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Chapitre 4 Impacts et limites des pratiques visant à réduire les inégalités à l’ASSÉ

4.1.2. Au-delà des enjeux hommes / femmes : quelques défis

On l’a vu, certaines participantes jugent que leur engagement à l’ASSÉ leur a permis de mieux voir les rapports d’oppression qu’elles avaient ignorés jusque-là. Toutefois, dans l’ensemble, les répondantes et répondants estiment qu’elles et ils ont une bonne compréhension de ces rapports sociaux inégalitaires. Compte tenu des objectifs principaux de ma recherche, il n’est pas étonnant que le cœur des conversations que j’ai eues avec eux et elles ait porté sur les rapports de genre. Ceux-ci sont beaucoup réfléchis et discutés à l’ASSÉ, mais on ne peut pas en dire autant d’autres rapports inégalitaires pourtant aussi constitutifs de la société québécoise et des mouvements et groupes qui s’y inscrivent. Dans la lignée de l’appel de Dunezat à porter une plus grande attention à la structure genrée des mouvements contestataires, dans le monde anglophone, plusieurs chercheuses et chercheurs qui s’intéressent aux mouvements sociaux appellent à tenir compte aussi des enjeux de race et de classe (Ostrander, 1999 : 629).

Au point de départ de ce projet, j’avais comme objectif de me pencher non seulement sur les pratiques conçues pour atténuer les inégalités de genre, mais aussi de creuser les autres rapports sociaux en jeu dans le partage inégal de la parole à l’ASSÉ. Partant de l’idée que certains de ces enjeux ressortiraient dans les nombreuses questions générales sur le partage de la parole et du pouvoir85, je n’ai intégré qu’une question86 sollicitant le point de vue des interviewé.e.s

spécifiquement sur la prise de parole des personnes appartenant à des groupes marginalisés. Cette décision m’apparaît a posteriori comme mal informée. D’abord, cette unique question amalgame les vécus immensément différents de groupes qui peuvent avoir peu en commun (bien qu’évidemment, certaines personnes appartiennent à plusieurs de ces groupes). De plus, malgré mes intentions de départ, cette manière de procéder a eu pour résultat, dans la majorité des entrevues, de séparer la question de la prise de parole des femmes des enjeux de prise de parole des personnes

85 Par exemple :

– As-tu l’impression que les membres de l’ASSÉ ont des rapports égalitaires entre eux et elles? – Est-ce que certaines personnes avaient plus d’influence dans les discussions?

– Quelles personnes parlent le plus? – Quelles personnes parlent le moins ?

86 As-tu l’impression que les personnes racisées, les personnes autochtones, les personnes trans ou qui appartiennent à d’autres groupes marginalisés peuvent prendre la parole aussi facilement que les autres?

trans, des personnes racisées et des personnes autochtones, ce qui a notamment pour effet d’invisibiliser les femmes qui appartiennent à l’un ou plusieurs de ces groupes.

Nonobstant ces lacunes importantes, il me semble incontournable de me pencher sur l’impact particulier que peuvent avoir les mesures de partage de la parole utilisées par l’ASSÉ sur les personnes appartenant à des groupes minorisés, dans la mesure de ce que me permettent mes données d’enquête. Le fait que les participantes et participants en aient eu moins long à dire sur ces questions est aussi révélateur de similarités entre la quasi-invisibilité de certains groupes dans la société québécoise et leur absence ou sous-représentation à l’ASSÉ87. Pour ce faire, je me suis

appuyée entre autres sur les témoignages d’étudiantes et étudiants racisé.e.s regroupés dans un recueil produit par le Comité ad-hoc antiraciste de l’ASSÉ (présenté au chapitre 2).

