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1.3 Conclusion

2.2.2 Cadres de l’exp´ erience et formules

a des sous-syst`emes, communautaires ou subordonn´es `a l’individu.

2.2.2 Cadres de l’exp´erience et formules

A la suite de ces apports th´eoriques d´ecrivant un processus de trans-formation des formes macrosociales, l’´etude des configurations montre sa pertinence : les interd´ependances multiples se cr´eent en effet `a travers et sur la base des formes de sociation. L’approche configurationnelle doit ˆetre n´eanmoins compl´et´ee par la prise en compte du point de vue de l’individu.

Les r´eseaux de relations en transformation continuelle repr´esentent en effet un niveau d’action et d’interpr´etation de l’agir humain (Bidart, Degenne et Grossetti, 2011) qui demande `a ˆetre int´egr´e dans l’approche

configuration-9. Les auteurs citent par exemple la«radial structure»de Laumann (1973).

nelle afin de prendre en compte la perception et la capacit´e d’influencer et de changer la configuration qu’a l’individu.

La prise en compte du«point de vue de l’individu»dans sa configura-tion et l’interpr´etation qu’il en fait, demandent `a ˆetre int´egr´ees aux formes sociales qui d´ecrivent les r´ealit´es macrosociologiques. Cette interface entre micro etmacroest structur´ee par les«cadres de l’exp´erience»de l’individu.

Dans l’ouvrageLes cadres de l’exp´erience, Goffman (1991 [1974]) d´egage des

«relais pr´ecis entre exp´erience individuelle et organisation sociale, sans tou-tefois quitter sa perspective ´ecologique [...]»(Widmer, 1992, pp. 23–24). La r´eflexion part ainsi d’une «distinction classique entre les processus cogni-tifs et les structures sociales»(ibidem) pour s’orienter vers une analyse des mani`eres dont les structures de l’exp´erience et l’organisation sociale sont entremˆel´ees.

Les cadres de l’exp´erience, tels que les d´efinit Goffman, sont d’abord des ensembles de r`egles `a travers lesquelles les individus arrivent `a partager des raisons d’agir (D´echaux, 2010). Les cadres sont ´egalement caract´ eri-s´es par la stabilit´e en opposition `a l’unicit´e de la situation (Gonos, 1977).

Souvent consid´er´ee comme l’objet d’´etude privil´egi´e des interactionnistes symboliques, la situation est, chez Goffman, la forme interactionnelle que prend la vie quotidienne. A chaque moment, les individus ´elaborent leurs ex-p´eriences en partant des r`egles fournies par des cadres pr´eexistants (Gonos, 1977). Dans ce contexte, l’analyse configurationnelle trouve un compl´ement utile quand elle arrive `a prendre en compte les cadres que les individus utilisent pour interpr´eter leur situation personnelle.

Le cadre de l’exp´erience donne, d’une part, la stabilit´e n´ecessaire `a l’in-dividu, dans les soci´et´es contemporaines, pour interagir avec les autres.

D’autre part, il est un outil d’interpr´etation de la r´ealit´e sociale pour ce mˆeme individu. L’individu a en effet la possibilit´e de co-construire au fur et

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a mesure de son implication dans les interactions avec les autres le cadre de son exp´erience, et de le partager. Ce cadre est donc utile `a l’interpr´etation de l’agir des individus situ´es dans une configuration changeante et, en mˆeme temps, `a la compr´ehension de la coh´erence narrative qui permet `a l’individu de garder son identit´e `a travers des situations sociales diff´erentes. Par op-position au concept bourdieusien d’habitus (Bourdieu, 1980), qui conduit `a l’interpr´etation de l’agir de l’individu comme stable et contraint `a travers les diff´erentes sph`eres de sociation, le concept de cadre de l’exp´erience per-met d’introduire les raisons et la perspective de l’individu comme ´el´ements de son identit´e participant `a la co-construction des configurations d’inter-d´ependances dans lesquelles il s’inscrit. Les effets de cadrage ne sont donc pas des d´eterminations de l’action (D´echaux, 2010).

