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CONCEPTIONS PHILOSOPHIQUES D'EINSTEIN ET RÉCEPTION DE LA THÉORIE109 La lettre révèle que Mach était intéressé par la théorie Entwurf, et plus impor-

Première ébauche de la théorie de la relativité

4.4. CONCEPTIONS PHILOSOPHIQUES D'EINSTEIN ET RÉCEPTION DE LA THÉORIE109 La lettre révèle que Mach était intéressé par la théorie Entwurf, et plus impor-

tant qu'Einstein considérait le rejet épistémologique du concept d'espace absolu comme le principal argument qu'il pouvait avancer en faveur de sa théorie. Pour Einstein il était "absurde" d'attribuer des propiétés physiques à l'espace lui- même. Nous verrons que cette conviction épistémologique devait conduire Ein- stein, en 1917, à introduire le terme cosmologique dans ses équations de champ. Ce fut la même exigence philosophique qui était à la base de la conception de l'inertie d'Einstein selon laquelle un corps ne devrait pas avoir d'inertie par lui-même mais seulement relativement à d'autres corps. Le rejet des propriétés absolues facilita également l'abandon par Einstein du principe de la constance de la vitesse de la lumière. Il écrivit : "Cela me semble incroyable que l'évolu- tion de n'importe quel phénomène (par exemple, celui de la propagation de la lumière) puisse être conçue comme étant indépendante de tous les autres phé- nomènes dans le monde."98 Einstein devait répéter maintes fois son rejet des

propriétés absolues de l'espace (i.e., d'accélération absolue) dans ses publications scientiques.99

La lettre d'Einstein de nouvel an à Mach indique également que Planck était contre la théorie Entwurf. L'opposition de Planck doit être considérée dans le contexte du débat Mach-Planck. Le point central du débat concernait l'utilité de la métaphysique en physique. Initialement, Planck avait été un adepte enthou- siaste de Mach, mais plus tard il changea son point de vue car contrairement à Mach qui rejettait toute métaphysique (aussi bien matérialiste qu'idéaliste) en science, Planck en vint à l'idée qu'ultimement la physique ne pouvait pas se dis- penser de l'idée métaphysique d'une réalité objective existant indépendamment de l'observateur.100En 1908, Planck devait défendre ce point de vue en opposi-

tion avec la ligne de pensée de Mach, allant jusqu'à sous-entendre que Mach, qui

Verhalten der Massstäbe und Uhren regiert," ibid., p. 8.

Si la datation de la lettre est correcte, alors il semble que Mach exprimait encore une attitude amicale envers la théorie Entwurf dans sa correspondance avec Einstein, après même que Mach eût décliné, en juillet 1913, d'adopter pour lui-même la relativité restreinte dans la préface de son livre : Ernst Mach, Die Prinzipien der physikalischen Optik, Historisch und erkenntnispsychologisch entwickelt (Leipzig : J. A. Barth, 1921). Le contenu de la préface ne fut connu d'Einstein qu'après la publication du livre en 1921.

98"Es erscheint mir unglaublich, dass der Ablauf irgendeines Vorganges (z.B. der der Lich-

tausbreitung im Vakuum) als unabhängig von allem übrigen Geschehen in der Welt aufgefasst werden könne," Einstein, "Prinzipielles" (1914), p. 176.

99Durant la période 1913-15, de tels armations se trouvent dans Einstein, "Physikalische

Grundlagen einer Gravitationstheorie" (1913), p. 290 ; "Zum gegenwärtigen Stande des Gra- vitationsproblems" (1913), p. 1255 ; "Prinzipielles" (1914), p. 176 ; "Zur Theorie der Gravita- tion" (1914), p. v ; "Formale Grundlage" (1914), pp. 1031-32.

100"Zählte ich mich doch in meiner Kieler Zeit (1885-1889) zu den entschiedenen Anhängern

der Machschen Philosophie, die, wie ich gerne anerkenne, eine starke Wirkung auf mein physi- kalisches Denken ausgeübt hat. Aber ich habe mich später von ihr abgewendet, hauptsächlich, weil ich zur der Ansicht gelangte, dass die Machsche Naturphilosophie ihr glänzendes Verspre- chen, das ihr wohl die meisten Anhänger zugeführt hat : Die Eliminierung aller metaphysischen Elemente aus der physikalischen Erkenntnislehre, keineswegs einzulösen vermag," Max Planck, "Zur Machschen Theorie der physikalischen Erkenntnis," Physikalische Zeitschrift, 11 (1910), 1186-90, sur 1187.