4.1.3. « Minorités » invisibles

D’entrée de jeu, notons que plusieurs répondants et répondantes affirment qu’il n’y a pas de personnes racisées ou de personnes autochtones à l’ASSÉ ou tellement peu qu’ils et elles préfèrent ne rien répondre au sujet de leur prise de parole. À titre d’exemple :

Des personnes autochtones, je n’en ai pas connu non plus. Pis les personnes racisées, il y en avait quelques-unes. Mais vraiment pas… pas beaucoup. Pis ça variait, suivant les délégations, etc. C’était pas des… J’essaie de voir.… non… qui s’impliquait, qui était élu.e sur un comité, ou qui était… Il y a un peu des figures, il y a des gens qui revenaient toujours pour leur délégation, mais j’ai pas l’impression que là-dedans il y avait des personnes racisées, que dans ces personnes-là… il y avait des personnes racisées. (Philippe)

Dans le fond, il y avait presque jamais personne… en tout cas, de toute mon implication, qui était une personne racisée, mais très très très très très très peu. Euh, personnes autochtones… presque pas, ça existait presque pas. Il y avait assurément… ces personnes-là étaient moins écoutées, mais… pendant la période que j’y ai été c’était tellement, tellement, tellement minoritaire que, c’était présent, mais tu sais, c’était pas tout le temps présent. (Alice)

Évidemment, comme le soulève Florence en réponse à ma question, il est impossible pour elle – et les autres – d’affirmer avec certitude si des personnes autochtones ou racisées étaient présentes dans les instances auxquelles elle a participé. Toutefois, la fréquence de ce type de réponse permet d’affirmer d’une part que si ces personnes sont présentes, elles sont invisibilisées, et

87 Je fais un constat analogue par rapport aux limites dans ma propre démarche d’investigation à ce sujet. En tant que femme cisgenre blanche, il m’est plus aisé de creuser les inégalités hommes-femmes que de déceler et de comprendre les axes de pouvoir dans lesquels j’occupe une position privilégiée.

d’autre part que leur possibilité de se faire entendre et de mettre de l’avant des revendications spécifiques est limitée.

D’ailleurs, cette invisibilisation des personnes racisées était aussi observable lors de l’atelier non mixte sur les discours et pratiques antiracistes tenu pendant le congrès d’orientation de décembre 2016. J’ai assisté au caucus regroupant des personnes blanches et pu observer que même dans un contexte où la discussion vise à réfléchir aux « pratiques et discours antiracistes » de l’ASSÉ, notamment à l’aide de témoignages compilés dans le recueil de textes produit par le Comité ad-hoc antiraciste, la reconnaissance de l’homogénéité des membres de l’ASSÉ glisse par moments vers une invisibilisation des personnes racisées qui sont présentes dans l’organisation88, et

ce, bien que plusieurs d’entre elles soient en train de tenir un autre caucus non mixte dans une pièce adjacente au même moment. Par ailleurs, les personnes participant au caucus font preuve d’un niveau de familiarité par rapport à ces enjeux variant beaucoup d’une personne à l’autre. Certaines paraissent avoir beaucoup lu sur la question, alors que l’une des participantes semble en être à sa toute première réflexion et discussion sur le sujet. Cette dernière témoigne d’une certaine confusion, par exemple, par rapport à l’idée que l’on puisse affirmer que « les races n’existent pas » tout en utilisant les termes « race » ou « racisé.e ». La conversation se bute à des problèmes de vocabulaire et de malaises autour des termes corrects ou non à employer. En témoigne par exemple cet échange :

– Participante [hésitante] : … les personnes noires – c’est OK si je dis « personnes noires »? Je sais pas…

– Animatrice [sure d’elle] : Dis « personnes non blanches ».

Plus tard, l’animatrice explique cette préférence en disant que « personnes noires » est problématique puisque cette expression invisibilise le fait que toutes les personnes racisées ne sont pas noires. Personne ne remet en question cette proposition, et ce, bien qu’il ne soit pas clair que la participante ait voulu parler de personnes racisées de manière générale et non de personnes noires spécifiquement. Ces limites dans la discussion vont dans le sens de celles identifiées par Chantal Maillé dans un texte portant sur les obstacles à une analyse intersectionnelle spécifique au contexte québécois.

