l’´etude des petits groupes, Luhmann (2006 [1968], p. 14) est en accord avec la perspective ´eliasienne (qui rejette la distinction entre individu et soci´et´e, cf. section 2.1) en appuyant l’id´ee que

de confiance d´ecid´ee se distingue donc, selon Luhmann, du calcul qu’on re-trouve ´egalement dans la situations de confiance assur´ee puisque la d´eception pourrait ˆetre plus grande que l’avantage souhait´e :

«Toutes les planifications et tous les calculs pr´ealables des pr´ e-sents `a venir, [...] demeurent probl´ematiques dans la perspective de la confiance [...] et elles ont besoin de se rapporter `a un futur pr´esent dans lequel elles doivent s’arrimer. [...] Leur planification temporelle et les ´ech´eances qui leur sont propres n’offrent aucun

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equivalent de la certitude.» (Luhmann, 2001, pp. 13-14)

Malgr´e l’incertitude qui lui est intrins`eque, la confiance d´ecid´ee trouve n´eanmoins deux types de bases pour son d´eveloppement. D’une part, la sta-bilisation de relations sentimentales qui«tentent [...] de s’immuniser contre toute r´efutation» (Luhmann, 2006 [1968], p. 95) : la confiance d´ecid´ee se fonde, par exemple, sur l’amour, lequel, selon Luhmann, est un m´edium qui permet la communication entre deux individus `a travers une s´emantique qui fait apparaˆıtre la relation comme unique, fixe et non-transf´erable. Un sen-timent, positif ou n´egatif, ne laisse aucune alternative6 et peut ainsi fonder la confiance d´ecid´ee. D’autre part, avec l’´elargissement des groupes sociaux, des contextes sociaux changeants et des possibilit´es d’interaction avec un nombre croissant d’individus et de syst`emes pour lesquels on ne peut pas

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eprouver de sentiments, la confiance d´ecid´ee se fonde ´egalement sur « l’as-surance d’une auto-pr´esentation sociale»7 (Luhmann, 2006 [1968], p. 96).

Cette seconde base de la confiance d´ecid´ee s’articule `a partir de la capacit´e de l’individu de satisfaire aux «exigences li´ees `a des rˆoles sp´ecifiques `a une situation donn´ee»8 (Luhmann, 2006 [1968], p. 72), `a laquelle s’ajoute la capacit´e d’«une prise de position modifiable `a l’´egard des attentes d’au-trui»(2006 [1968], p. 73). Dans des situations d’interaction entre sup´erieurs hi´erarchiques et subordonn´es, ces derniers peuvent par exemple impression-ner les premiers `a travers une prise de position qui va droit au but quand des remarques prudentes et r´eserv´ees sont attendues :«Celui qui acquiert la confiance personnelle d’un autre ´echange avec son partenaire des attentes standardis´ees contre des attentes dont il est le seul `a pouvoir garantir la satisfaction en tant qu’il est cette personnalit´e individuelle dot´ee de son propre style.»(Luhmann, 2006 [1968], p. 73).

La confiance, comme r´eponse au risque, et la diff´erenciation entreconfiance

l’´etude des besoins individuels doit se faire en mˆeme temps que l’´etude des rˆoles dans le groupe des individus qui les expriment.

6. On a une r´eduction maximale de la complexit´e.

7. White (2011) parle de la similarit´e entre cette id´ee et son id´ee d’identit´es `a la recherche decontrˆole(appuis sociaux), pour une synth`ese voir Grossetti et Godart (2007).

8. Il s’agirait l`a du concept d’identit´e sociale tel que d´efinit par l’interactionnisme symbolique.

assur´eeetconfiance d´ecid´ee sont donc pour Luhmann des particularit´es des soci´et´es modernes et cela pour deux raisons. Premi`erement, avec la diffusion du savoir, la diff´erence entre non familier et familier devient floue et tend

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a se d´eplacer constamment. Les symboles religieux qui permettaient, dans les termes de Luhmann, la r´eintroduction du non familier dans le familier avec la distinction entre bien et mal, ont perdu leur efficacit´e et ont ´et´e remplac´es, ´etant donn´e l’accroissement des int´erˆets particuliers par rapport

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a ceux de la collectivit´e dans le syst`eme social, par la question de savoir si la connaissance et le pouvoir sont utilis´es de mani`ere positive ou n´egative par les individus. Par cons´equent, la confiance devient la cl´e du probl`eme : elle est n´ecessaire justement puisque l’absence de connaissance au sujet des autres est fr´equente. Deuxi`emement, avec l’accroissement de la diff´ erencia-tion foncerencia-tionnelle, les individus sont ins´er´es dans plusieurs sous-syst`emes `a la fois et non dans un seul cadre social. Ces nouvelles conditions font que la confiance d´ecid´ee reste n´ecessaire au niveau des relations interpersonnelles.

En revanche, au niveau de la participation au syst`eme social, `a travers l’´ eco-nomie ou la politique par exemple, il n’est plus question de confiance d´ecid´ee mais de confiance assur´ee, puisque cette derni`ere se fonde sur le fonctionne-ment routinier d’une institution avec ses r`egles et ses rˆoles attribu´es.

