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La pensée glissantienne au cœur de l’œuvre de Chamoiseau

II. 2 - Errance et poétique de la Relation

Poétique de la Relation est un texte qui réfléchit sur la forme et sur l’écriture en fragments ou en textes car ces 26 textes réunis par GLISSANT écrits entre 1981 et 1989 invitent à penser l’unité/diversité des cultures. Il faut donc arriver à développer une pensée rhizome, nomade pour tenir compte des déplacements, des modifications et des ramifications des cultures. « La pensée du rhizome serait au principe de ce que j’appelle une poétique de la relation selon laquelle toute identité s’étend dans un rapport à l’Autre » (1990 : 23) ; c’est donc une position philosophique très intéressante. Dans cette idée de Poétique de la Relation, GLISSANT va développer la figure de l’errant, du nomade ou de l’exilé mais de manière très précise car il y a la pensée du relatif qui sera incarnée par l’errant mais il y a différentes expériences du nomadisme : des nomadismes en flèches, des nomadismes circulaires, des nomadismes intérieurs, des nomadismes immobiles qui placent l’errant au cœur de la poétique de la Relation : « L’errant n’est plus le voyageur ni le découvreur ni le conquérant, et s’il cherche à connaître la totalité du monde, il sait déjà qu’il ne l’accomplira jamais – et qu’en cela réside la beauté menacée du monde» (ibid. : 33).

Le monde contemporain est issu justement de ces circulations, ces mises en relation, ces dynamismes pluriels. Dans son texte, GLISSANT a donné plusieurs exemples très différents de nomadismes, par exemple, le nomadisme de peuples qui se déplacent d’île en île mais aussi l’errance du troubadour qui renvoie aussi à son intérêt pour la poétique médiévale, le trajet déraciné de Frantz FANON de Martinique en Algérie, l’œuvre tragique de FAULKNER ou la pensée erratique de Saint-John PERSE. Donc on touche là aussi l’idée de rhizome qui, selon GLISSANT, permet de penser une autre identité mais une ouverture sur le monde, non plus en profondeur ou en transcendance mais en étendue, c’est-à-dire, il faut essayer d’espacer, d’ouvrir et de donner des places à des pensées nomades qui vont enrichir la pensée, par exemple, il faut accompagner les clartés platoniciennes des légendes homériques, ou encore opposer à la dialectique hégélienne le passage aux opacités du griot africain et à d’autres cultures qui vont rentrer en relation.

Cette poétique du multilinguisme est un effort des imaginaires pour tendre vers l’infini baroque qui n’est plus enraciné mais qui est ouvert, et c’est aussi le champ littéraire qui va s’aventurer vers ou par le rhizome. Ainsi, GLISSANT propose, par exemple, une relecture de l’aventure de la comédie féerique de La tempête de SHAKESPEARE où les vers se mêleront de prose. Il disait qu’il fallait redécouvrir l’épique et le tragique. Le point commun entre DELEUZE, GUATTARI et GLISSANT est ce devenir-monde anti-généalogique qui

fragmente les filiations, par l’alliance diraient DELEUZE et GUATTARI, ou par la relation dit GLISSANT. Le rhizome n’est donc ni l’Un ni le multiple mais plutôt la multiplicité des liaisons pour aborder la vie sous un angle de plateaux multiples pour reprendre le titre Milles

plateaux de DELEUZE et GUATTARI. Cela permet de déranger la polarité trop binaire et

figée et la centralité continentale.