Maillé soutient qu’au Québec, les questions de race et de classe sont sous-théorisées, entre autres à cause de la tendance, dans les milieux scientifiques et militants, à :

88 L’une des répondantes se désole d’ailleurs de cette tendance à effacer les contributions des personnes racisées impliquées à l’ASSÉ, jugeant que « leur travail est comme pas valorisé parce que… tout ce qu’on regarde, c’est… “Ah, ben, il y en a pas beaucoup!” » (Anna).

[…] l’importation, souvent de façon non-critique, d’analyses et de conceptualisations

made in France, soit précisément là où les questions de race sont occultées par un

discours universaliste excluant toute différence, qu’elle soit de race, de classe ou de sexe, car l’universalisme républicain est censé représenter tous les individus sans distinction. (2015 : 170)

On pourrait aussi avancer que la confusion autour de la notion de « race » tient au contexte québécois de proximité intellectuelle avec le monde anglo-saxon, où l’utilisation du terme « race » comme construction sociale est admise et répandue, une acception du terme qui se heurte aux stigmates dont il est porteur en français. Cela dit, l’analyse de Maillé est utile pour appréhender les défis qui se posent à l’ASSÉ à ce sujet puisque le discours féministe qui y a longtemps prévalu s’inscrit dans une tradition matérialiste principalement développée par des théoriciennes françaises (Gariépy, Poulin et Descheneaux, 2005; notes personnelles, 201589). Se réclamant du syndicalisme

de combat, l’ASSÉ n’évacue certainement pas (entièrement du moins) une analyse de classe, mais, pour reprendre les termes de Maillé, on peut affirmer que, dans ses structures, « l’appréhension des questions liées à la race et à la racialisation est source de malaise et se heurte à un vide catégoriel » (2015 : 170). Dans ce contexte, faute d’une analyse partagée des dispositifs de racialisation au Québec, les personnes présentes lors du caucus non mixte auquel j’ai assisté ont beaucoup recours à leurs expériences du sexisme et à la manière dont le discours féministe est opérationnalisé dans les pratiques de l’ASSÉ pour tracer des parallèles avec « les pratiques et discours antiracistes » en vigueur à l’ASSÉ ou dont elle devrait se doter.

Témoignant aussi du peu de réflexions partagées90 autour des enjeux de racisme spécifiques

au contexte québécois, parmi les répondants et répondantes, les personnes s’identifiant comme blanches ont de la difficulté à s’expliquer pourquoi les personnes racisées sont peu présentes et plus ou moins entendues à l’ASSÉ. Cette difficulté relève moins d’une incapacité réelle des personnes qui ne sont pas directement affectées par un enjeu de le comprendre que d’un manque de familiarité avec ces questions, comme en témoigne le fait qu’hommes et femmes réussissent presque indifféremment à offrir des explications diverses et complexes sur les impacts du genre sur la prise

89 L’un des défis identifiés par les présentatrices de la séance « Être féministe dans des milieux mixtes : droit de regard sur l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) » présenté plus haut est la « dématérialisation » des enjeux féministes à l’ASSÉ, un défi qui se pose dans le contexte d’une remise en question du courant théorique matérialiste qui s’imposait jusque-là. Cette vision est partagée par bon nombre de militantes et militants de l’ASSÉ interrogé.e.s dans le cadre du présent mémoire et avec qui j’ai partagé des conversations informelles.

90 Parmi les membres pris individuellement, du moins. L’ASSÉ en tant qu’organisation met de l’avant certaines mesures et pratiques qui témoignent d’un engagement envers ces problématiques, par exemple la mise sur pied du Comité ad-hoc antiraciste et le fait de souligner que le congrès se déroule sur des terres Mohawks non cédées dans le cas du congrès de décembre 2016.

de parole. Par contraste, un des participants blancs, l’un des seuls à identifier un exemple de racisme dont il a été témoin à l’ASSÉ, met en doute sa compréhension de la situation parce que les commentaires dégradants à l’égard d’une personne racisée étaient « toujours faits sur la base, admettons, soit de l’opinion que la personne avait, tu sais, c’était pas une attaque directe envers le fait qu’elle ne soit pas québécoise » (Marc). Il ajoute : « Ça veut pas dire que c’était pas parce qu’elle n’était pas québécoise, que ça a pas joué un biais, mais c’est difficile à identifier, surtout quand il y a si peu de gens qui s’impliquent ».

