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Le Dialogus pro Ecclesia contra Synagogam : une preuve de bonne foi ?

Gonzalo García de Santa María (1447-1521) : portrait d'un érudit aragonais

C. La menace de l’Inquisition

2. Le Dialogus pro Ecclesia contra Synagogam : une preuve de bonne foi ?

L’ombre de l’Inquisition apparaît encore autour de Gonzalo García de Santa María à travers la figure de l’inquisiteur Alonso Sánchez de Alarcón. Le chanoine de Palencia, accompagné de Fray Juan Colvera, dominicain, et de Juan de Colmenares, abbé du monastère prémontré d’Aguilar de Campo, fut envoyé à Saragosse par Tomás de Torquemada pour renouveler, après 1485, le contingent des inquisiteurs en Aragon et pour enquêter sur l’assassinat de Pedro Arbués199. Or le nom de Sánchez de Alarcón est mentionné dans le prologue au Dialogus pro Ecclesia contra Synagogam, œuvre anonyme dont Gonzalo García

197 H. C. LEA, op. cit., I, p. 338. Kamen rappelle que Ferdinand « tampoco intentó jamás destruir a los conversos en cuanto fuerza política. El rey fue lo suficientemente astuto como para darse cuenta de que los conversos constituían un poderoso grupo en la Corona de Aragón con el que no podía jugar. Contaba con su apoyo desde el comienzo de su reinado y, a cambio, Fernando apoyó a los que no se metieron en problemas » (H. KAMEN, op.

cit., p. 59).

198 Un dernier élément peut encore venir confirmer ces condamnations. Diego Dormer, dans sa correspondance avec Juan Francisco Andrés de Uztarroz indique que Martín García Puyazuelo – qui fut entre autres chanoine de l’église métropolitaine de Saragosse et évêque de Barcelone – eut en sa possession des livres qu’il prit à Gonzalo García de Santa María dans l’exercice de ses fonctions d’inquisiteur (D. J. DORMER, Papeles referentes al Reino

de Aragón, Madrid, BNE, Ms. 18723/13, fol. 14). Nous ignorons la date de cette supposée confiscation. Martin

de Caspe fut l’un des trois premiers inquisiteurs de Saragosse, aux côtés de Gaspar Juglar et Pedro Arbués, et le seul survivant, après 1485, du trio initial. (Voir H. C. LEA, op. cit., I, p. 277 et p. 323, n. 33 et Juan Francisco SÁNCHEZ LÓPEZ, « Martín García Puyazuelo y su papel en el establecimiento de la Inquisición en Aragón »,

Anales : Anuario del centro de la UNED de Calatayud, 13, 2005, p. 233-244). C’est par ailleurs lui qui mena

l’autodafé au cours duquel comparut Violante de Velviure en 1486 (voir supra note 190). Dormer dit également avoir consulté une chronique dont il prétend qu’elle fut composée par Martín García à partir de mémoires trouvées dans les livres pris à Gonzalo. Dormer a copié de brefs extraits de cette chronique (D. J. DORMER,

Papeles referentes…, fol. 14-18), mais il est difficile de savoir quel crédit accorder aux affirmations de Dormer

concernant le contexte de composition de la chronique. Nous nous trouvons ici face à un nouveau fantôme historiographique, puisque de ce texte ne nous sont parvenus que les fragments copiés par Dormer. De ceux-ci, se dégage la sensation d’une prose assez sèche dont le contenu se rapproche davantage de la Corónica de Vagad que des RARG. Ce sont des détails relatifs à la mort du roi de Cordoue et au privilège de Roncal sous le règne de Fortuné Garsès – éléments figurant dans la Corónica et non dans les RARG – ainsi que l’évocation des armes d’Iñigo Arista, identique à celle que réalise Vagad, qui guident une telle interprétation.