Dans le cade d’une analyse configurationnelle du plurilinguisme en Suisse, Losa (2011) fournit un exemple de la mani`ere par laquelle les cadres de

l’ex-p´erience influencent l’agir des individus et contribuent `a la construction de leurs relations avec les autres. En ´etudiant les interd´ependances dans une

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ecole de recrues de l’arm´ee suisse caract´eris´ee par le plurilinguisme, Losa montre que, nonobstant le cadre de l’exp´erience«militaire», qui est tr`es ex-plicite et contraignant, le statut d´ecoulant d’une position hi´erarchique plus

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elev´ee doit faire l’objet d’un travail de reconnaissance continu afin d’ˆetre confirm´e dans les interactions. Ce travail passe par l’utilisation appropri´ee du plurilinguisme de la part des instructeurs, qui mettent ainsi en relation, dans des situations de formation, le cadre de l’exp´erience de la hi´erarchie militaire et le cadre de l’exp´erience du plurilinguisme, o`u la maˆıtrise linguis-tique peut amener des positionnements sociaux diff´erents de la hi´erarchie militaire. Le besoin de reconnaissance sociale du statut hi´erarchique plus

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elev´e demande par exemple `a ce que l’autre langue soit utilis´ee pour confir-mer ce statut `a travers la traduction syst´ematique des ordres de la part des instructeurs et lors de moments officiels. Il conduit ´egalement `a adop-ter des strat´egies pour ´eviter des difficult´es linguistiques dans les moments d’enseignements (appel `a une tierce personne, retour `a la langue mieux maˆıtris´ee pour ne pas interrompre une ´enonciation) afin de maintenir le statut d’expert face aux recrues. Les cadres de l’exp´erience mobilis´es par les instructeurs sont finalement le reflet de leur exp´erience des interd´ epen-dances avec les autres, notamment avec les recrues. Une autre illustration du mˆeme processus est propos´e, dans le cadre d’une recherche r´ecente, par Castren et Widmer (A paraˆıtre), qui montrent que, dans les familles recom-pos´ees, la d´efinition du cadre familial donne lieu `a des n´egociations actives entre les enfants et les parents quant `a l’inclusion ou l’exclusion de certains membres, tel que le parent non-gardien. La position dominante de la m`ere dans les interd´ependances familiales lui donne un avantage certain dans cette co-construction, poussant les autres individus pr´esents lors d’un interview collectif, `a suivre dans bien des cas, sa d´efinition.

Pour Goffman (1991 [1974]), les cadres permettent de donner un sens

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a une situation qui autrement, en serait d´epourvue (Goffman, 1991 [1974], p. 30), en r´ef´erence aux lois de la nature ou `a la volont´e et aux int´erˆets humains. Nizet et Rigaux (2007, p. 65) fournissent les exemples suivants :

«[...] le soleil qui se l`eve est un ´ev´enement qui acquiert une signification dans la mesure o`u on le rattache aux lois du mouvement des plan`etes, donc

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a un cadre naturel. A l’inverse, le store que l’on baisse est un ´ev´enement qui prend sens dans la mesure o`u il renvoie `a une intention, par exemple celle de se prot´eger de la chaleur, et donc `a un cadre social.»

Par le concept de cadre, on retrouve l’id´ee d’ethos partag´e ou d’inter-subjectivit´e permettant de d´efinir une normalit´e, c’est-`a-dire«les formes so-cialement acceptables de l’action et les attentes qu’elle suscite» (D´echaux, 2010). La confiance, comme la normalit´e (Misztal, 2001), est associ´ee au

sentiment de continuit´e et `a la capacit´e de se projeter dans le futur que d´ e-veloppe l’individu. Celui qui fait confiance interpr`ete les situations sociales grˆace aux cadres construits `a travers ses pr´ec´edentes exp´eriences de la r´ ea-lit´e sociale. Les cadres repr´esentent donc l’inclusion des structures sociales pr´eexistantes `a l’individu (qui sont, en termes ´eliassiens, issues du processus de sociog´en`ese) dans l’interpr´etation de l’action. Le cadre en tant que tel n’explique pas la confiance mais, comme le rappelle D´echaux (2010, p. 733), il permet «d’indexer l’explication `a un contexte».