Cette difficulté à identifier des comportements racistes ou des situations qui ont des impacts néfastes sur les personnes racisées fait partie intégrante des systèmes d’inégalités raciales qui structurent les sociétés occidentales. Spécifiquement, comme l’identifie Peggy MacIntosh dans son article séminal « White Privilege: Unpacking the Invisible Knapsack » (1989), les personnes qui bénéficient de privilèges associés à la blancheur de leur peau apprennent à concevoir le racisme uniquement comme l’expression d’actes individuels de haine et à ignorer ses manifestations systémiques, enchâssées dans nos institutions et pratiques quotidiennes collectives91. La

reproduction des inégalités passe ainsi, entre autres, par une multitude de microagressions qui sont évidentes pour les personnes qui les subissent, mais difficiles à identifier pour les autres (Acker, 2006 : 452). Les auteur.e.s de textes regroupés dans le recueil de témoignages produit par le Comité ad-hoc antiraciste de l’ASSÉ font ressortir ces obstacles qui peuvent prendre diverses formes plus ou moins explicites, « de l’exotisation, sur nos origines ou quant à notre apparence “différente”, à la surprise de voir une personne racisée sur l’exécutif », en passant par les demandes répétées de servir d’experte ou d’expert sur les questions antiracistes ou d’occuper le rôle de « l’amie arabe » qui donne son sceau d’approbation aux discussions (Comité ad-hoc antiraciste de l’ASSÉ, 2016 : 6, 27,

et passim).

Bon nombre des participantes et participants affirment ne pas comprendre les obstacles à l’implication des personnes racisées :

[…] personnes autochtones, personnes racisées, je pense qu’il y a beaucoup d’obstacles, beaucoup d’embûches… dans leur participation dans le congrès. Sans doute qu’il y a plusieurs raisons pour ce phénomène. Si les personnes racisées sont pas présentes dans le congrès, c’est probablement parce qu’elles sont pas présentes dans

91 « One factor seems clear about all of the interlocking oppressions. They take both active forms which we

can see and embedded forms which as a member of the dominant group one is taught not to see. In my class and place, I did not see myself as a racist because I was taught to recognize racism only in individual acts of meanness by members of my group, never in invisible systems conferring unsought racial dominance on my group from birth. » (MacIntosh, 1989)

leur association locale… pour une raison ou pour une autre, j’en ai aucune idée. (Louis, je souligne)

Dans la même veine, lorsque Claudine, qui se définit comme féministe intersectionnelle et dont les réponses se démarquent généralement par leur longueur et leur niveau de détail, soulève le cas d’une association d’un « cégep multiethnique » dont l’exécutif est « très blanc », elle ne parvient pas à fournir de pistes d’explication à ce sujet, concluant simplement : « Comment ça se fait? Tu sais? » Selon elle, donc, la composition de l’ASSÉ n’est « pas représentati[ve] de la population étudiante », mais l’observation inverse est ressortie dans d’autres entretiens. Plusieurs supposent en effet que la composition homogène de l’ASSÉ serait le reflet de ses associations membres, notamment dans les domaines des sciences sociales et des arts, voire de certaines universités comme l’UQÀM, qui seraient plus susceptibles d’être majoritairement fréquentées par une population étudiante blanche et d’origine québécoise. Cette explication est retenue entre autres par Sasha qui juge que son propre parcours en tant qu’immigrante « de première génération » est atypique, ce qu’elle illustre en mentionnant que ses parents auraient préféré qu’elle se dirige vers une filière comme le droit ou le génie, des domaines dont les associations étudiantes sont traditionnellement plus éloignées de l’ASSÉ.

