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Nous n’allons pas retracer ici la problématique de l’entrée dans l’écrit d’un lecteur débutant en L1, mais nous limiter à quelques questions que se pose la psycholinguistique sur le processus de reconnaissance des lettres et des mots et sur la manière dont un lecteur leur

attribue un sens. Nous verrons plus bas quelle signification ces questions peuvent avoir pour le cas de la lecture en L2. Les problématiques au centre de l’approche de la psychologie cognitive sont les suivantes : Comment reconnaît-on un mot visuellement ? Comment accède-t-on à la représentation de ce mot et à sa signification à travers le lexique mental ? Y a-t-il un écart entre la reconnaissance du mot et l’accès à son sens ? (Harley, 2001, p. 141). Le postulat de l’existence d’un dictionnaire mental « dans lequel les formes orthographiques et sonores de chaque mot sont liés directement au sens qui leur correspond » (ONL, 2000, p.19) pose ensuite la question de la manière dont les mots sont stockés ou autrement dit, de leur organisation interne qui permet d’activer le dictionnaire mental au moment voulu.38

Au niveau de la reconnaissance des mots ce sont les savoirs sur les caractéristiques distinctives de graphèmes et des savoirs orthographiques sur la probabilité des combinaisons de lettres ainsi que sur les correspondances graphèmes-phonèmes qui jouent un rôle important. Pour accéder au sens d’un mot, il faut disposer des savoirs lexicaux stockés dans un lexique mental qui, entre autres, permet d’activer des informations à un niveau sémantique et syntaxique du mot activé (Schramm, 2001, p. 85).

Le lecteur L2 est déjà familiarisé avec le code écrit. Par conséquent, la reconnaissance de mots lui posera surtout des problèmes dans le cas de systèmes d’écriture différents, ce qui n’est pas le cas pour un lecteur francophone lisant en allemand.39 Des difficultés peuvent néanmoins surgir lorsqu’il y a des différences de règles de correspondances graphèmes-phonèmes et de systèmes orthographiques entre les deux langues. On peut alors faire l’hypothèse d’un transfert négatif ou d’un manque d’entraînement lorsque des problèmes apparaissent. Mais l’obstacle principal rencontré par un lecteur L2 au niveau de la lecture des mots consiste à leur attribuer un sens. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. D’abord, le lecteur L2 dispose d’un lexique mental moins élaboré que celui d’un lecteur en L1 et rencontre des lacunes concernant le sens des mots rencontrés. Ensuite, l’activation des mots se fait de manière moins automatisée, ce qui empêche par ailleurs l’accès aux processus supérieurs de traitement (Schramm, 2001, p.88).

38 Les anglosaxons parlent de « priming » qu’ils définissent ainsi : « make sth ready for use or action » (rendre disponible pour l’ utilisation dans l’action). Pour une présentation des différents modèles voir Harley (2001), p.160 suiv.

39 Pour plus de détails sur cette question : Koda (2005), p.42.

Les quelques recherches40 qui ont été menées sur les facteurs déterminants dans la reconnaissance des mots en L2 étudient le rôle des savoirs linguistiques en L2, le rôle des compétences de lecture en L1 et la distance entre les deux langues (Koda, 2005, p.38) s’inscrivant dans le paradigme cognitiviste décrit plus haut et en linguistique.

Une autre question centrale dans le domaine de la compréhension lexicale est celle de savoir quel rôle joue le contexte de la phrase41 sur la reconnaissance visuelle des mots (Harley, 2001, p.158). Un type d’études menées dans ce domaine et intéressant pour le contexte des stratégies de lecture en L2, consiste à présenter à des sujets des phrases incomplètes.42 On constate alors que certains mots sont plus probables dans un co-texte donné que d’autres, même s’ ils n’entretiennent pas de relations sémantiques avec les autres mots de la phrase. Ce type d’étude montre cependant aussi les limites de la fonction facilitatrice du co-texte. En effet, celui-ci ne fonctionne que si le mot cible correspond à une forte probabilité de la suite de la phrase (Fischler et Bloom, 1979, cité dans Harley, 2001). Les effets du co-texte sont plus importants pour des mots difficiles à reconnaître hors contexte (Stanovich and West, 1979, cité dans Harley, 2001).

Quelle aide le co-texte peut-il apporter à un lecteur en L2 ? Comme pour L1, le succès lors de l’inférence d’un mot inconnu à partir du co-texte, va dépendre à la fois de la complexité du mot et des éléments du co-texte lui-même qui constitue une aide jusqu’à un certain point (Fukking, 2001). En L2, des parties entières du co-texte, sensées soutenir l’inférence d’un mot inconnu peuvent elles-mêmes faire obstacle à la compréhension. Ce qui peut avoir pour conséquence supplémentaire une difficulté de déterminer le statut grammatical de ce mot dans l’ensemble d’une phrase et induire des erreurs.

40 Koda (2005) évoque deux raisons pour le manque de recherche dans ce domaine : la prédominance d’une conceptualisation top down en L2 dans les années 70 et 80 et l’absence d’une distinction entre savoirs

linguistiques (linguistic knowledge) et compétences de traitement des unités linguistiques (language processing skills).

41 La distinction, dans la littérature entre les termes « contexte » et « co-texte » n’est pas toujours claire. Nous reprenons dans l’ensemble la terminologie utilisée par les auteurs dont nous reprenons les propos. Pour notre part, nous utilisons le concept de texte en parlant du niveau local (phrases) et celui de contexte pour le co-texte plus large du co-texte, tel que le définissent Charaudeau & Maingueneau (2002). Le conco-texte plus général se réfère pour nous au genre et à la situation de communication du texte. Voir notamment le recensement des stratégies de lecture (p.194).

42 Les premiers à utiliser cette approche étaient Schuberth et Eimas (1977), cité dans Harley (2001).

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