• Aucun résultat trouvé

EINSTEIN ET LE DÉVELOPPEMENT DE LA THÉORIE DE LA RELATIVITÉ RESTREINTE11 cursus ou bien par ses propres lectures de Kirchho, Helmholtz, Föppl, etc

La théorie de la relativité restreinte

2.1. EINSTEIN ET LE DÉVELOPPEMENT DE LA THÉORIE DE LA RELATIVITÉ RESTREINTE11 cursus ou bien par ses propres lectures de Kirchho, Helmholtz, Föppl, etc

Ainsi ce fut probablement vers cette date qu'Einstein devint convaincu de la validité du principe de relativité. Pourtant, le principe de relativité n'est en aucun cas une conséquence logique de l'expérience d'induction de Faraday. En fait, la plupart des gens à l'époque ne virent pas ce qu'Einstein vit. Pour eux il y avait manifestement deux situations diérentes alors que pour Einstein il n'y en avait qu'une. Ainsi, si Einstein fut convaincu par l'expérience, ce ne fut que par ce qu'il y voyait une conséquence nécessaire d'un principe de relativité déjà intuitivement évident. Ceci explique pourquoi dans son article de 1905, Einstein ne s'attarde pas beaucoup sur l'expérience de l'induction étant donné qu'il ne s'agissait que d'une illustration parmi d'autres d'un principe de relativité posé a priori, principe qui selon la méthode hypothético-déductive utilisée par Einstein durant toute sa vie n'avait pas à être justié à l'avance.

Si l'expérience de l'induction de Faraday ne pouvait que conrmer mais non conduire logiquement au principe de relativité d'Einstein, il faut regarder ailleurs pour expliquer la transition d'Einstein de ses doutes précoces sur le concept de vitesse absolue à sa ferme conviction que le principe de relativité était probablement vrai. Ici, ce fut sans aucun doute, l'inuence épistémologique de Ernst Mach qui fut décisive. Dans ses "Notes autobiographiques", Einstein reconnait cette inuence :

Pour ainsi dire, tous les physiciens du siècle dernier voyaient dans la mécanique une fondation solide et dénitive de toute la physique, oui vraiment de toute science naturelle, ...

Ce fut Ernst Mach qui dans son Histoire de la Mécanique, ébranla cette foi dogmatique ; ce livre exerça sur moi une profonde inuence à cet égard lorsque j'étais étudiant. Je vois la grandeur de Mach dans son incorruptible scepticisme et son indépendance ; dans mes jeunes années toutefois, la position épistémologique de Mach m'inuença également considérablement.28

Ce fut son ami Michele Besso qui recommenda, en 1897 ou 1898, la lecture des ouvrages de Mach.29A cette époque, Einstein lut attentivement la Mécanique de

Mach ;30il devait la lire de nouveau ainsi que l'Analyse des Sensations31durant

27Gerald Holton, "Inuences on Einstein's early work in relativity theory," The American

Scholar, 37 (1967-68), 59-79 ; réimpression sous une forme légèrement condensée dans Holton, Thematic Origins of Scientic Thought, pp. 197-217.

28Einstein, "Autobiographical Notes," p. 21 ; trans. P. A. Schilpp.

29Besso to Einstein, Oct.-Dec. 1947 ; dans Albert Einstein and Michele Besso, Correspon-

dance 1903-1955, trans., notes, and introduction by Pierre Speziali (Paris : Hermann, 1972), p. 386. Pour des informations biographiques sur Ernst Mach, voir John T. Blackmore, Ernst Mach : His Work, Life, and Inuence (Berkeley : University of California Press, 1972) ; Erwin Hiebert, "Ernst Mach," Dictionary of Scientic Biography (1973), 8, 595-607.

30Ernst Mach, Die Mechanik in ihrer Entwicklung historisch-kritisch dargestellt (Leipzig,

1983) ; The Science of Mechanics : A Critical and Historical Account of Its Development, English trans. from the 9th German ed. by Thomas J. McCormack, 6th American ed., with new intro. by Karl Menger (LaSalle, IL : Open Court, 1960)

31Ernst Mach, Beiträge zur Analyse der Empndungen (Jena, 1886) ; The Analysis of Sen-

sations and the Relation of the Physical to the Psychical, trans. from the 1st German ed. by C. M. Williams, rev. and supp. from the 5th German ed. by Sydney Waterlow, paperback.