199 Juan Antonio LLORENTE, Memoria historica sobre qual ha sido la opinion Nacional de España acerca del

de Santa María réalisa l’édition entre 1488 et 1490200, alors qu’il était inquiété par le Saint-Office. Dans le prologue, Gonzalo affirme avoir décidé d’éditer ce violent traité anti-juif pour faire bénéficier le plus grand nombre des réfutations avisées que celui-ci contenait ; il aurait été sacrilège, dit-il, de garder cela pour soi201. Il ajoute plus loin que c’est Alonso de Alarcón, chanoine de Palencia et inquisiteur à Saragosse, qui lui aurait soufflé l’idée de dédier l’ouvrage à Diego de Mendoza, archevêque de Séville car, d’une part, le nom et les vertus de l’archevêque méritaient d’être exaltés hors des frontières de sa province et, d’autre part, parce que Séville fut la première ville où fut instaurée l’Inquisition202. Peut-on imaginer, au-delà de l’instigation de la dédicace, qu’Alonso de Alarcón suggéra – ou exigea – que Micer Gonzalo produisît en toute urgence un écrit pour démontrer sa bonne foi face aux soupçons de l’Inquisition, et qu’il lavât ainsi sa réputation, tout en servant la cause du Saint-Office ? L’hypothèse n’est pas invraisemblable.

Le traité, exhumé au moment opportun, est à relier à la tradition des écrits polémiques rédigés entre le XIIIe et le XVe siècle, et en particulier au Scrutinium scripturarum de Pablo de Burgos, expressément cité dans le prologue203. Si ce traité vise à discréditer les fondements de

200 Dialogus pro Ecclesia contra Synagogam, prol. et éd. G. GARCÍA DE SANTA MARÍA, [Caesaraugusta] : Paulus Hurus, [1488-1490].

201 « Ceterum cum complector animo quam utile sit ad alienos judeorum errores qui sacris litteris proditi sunt ut etiam accedant vesana illa insana ac fatua que continentur in Talmuti codicibus cum in hoc opusculo diligentissime scripta sint et accuratissime refutata quodammodo sacrilegium committere visus sum si mihi soli hec patere et alios celare voluerim que auctor ille quicumque fuerit summa spe et industria studuerit omnibus nota fieri » [Par ailleurs, puisque je conçois combien il est utile, en ce qui concerne les erreurs contraires des juifs, qui sont révélées dans les textes sacrés, de permettre même d’accéder à ces choses insensées, folles et extravagantes qui sont contenues dans les manuscrits du Talmud, et puisque dans cet opuscule elles sont très scrupuleusement écrites et très soigneusement réfutées, il m’ a semblé, dans une certaine mesure que vouloir cacher aux autres ces choses, manifestes pour moi seul, serait un sacrilège, ces choses que cet auteur, quel qu’il ait été, avec une grande espérance et assiduité s’est appliqué à rendre connues de tous] (Ibid., fol. aiiv).

202 « Reuerendus sacre Theologie Magister Alfonsus de Alarcone Canonicus Palentinus vir integerrimus nostreque metro[po]lis generalis heretice prauitatis Inquisitor dominationis tue obseruantissimus id ut facerem hortatus est ut paterent eiusdem libri multa exemplaria nomenque tue dominationis qui litteras literatosque complecteris per diuersas exterasque prouincias passim vagaretur ac diffunderetur. Ad nullum enim prelatorum hic liber hac tempestate commodius dirigi poterat aut debebat quam ad te cuius metropolis caput initiumque fuit atque origo seuiendi in eos hereticos qui jampridem occulte legem mosaycam una cum euangelio ad hodierna usque tempora obseruauerunt » [Le révérend Maître de Théologie sacrée Alfonso de Alarcón, chanoine de Palencia, homme très honnête et Inquisiteur de l’abomination hérétique de notre métropole générale, très respectueux de ta souveraineté, nous a encouragé à faire cela pour que sortent au grand jour de nombreux exemplaires de ce livre et le nom de ta souveraineté, toi qui entoures de tes soins les lettres et les lettrés, pour qu’il soit répandu et diffusé de toutes parts dans diverses provinces extérieures. En effet à aucun des prélats ce livre, en ces temps calamiteux, ne pouvait ou ne devait être adressé de manière plus appropriée qu’à toi, dont la métropole fut la tête, le début et l’origine de la répression contre les hérétiques, qui depuis longtemps ont observé en secret la loi de Moïse en même temps que l’évangile, jusqu’aux temps présents] (Ibid., fol. aiii-aiiiv).

