• Aucun résultat trouvé

Les stratégies dont les effets ont été le plus fréquemment étudiés sont d’une part les stratégies métacognitives dont celles issues de la méthode de l’enseignement réciproque (Sullivan-Palincsar, & Brown, 1984 ; 1986 ; 1987) et reprises dans de nombreuses études L2 (p.ex.

Bensoussan & Kreindler, 1990 ; Boahma, 1997 ; Cotterall, 1993 ; Naranunn, 1996 ; Song, 1998) et d’autre part la stratégie de mobilisation des savoirs antérieurs dans des activités préparant la lecture (p.ex. Dole, Brown & Trathen, 1996 ; Parviz, 2003.) Nous avons sélectionné quelques recherches représentatives, que nous discutons ci-dessous en fonction de ce qu’elles permettent d’apporter à l’élaboration de notre propre problématique.

L’objectif d’une étude de Bensoussan & Kreindler (1990) est de comparer l’effet de deux stratégies enseignées, le résumé d’une part et les questions à réponse courte (« short answer questions ») d’autre part. Les progrès constatés dans la compréhension chez l’ensemble de lecteurs universitaires L1 hébreu et L2 anglais d’un niveau avancé, ne permettent pas d’attribuer les performances à l’une ou l’autre des stratégies. Il semblerait cependant que rédiger des résumés aide les élèves globalement à lire de manière plus efficace (p.55) et que le fait de rendre le processus de lecture conscient améliore les résultats indépendamment du type

148 Cf. chapitre 3

de stratégie utilisée (p.63). Les deux activités testées demandent d’activer des schémas macrotextuels (p.63) et détournent l’attention de la lecture mot par mot. La langue dans laquelle les étudiants répondent n’affecte par ailleurs pas les scores.

Alors que cette recherche semble démontrer la possibilité d’un transfert de stratégies L1 en situation de L2, du moins chez des lecteurs d’un niveau L2 avancé, Cotterall (1993) montre que les différentes stratégies de l’enseignement réciproque ne remplissent pas la même fonction dans le contexte didactique. Les stratégies de recherche de l’idée principale et de l’hypothèse seraient plus fréquemment enseignées pour des raisons d’enseignabilité et parce qu’elles engendrent une meilleure qualité d’interaction. Si ces deux stratégies peuvent par la suite être efficaces pour les lecteurs adultes en L2, la stratégie de clarification, plus difficilement enseignable dans un contexte L2, a besoin d’être davantage explicitée pour se transformer en outil mobilisable (p.79).

Ces résultats mènent d’une part à une mise en garde contre une conception de l’enseignement de stratégies comme remède miracle à tous les problèmes de compréhension rencontrés et amorcent d’autre part une réflexion portant sur la nécessité de tenir compte du contexte spécifique L2 en adaptant des procédes qui sont appliquées avec succès en L1. Nous relevons ici quelques-unes de ses suggestions d’adaptation :

• un enseignement des stratégies L1 (p.77)

un choix de texte adaptés aux lecteurs L2 (p.78)

• la métacognition comme préalable à l’application des stratégies : « If strategies are behaviours adopted in response to perceived problems, then perception of the problem and reflection on possible ways of solving it must occur before strategies can be activated with real understanding » (p.76; notre soulignement)

la compréhension de la tâche et du sens du programme

le choix des stratégies (p.79).

Même si cette étude est toujours fortement centrée sur un enseignement de stratégies descendantes, elle est intéressante pour nous parce qu’elle pose le problème de la spécificité de la lecture en L2 et adopte, dans une certaine mesure, un point de vue didactique, en différenciant les stratégies du point de vue de leur « enseignabilité » et en introduisant la tâche comme un des éléments-clés dans le processus.

L’étude de Song (1998) tient également compte de la spécificité de L2 en adaptant la mise en oeuvre de la méthode d’enseignement réciproque au contexte d’une classe de lecteurs universitaires L1 coréens et L2 anglais. Outre un enseignement des quatre stratégies, le dispositif prévoit une phase de discussion menée en L1, qui a pour objectif de définir le concept de lecture stratégique, de montrer l’importance d’un tel apprentissage pour l’amélioration des capacités de lecture et le contrôle de son propre processus de compréhension à travers la mise en oeuvre de stratégies d’experts. La partie illustrative est introduite par des activités de préparation à la lecture (activation de savoirs préalables). Les stratégies de l’enseignement réciproque sont complétées par d’autres stratégies, telles que la compréhension de structures rhétoriques, deviner des mots inconus dans le contexte et l’adoption d’un style de lecture global.

Les résultats sont intéressants parce qu’ils permettent de nuancer la question de l’effet de l’enseignement sur deux plans. Ils montrent d’abord que si, sur un plan général, l’entraînement à l’utilisation de stratégies augmente la qualité de la lecture en L2, les effets varient en fonction du niveau de langue (p.1). Les plus faibles lecteurs L2 profite le plus de l’enseignement (p.9). Ensuite, les effets varient en fonction du type de stratégies enseignées.

Ils sont positifs pour l’extraction des idées principales et les inférences, mais ne permettent pas d’améliorer la capacité de repérer des informations plus détaillées dans le texte. Elles n’aident pas à localiser une information spécifique dans un passage.

Une autre recherche de Salataci & Akyel (2002) se déroule également dans un milieu universitaire avec des étudiants L1 turcs apprenant l’anglais L2. L’auteur étudie les effets de l’enseignement de deux stratégies issues de l’enseignement réciproque (résumé et hypothèse) et la mobilisation de savoirs préalables, sur l’utilisation de ces stratégies et la compréhension en lecture de L1 et L2. La récolte des données se fait à travers des protocoles verbaux de lecteurs individuels commentant leur processus de lecture suite à un enseignement reçu.

Les résultats montrent que :

• les élèves utilisent, après l’enseignement, moins de stratégies ascendantes et davantage de stratégies descendantes (hypothèses, mobilisation de savoirs préalables, styles de lecture globale et sélectif, résumé) aussi bien en L1 qu’en L2 (p.7).

• pour la lecture en L2, ils ont moins souvent recours au dictionnaire; ils essaient d’inférer le sens des mots inconnus à partir du contexte ou décident de ne pas en tenir compte (p. 11)

• les élèves focalisent davantage sur la structure grammaticale des phrases et traduisent moins souvent en L1

• ils verbalisent plus fréquemment leur processus de lecture

• les scores dans des tests de compréhension augmentent

Ces résultats indiquent un effet de l’enseignement de stratégies descendantes en termes de fréquence d’utilisation et d’amélioration de la compréhension de textes aussi bien pour la lecture en L1 que L2. L’auteur conclut: « the process of transfer is bi-directional and interactive » (p.12; notre soulignement).

Comme dans l’étude de Bensoussan & Kreindler (1990) menée plus de dix ans plus tôt, il est postulé a priori que les stratégies descendantes sont les plus aptes à permettre l’accès au sens d’un texte et qu’elles le sont au même titre en L1 ou en L2. Outre la simplification qu’implique cette focalisation quasi exclusive sur un enseignement de stratégies dites universelles, se pose toujours le problème de la prise en compte de paramètres contextuels en termes d’enseignement dans une classe de L2, avec des supports de textes et tâches spécifiques.

Outline

Documents relatifs