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Chapitre 2 Considérations conceptuelles et méthodologiques

2.4. Méthode

2.4.4. Analyse et rédaction

Paillé et Mucchielli expliquent que l’analyse qualitative implique un travail d’écriture « se situant à trois niveaux : au niveau de la transcription […], de la transposition (l’annotation du corpus et toutes les formes d’essais de sens) et de la reconstitution » (2016 : 189). Cette vision de l’analyse et de la rédaction comme des processus intégrés colle de près avec le parcours que j’ai emprunté sans suivre un mode d’emploi spécifique. Outre une première entrevue visant à tester mon schéma d’entretien, réalisée en juin 2016, j’ai rencontré les répondantes et répondants entre le mois d’août et le début octobre 2016. J’ai commencé la transcription dès les jours suivant la réalisation des premiers entretiens, ce qui m’a permis de noter les passages qui auraient gagné à être creusés ou de remarquer certaines réactions que j’avais eues et que je souhaitais éviter. Dans quelques cas (notamment l’exemple donné plus haut par rapport à mon malaise à poser des questions plus superficielles à certaines personnes), j’ai posé des questions et demandé des rétroactions à des amies ou collègues pour évaluer la meilleure façon de faire dans les entretiens subséquents. J’ai aussi réécouté les enregistrements de manière moins systématique pour les entendre sans les coupures continuelles que requiert l’exercice de transcription. Au fil de ce processus, qui s’est échelonné d’août à novembre, j’ai entamé un premier niveau d’analyse en notant les extraits qui me semblaient particulièrement intéressants, et en relevant les thèmes ou les termes qui se répétaient au cours d’une même entrevue ou d’une entrevue à l’autre. J’ai d’abord tenté d’organiser ces idées et extraits dans une feuille de tableur, mais cette façon de faire s’est vite révélée peu efficace.

Au terme de la transcription de tous les entretiens, j’ai donc importé les documents de traitement de texte dans le logiciel NVivo. Dans un premier temps, j’ai créé des catégories (« nœuds ») descriptives pour identifier dans chaque document, par exemple :

• les différentes mesures encadrant le partage de la parole et concernant les principes féministes de l’ASSÉ (alternance homme-femme, caucus non mixtes, composition des délégations, co-porte-paroles, comité femmes, congrès femmes, garde du senti, point femmes et stratégies alternatives);

58 Sa dissolution semble tenir au « manque de relève. Aucune proposition pour le rendre permanent n’a été portée au congrès, malheureusement », m’a expliqué un membre de ce comité (correspondance

• les différents types de réactions à ces mesures de la part des participantes et participants dont ils et elles avaient été témoins (adhésion, identification de limites, incompréhension, résistance, propositions de bonification des pratiques).

Certaines catégories ont été ajoutées quand des éléments que je n’avais d’abord pas retenus revenaient dans différentes entrevues (par exemple, la question des agressions sexuelles ou celle des bénéfices personnels de l’implication militante).

Dans un deuxième temps, au fil de la lecture des transcriptions, j’ai créé des catégories d’ordre plus analytique pour identifier plus précisément les éléments qui se répétaient ou se contredisaient. Ont alors émergé des « nœuds » tels que :

• les rôles assignés aux hommes et aux femmes;

• les propos relatifs au passage du temps (impression de progrès ou de recul); • l’ASSÉ comme espace :

◦ de (re-)socialisation de ses membres; ◦ intégré à une société sexiste;

◦ formé d’espaces et de liens informels; ◦ régi par des règles implicites / des non-dits; ◦ soumis à des standards masculins.

Les catégories créées dans NVivo m’ont surtout permis de classer les données pour pouvoir identifier les différentes thématiques qui m’apparaissaient pertinentes, mais au-delà de cette première classification, c’est en entamant la rédaction que mon analyse du matériau a pris forme. En effet, les catégories utilisées pour organiser le contenu des entretiens m’ont surtout été utiles pour retrouver les extraits qui me semblaient les plus parlants au moment opportun. C’est en écrivant et en mettant ces extraits en dialogue avec le contenu d’autres enquêtes ainsi qu’avec des notions plus théoriques que j’ai pu faire émerger une charpente pour mon analyse. À la lumière d’idées assez générales (par exemple, la notion de division du travail) qui me semblaient prometteuses ou d’extraits particuliers des entrevues qui m’apparaissaient riches de sens, je relisais mes transcriptions (ou une partie des catégories créées dans NVivo) et certaines fiches de lecture (pour confronter les données émergentes avec des résultats de recherches menées dans d’autres contextes, par exemple). De là, je pouvais nourrir les différentes lignes directrices qui avaient

d’abord émergé de manière « spontanée » à la lecture ou à l’écoute des entrevues. Certaines se révélaient riches et nécessitaient d’être subdivisées, d’autres manquaient de substance et finissaient par être abandonnées ou reléguées au rang de note de bas de page.

Cette façon de procéder, si elle peut sembler un peu désordonnée, m’a permis de laisser la plus grande place possible aux idées et aux propos des participantes et participants, dans toute leur profondeur et toutes leurs contradictions. Dans les limites imposées par le fait que « [q]uelle que soit la technique, l’analyse de contenu est une réduction et une interprétation du contenu et non une restitution de son intégralité ou de sa vérité cachée » (Kauffman, 2016 : 19), le choix de l’analyse par l’écriture me semble tout désigné pour valoriser la richesse des propos des répondantes et répondants. Comme le rappellent Paillé et Mucchielli, « sa fluidité et sa flexibilité lui permettent d’épouser les contours parfois capricieux de la réalité à l’étude, d’emprunter des voies d’interprétation incertaines, de poser et de résoudre des contradictions, bref, de faire écho à la complexité des situations et des événements » (2016 : 192).