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CONCEPTIONS PHILOSOPHIQUES D'EINSTEIN ET RÉCEPTION DE LA THÉORIE115 ensemble d'exigences raisonnables et ensuite présenter sa théorie comme ayant

Première ébauche de la théorie de la relativité

4.4. CONCEPTIONS PHILOSOPHIQUES D'EINSTEIN ET RÉCEPTION DE LA THÉORIE115 ensemble d'exigences raisonnables et ensuite présenter sa théorie comme ayant

ces caractéristiques, ainsi que d'autres supplémentaires, comme celle incorpo- rant la relativité générale, du moins dans une certaine mesure, et la relativité de l'inertie. Ainsi, au début de sa conférence Einstein mentionna quatre hypothèses plausibles que l'on pouvait postuler (mais qu'il n'était pas nécessaire d'exiger toutes ensemble) pour une théorie de la gravitation :

1. la conservation de la quantité de mouvement et de l'énergie ;

2. l'égalité de la masse inerte et gravitationnelle pour des systèmes fermés ; 3. la validité du principe de relativité restreinte ;

4. l'indépendance des lois physiques vis à vis de la valeur absolue du potentiel de gravitation.

Einstein était conscient du fait que, à part la première hypothèse, les autres n'étaient pas encore universellement acceptées : "Je suis pleinement conscient de la circonstance que les postulats 2-4 ressemblent plus à une foi scientique qu'à un fondement sûr."127

Comme exemples de théories gravitationnelles, Einstein devait discuter de la seconde théorie scalaire de Nordström et de la théorie Entwurf, qu'il consi- dérait comme étant les généralisations les "plus naturelles" de la théorie de Newton.128Dans son article Entwurf, Einstein avait déjà examiné la possibilité

d'une théorie scalaire de la gravitation mais l'avait rejettée principalement à cause de sa conviction que le principe de relativité était valide par rapport à un groupe beaucoup plus étendu que le groupe des transformations linéaires orthogonales.129A la conférence de Vienne, Einstein ne pouvait pas utiliser cet

argument car il n'avait pas inclus l'exigence d'une relativité générale parmi ses quatre hypothèses plausibles. Einstein devait examiner en détail la deuxième théorie de Nordström non encore publiée à cette date.130Bien que cette théorie

ne donnait pas une déviation des rayons lumineux dans un champ gravitation- nel à cause de la constance postulée de la vitesse de la lumière, Einstein montra que cette théorie satisfaisait aux quatre exigences plausibles. La seule objec- tion qu'Einstein exprima fut que bien que la théorie prédisait une inuence de l'inertie d'une particule de la part des autres corps, l'inertie ne paraissait pas être "causé" par ces derniers car l'inertie augmentait lors du retrait des autres corps.131 En fait, en l'absence de décision expérimentale sur la déviation des

rayons lumineux dans un champ gravitationnel, c'était le seul argument qu'Ein- stein pouvait avancer en faveur de sa théorie. En 1914, Einstein et A. D. Fokker

127"Ich bin mir des Umstandes wohl bewusst dass die Postulate 2-4 mehr einem wissen-

schaftlichen Glaubensbekenntnis als einem gesicherten Fundamente ähnlich sind," ibid., p. 1251.

128Ibid.

129"Ich muss freilich zugeben, dass für mich das wirksamste Argument dafür, dass eine de-

rartige Theorie [théorie scalaire] zu verwerfen sei, auf der Überzeugung beruht, dass die Re- lativität nicht nur orthogonalen linearen Substitutionen gegenüber besteht, sondern einer viel weiteren Substitutionsgruppe gegenüber," Einstein/Grossmann, "Enrtwurf" (1913), p. 244.

130Gunnar Nordström, "Zur Theorie der Gravitation vom Standpunkt des Relativitätsprin-

zips," Annalen der Physik, 42 (1913), 533-54.

