• Aucun résultat trouvé

Les Regum Aragonum res geste : éléments d’analyse

G. Quelques cas litigieux

2. Confusions liées au passage du modèle au texte-cible

Plus complexes sont les cas où les corrections concernées n’ont pas trait à la formulation mais affectent des données à valeur informative précise. Il ne peut alors s’agir ni de questions lexicales ou stylistiques, ni de reformulations, de refontes textuelles ou de repentirs. Les occurrences sont au nombre de quatre. Elles ne tolèrent d’autre explication, à mon avis, que celle de l’erreur s’étant immiscée dans le processus de traduction – si le manuscrit 992 est le premier brouillon témoignant de la traduction directe de la Corónica – ou de copie – s’il s’agit d’un brouillon intermédiaire recopiant et retravaillant un premier jet –622. Il faut ici pénétrer dans les mécanismes psychomoteurs régissant ces processus de transmission textuelle.

Au sujet du processus de copie, Alberto Montaner, s’appuyant sur les travaux d’Alberto Blecua623 et Elisa Ruiz624, distingue quatre moments clés :

El primero es la lectura de una parte del texto del modelo que se denomina perícopa; el segundo, pasar del plano del modelo al plano de la copia; el tercero, la escritura de la

621 G. F. de VAGAD, op. cit., fol. CLXXIIV-CLXXIII (je souligne).

622 Il n’est pas nécessaire de résoudre définitivement ici cette disjonctive, au sujet de laquelle j’ai déjà exprimé toutefois, mon opinion, en ce qui concerne la première partie du manuscrit (voir note 582 et réflexion p. 186). En effet, comme on le verra, les mécanismes de la traduction et de la copie revêtent un déroulement similaire.

623 Alberto BLECUA, Manual de crítica textual, Madrid : Castalia, 1983.

perícopa en la copia; y el cuarto, la vuelta al plano del modelo. A lo largo del proceso, el copista retiene el texto en la memoria; después se lo dicta a sí mismo para escribirlo de nuevo y, cuando regresa al plano del modelo, todavía retiene el final de la perícopa anterior, para buscarla y leer lo siguiente625.

Au cours de chacune de ces phases, peuvent se produire des erreurs. Le tableau suivant en offre la typologie (Figure 17) :

Phase 1

Erreurs de lecture Difficultés pour déchiffrer le modèle (écriture difficilement lisible, abréviation au développement incertain) ou phénomène de lectio facilior (le copiste lit inconsciemment ce qu’il s’attendrait à lire et non ce qui est effectivement écrit).

Phase 2

Erreurs de mémorisation Altération de l’ordre des mots, omissions ou, à nouveau, lectio facilior (dans ce cas mémorisation d’un synonyme plus courant à la place du mot original).

Phase 3

Erreurs de mise par écrit de la dictée intérieure Écriture d’un équivalent acoustique sans logique syntaxique ou sémantique, intégration d’éléments de conversation entendus par le scripteur au moment de la copie ou manque de coordination donnant lieu à des lapsus calami (phénomènes d’haplographie626 et de dittographie627).

Phase 4

Reprise de la lecture au mauvais endroit Sauts du même au même dus aux homéotéleutes628.

Figure 17 : Typologie des erreurs de copie en quatre phrases629

Dans l’hypothèse d’un travail de traduction, les mécanismes de va-et-vient entre le modèle et la copie et les erreurs potentielles sont, somme toute, similaires, quoique le processus soit hautement complexifié par les transferts d’une langue à l’autre. Ainsi la phase de

625 A. MONTANER FRUTOS, Prontuario de bibliografía. Pautas para la realización de descripciones, citas y

repertorios, Gijón : Trea, 1999, p. 92.

626 « Faute consistant à n'écrire qu'une seule fois une syllabe ou un mot qui devrait se trouver répété » (Ibid.).

627 « Répétition fautive d'un ou plusieurs mots » (Ibid.). On parle aussi de dittographie pour une répétition fautive de syllabes.