Pour Luhmann, la compl´ementarit´e des deux types de confiance est extrˆemement importante pour la survie du syst`eme social. Le manque de confiance d´ecid´ee am`ene les individus `a ne pas agir :«Il r´eduit la gamme des possibilit´es d’action rationnelle. Il empˆeche, par exemple, de se soigner

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a temps. Il empˆeche par-dessus tout l’investissement de capitaux sous des conditions d’incertitude et de risque. Il peut conduire `a une vie d´er´egl´ee sur le plan moral [...]»(Luhmann, 2001, p. 30). Dans ces conditions, le syst`eme peut se r´eduire et ne plus ˆetre capable de se maintenir. De la mˆeme mani`ere l’absence de confiance assur´ee :«[...] provoque un sentiment de d´esaffection ; il conduit ´eventuellement `a se retirer dans un univers restreint, aux dimen-sions purement locales, ou encore `a aspirer `a une vie ind´ependante, fut-elle modeste ; il engendre aussi de nouvelles formes d’“autogen`ese”, des attitudes fondamentalistes ou d’autres formes de milieux et de “mondes v´ecus” reto-talisants» (Luhmann, 2001, p. 30). La stabilit´e du syst`eme social dans un

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etat de coop´eration semble donc bel et bien ˆetre le but de la confiance.

A la suite de Luhmann et avec des r´ef´erences directes `a l’œuvre de Tal-cot Parsons (1973), l’approche syst´emique de la confiance est reprise par Bernard Barber (1983) dans son livreThe Logic and Limit of Trust. Dans le cadre d’une ample analyse structuro-fonctionnaliste de la soci´et´e am´ericaine et en essayant de clarifier les significations et les utilisations du concept de confiance, Barber (1983) pr´esente l’id´ee selon laquelle les attentes des ac-teurs dans un syst`eme sont l’ingr´edient de base de la confiance.

De mani`ere analogue et compl´ementaire `a Luhmann (2001, 2006 [1968])

qui d´efinit la confiance comme une alternative fonctionnelle `a la pr´evision permettant de r´eduire le risque li´e `a la complexit´e sociale, Barber (1983) d´efinit des types d’attentes (expectations) envers le futur qui mobilisent la confiance. Ces attentes individuelles sont comparables `a des attitudes qui se construisent `a travers la socialisation9 et d´ependent de deux ordres,naturel etsocial et moral, lesquels garantissent la stabilit´e du syst`eme.

L’ordre naturel fait r´ef´erence `a la stabilit´e de l’environnement naturel et, plus g´en´eralement, `a la dimension ´ecologique de la vie humaine10. L’ordre social et moral fait r´ef´erence `a la stabilit´e de l’environnement social sur lequel la vie humaine repose et sur les valeurs partag´ees. Ces ordres induisent trois type d’attentes imbriqu´ees de la plus g´en´erale `a la plus sp´ecifique, qui correspondent aux moteurs de la confiance au niveau individuel :

– l’attente de la persistance et de l’accomplissement de l’ordre naturel et de l’ordre moral et social ;

– l’attente de l’efficacit´e de la performance des individus recouvrant un rˆole dans les interactions sociales et dans les syst`emes sociaux ; – l’attente du respect des engagements et des responsabilit´es de la part

des partenaires dans les interactions, tels que la priorit´e des int´erˆets des autres par rapport aux leurs propres11.

La confiance est premi`erement l’attente que notre rapport `a l’environ-nement physique et social soit assez stable pour nous permettre d’exister et d’agir en soci´et´e. Deuxi`emement, elle est l’attente d’un rapport stable dans l’interaction avec les autres12. Troisi`emement, la confiance est l’attente d’un comportement bienveillant de la part de la personne `a laquelle on fait confiance : l’individu qui fait confiance s’attend au respect des engagements et des responsabilit´es de la part de ses partenaires dans les interactions, tels que la priorit´e des int´erˆets des autres par rapport aux siens propres. Finale-ment, il s’agit l`a du respect d’un engagement moral par rapport `a un groupe d’appartenance ou, avec un degr´e croissant d’abstraction, `a un syst`eme de

9. Le cadre familial ou les associations philanthropiques dont les Etats-Unis seraient riches sont des exemples d’instances socialisatrices mis en avant.

10. Malgr´e l’importance croissante que ces questions acqui`erent dans les soci´et´es contemporaines, ces aspects ne sont pas directement trait´es dans le cadre de notre dis-cussion sur la confiance. Ils mobilisent en effet des disciplines telles que la g´eographie, la biologie, la m´edecine, etc.

11. Traduction personnelle, cf. Barber (1983, pp. 9-10) :«expectation of persistence and fulfillment of the natural and the moral social orders»,«expectation of technically com-petent role performance from those involved with us in social relationships and systems» et«expectation that partners in interaction will carry out their fiduciary obligation and responsibilities, that is, their duties in certain situations to place others’ interests before their own».

12. L’attention, dans l’´etude de cette deuxi`eme attente, se focalise sur les«role-set»et

12. L’attention, dans l’´etude de cette deuxi`eme attente, se focalise sur les«role-set»et