116CHAPITRE 4. PREMIÈRE ÉBAUCHE DE LA THÉORIE DE LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE (1913−1915) montrèrent que la théorie de Nordström pouvait même être formulée sous une

forme généralement covariante.132 En conséquence, la théorie scalaire de Nord-

ström, beaucoup plus simple, apparut comme une sérieuse rivale à la théorie Entwurf. Aussi tardivement qu'en 1917, Max von Laue devait encore écrire un article de synthèse défendant la théorie gravitationnelle de Nordström.133

Bien qu'Einstein considérait la seconde théorie de Nordström comme étant la principale rivale de sa propre théorie et avait traité exclusivement de cette théorie et de la théorie Entwurf lors de sa présentation à Vienne, d'autres phy- siciens comme Gustav Mie et Max Abraham ne partageaient pas ce point de vue et argumentèrent en faveur de leur propres théories de gravitation. Ceci les conduisit à une analyse critique de la théorie d'Einstein à laquelle se joignit Max Planck. La critique de tous ces physiciens montre que la plupart des hypothèses de base d'Einstein furent perçues comme étant plutôt incertaines à l'époque. La critique de Mie concernait principalement l'hypothèse de la stricte égalité des masses inerte et gravitationnelle et la tentative d'Einstein d'étendre le prin- cipe de relativité. Vis à vis de l'égalité des masses inerte et gravitationnelle, Mie t une distinction entre une égalité stricte et une égalité cohérente avec les expériences. Il rejettait l'idée d'une stricte égalité et ne pensait pas que l'on pouvait construire une théorie sur celle-ci : "J'ai en eet abandonné le principe d'une identité des masses inerte et gravitationnelle et ne crois pas que l'on peut fonder une théorie sur celle-ci."134Mie pensait que le rapport des masses inerte

et gravitationnelle dépendait de facteurs tels que la vitesse du corps et sa tem- pérature et croyait qu'il avait de bons arguments pour son point de vue.135 Les

arguments de Mie sont compliqués et ne reçurent pas de réponse directe d'Ein- stein. Le point intéressant est que les arguments de Mie illustrent la diversité des réponses à l'égalité expérimentale des masses inerte et gravitationnelle. Loin d'en déduire une stricte égalité théorique136comme le t Einstein, Mie pensait

qu'une telle égalité stricte était en fait théoriquement impossible dans le cas général mais il acceptait bien sûr une égalité restreinte en accord avec l'expéri- mentation. Ainsi, Mie argumentait que sa théorie, bien qu'elle n'incorporait pas une stricte égalité des deux types de masses, était néanmoins cohérente avec les résultats expérimentaux.

La seconde critique de Mie concernait le principe de relativité générale d'Ein- stein, bien qu'il fut conscient du fait que la théorie d'Einstein ne l'incorporait

132Albert Einstein et A. D. Fokker, "Die Nordströmsche Gravitationstheorie vom Standpunkt

des absoluten Dierentialkalküls," Annalen der Physik, 44 (1914), 321-28, sur 328.

133M. v. Laue, "Die Nordströmsche Gravitationstheorie (Bericht)," Jahrbuch der Radioakti-

vität und Elektronik, 14 (1917), 263-313.

134Ich habe allerdings das Prinzip von der Identität der schweren und der trägen Masse

fallen gelassen und glaube auch, dass man darauf keine Theorie gründen kann," Einstein, "Zum gegenwärtigen Stande des Gravitationsproblems" (1913), Discussion, p. 1266.

135Gustav Mie, "Bemerkungen zu der Einsteinschen Gravitationstheorie, I, II," Physikalische

Zeitschrift, 15 (1914), 115-22 et 169-76, sur 118.

136Comme une égalité expérimentale ne peut induire une égalité mathématique, la position

de Mie est logiquement correcte. Une position similaire fut adopté par Gustav Robert Kirch- ho concernant sa loi de radiation qu'il justia théoriquement plutôt qu'expérimentalement ; voir par exemple Daniel M. Siegel, "Balfour Steward and Gustav Robert Kirchho : Two Independent Approaches to 'Kirchho's Radiation law,'" Isis, 67 (1976), 565-600.

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