Dans l’approche configurationnelle, qui prend en compte la dimension historique des ph´enom`enes sociaux et la dualit´e micro/macro, se situer au niveau des cadres de l’exp´erience individuelle signifie ´etablir quelles interd´ e-pendances fondent la confiance en fonction de l’´epoque sociohistorique. Une hi´erarchie ordonne en effet l’importance des cadres selon les ´epoques pr´ e-moderne, moderne et postmoderne10, et oriente l’individu vers des compor-tements socialement accept´es ou sanctionn´es, en d´efinissant, par exemple, quelles cat´egories et/ou quels rˆoles doivent ˆetre utilis´es dans quelle situation et `a la suite de s´equence d’actions (cf. Diehl et McFarland, 2010, p. 1721).

En visant la compr´ehension des interactions dans le temps, l’analyse confi-gurationnelle introduit donc l’analyse du processus d’agencement des cadres – `a travers le concept deformule – en tant que traduction des trois types de formes de «sociation»sociohistoriques pr´ecit´ees enprocessus d’interd´ epen-dance. C’est en approfondissant la discussion sur les cadres de Goffman que Diehl et McFarland (2010) proposent ainsi trois sous-cat´egories de cadres et trois formules, ou ”combinaisons de cadres”, utiles pour interpr´eter les fondements la confiance.

Diehl et McFarland (2010) d´efinissent lePerson frame, l’Institutionalized role frame, et leCharacter frame. Grˆace auPerson frame, on attribue le com-portement et l’action `a des acteurs conscients et moralement responsables.

A travers l’Institutionalized role frame, on situe des activit´es humaines dans un contexte culturellement l´egitime. Ce cadre peur ˆetre consid´er´e comme le taken-for-granted (Diehl et McFarland, 2010) qui permet de lire des situa-tions sociales comme coordonn´ees par un ensemble normatif qui d´efinit des rˆoles sociaux. Enfin, leCharacter frame fait r´ef´erence `a la cr´eativit´e que les individus peuvent employer quand ils interpr`etent un rˆole social. Cette inter-pr´etation permet de concevoir une marge de manœuvre des individus pour arranger des diff´erences d’interpr´etation des situations : «When a doctor makes a joke to put a patient at ease [...]or a coworker engages in account making to smooth over a misunderstanding [...], character work is done in the service of reinforcing or repairing a shared orientation toward the

ins-10. Ces ´epoques n’ont ici qu’une valence analytique. Elles ne se r´ef`erent donc pas `a des eriodes historiques pr´ecis.

titutionalized role frame » (Diehl et McFarland, 2010, p. 1725). De plus, chaque interpr´etation tend `a se d´emarquer d’un simple accomplissement du rˆole social et `a affirmer une identit´e11.

A travers la surveillance et l’ajustement continus des activit´es aux si-tuations sociales, les cadres sont des construction mentales qui permettent

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a l’acteur d’organiser son monde et sa participation `a des contextes sociaux divers. Si les trois cadres mentionn´es sont importants du point de vue ana-lytique, ils ne se pr´esentent jamais de mani`ere distincte l’un de l’autre dans la r´ealit´e sociale. Ils se combinent en effet dans ce que Goffman (1991 [1974], pp. 263-280) appelle des formules (formulas)12(Diehl et McFarland, 2010), les formules correspondant `a l’interrelation entre les cadres effectivement `a l’œuvre.

Afin de d´etailler la prolongation de la th´eorie goffmanienne des cadres de l’exp´erience et de lancer des liens avec les formes sociales simmeliennes, Diehl et McFarland (2010) d´efinissent donc trois formules qui d´ecrivent les relations entre le cadre naturel, se r´ef´erant aux lois de la nature, et le Per-son frame, entre le Person frame et le Institutionalized role frame et enfin entre Role frame et le Character frame. Il existe une relation ´etroite entre les formes sociales simmeliennes d´ecrites dans la sous-section pr´ec´edente (2.2.1) et le poids relatif de ces formules. A chacune des ´epoques, le poids relatif de chaque formule dans la r´egulation des situations d’interactions entre individus change.