628

« Ensemble de mots terminés par la même syllabe, ou de phrases finissant par le même mot, susceptible de provoquer un saut du même au même » (Ibid., article « Homéotéleuton »).

mémorisation est-elle enrichie d’une transmutation linguistique, mobilisant des compétences et des connaissances spécifiques mais libérant le traducteur-scripteur des contraintes de mémorisation de l’ordre des mots et de l’exactitude de ceux-ci. Le processus de traduction voit la limitation des incohérences de mise par écrit (il faut en effet que la péricope soit comprise pour pouvoir être traduite, la mémorisation acoustique n’étant plus suffisante) mais l’apparition des maladresses et incongruités liées à la traduction mot à mot. Ici intervient l’aptitude du traducteur à percevoir le sens global des syntagmes et des phrases et à sélectionner avec pertinence les leçons à traduire. Enfin, le retour au plan du modèle est rendu plus complexe du fait de la transmutation de la péricope, qui doit être retraduite mentalement en sens inverse pour retrouver le point de reprise de la traduction. Le fait de traduire peut limiter les erreurs de reprise – c’est en effet le sens global du syntagme qui est recherché et non l’équivalence à une séquence acoustique concrète – mais n’exclut pas les cas de saut du même au même liés aux homéotéleutes.

Que se passe-t-il concrètement dans le texte de Gonzalo et en quoi ces éléments théoriques peuvent-ils nous permettre d’expliquer les cas litigieux restants relatifs à la détermination du sens de la traduction ? Je crois que Gonzalo, dans ces cas litigieux, commet en réalité à deux reprises une lectio facilior, sous des modalités légèrement différentes. Exposons une par une les occurrences.

Au folio 173v, Gonzalo écrit d’abord : « Congregant autem se omnes Capu1 ; illincque incipit bellum facere. Cum autem omnia prospere succederent, libido eum maxima invasit obsidend1 Capu1 » [Ils se réunissent tous à Capoue. Et de là il commence à faire la guerre. Comme tout advenait heureusement, le très grand désir d’assiéger Capoue l’envahit]630. Il corrige au-dessus de la ligne ce dernier mot aberrant par « Caiet1 » [Gaeta], conformément au texte de Vagad. Je crois que la lectio facilior intervient ici au-cours de la phase de mémorisation et de traduction mentale. Le juriste est vraisemblablement victime d’un « effet de mémoire » textuel. Ainsi conserve-t-il en tête le mot Capu2, qu’il vient d’utiliser, au lieu du mot correct, Caiet2, la confusion étant facilitée par la proximité acoustique des deux noms propres en latin. À la relecture, Gonzalo corrige toutefois son erreur631.

630

Je souligne.

631 Ce n’est pas toujours le cas. Je vois, au folio 171, un cas de figure similaire, sans correction ultérieure. Le mot « avunculus » est, contre toute logique, répété deux fois pour exposer l’identité d’un certain « de Finestrosa » (je souligne) : « Quo prelio quidam de Fenestrosa interiit, Mari1 de Padilla avunculus. Qui fuit regis Castell1 Petri cognomento Crudelis avunculus » [Et dans ce combat périt un certain de Fenestrosa, oncle de Maria de Padilla, qui fut l’oncle du roi Pierre de Castille dit le Cruel]. Le passage suscite l’étonnement de Zurita qui note en marge : « En la de Gauberto, de donde esto se traslada: “al tio de doña Maria de Padilla que se llamaua de

La lectio facilior peut également être motivée par des éléments extratextuels. C’est, à mon avis, ce qui se produit au folio 181v. Se référant au cardinal de Sienne, futur Pie II, Gonzalo écrit : « Andreas de Picholominibus » puis corrige en marge « Andreas » par « Eneas » comme dans la version de Vagad. La thèse de la lectio facilior est, ici encore, plausible, d’autant plus que les deux prénoms sont phonétiquement très proches. Le renom de la figure d’Andrea Piccolomini, personnage contemporain de García de Santa María, neveu de Pie II et célèbre figure siennoise – connu des Médicis, il fut le fondateur du Palacio Piccolomini de Sienne – contribua peut-être à cette lecture erronée632.