II.3 – Les identités changeantes selon GLISSANT

Parmi tous les thèmes de la pensée glissantienne, thèmes si importants pour notre réalité contemporaine, nous allons parler de la réflexion de GLISSANT sur l’identité car il faut dire que, depuis quelques années, le concept de l’identité a eu mauvaise presse dans les milieux intellectuels progressifs. La conception traditionnelle que GLISSANT désigne sous le nom de l’identité "racine" est associée soit avec un discours du droit soucieux de préserver l’essence voire la pureté du peuple français ou britannique, soit avec un militantisme secteur qui est certes nécessaire et utile aux peuples qui luttent encore pour leur indépendance, tels que les Palestiniens, mais qui, ailleurs, ne produit que division et intolérance. Ainsi, depuis le mouvement post-structuraliste, l’identité n’est guère plus considérée comme un concept valable, on parle de préférence du sujet chez LACAN par exemple ; c’est au niveau du sujet que se joue la dynamique fondamentale de la réalité psychique, l’identité ne relevant que du domaine de l’imaginaire plus superficiel et quasiment illusoire.

Un philosophe comme DELEUZE refuse absolument toute notion d’identité alors qu’il a eu une influence considérable sur plusieurs aspects de la pensée de GLISSANT mais non pas sur sa théorisation de l’identité, car ce dernier continue tout au long de son œuvre d’insister sur l’importance et la nécessité de ce concept. C’est d’ailleurs l’un des lieux de sa pensée où il a fait montrer de la plus grande originalité, c’est-à-dire, ne pas abandonner l’identité mais l’a transformée d’une manière tout à fait radicale, l’a transformée en la détachant de toute connotation d’essence, c’est-à-dire, en en récusant la conception humaniste traditionnelle pour en faire quelque chose de relationnel et de dynamique.

Ainsi, les identités changeantes dans notre intitulé sont à comprendre dans deux sens : une conception des identités comme changeantes et une conception changeante de l’identité. Pour prendre ce deuxième sens, d’abord, la conception que se fait GLISSANT de l’identité change au cours de l’évolution de son œuvre ; nous allons distinguer trois étapes principales : la première période est celle du Discours Antillais où il s’agit de l’identité du peuple martiniquais en tant qu’elle se construit et se définit contre les pressions de la politique

d’assimilation française ; puis, en deuxième lieu, dans les textes des années 90 tels que le

Traité du Tout-Monde et Introduction à une Poétique du Divers, la période de la créolisation

où l’identité est formée par les contacts avec les autres, les contacts entre les cultures dans le Tout-Monde, et c’est aussi, sans doute, la période la mieux connue dans l’œuvre de GLISSANT ; et troisièmement et finalement, une conception plus abstraite de l’identité basée sur la différence et aussi sur les relations avec les lieux que l’on trouve dans l’ouvrage de 2006 qui s’intitule Une nouvelle région du monde, une pensée qui évolue à travers des formulations assez différentes mais qui en ceci en commun que toutes définissent l’identité par rapport à un certain concept du changement mais qui, lui-même, change aussi, c’est-à-dire, du Discours antillais à Une nouvelle région du monde, nous aurons affaire à des types très différents de changement.

Dans Le discours antillais, nous nous trouvons d’emblée plongés dans l’ambiance d’inertie et de stagnation qui, selon GLISSANT, caractérisent la société martiniquaise des années 70, société où apparemment rien ne change. Le premier chapitre de l’ouvrage s’intitule

À partir d’une situation bloquée, et sur la première page du livre GLISSANT parle d’une

"impuissance à sortir de l’impasse actuelle". Paradoxalement peut-être, il souligne aussi le fait que les sociétés antillaises furent crées de toute pièce par le changement gigantesque et brutale de la traite, ce qui a eu l’avantage, dit-il, de favoriser leur entrée dans la relation. Ainsi, dans Le discours antillais, nous lisons qu’ils sont une population qui se change ailleurs en un autre peuple et qui entre ainsi dans la variance toujours recommencée de la relation. Depuis, pourtant cette possibilité de relation s’est trouvée contrecarrée pour des raisons à la fois politique d’assimilation et d’aliénation, et surtout économique car le marasme de l’économie sucrière s’est conjuguée avec la départementalisation pour créer une situation où, selon GLISSANT, l’économie martiniquaise ne produit rien et la société vit de produits importés et subventionnant de la Métropole.