203 Ainsi pourrait-on citer, dans l’espace hispanique, le Mostrador de Justicia de Alfonso de Valladolid, l’Ad

convincendum perfidiam Judaeorum et le De Iudaicis erroribus ex Talmut de Jerónimo de Santa Fe, le Tractatus contra iudaeos de Pedro de Valencia, le Zelus Christi contra Judaeos, Sarracenos et infideles de Pedro de la

Caballería, le Tractatus contra iudaeos de Jaime Pérez de Valencia, le Defensorium unitatis christianae d’Alonso de Cartagena, le Tractatus contra madianitas et ismaelitas de Juan de Torquemada, l’Instrucción del

la religion juive, il permet du même coup à son éditeur de démontrer la sincérité de sa foi chrétienne204. En effet, au-delà d’un labeur d’« utilité publique », Gonzalo García de Santa María fait de l’édition de ce texte un rempart : en citant l’inquisiteur Sánchez de Alarcón et l’archevêque Diego de Mendoza, il place son travail sous leur autorité et sa personne sous leur protection. La virulence du prologue contre les juifs a pour pendant la défense des judéo-convers – « Nonnulli enim qui apud eos fuerunt excellentes viri, postea illuminati et ad fidem catholicam conuersi arcana eorum retexerunt » [Quelques-uns, en effet, qui parmi eux furent d’excellents hommes, ensuite illuminés et convertis à la foi catholique, dévoilèrent leurs secrets]205 – auxquels le juriste se rattache ouvertement par sa parenté proclamée avec Pablo de Burgos206. Ainsi, Gonzalo ne fait pas de son ascendance conversa un motif d’infamie ou de suspicion mais, au contraire, d’orgueil et de prestige. Bien plus, il réussit le tour de force de purifier symboliquement sa lignée en reliant le blason de l’archevêque de Séville à son nom de famille :

Amplectere igitur Presul egregie opusculum hoc tuo nomini dicatum ea humanitate qua etiam ex[i]gua munera infimorum hominum accipere soles. Quod si minus est quam tante dignitate conueniat attribuito id splendori ac magnitudini tue que tanta est ut nullus eam aliquo pari numere consequi possit. Cuius quidem rei apertissimum argumentum est quod tue antique familie nobilissima insignia angelica salutatione per oram scuti circundantur quod est non solum excellentis antiquitatis verum etiam catholice religionis integreque fidei manifestum indicium. Cumque nomen agnationis mee de Sancta Maria cum eiusdem Virginis gloriose salutatione quam tu in scuto geris conveniat hunc prologum eiusque auctorem iure tuo tibi meo iudicio vendicasti207.

[Embrasse donc, chef illustre, cet opuscule dédié à ton nom, dans cet esprit d’humanité dont tu témoignes toujours pour recevoir les présents, même petits, des plus infimes des hommes. Et s’il est inférieur à ce que requiert une si grande dignité,

Relator de Fernán Díaz de Toledo ou le Fortalitium fidei d’Alonso de Espina. Tous les traités cités furent écrits

par des convers. Le Dialogus n’est pas un texte d’origine hispanique, mais il appartient à la même tradition de littérature polémique européenne. Je donne plus d’information sur la genèse du texte, son attribution et son contexte de production dans le chapitre VII.E.2. L’éditeur et le correcteur littéraire.

204 Selon Moisés Orfali, la rédaction de ce type d’écrits, avec cet objectif précis, constitue un trait caractéristique de la mentalité conversa. Plus que des disputes théologiques, ils sont, pour leurs auteurs, un gage de foi donné à la société, et traduisent l’obsession des nouveaux convertis à se voir assimilés à la majorité chrétienne. Voir Moisés ORFALI, « El judeoconverso hispano : Historia de una mentalidad », in : Carlos BARROS (éd.), Xudeos e

conversos na Historia. Actas do Congreso Internacional. Ribadavia 14-17 de Outubro 1991, Santiago de

Compostela : La Editorial de la Historia, 1994, p. 117-134).

205 Dialogus pro Ecclesia..., fol. aiii-aiiiv.

206

« Cuius quidem rei [l’excellence des convers] domestico ipse cognitationis mee abundo exemplo. Reuerendus enim pater dominus Paulus de Sancta Maria Burgensis Episcopus patris mei amitinus in suo illo diuino libro quod scrutinium scripturarum inscribitur testatur [...] » [Et j’abonde moi-même à ce fait par un exemple de ma connaissance, pris dans ma famille. En effet le révérend père monseigneur Pablo de Santa María, évêque de Burgos, fils de la tante de mon père, dans son divin livre qu’il a intitulé Scrutinium scripturarum affirme...] (Ibid., fol. aiiiv).

attribue cela à ta splendeur et à ta grandeur, qui sont telles que nul ne peut les atteindre à un tel degré. Et j’en veux pour preuve la plus évidente que les très nobles insignes de ton antique famille soient entourées, aux contours de ton blason, de la salutation angélique, signe manifeste non seulement d’une remarquable ancienneté mais aussi de religion catholique et de foi authentique. Et puisque le nom que je dois à mon père, Santa Maria, s’accorde avec la glorieuse salutation de cette même Vierge que tu arbores sur ton blason, c’est à bon droit à mon avis que tu as revendiqué comme tien ce prologue et son auteur.]