3. Cas marginaux

Le premier est à repérer au folio 156. Nous sommes à l’avant-dernier chapitre, consacré au règne de Ferdinand Ier d’Aragon. Dans les premiers paragraphes, le récit rappelle que Ferdinand d’Antequera renonça, en 1406, à agir au détriment du futur Jean II de Castille en refusant de succéder au roi Henri III. Jean, à la mort de son père, le roi Henri, n’était en effet qu’un enfant en bas-âge. García de Santa María nous dit, en plein texte, qu’il avait à peine un an. Mais l’adjectif « anniculo » (âgé d’un an) fait l’objet de deux variantes en marge, « trimulo » ou « trimatu » (âgé de trois ans), qui correspondent à l’âge donné par la Corónica633. Or c’est la version de Gonzalo que les manuels d’histoire rapportent634. C’est par ailleurs exactement le mot « anniculo » que l’on retrouve dans les Gesta Ferdinandi regis Aragonum de Laurent Valla (désormais Gesta)635. Marineo Sículo, de son côté, reste vague en utilisant le terme parvulus636. J’ignore d’où naît la version trouvée dans la Corónica et donnant trois ans à Jean II lors de la mort de son père, mais elle semble être un cas isolé, pour

Finestrosa, camarero mayor del rey don Pedro de Castilla” » (je souligne). La citation de Vagad est correcte (G. F. de VAGAD, op. cit., fol. CLXXv). Gonzalo a probablement commis, ici aussi, une répétition involontaire.

632 William ROSCOE, Vie de Laurent de Médicis, surnommé le Magnifique, traduite sur la seconde édition par François THUROT, Paris : Imprimerie de Baudouin An VIII (1799), vol. 2, p. 456 ; Pompeo LITTA, Famiglie

celebri di Italia, Milano : Presso Paolo Emilio Giusti, 1819-[1883], article « Piccolomini già Todeschini »,

vol. 7, table I ; Curzio UGURGIERI DELLA BERARDENGA, Pio II Piccolomini. Con notizie su Pio III e altri membri

della famiglia, Firenze : L.S. Olschki, 1973, p. 504 et 543 ; Ann Katherine CHIANCONE ISAACS, « Popolo e Monti nella Siena del primo Cinquecento », Rivista Storica Italiana, 82, 1970, p. 32-79, p. 56.

633 G. F. de VAGAD, op. cit., fol. CLVIv.

634

Par exemple : Pedro Andrés PORRAS ARBOLEDA, Juan II, 1406-1454, Palencia : Diputación Provincial, 1995, p. 29.

635 « Non enim esse ex vsu regni expectare donec anniculus adoleuerit, si modo adolescere daretur, cum Ferdinandus iam adultus praesto sit » [Il n’est pas en effet utile pour le royaume d’attendre que l’oncle ait grandi, si du moins il lui était donné de le faire, alors que l’on dispose de Ferdinand déjà adulte] (L. VALLA, Historiarum

Ferdinandi…, p. 30, je souligne).

ne pas dire une erreur637. Il n’est pas impossible que Gonzalo se soit trouvé ici devant un conflit de sources : la version étrange de Vagad contredisait peut-être une version plus largement admise, et du reste conforme au récit de Valla. Le juriste aurait donc préféré la deuxième option et reporté en marge l’âge douteux proposé par Vagad.