La situation est aggravée davantage par une forte immigration en Métropole et par l’isolement de la Martinique et la Guadeloupe, coupées par la départementalisation de leurs îles voisines Caraïbes. Et GLISSANT établit un lien direct entre la non-productivité économique et le manque de tout sentiment d’identité collective, disant qu’il s’agit d’« un double carcan : l’impossibilité de produire par et pour lui-même, et l’impuissance qui en découla d’affirmer ensemble sa nature propre ». L’aliénation sociale qui résulte de ces facteurs économiques a également pour effet de couper les Martiniquais de la relation, ainsi GLISSANT dit : « on ne peut entrer en relation que si on n’est pas perdu dans une

pseudo-production ». De même s’il veut la position marxiste, GLISSANT adopte dans Le discours, s’il n’y a pas de vraies productions économiques, il ne peut non plus y avoir de vraies classes sociales qui seraient déterminées à partir de leur fonction dans l’économie, ni par conséquent aucun processus dialectique de transformation de la société, ce qu’il appelle artificialiser les classes sociales égales : « rendre impossible la résolution autonome des conflits de classe qui auraient fondé la nation » ; donc la dialectique marxiste est aussi bloquée, mais tout est bloqué. Dans cette situation bloquée, rien ne changera à moins d’un effort volontaire concerté de faire changer la société, et c’est précisément cette visée qui sous-tend le texte en son entier où GLISSANT dit : « dans cet ouvrage, positif ou positivité est pris au sens de ce qui fait qu’une situation se dynamise sous la poussée d’une résolution collective », c’est-à-dire, il faut faire changer les choses car sinon rien ne changera. Il insiste sur le fait que c’est un travail de conscientisation, la société ne sera changée que par « une communauté s’arrachant de son traumatisme et naissant à sa propre conscience.

Il importe d’identifier le secteur social où cette volonté consciente aura la meilleure chance de réussir étant donnée le manque d’autonomie économique qui s’en affirme que l’action culturelle assume une importance inédite comme il l’explique dans la section du

Discours intitulé Pour une sociologie culturelle. Il faudrait surtout développer « une théorie

globale qui devrait déclencher réflexion et action culturelle en même temps qu’elle rouvrirait les perspectives politiques », et c’est l’action culturelle qui concerne le plus immédiatement le problème de l’identité collective ; la ruse politique sera, en premier lieu, en lutte contre l’aliénation. Ainsi, bien que le mot "identité" n’apparaisse pas très souvent dans Le discours

antillais, GLISSANT laisse entendre qu’en réalité le sujet principal de ce texte est justement l’identité culturelle du peuple.

Ainsi, c’est dans Le discours que GLISSANT invente le terme de la "pulsion mimétique", l’obsession d’imiter la langue française et l’analyser en toute sa profondeur ; ce n’est qu’en détruisant l’emprise de la pulsion mimétique que les Martiniquais pourront redécouvrir ou créer peut-être leur propre identité. Il semble que cette opposition entre "aliénation" et "identité" a deux conséquences pour la formulation de celle-ci. D’abord, elles tendent à se doubler d’une autre opposition entre le vrai et le faux. La pulsion mimétique a construit une fausse identité qu’il faut combattre en restaurant la vraie identité du peuple martiniquais. Ainsi, GLISSANT dit par exemple : « Il semblait que le destin des Antilles de langue française fût toujours d’être en porte-à-faux sur la réalité. Comme s’il n’était jamais donné à ces pays de rejoindre leur vraie nature, paralysés qu’ils étaient par leur conformation

géographique et aussi par une des formes les plus pernicieuses de la colonisation : celle par quoi on "assimile" un territoire sans permettre pour autant qu’il atteigne à son plein développement, à sa liberté » (1962 : 588), et cette insistance sur leur vraie nature semble appartenir à une conception beaucoup plus essentialiste de l’identité qui va à l’encontre de la relation et que GLISSANT rejettera très explicitement dans ses œuvres ultérieures.