L’ « angelica salutatione » désigne la devise des Mendoza – « Ave Maria gracia plena » – qui figure sur le blason de la famille et l’entoure. Un des incunables du Dialogus, conservé à l’Escorial, contient d’ailleurs une reproduction de ce blason (Figure 13).

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Figure 13 : Blason des Mendoza. RBME, San Lorenzo de El Escorial, incunable 3-XIII-5,

Dyalogus Ecclesie et Synagoge, fol. aii.

Gonzalo García affirme que la présence de ces mots sur le blason des Mendoza est l’indice non seulement d’une lignée ancienne et noble, mais encore – et surtout – d’une foi catholique intègre. L’archevêque de Séville est, bien entendu, au-dessus de tout soupçon, et cette précision sur la nature de sa foi a ici une fonction très particulière. Lorsque Micer Gonzalo rapproche son propre nom de famille de la formule contenue sur le blason, ce n’est pas

seulement, comme il le prétend, pour établir entre le dédicataire et l’auteur du prologue une sorte de continuité qui placerait ce texte liminaire sous l’autorité de l’archevêque de Séville. En réalité, Gonzalo opère un glissement. Si l’archevêque et le juriste partagent le même prédicat marial l’un dans son blason, l’autre dans son nom de famille, ils partagent logiquement les attributs qui découlent de ce prédicat et que Micer Gonzalo a énoncé clairement : « quod est non solum excellentis antiquitatis verum etiam catholice religionis integreque fidei manifestum indicium ». La foi authentique de l’archevêque rejaillit donc sur Gonzalo García, qui clôt par ce tour de passe-passe le prologue au Dialogus. Plus qu’un éloge du dédicataire, plus qu’une présentation et une justification de l’ouvrage, Gonzalo rédige donc à mon avis, dans ce prologue, sa propre défense contre l’Inquisition.

À en croire le Libro Verde, les effets de cette défense ne seraient que restreints étant donné que le Saint-Office réitérait ultérieurement son action contre Micer Gonzalo. Peut-être contribua-t-elle toutefois à en limiter les conséquences. En effet, le juriste réussit à poursuivre une carrière institutionnelle et intellectuelle riche qu’il est maintenant temps de décrire par le menu, en commençant par les années de formation du jeune Gonzalo.

V. Formation

Nous ne savons que bien peu de choses de la formation du jeune Gonzalo García de Santa María. De nombreux documents le concernant, ainsi que plusieurs de ses écrits, font état de son titre de docteur en droit208. Par ailleurs, il est parfois qualifié de « jurisconsultus », comme dans le manuscrit des RARG209, et lui est attribué de façon récurrente le titre de « Micer », réservé aux licenciés et docteurs en droits. Enfin, dans la lettre qu’il adresse à

208 Voir les occurrences (je souligne) dans le testament de son fils Pedro (« fijo legittimo y natural del magnifico micer Gonçaluo Garcia de Santa Maria doctor en quadavn derecho », APZ, Miguel Villanueva, 25-12-1504, Testamento, fol. 1), dans son propre testament de 1519 (« yo Gonçalo Garcia de Sancta Maria, Doctor en

Leyes », M. SERRANO Y SANZ, « Testamento de Gonzalo... », p. 472), dans l’en-tête d’une lettre de Ferdinand II d’Aragon (« Al amado nuestro Micer Gonzalo Garcia de Santa Maria doctor en derechos », RAH, A-14, fol. 220), dans le prologue du Dialogus pro Ecclesia contra Synagogam (« Gundissalui Garsie de sancta maria

juris ciuilis Doctoris in dialogum pro Ecclesia contra Synagogam, in lucem nuper […] prohemium », Dialogus

pro Ecclesia..., fol. aii) ou dans les RARG (« Regis Jacobi I Aragonum vita, per Gondissalvum Garsiam de

Sancta Maria, juriscivilis doctorem, civem Cesaraugustanum, edita », G. GARCÍA DE SANTA MARÍA, Regum

Aragonum..., fol. 63). On trouve parfois simplement le titre de « docteur » comme dans le colophon de la

chronique de Vagad (G. F. de VAGAD, op. cit., fol. CLXXX) ou dans le prologue du Caton en latín y romance (G. GARCIA DE SANTA MARIA, El Caton en latin y en romance, facsim. ed. de Zaragoza, 1493-1494, Valence : Librerías París-Valencia, 1997, fol. aiv). En vertu de la datation de ces œuvres et documents, il obtint ce titre avant 1490.