La premi`ere formule concerne la relation entre cadre naturel et cadre social de la personne : la «Body-person Formula». Cette formule se r´ef`ere aux normes qui r`eglent l’appartenance de certains corps13(«bodies ») `a la cat´egorie de personne d’esp`ece humaine («personhood») et ceux-ci de deux mani`eres : d’abord avec des cat´egorisations de la personne et, deuxi` eme-ment, avec des attentes par rapport au type d’interaction que ces cat´egories de personne peuvent avoir entre elles. On connaˆıt des variations historiques tr`es claires entre les ´epoques par rapport `a l’inclusion des individus dans la soci´et´e humaine : les populations indig`enes `a l’´epoque de l’exploration et de la d´ecouverte de territoires d’outremer n’ont par exemple pas ´et´e consid´ e-r´ees d’embl´ee comme appartenant `a l’esp`ece humaine (Diehl et McFarland, 2010) ; le passage de la pratique de l’esclavage `a sa condamnation est ´ egale-ment un exemple de changeegale-ment de crit`eres inclusifs pour la communaut´e humaine. Les cat´egories qui ´emergent de la relation entre corps et personne

11. L’individu am`ene souvent une«valeur ajout´ee»au rˆole (par exemple dans le cas d’un rˆole social ind´esirable).

12. Goffman (1991 [1974], pp. 263-280) d´efinit deux des formules reprises et d´ev´ elop-p´ees par Diehl et McFarland (2010) : la formule «personne-rˆole»et la formule« ole-personnage».

13. On entend ici lesorganismes physiologiques.

ne donnent pas lieu seulement `a des exclusions compl`etes et extrˆemes de cer-tains corps de l’ensemble de l’humanit´e, mais peuvent produire des nuances aussi `a l’int´erieur de certains groupes sociaux. Les cat´egories ethniques sont par exemple des visions op´eratoires du monde social (Brubaker, Loveman et Stamatov, 2004) : les attributs et les qualit´es corporelles peuvent ainsi discriminer la participation sociale des individus ´egalement `a l’int´erieur de soci´et´es hautement rationalis´ees. De mˆeme, les cat´egories d’ˆage peuvent cor-respondre `a une attribution in´egale de capacit´es morales ou physiques entre individus. Enfin le genre est une cat´egorie qui structure les interactions en d´eterminant l’inclusion et l’exclusion des individus de certaines sph`eres de sociation.

Dans la pr´emodernit´e, ce sont ces cat´egories issues de la formule corps-personne (par exemple, sexe et ˆage) qui ont structur´e les interactions de la mani`ere la plus forte. Le r´esultat des affiliations concentriques est une« iden-tit´e g´en´eralis´ee»(Diehl et McFarland, 2010) qui se stabilise et interpr`ete les situations d’interaction `a travers des cat´egories stables. Les rites codifient les interactions et sont `a leur tour tr`es importants pour affirmer des cat´egories qui attribuent une inclusion hi´erarchis´ee au sein de la communaut´e. Dans la modernit´e, `a la suite d’une organisation en cercles sociaux de plus en plus ind´ependants les uns des autres, l’appartenance `a la cat´egorie de personne perd de l’importance dans l’interaction puisqu’on tend `a consid´erer l’exis-tence d’une seule esp`ece humaine14. L’individu s’affranchit en partie de son appartenance d’origine pour favoriser des appartenances multiples permet-tant des coordinations fond´ees sur la rationalit´e et la r´eflexivit´e. Dans la postmodernit´e, la formule corps-personne perd ensuite encore plus de perti-nence dans l’interpr´etation de l’interaction puisque la personne se construit pendant l’interaction elle-mˆeme. Les individus sont de plus en plus libres de choisir le degr´e de d´etermination des cat´egories sociales multiples.

La deuxi`eme formule concerne la relation entre le cadre social de la personne et le cadre du rˆole institutionnalis´e : la «Person-role Formula ».

Cette formule donne d’abord l’ensemble des rˆoles possible dans une situa-tion d’interacsitua-tion ou dans une activit´e donn´ee. Deuxi`emement, elle permet de r´egler l’occupation de ces rˆoles : quelle personne pour quel rˆole. Ces normes sociales sont g´en´eralement connues et se r´ef`erent aux cat´egories de la personne telles que l’ˆage, le sexe, l’ethnie, etc. Les rˆoles se traduisent en scripts (institutionalized scripts) qui, selon le niveau d’attention n´ecessaire pendant leur ex´ecution, laissent plus ou moins de marge de manœuvre `a l’individu qui occupe le rˆole. Un faible prestige social accord´e au rˆole peut par exemple pousser l’individu qui occupe le rˆole `a s’´ecarter du script pour

14. La eclaration universelle des droits de l’homme de 1948 affirme, par exemple, l’universalit´e des principes pr´esents dans laeclaration des droits de l’homme et du

ci-toyen promulgu´ee en France en 1789.

s’engager dans une interpr´etation qui vise `a augmenter ce prestige. Dans la mˆeme optique, l’individu peut s’engager plus fortement dans le rˆole si le prestige associ´e est tr`es ´elev´e.