12 CHAPITRE 2. LA THÉORIE DE LA RELATIVITÉ RESTREINTE des discussions philosophiques régulières qu'il eut avec ses amis Konrad Habicht et Maurice Solovine à Berne, autour de 1902. Parmi les autres livres discutés par ce groupe, qui se nommait "l'Académie Olympia", gurent le livre d'Henri Poincaré La Science et l'Hypothèse (1902) et celui de David Hume Treatise of Human Nature. Concernant ce dernier, la discussion porta sur les conceptions d'Hume de substance et de causalité.32Bien que Poincaré et Hume inuencèrent

Einstein, ce fut Mach qui devait être l'élément central dans sa pensée.

Dans la préface de la première édition allemande de sa Mécanique, Mach indiqua l'intention de l'ouvrage "Le présent ouvrage n'est pas un manuel des- tiné à l'enseignement des théorèmes de la mécanique. On y trouvera plutôt un travail d'explication critique animé d'un esprit antimétaphysique"33 Parmi les

obscurités métaphysiques que Mach souhaitait éliminer, guraient les concepts de masse absolue, de temps absolu, d'espace absolu et de mouvement absolu. Mach raisonna qu'étant donné qu'aucun de ces concepts n'était déni en termes de grandeurs observables, tous ces concepts étaient nécessairement de nature métaphysique et donc, dans son opinion, devaient être éliminés de la science. A propos du concept de mouvement absolu, Mach écrivit, par exemple, "un mou- vement peut, par rapport à un autre, être uniforme. Mais la question de savoir si un mouvement est uniforme en lui-même est dénuée de sens."34Concernant

le concept de temps absolu, Mach le rejetta comme étant "une vaine conception métaphysique"35Le désir de Mach d'éliminer la métaphysique de la physique et

particulièrement son armation que la connaissance scientique est restreinte à ce qui peut être observévoire, que le monde consiste seulement dans nos perceptions"36 doivent être considérés dans la tradition philosophique idéaliste

comme une réaction contre l'interpétation matérialiste de la physique qui do- minait à la n du dix neuvième siècle. Nous dénirons le matérialisme comme étant l'armation qu'il n'y a pas de Dieu, que la matière existe par elle-même et ne résulte pas de la création d'un esprit. Par idéalisme métaphysique, nous entendrons l'armation que Dieu existe et que la matière est une création de Dieu. Avec l'essor de la philosophie matérialiste, peu après la Révolution Scien- tique, certains idéalistes métaphysiques comme l'évêque George Berkeley ado- ptèrent une forme restreinte d'idéalisme, à savoir un idéalisme épistémologique an de dissocier la science de la philosophie matérialiste. Par idéalisme épisté- mologique, nous entendrons l'armation que la connaissance est restreinte au domaine de la conscience humaine. Ainsi Berkeley armait qu'étant donné que la connaissance scientique ne peut être déduite que d'observations humaines, tout concept allant au-delà, comme une matière existant par elle-même indé- pendamment de tout esprit, est étrangère à la science. Ceci permit à Berkeley de montrer que le matérialisme était essentiellement une position métaphysique,

32Albert Einstein, Lettres à Maurice Solovine (Paris : Gauthier-Villars, 1956), intro. by M.

Solovine, p. VIII. Voir également Carl Seelig, Albert Einstein : Leben und Werk eines Genius unserer Zeit (Zürich : Europa Verlag, 1960), pp. 91-93.

33Mach, Science of Mechanics, p. xxii. 34Ibid., p. 273. Accentué dans l'original. 35Ibid.

2.1. EINSTEIN ET LE DÉVELOPPEMENT DE LA THÉORIE DE LA RELATIVITÉ RESTREINTE13

Outline

Documents relatifs