La deuxième conséquence de cette opposition identité/aliénation, dans la mesure où il faut affirmer son identité contre l’assimilation, on est nécessairement amené à adopter une attitude défensive envers l’Autre français vu l’inégalité inhérente à la situation coloniale, toute position autre que celle de la résistance contre l’Autre colonial risque de retomber dans la pulsion mimétique. Mais l’Autre ne se lie pas en principe à l’Autre colonial et c’est ici qu’une opposition supplémentaire fondamentale à la définition de l’identité entre en jeu, celle du "même" et du "divers", c’est d’ailleurs l’un des chapitres du Discours, opposition selon laquelle il faut défendre les droits du "divers" contre le pseudo-universalisme de l’Occident.

Chaque peuple a le droit d’affirmer sa propre nature dans la diversité du monde ; le "divers" fait partie de la relation et, entre tous ces peuples divers, il peut en principe exister des relations libres et égalitaires. Bien que GLISSANT parle ici sur un plan beaucoup plus général et sans doute plus abstrait que celui de ces analyses de l’actualité martiniquaise, le concept du "divers" sert à évoquer un avenir dans lequel, pour les Martiniquais aussi, les relations plus libres et plus égalitaires permettant une plus grande ouverture envers les autres, disant par exemple qu’il appelle "identité-culture" : « une identité questionnante où la relation à l’Autre détermine l’Être sans le figer d’un poids tyrannique ». Ce "divers" constitue la première version d’un concept que, plus tard, GLISSANT appellera la "différence". Ici, il ne comporte pas encore de dimension temporelle, les peuples sont divers les uns par rapport aux autres mais chaque peuple a sa vraie nature, son identité plutôt immuable. De même, la relation est conçue davantage comme le résultat plutôt que le moteur de la diversité mais tout cela va changer dans les textes de la deuxième période, celle de la créolisation.

GLISSANT résume ainsi les quatre caractéristiques fondamentaux : d’abord, la vitesse foudroyante des interactions mises en œuvre ; deuxièmement, la conscience de la conscience que nous en avons ; troisièmement, l’inter-valorisation qui en résulte, il commente : « la créolisation ne suppose pas une hiérarchie des valeurs ; et quatrièmement, l’imprédictibilité des résultantes ». Donc la vitesse des interactions, la conscience, le refus d’une hiérarchie des valeurs et le caractère imprévisible des résultantes. Pendant les années qui ont suivi la publication du Discours antillais, GLISSANT semble avoir décidé que le projet

d’indépendance nationale pour la Martinique n’était simplement pas réalisable, en même temps qu’il s’est rendu compte qu’à l’échelle du monde entier, il se passait des transformations de grande envergure qui touchaient la vie de tous les peuples et tous les individus. C’était l’avènement de ce qu’il appelle le "Tout-Monde" et qui constitue un tournant majeur dans sa pensée.

Ainsi, par rapport au Discours antillais, les essais des années 90 se caractérisent par la plus grande ampleur de la vision et par un ton nouveau, une célébration enthousiasmée de la créolisation et, plus spécifiquement du point de vue de l’identité, il y a deux différences principales et très marquées ; l’isolement est transformé en relation et la stagnation en mouvement perpétuel. Ainsi, le monde est envisagé comme multiplicité de communautés qui se communiquent et réagissent les unes sur les autres. Comme il le dit dans le Traité du

Tout-Monde : « la première fois que les cultures humaines en leur semi-totalité sont entièrement et

simultanément mises en contact et en effervescence de réaction les unes avec les autres et ce sont ces relations entre cultures [on remarque qu’il dit maintenant "culture" au lieu de "peuple"] qui créent les identités ».