Dans un cas comme dans l’autre, les participantes et participants ont tendance, par moments du moins, à situer l’explication au peu de diversité ethnique de l’ASSÉ à l’extérieur de l’Association, dédouanant ainsi celle-ci de son rôle dans la composition de son membership. Pourtant, comme le soulignent Olivier Fillieule et Camille Masclet, « les organisations militantes jouent un rôle important dans la composition des groupes protestataires, en incitant ou en décourageant les engagements individuels » (2013 : 351). Cette sélection se fait par le biais de moyens parfois explicites (recrutement spécifique d’hommes ou de femmes pour pourvoir certains postes, par exemple), mais peut aussi « s’opérer de manière moins formelle et plus insidieuse en fonction d’attributions genrées et racialisées » (Fillieule et Masclet, 2013 : 351). Subtils, ces mécanismes de sélection sont susceptibles d’être invisibles ou mal compris par les personnes qui ne les subissent pas.

Certaines personnes qui ne se heurtent pas à ces barrières réussissent toutefois à les imaginer et poussent leur réflexion au-delà du constat de l’absence ou de la sous-représentation de certains groupes. Ainsi, l’un des participants estime que la lutte antiraciste est souvent mise de côté sous prétexte qu’elle ne « correspond pas tant que ça à la campagne en cours » (Pascal). Selon lui, la difficulté pour plusieurs à voir les liens entre racisme et lutte pour le droit à l’éducation devient donc « un prétexte pour moins parler de racisme ». Au cours de l’atelier sur les discours et pratiques

antiracistes regroupant des personnes blanches, un participant offre une autre piste d’explication en esquissant un portrait du « cercle vicieux » qui serait à l’œuvre à l’ASSÉ. Selon lui, en raison de la composition actuelle de l’ASSÉ, ses membres – majoritairement blanches et blancs – ne se sentent pas légitimes de s’engager dans les luttes antiracistes, par peur de s’approprier une lutte qui n’est pas la leur. Dès lors, l’ASSÉ ne démontre pas d’engagement envers les revendications de reconnaissance des personnes racisées, ce qui contribue à la reproduction d’un climat peu accueillant pour elles et renforce le postulat de départ selon lequel « l’ASSÉ est blanche ». Parallèlement, les personnes blanches continuent de bénéficier de conditions d’implication plus favorables, et ce dès le moment où elles envisagent de se joindre à l’organisation. Passant sans embûches au travers du filet qui en contrôle l’accès, ces dernières risquent de ne pas même remarquer ses mailles, voire de refuser d’accepter l’existence de cet obstacle qui bloque l’entrée des personnes qui ne bénéficient pas des mêmes conditions sociales qu’elles.

Pascal, qui juge avoir lui-même fait face à des défis à son arrivée à l’ASSÉ parce qu’il provient d’un milieu plus conservateur, estime que les personnes racisées qui réussissent à s’intégrer bénéficient généralement de conditions particulières en termes d’origines familiales et de parcours biographique. Selon lui, les quelques personnes appartenant à des minorités ethniques qui y parviennent « ont des prédispositions par rapport au reste de leur communauté, si on peut dire, pour s’impliquer à l’ASSÉ, parce qu’[elles] viennent d’un milieu qui est plus à gauche ». Pour d’autres participants, les personnes racisées impliquées à l’ASSÉ se démarqueraient aussi par leur parcours militant. Plusieurs, en effet, les présentent comme faisant figure d’exception, et souvent comme étant « la première » ou « le premier » à occuper un poste. Ce n’est pas forcément étonnant compte tenu du renouvellement rapide des cohortes militantes, mais il me semble important de souligner que, dans certains cas, plusieurs personnes différentes sont nommées comme « la première » à occuper un poste donné ou à accomplir une tâche particulière. Dominic me décrira par exemple une amie, dont l’implication est relativement récente, comme étant « une des premières personnes, vraiment, de couleur qui était très présente en instance de l’ASSÉ », une vision qui se heurte à la réalité de l’histoire du regroupement.

Cette vision, toutefois, rejoint les propos de Sasha lorsqu’elle exprime la pression à la performance que vivent les quelques militants – et particulièrement les militantes – racisé.e.s à l’ASSÉ :

C’est dur parce que tu as le syndrome du super-militant qui te pogne parce que, c’est comme quand tu es une femme, il faut que tu fasses toute. Pis les dudes, c’est pas