Dans la pr´emodernit´e, les r`egles issues de la formule personne-rˆole n’ont pas une grande influence dans l’interpr´etation des situations d’interaction puique l’identit´e g´en´eralis´ee d’un individu se d´eploie `a travers des cercles de sociation concentriques. Les caract´eristiques de la personne recouvrent stric-tement des rˆoles coh´erents du point de vue de la tradition. En revanche, dans la modernit´e, les rˆoles institutionnalis´es deviennent tr`es importants dans la coordination des individus puisque des syst`emes abstraits et rationalis´es doivent fonctionner. Les individus s’acquittent des rituels et des cat´egories li´ees `a la personne et gagnent en contrˆole sur les processus sociaux. Les rˆoles et leur pluralit´e permettent l’individuation elle-mˆeme puisque les individus peuvent s’engager avec une certaine libert´e dans ces rˆoles15. Dans la postmo-dernit´e l’importance du rˆole n’est pas fondamentalement amoindrie puisque le rˆole donne une base pour la coordination des activit´es sociales. Sous l’em-prise croissante de l’individu et de son identit´e, ce qui change est par contre la dur´ee des rˆoles et leur adaptabilit´e aux situations d’interaction :

«Roles cease to be a means for solidifying a traditional or ratio-nal order but, instead, become tools used by individuals to pro-visionally coordinate their own personal projects and plans.» (Diehl et McFarland, 2010, p. 1740)

Comme dans la modernit´e, la postmodernit´e fait ´emerger l’individu `a travers l’unicit´e de l’ensemble des rˆoles que l’individu occupe. Le monde postmoderne voit en revanche en plus de la pluralisation des r´eseaux de sociabilit´e disponibles, une succession de rˆoles diff´erents au fil du parcours de vie. L’individu sera donc pouss´e `a une r´eflexivit´e et une cr´eativit´e accrues qui lui permettront de se construire une identit´e plus pertinente par rapport au changement du rˆole, plutˆot que par rapport `a sa stabilit´e.

La troisi`eme formule concerne enfin la relation entre le cadre social du rˆole institutionnalis´e et le «cadre du personnage »16 : la«Role-Character Formula ». Cette formule s’occupe donc de communiquer aux individus les information sur qui peut interpr´eter les rˆoles et comment. Elle informe donc l’individu sur la distanciation possible par rapport `a un script connu et qu’il devrait mettre en sc`ene dans la situation d’interaction. La distanciation permet `a l’individu d’afficher une identit´e propre et une personnalit´e.

15. La soci´et´e de cour analys´ee par Elias (1994) pourrait ˆetre `a notre avis vue comme un exemple de configuration de transition entre la pr´emodernit´e et la modernit´e.

16. Il s’agit d’une traduction personnelle.«Caract`ere»pourrait, de notre point de vue, ˆ

etre aussi une traduction pertinente.

Le prestige du statut associ´e au rˆole est un facteur important afin de comprendre l’ampleur de la distanciation affich´ee. Autant beaucoup que peu de prestige permettent en effet une grande distanciation : d’une part, au sommet de la hi´erarchie sociale, l’individualit´e et l’originalit´e sont valo-ris´ees, d’autre part, en bas de la hi´erarchie, la distanciation (appel´ee plus fr´equemment d´eviance) ne comporte pas de grands effets sur l’organisation sociale. Des statuts moyens conduisent en revanche `a la conformit´e (Blau, 1967 ; Diehl et McFarland, 2010).

De mani`ere similaire `a la modernit´e, dans la pr´e-modernit´e le « charac-ter » sert surtout `a stabiliser une position structurelle. Les rituels priment sur la libert´e dans les techniques de diff´erenciation entre groupes sociaux et l’importance de ceux-ci prime sur celle de l’individu. Une certaine

De mani`ere similaire `a la modernit´e, dans la pr´e-modernit´e le « charac-ter » sert surtout `a stabiliser une position structurelle. Les rituels priment sur la libert´e dans les techniques de diff´erenciation entre groupes sociaux et l’importance de ceux-ci prime sur celle de l’individu. Une certaine