Ainsi, GLISSANT met en place l’opposition cardinale entre l’identité-relation (qu’il appelle aussi l’identité-rhizome, en empruntant le terme à DELEUZE et GUATTARI) et l’identité-racine pour dire que l’identité ne devrait pas être une instance fixe et immuable, unique et exclusive de l’Autre comme une racine mais, au contraire, elle devrait être le produit de contact avec l’Autre, « l’identité comme facteur et comme résultat d’une créolisation », dit-il, et qui est donc toujours en train de changer dans un réseau de relations qui se transforment sans cesse, c’est-à-dire, comme il le proclame dans Introduction dans la

Poétique du Divers : « le monde se créolise, c’est-à-dire que les cultures du monde mises en contact de manière foudroyante et absolument consciente aujourd’hui les unes avec les autres se changent en s’échangeant ». L’identité n’est donc plus une identité militante qui résiste à l’assimilation et donc, en fin de compte, à l’Autre français puisque dans le Tout-Monde, les relations étant plus égalitaires et multilatérales, on n’a plus à protéger son identité contre l’Autre colonial mais, au contraire, à l’ouvrir à l’Autre dans un acte librement consenti ; GLISSANT parle d’« identités […] maîtresses d’elles-mêmes et qui acceptent de changer en s’échangeant » et la « grande question, dit-il, […] comment être soi-même sans se fermer à l’Autre et comment s’ouvrir à l’Autre sans se perdre soi-même ? » (1996 : 23-24) car la créolisation n’a rien du magma de l’indifférenciation, il dit : « elle ne conclut pas à la perte d’identité, à la dilution de l’étant, elle n’affère pas le renoncement à soi mais il s’agit plutôt,

dans la formule-clé de la créolisation, de se changer en échangeant avec l’Autre sans se perdre ou se dénaturer. Tandis que dans Le discours antillais, il fallait un effort conscient pour transformer une situation bloquée, pour sortir de l’impasse, etc., dans le Tout-Monde, on a l’impression que tout se transforme de lui-même tout le temps d’une façon quasi-automatique.

Le changement fait partie de la nature même de l’existence humaine qui, ainsi, ne relève pas de l’Être mais de l’étant : « nous sommes arrivés à un moment de la vie des humanités où l’être humain commence d’accepter l’idée que lui-même est en perpétuel processus, qu’il n’est pas de l’Être mais de l’étant, et que comme tout étant, il change » (1996 : 28). GLISSANT insiste aussi beaucoup sur la vitesse du changement aujourd’hui par rapport au passé, son caractère foudroyant et vertigineux mais surtout sur l’imprévisibilité de ses résultats qui rend caduque toute analyse déterministe de la réalité contemporaine, de sorte que le Tout-Monde est aussi le chaos-monde. En revanche, le fait que les mutations imprévisibles de la réalité ne sont que le résultat direct de l’action consciente, n’implique pas pour autant une marginalisation du rôle de la conscience qui, dans le Tout-Monde, est tout aussi important mais largement différent.

En effet, la conscience fait partie intégrale du Tout-Monde que GLISSANT définit comme « notre univers tel qu’il change et perdure en échangeant et, en même temps, la "vision" que nous en avons » (1997 : 176). Ainsi que la créolisation contemporaine qui se distingue par « son caractère foudroyant et son caractère de conscience, autrement dit, c’est seulement parce que nous sommes maintenant conscients des autres cultures et des événements à travers le monde entier que la créolisation peut atteindre son ampleur et son dynamisme actuel et il s’ensuit que la conscience est toujours nécessaire aux changements culturels et sociaux mais n’ont plu par rapport au Discours antillais, non plus pour initier des actions qui accompliront des changements concrets et prévus dans la réalité sociale. Maintenant, c’est notre conscience des autres cultures qui nous permet d’être changés par elle, de nous changer en échangeant avec l’Autre ; on ne change plus le monde, on se laisse