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L’ensemble de la recherche sur la lecture part du principe que lire c’est (re) construire activement le sens d’un texte, « Lesen als (mentaler) Konstruktionsprozess » (Gross, 2000, p.5). C’est le lecteur qui reconstitue, recrée le sens du texte à l’aide des moyens dont il dispose au moment de sa lecture. Ceux-ci sont autant de variables qui influent sur la construction de la compréhension : savoirs linguistiques, savoirs sur le monde et la structure du texte, projet de lecture, capacités métacognitives, stratégies de lecture à disposition.

L’importance accordée à ces variables varie selon le type de modèle adopté. Dans les modèles linéaires, le processus est soit ascendant, influencé par les données du texte, soit descendant, déterminé par les savoirs du lecteur.

Les modèles linéaires

Le modèle bottom-up ou ascendant décrit le processus de lecture comme traitement intégrant de manière linéaire d’abord la reconnaissance visuelle des mots, leur traitement phonologique et lexical pour aboutir à une analyse syntaxico-sémantique (Schramm, 2001, p.51)29. La compréhension du texte dans son ensemble est le résultat d’une juxtaposition des unités de sens construites à un niveau plus bas. Les savoirs à mobiliser concernant les aspects de

29 Exemples cités dans Schramm (2001, p.51) : Gough (1972, Laberge et Samuels (1974)

déchiffrage, de reconnaissance des mots30 et l’attribution d’une signification lexicale prennent toute leur importance dans ce modèle. Les mots isolés sont considérés comme formant des blocs essentielles à la construction d’une compréhension textuelle (Koda, 2005, p. 29).

L’accent est mis sur l’automatisation de la reconnaissance des mots pour permettre de libérer des processus de haut niveau. Le modèle élémentariste de construction textuelle de Kintsch (1974, cité dans Gross, 2000, p.7) peut être considéré comme modèle linéaire. Celui-ci part de l’idée que le sens global du texte se construit en reliant des unités élémentaires, les propositions, permettant d’aboutir à une représentation structurée et hiérarchisée de l’ensemble du texte.

A l’opposé, les représentants d’un modèle holistique de la compréhension textuelle s’accordent sur le fait que la représentation du lecteur constitue d’emblée une unité à caractère global qui ne se forme pas par une addition d’unités sémantiques (Gross, 2000, p.7). Les processus de construction ne sont pas seulement guidés par les données du texte mais sont également influencés par les savoirs préalables du lecteur.

L’activité principale du lecteur consiste à émettre des hypothèses et de les vérifier en cours de lecture. Dans sa forme extrême, ce modèle top down ou descendant part du principe que la lecture ressemble à un jeu devinette (Goodman, 1967). 31 Dans cette conception, ce sont les savoirs sur le monde et les stratégies de lecture descendantes qui déterminent le processus, le rôle joué par les savoirs linguistiques étant relégué au second plan. L’entrée par une compréhension globale du texte peut permettre de comprendre des unités de plus bas niveaux, compenser des difficultés de déchiffrage ou des lacunes au niveau linguistique. Cette idée centrale explique probablement la forte influence de ce type de modèle sur la recherche et l’enseignement en L2. Nous y reviendrons dans le chapitre 3.

Le modèle interactif

De nos jours il existe un consensus pour dire que les deux mouvements ascendants et descendants interagissent. Les modèles interactifs postulent une influence réciproque entre ces processus partiels.32 Dans une perspective interactive, des sources de savoirs de différents types sont mobilisées et mises en relation. Des savoirs linguistiques déclaratifs

30 La reconnaissance d’un mot implique deux processus distincts : extraire le son (décodage phonologique) et comprendre son sens (l’accès sémantique) (Koda, 2005, p.32)

31 « psycholinguistic guessing game »

32 Le premier modèle interactif est celui de Rumelhart (1977)

(Sprachwissen), tels que la reconnaissance des lettres et mots, la compréhension au niveau du mot, de la phrase ou du texte, des savoirs procéduraux, tels que l’inférence et l’élaboration des savoirs du monde sont mis à contribution au même titre (Schramm, 2001, p.55).

La théorie des schémas permet de modéliser l’interaction entre ces différentes composantes du savoir et d’expliquer le processus de compréhension à travers l’intégration de l’information textuelle et des connaissances du lecteur (Anderson et Pearson, 1984, cité dans Penningroth, 1997). Elle part du principe que l’ensemble des savoirs est stocké dans des schémas. Ceux-ci constituent les éléments fondamentaux de tout traitement de l’information.33 Un schéma représente un concept générique stocké dans la mémoire. Dans ce sens il est abstrait. Il est également structuré, dans la mesure où il représente les interrelations des différentes composantes. Comprendre équivaut dès lors à intégrer une donnée dans la configuration des schémas déjà présents. Schnotz (1994) résume le processus de compréhension sous l’angle de la théorie des schémas :

Erkennen bzw. Verstehen basiert auf einem Wechselspiel von auf- und absteigenden Schemaaktivierungen bei gleichzeitiger Hemmung konkurrierender Schemata, durch das sich ein stabiler Systemzustand in Form einer bestimmten Konfiguration von aktivierten Schemata herausbildet (...).

Diese Schemakonfiguration gilt jeweils als die unter den gegebenen Bedingungen bestmögliche Interpretation der vorliegenden Informationen. (cité dans Schramm, 2001, p. 58)

L’interaction se produit entre trois catégories de schémas, liées à trois sources de connaissances du lecteur: les savoirs sur le sujet et la culture d’appartenance d’un texte (schémas de contenus), les savoirs sur le genre et la structure rhétorique du texte (schémas formels) et les savoirs sur la langue (schémas linguistiques). Lors du processus de compréhension, les schémas se transforment et de nouveaux schémas se construisent : un apprentissage a lieu (Schramm, 2001, p.59)34. Nous verrons, dans la présentation des modèles interactifs en L2, le rôle joué par ces différents types de schémas.

33 « building blocks of cognition » (Rumelhart, 1980, cité dans Schramm, 2001 p. 57)

34 Pour plus de détails sur les types d’apprentissage dans cette théorie, voir Schramm (2001) p. 59.

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