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CONCEPTIONS PHILOSOPHIQUES D'EINSTEIN ET RÉCEPTION DE LA THÉORIE111 Planck écrivit : "Par conséquent, rien ne nous empêche et notre désir d'une

Première ébauche de la théorie de la relativité

4.4. CONCEPTIONS PHILOSOPHIQUES D'EINSTEIN ET RÉCEPTION DE LA THÉORIE111 Planck écrivit : "Par conséquent, rien ne nous empêche et notre désir d'une

conception uniée du monde l'exige, d'identier les deux forces eectives uni- verselles et pourtant mystérieuses, l'ordre du monde de la science et le Dieu de la religion."109

Parallèlement à l'évolution philosophique de Planck de l'idéalisme épistémo- logique vers un idéalisme métaphysique, Einstein devait lui aussi évoluer vers un idéalisme métaphysique au cours de ses dernières années. Bien qu'Einstein ne fut pas religieux dans le sens d'une pratique de rites religieux, Einstein durant toute sa vie fut fortement convaincu que le monde était le résultat d'un esprit supérieur.110 Déjà dans son enfance, Einstein associait l'harmonie du monde

avec Dieu et développa des conceptions religieuses proches du panthéisme de Spinoza.111Ceci est conrmé par la déclaration ultérieure d'Einstein : "Je crois

dans le Dieu de Spinoza, qui se révèle dans l'harmonie du monde," et plus loin, "La conception de Spinoza a toujours été proche pour moi et j'ai toujours ad- miré cet homme et son enseignement."112Comme le panthéisme identie Dieu

et la nature, il s'ensuit que si Dieu est considéré comme esprit, alors la nature est également esprit d'une certaine façon. Qu'Einstein considérait Dieu comme esprit résulte explicitement de sa remarque énoncé vers 1927 : "Ma religiosité consiste dans l'humble admiration de l'esprit inniment supérieur qui se révèle lui-même dans le peu que nous, avec notre faible et incertain entendement, pou- vons saisir de la réalité."113En conséquence, la position philosophique d'Einstein

était celle de l'idéalisme métaphysique dans lequel la réalité est non seulement de type esprit mais est fortement reliée à Dieu lui-même.

Comme pour Planck, l'idéalisme métaphysique d'Einstein était la source de sa croyance dans une existence indépendante du monde par rapport à l'esprit hu- main. Comme Dieu était étroitement associé à l'Univers, il existait des principes objectifs que le rôle du scientique était de découvrir. Pour Einstein, trouver ces principes était semblable à deviner les pensées de Dieu sur l'Univers. Cette formulation est conrmée par Max Born, qui en parlant d'Einstein, écrivit : "Il

109"Nichts hindert uns also, und unser nach einer einheitlichen Weltanschauung verlangender

Erkenntnistrieb fordert es, die beiden überall wirksamen und doch geheimnisvollen Mächte, die Weltordnung der Naturwissenschaft und der Gott der Religion, miteinander zu identizieren. Danach ist die Gottheit, die der religiöse Mensch mit seinen anschaulichen Symbolen sich nahezubringen sucht, wesensgleich mit der naturgesetzlichen Macht, von der dem forschenden Menschen die Sinnesempndungen bis zu einem gewissen Grade Kunde geben," Max Planck, "Religion und Naturwissenschaft," Conférence, donnée au Baltikum, mai 1937, dans Max Planck, Vorträge und Erinnerungen, 5ème ed. élargie de Wege zur Physikalischen Erkenntnis (Stuttgart : S. Hirzel Verlag, 1949), p. 331.

110Carl Seelig, Albert Einstein (Zürich : Europa Verlag, 1960), p. 111.

111Anton Reiser, Albert Einstein : A Biographical Portrait (New York : Albert & Charles

Boni, 1930), pp. 28-30 ; voir également Einstein, "Autobiographical Notes," pp. 3-5.

112"Ich glaube an Spinozas Gott, der sich in der Harmonie des Seienden oenbart" ; "Die

spinozistische Auassung ist mir immer nahe gewesen und ich habe diesen Mann und seine Lehre stets bewundert," cité par Seelig, Albert Einstein (1960), p. 258.