Ferdinand II en 1499, il affirme avoir été l’avocat de Beatriz de Heredia210. Ce fils de marchand suivit donc des études supérieures de droit. Il n’y a là rien de surprenant puisque les rejetons des couches intermédiaires de la société médiévale (en particulier les fils de marchands et de la petite noblesse) peuplaient les bancs de l’université, tandis que les enfants de la grande noblesse, destinés à la carrière militaire, ne la fréquentaient que rarement211. En effet, les études supérieures pouvaient offrir à un jeune fils de marchand des options professionnelles et des avantages intéressants, en particulier s’il n’héritait pas, en raison de sa situation de puîné, du négoce de son père212. L’université, ouverte à tous, exigeait toutefois que tout étudiant souhaitant s’inscrire eût suivi une éducation « primaire » (auprès d’un précepteur ou dans une école) et s’acquittât des droits de scolarité, à moins de bénéficier d’un privilège ou d’une exemption, comme par exemple d’un bénéfice ecclésiastique. Ce processus coûteux écartait d’emblée les familles les moins aisées. Dans le cas des Santa María, créanciers de Jean II, les ressources familiales devaient pouvoir suffire à financer les études du jeune Gonzalo. Il n’est toutefois pas à exclure qu’il ait pu bénéficier, malgré tout, d’une quelconque bourse.

Mais où Gonzalo fit-il son droit ? De la lecture d’un document conservé aux Archives de la couronne d’Aragon, dans lequel le jeune Santa María, âgé de 22 ans, apparaît fréquentant un cercle d’amis à Lérida213, je déduirais volontiers qu’il fut étudiant au Studium Generale de cette même ville. Cette université – la plus ancienne de la couronne d’Aragon – fut fondée le 1er septembre 1300 par le roi Jacques II d’Aragon, trois ans après qu’une bulle du pape Boniface VIII en eut autorisé la création. Dans un premier temps, Jacques II donna à Lérida un monopole dans toute la couronne d’Aragon, puisqu’il interdit que quiconque enseignât les matières qui y étaient dispensées ou fût instruit en celles-ci ailleurs dans le

210 M. SERRANO Y SANZ, « Cartas históricas… », p. 335.

211 Voir trois grandes synthèses sur l’histoire des universités : Hastings RASHDALL, Universities of Europe in the

Middle Ages, Oxford : Clarendon Press, 1895 ; Gian Paolo BRIZZI, et al., Le università dell'Europa, Cinisello Balsamo : Silvana, 1990 ; Hilde de RIDDER-SYMOENS (dir.), Universities in the Middle Ages, 1. A History of the

University in Europe, Cambridge : Cambridge University Press, 2003.

212 Cette situation change progressivement à la fin du XVe siècle et surtout au cours du XVIe, où les membres de la noblesse se tournent en masse vers l’université. Voir Jeremy LAWRANCE, « La Autoridad de la letra : un aspecto de la lucha entre humanistas y escolásticos en la Castilla del siglo XV », Atalaya. Revue française d’études

médiévales hispaniques, 2, 1991, p. 85-107, p. 11 et 24. Jérémy Lawrance prend l’exemple de l’évolution du

collège de Saint Barthélémy à Salamanque, originellement destiné à accueillir et à former des jeunes gens sans revenus, sélectionnés en fonction de leurs capacités, il devint bientôt, grâce à sa réputation d'excellence, un établissement chargé d'accueillir le meilleur de la noblesse. Voir également Id., « The universities in Spain at the end of the Middle Ages », Atalaya. Revue française d’études médiévales hispaniques, 6, 1995, p. 21-40.

territoire de la couronne, sous peine d’une amende de mille pièces d’or214. Quoique, ultérieurement, de nouveaux centres universitaires furent créés dans la couronne d’Aragon215, Lérida conserva une place prédominante durant plusieurs siècles216. Dès le début, le droit civil, le droit canonique, la médecine, la philosophie et les arts y furent enseignés217. Je crois