Reste le problème qui se pose au folio 168v. Il s’agit d’une confusion au sujet des points cardinaux. Alphonse V d’Aragon est en pleine lutte contre le capitaine Sforza pour le contrôle de la ville de Naples. Il défend également les intérêts de commerçants catalans faisant négoce dans ce port. Naples était en effet une des plaques tournantes du commerce en Méditerranée et les marchands catalans y faisaient de grands bénéfices. Voici le passage qui mentionne, dans les RARG et la Corónica, la mise en péril des intérêts catalans :

RARG Corónica

[...] cepitque illinc cum oppidanis et gentem Esforti1 acerrime pugnare multoque avidius et acrius cum sciverunt domos resque Cataloniorum Neapoli commorantium omnes pred1 positas fuisse. Itaque nisi supra viros pugnarent, eis non modo regis regnique, verum etiam amicorum, necessariorum ac rerum, merciumque suarum imminebat amissio.

Quecunque enim Catalani mercatores in septentrionem [au dessus de la ligne et en marge : orientem, levantem] comertii

gratia mittebant, omnia Neapoli onerabantur. Quam quidem ob rem plus eorum quam alterius cujusque gentis intererat ne regnum illud periret. Commodis igitur propriis et lucris

orientalibus vehementer stimulati, Catalani

acerrime bellabant […]638.

[Et il commença de là à lutter violemment contre les habitants et les troupes de Sforza et beaucoup plus avidement et âprement

[…] y comiença desde ahi a pelear brauamente con toda la gente de la ciudad, y con los de esforcia. E ya mucho mas de que saben que todas las posadas y faziendas de catalanes hauian puesto a sacomano, todo lo hauian repartido entre si. Assi que perdian si no esforçauan no solo el reyno y al rey, mas sus parientes amigos fazedores criados mercadurias negocios y todo el trato y

ganancias que fazian en leuante que todo se

armaua en napoles y aquel perdido todo lo de alla se perdia. Peleauan pues reziamente, […]639.

637 Je n’ai pas réussi à en trouver la trace dans ma prospection bibliographique. Zurita, très précis, indique que l’enfant avait vingt-deux mois à la mort de son père (J. ZURITA, Anales de Aragón [version electrónica]…, livre X, chapitre LXXXIV). Lupo de Spechio ne précise pas l’âge de Jean II (LUPODE SPECHIO, Summa dei re…, p. 133). La Crónica incompleta del reinado de Fernando I de Aragón est précisément lacunaire jusqu’à la rébellion du comte d’Urgel. Carbonell, Turell, Puigpardines – auquel on attribue abusivement les deux Sumaris

d’Espanya (S. HIREL-WOUTS, op. cit., p. 129) –, Rollán et Tomic ne s’intéressent pas aux épisodes antérieurs à l’accession au trône pas plus que l’auteur de la chronique du règne de Ferdinand contenue dans le manuscrit 212 de la Biblioteca Universitaria de Valencia. Du côté castillan, la Crónica de Juan II de Castilla offre une version légèrement différente de l’épisode de la proclamation du jeune Jean II par rapport à la tradition orientale et aucune mention d’âge n’y figure (Crónica de Juan II de Castilla, ed. Juan de Mata CARRIAZO Y ARROQUIA, Madrid : Real Academia de la Historia, 1982, p. 18-19).

lorsqu’ils apprirent que les maisons et tous les biens des Catalans habitant à Naples avaient été soumises au pillage. Ainsi, s’ils ne luttaient pas au-delà de leurs forces, la perte non seulement du roi et du royaume, mais encore de leurs amis, parents, biens et marchandises menaçait. En effet tout ce que les marchands catalans envoyaient pour le commerce au nord étaient chargé à Naples. Et à cause de cela, il était de leur intérêt, plus que de celui d’aucune autre troupe, que ce royaume ne soit pas perdu. Donc les Catalans, vivement stimulés par leurs intérêts propres et par les gains orientaux, luttaient âprement.]