113"Meine Religiosität besteht in einer demütigen Bewunderung des unendlich Überlegenen

Geistes, der sich in dem Wenigen oenbart, was wir mit unserer schwachen und hinfälligen Vernunft von der Wirklichkeit zu erkennen vermögen," traduction en anglais et original en alle- mand dans Helen Dukas and Banesh Homann, Albert Einstein, the Human Side (Princeton, NJ : Princeton University Press, 1979), p. 66.

112CHAPITRE 4. PREMIÈRE ÉBAUCHE DE LA THÉORIE DE LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE (1913−1915) croyait dans le pouvoir de la raison de deviner les lois selon lesquelles Dieu a

construit le monde."114 De même, Arnold Sommerfeld, un autre proche d'Ein-

stein écrivit : "De nombreuses fois, lorsqu'une nouvelle théorie lui apparaissait arbitraire ou forcée, il remarquait : 'Dieu ne fait rien de tel.' J'ai souvent senti et également occasionnellement indiqué qu'Einstein est en particulière étroite relation avec le Dieu de Spinoza."115On pourrait peut-être penser que de telles

remarques ne s'appliquent à Einstein que durant ses dernières années. En fait, il apparaît qu'Einstein pratiqua cette sorte de jeu de devinette durant toute sa carrière. Ainsi, en 1905, dans une lettre à Habicht, Einstein écrivit : "La re- exion est amusante et fascinante ; mais dans quelle mesure Dieu ne rigole pas à ce sujet et s'est moqué de moi, je ne le sais pas."116

La croyance d'Einstein dans la possibilité de deviner les principes premiers d'une théorie explique pourquoi il ne pensait pas qu'il y avait une façon systé- matique de les trouver. Ainsi, le 2 juillet 1914, dans son discours inaugural à l'Académie de Berlin, après avoir décrit la méthode du théoricien comme consis- tant a) à rechercher les principes premiers, et b) à développer les conséquences de ces principes, Einstein distingua la première activité de la seconde comme suit :

La première des taches mentionnées ; à savoir, la formulation des principes, qui doivent servir de base à la déduction, est d'une toute autre nature. Ici, il n'y a pas de méthode que l'on peut apprendre, de méthode systématique pour atteindre l'objectif. Pour obtenir ces principes généraux, le chercheur doit plutôt écouter aux portes de la nature an d'apercevoir des traits généraux dans de grands en- sembles de faits expérimentaux et suceptibles d'une formulation pré- cise.117

Le passage montre que pour Einstein la découverte des principes était essen- tiellement un processus personnel, intuitif et non systématique consistant dans une écoute sympathique de la nature. Quatre années plus tard, Einstein de- vait insister sur le même point : "La tache suprême du physicien est d'arriver à ces lois universelles élémentaires à partir desquelles le cosmos peut être re- construit par pure déduction. Il n'y a pas de chemin logique vers ces lois ; seule

114Max Born, "Physics and Relativity," conférence donnée lors de l'International Relativity

Conference à Berne le 16 juillet 1955, dans Max Born, Physics in My Generation, 2nd revised ed. (New York : Springer, 1969), p. 114.

115Arnold Sommerfeld, "To Albert Einstein's Seventieth Birthday," dans Schilpp, Albert

Einstein, 1, 103.

116"Die Überlegung ist lustig und bestechend ; aber ob der Hergott nicht darüber lacht und

mich an der Nase herumgeführt hat, das kann ich nicht wissen," Einstein à Conrad Habicht, pas de date, dans Seelig, Albert Einstein (1960), p. 126.

117"Die erste der genannten Aufgaben, nämlich jene, die Prinzipe aufzustellen, welche der

Deduktion als Basis dienen sollen, ist von ganz anderer Art. Hier gibt es keine erlernbare, sys- tematisch anwendbare Methode, die zum Ziele führt. Der Forscher muss vielmehr der Natur jene allgemeinen Prinzipe gleichsam ablauschen, indem er an grösseren Komplexen von Erfah- rungstatsachen gewisse allgemeine Züge erschaut, die sich scharf formulieren lassen," Albert Einstein, "Antrittsrede," Sitzungsberichte der K. Preussischen Akademie der Wissenschaften, Berlin, partie 2 (1914), pp. 739-42, sur p. 740.

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