110CHAPITRE 4. PREMIÈRE ÉBAUCHE DE LA THÉORIE DE LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE (1913−1915) était agé de 70 ans et à moitié paralysé, était un "faux prophète".101 Mach102

répondit avec dignité et réserve et ne donna pas suite à la réponse de Planck.103

Dans cette dernière réponse, Planck, en particulier, attaqua l'idée de Mach d'une relativité de tous les mouvements de rotation comme étant "physiquement to- talement inutile."104 Il argumenta qu'une telle conception va à l'encontre du

résultat qu'une vitesse angulaire d'un corps inniment éloigné (avec un axe de rotation à distance nie) ne peut être nie (Planck apparemment supposa une vitesse nie du corps) et remettrait en cause le grand progrès apporté par la conception Copernicienne du monde. Comme la théorie d'Einstein essayait pré- cisément d'incorporer l'idée de Mach d'une relativité générale, on peut aisément comprendre pourquoi Planck, initialement, était fortement contre.

La diérence entre les positions philosophiques de Mach et de Planck était celle existant entre l'idéalisme épistémologique et l'idéalisme métaphysique. Tan- dis que Mach s'était restreint (au moins en public) à un idéalisme épistémo- logique, Planck avait évolué vers un idéalisme métaphysique ce qui explique son concept de réalité. Planck avait grandi dans une famille religieuse et avait d'éminents professeurs de théologie (grand-père et arrière grand-père) parmi ses ancêtres.105Dans ses lettres à l'historien de religion Alfred Bertholet, Planck re-

connut que depuis son enfance, il avait maintenu une forte croyance dans un Dieu tout puissant et bienveillant.106Il apparaît que le monde pour Planck étant une

création de Dieu et comme Dieu a une existence objective au-delà des percep- tions des êtres humains, il était naturel pour Planck de croire que le monde pos- sédait également des traits objectifs existant indépendamment des perceptions humaines. En eet pour Planck, de tels traits objectifs et plus spéciquement, la structure permanente derrière la diversité des phénomènes constituaient son concept de réalité.107En fait, dans ses dernières années, Planck vint à associer

cette structure permanente du monde avec Dieu lui-même et évolua vers une conception panthéiste du monde dans le sens de Spinoza et de Goethe.108Ainsi

101M. Planck, "Die Einheit des physikalischen Weltbildes," Physikalische Zeitschrift, 10

(1909), 62-75 ; Conférence donnée le 9 décembre 1908 dans la naturwissenschaftliche Fakultät des Studentenkorps, Universität Leiden, dans Max Planck, Physikalische Abhandlungen und Vorträge (Braunschweig, 1958), 3, 29.

102Ernst Mach, "Die Leigedanken meiner naturwissenschaftlichen Erkenntnislehre und ihre

Aufnahme durch die Zeitgenossen," Physikalische Zeitschrift, 11 (1910), 599-606.

103Planck, "Zur Machschen Theorie der physikalischen Erkenntnis," (1910). 104Ibid., p. 1189.

105Hans Hartmann, Max Planck : als Mensch und Denker (Berlin : Verlag Karl Siegismund,

1938), p. 13-14.

106Alfred Bertholet, "Erinnerungen an Max Planck," Physikalische Blätter, 4 (1948), 161-80

sur 162.

107"Das konstante einheitliche Weltbild ist aber gerade, wie ich zu zeigen versucht habe, das

feste Ziel, dem sich die wirkliche Naturwissenschaft in allen ihren Wandlungen fortwährend annähert, ... Dieses Konstante, von jeder menschlichen, überhaupt jeder intellektuellen Indi- vidualität Unabhängige ist nun eben das, was wir das Reale nennen," Planck "Die Einheit des physikalischen Weltbildes," dans Planck, Abandlungen, 3, 27.

108Friedrich Herneck, "Ein Brief Max Plancks über sein Verhältnis zum Gottesglauben,"

Forschungen und Fortschritte, 32 (1958), 364-66, sur 366 ; "Bermerkungen zur Religiosität Max Planck," Physikalische Blätter, 16 (1960), 382-84, sur 384 ; Lise Meitner, "Max Planck als Mensch," Die Naturwissenschaften, 45 (1958), 406-08, sur 408.

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