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CONCEPTIONS PHILOSOPHIQUES D'EINSTEIN ET RÉCEPTION DE LA THÉORIE113 l'intuition, reposant sur une compréhension sympathique de l'expérience, peut

Première ébauche de la théorie de la relativité

4.4. CONCEPTIONS PHILOSOPHIQUES D'EINSTEIN ET RÉCEPTION DE LA THÉORIE113 l'intuition, reposant sur une compréhension sympathique de l'expérience, peut

les atteindre."118 Dans sa communication inaugurale à l'Académie de Berlin en

1914, Einstein étaya ses vues sur la créativité du théoricien en prenant l'exemple contemporain de son époque du rayonnement thermique. Bien que les données expérimentales fussent là et la loi précise du rayonnement thermique fut connue, les principes d'une nouvelle "mécanique" demeuraient absents en dépit de tous les eorts et devaient le rester durant une autre décennie. D'un autre côté, Ein- stein présenta la théorie de la relativité générale comme un cas dans lequel un principe clairement formulé existait sans que les données expérimentales soient là pour vérier les conséquences. La principale justication d'Einstein du principe de relativité générale était qu'il éliminait ce qu'il percevait comme un défaut de la théorie de la relativité restreinte, à savoir le fait qu'elle privilégiait des mouvements uniformes par rapport à des mouvements accélérés.119

Einstein devait revenir aux considérations épistémologiques qui l'avaient conduit à développer la théorie de la relativité générale dans son premier ar- ticle scientique à l'Académie de Berlin.120 Maintenant, en tant que membre

éminent de l'Académie, Einstein se sentait libre de discuter longuement de tels sujets épistémologiques au début même de ses articles. Einstein justia une théorie de la relativité générale comme suit : comme tous les référentiels sont équivalents d'un point de vue cinématique, cela semble injustié de privilégier les systèmes d'inertie par rapport aux autres ; en conséquence, une généralisa- tion de la théorie de la relativité restreinte s'impose. L'argument de Newton sur les forces centrifuges, semble toutefois contredire une telle possibilité puisqu'il montre que des systèmes cinématiquement équivalents ne sont pas nécessaire- ment dynamiquement équivalents, ce à quoi Einstein répondit :

Cet argument toutefois- -comme E. Mach en particulier l'a montré- -n'est pas valable. Nous n'avons pas à attribuer l'existence de forces centrifuges nécessairement à un mouvement de K0 [récipient en ro-

tation uniforme] ; nous pouvons plutôt aussi bien les attribuer au mouvement relatif moyen des masses éloignées environnantes par rapport à K0, et traiter K0 comme étant au 'repos'.121

Einstein remarqua que le fait que les lois de la mécanique et de la gravitation de Newton ne permettent pas une telle interprétation des forces centrifuges à l'aide de l'hypothèse de Mach pourrait bien être dû à des déciences de la théorie de Newton. Einstein vit un argument important en faveur de la relativité rotation- nelle dans le fait qu'il n'y a pas moyen de distinguer un champ centrifuge d'un

118Albert Einstein, "Pinciples of Research," allocution donnée lors de la célébration du

soixantième anniversaire de Max Planck (1918) devant la Société de physique de Berlin, dans Albert Einstein, Ideas and Opinions (1954 ; rpt., New York : Dell, 1976), p. 221.

119Einstein, "Antrittsrede" (1914), pp. 741-42. 120Einstein, "Formale Grundlage" (1914).

121"Dies Argument ist aber- -wie insbesondere E. Mach ausgeführt hat- -nicht stichhaltig.

Die Existenz jener Zentrifugalkräfte brauchen wir nämlich nicht notwendig auf eine Bewegung von K0 [récipient en rotation uniforme] zurückzuführen ; wir können sie vielmehr ebensogut zurückführen auf die durchschnittliche Rotationsbewegung der ponderabeln fernen Massen der Umgebung in bezug auf K0, wobei wir K0 als 'ruhend' behandeln," ibid., p. 1031.

114CHAPITRE 4. PREMIÈRE ÉBAUCHE DE LA THÉORIE DE LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE (1913−1915) champ gravitationnel étant donné que les forces centrifuges et gravitationnelles

sont toutes les deux proportionnelles à la même constante de la masse. Ainsi un champ centrifuge d'un système en rotation peut être considéré via l'hypothèse de Mach comme un champ physique (gravitationnel) dans le même système, considéré au repos. Einstein remarqua qu'il y a un parallèle entre ce cas et la situation en relativité restreinte, où une force magnétique (q−→v ∧−→B) agissant sur une charge électrique en mouvement dans un champ magnétique peut être considérée comme une force électrique (q−→E) dans le référentiel propre de la particule122 (les forces magnétique et électrique correspondant respectivement

aux forces centrifuge et gravitationnelle). Les considérations ci-dessus montrent clairement que la motivation principale d'Einstein dans le développement de sa théorie était d'éliminer le concept d'espace absolu. A la n de son article, Ein- stein mentionna de nouveau la relativité de l'inertie comme étant complètement en accord avec "l'esprit" (Geist) de sa théorie, selon lequel l'espace ne peut avoir de propriétés physiques propres.123

En résumé : Einstein autour de 1913 était toujours principalement un idéa- liste épistémologique désirant éliminer des propriétés absolues de la physique à cause de leur nature métaphysique. Le succès de la relativité restreinte avait en eet montré la fécondité d'une telle position épistémologique. Pourtant, l'idéa- lisme épistémologique d'Einstein ne fut qu'un moyen dans une conception du monde plus large, fondée sur sa croyance en Dieu, et qui devait évoluer de plus en plus explicitement vers un idéalisme métaphysique.124

4.4.2 Accueil de la théorie

Bien que l'accueil de la théorie d'Einstein soit quelque peu en dehors du cadre de cet ouvrage et a été traitée dans une certaine mesure ailleurs,125 nous

allons néanmoins dire quelques mots à ce sujet an de montrer que la théorie Entwurf d'Einstein a, dans son ensemble, été accueilli plutôt négativement par ses collègues, en particulier par Gustav Mie, Max Planck et Max Abraham.

La réception négative débuta à la 85i`emeVersammlung deutscher Naturfor-

scher und Ärzte à Vienne en septembre 1913,126 à laquelle Einstein avait été

invité pour donner un résumé de sa nouvelle théorie. A une époque où il y avait encore des doutes sur la validité du principe de relativité restreinte, la dicile tâche d'Einstein était de présenter une théorie que quelques personnes pou- vaient considérer comme étant encore plus incompréhensible, et qui était fondée sur l'idée épistémologique d'une relativité générale. Ceci explique pourquoi Ein- stein décida de procéder prudemment. Il devait d'abord commencer avec un

122Ibid., p. 1032. 123Ibid., p. 1085.

124Comparer avec Gerald Holton, "Mach, Einstein, and the Search for Reality," Deadalus,

Spring 1968, pp. 636-73 ; dans Gerald Holton, Thematic Origins of Scientic Thought (Cam- bridge, MA : Harvard University Press, 1973), pp. 219-59.

125Lewis Robert Pyenson, "The Goettingen Reception of Einstein's General Theory of Re-

lativity" (Ph.D. dissertation, Johns Hopkins University, 1974).

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