Chez Gauberto c’est le Levant qui est l’objectif des routes commerciales passant par Naples. Chez Gonzalo, le texte est confus. Dans une note au-dessus de la ligne et débordant en marge, Gonzalo met en évidence une incohérence qui saute aux yeux, à savoir la mention du nord (« septentrionem ») comme direction de ces routes. Il ne raye pas le mot mais le glose avec les orientations qui paraîtraient plus logiques : « orientem », « levantem ». L’annotation est faite par la même main et la même plume, dans la continuité de l’écriture. Plus loin, le syntagme « commodis igitur propriis et lucris orientalibus », dont l’équivalent ne figure pas dans la Corónica, lève l’équivoque. L’irruption du terme « septentrionem » laisse perplexe. Or, il semble peu probable que Gonzalo se soit fondé sur une autre source que Vagad pour ce passage concret640. Ce cas isolé, qui reste énigmatique, semble remettre en question le processus de transmission textuelle jusqu’ici envisagé. Toutefois un seul élément ne saurait ébranler l’édifice intellectuel établi à partir de centaines d’exemples contraires641. Qui plus

638 G. GARCIA DE SANTA MARIA, Regum Aragonum…, fol. 168v (je souligne).

639

G. F. de VAGAD, op. cit., fol. CLXVIIv (je souligne).

640 D’une part, la ressemblance avec le fragment de la Corónica correspondant est très forte. D’autre part, la thèse selon laquelle cette variation nord/est pourrait être due à la provenance géographique distincte d’une hypothétique source alternative – le nord pour un chroniqueur sicilien pouvant par exemple être, suivant le contexte, l’est pour un chroniqueur catalan ou aragonais – ne me semble pas défendable. Que le chroniqueur soit sicilien, catalan ou aragonais, la seule route commerciale dans laquelle Naples jouait un rôle crucial pour les commerçants catalans, la route où ils envoyaient l’essentiel de leurs marchandises et à partir de laquelle ils s’approvisionnaient principalement était celle du Levant, terme utilisé pour désigner la Méditerranée orientale. Les marchands catalans y intervenaient en particulier comme des agents de réexportation. Les navires, passant par le détroit de Messine, circulaient essentiellement entre Naples, Rhodes, Beyrouth et Alexandrie. La route – distincte – des Flandres n’était d’ailleurs pas tant une route septentrionale qu’occidentale (« la route du Ponant ») puisque passant à l’Atlantique par Gibraltar (Mario DEL TREPPO, Els mercaders catalans i l'expansió

de la corona catalano-aragonesa al segle XV, trad. Jaume RIERA I SANS, Barcelona : Curial, 1976, p. 54 et plus généralement p. 15-255).

641 C’est l’accident qui ne remet pas en cause la théorie, phénomène reconnu par exemple par la critique textuelle : « Puisqu’une hirondelle ne fait pas le printemps, un seul cas où un manuscrit sort de ses alliances

est, quelques remarques peuvent avoir ici leur importance. D’une part, ce n’est pas le premier cas de confusion de points cardinaux que l’on trouve dans les RARG. Au folio 10v, on observait déjà une erreur dans la situation relative de la ville de Jaca au milieu des éléments géographiques l’entourant :

RARG Corónica

Est autem urbs Jacca quasi in valle sita. Habet autem a meridie rupem Uruelis que duobus miliis ab ea distat. Ab oriente vero novem miliis sunt excelsi montes Pyrenei qui Galliam ab Hispania dividunt estque ibi rupis [sic] quedam dicta Collarata. Orientem autem versus per eandem vallem, ad triginta milia, est sita Aynsa, [caput] Suprarbii. Distat autem ab urbe Jacca XXX miliis. In parte autem inferiori, occidentem versus, est oppidum Sanguossa et Cantabria reliqua642. [Or la ville de Jaca est située dans une sorte de vallée. Elle a, au sud, le rocher d’Uruel, à deux milles de distance. À neuf milles à l’est, se trouvent les hautes cimes des Pyrénées, qui séparent la Gaule de l’Espagne et il y a à cet endroit un sommet appelé Collarada. En suivant cette même vallée vers l’est, à trente milles, se situe Ainsa, capitale du Sobrarbe, qui est aussi à trente milles de la ville de Jaca. En descendant, cette fois-ci, la vallée vers l’ouest, on trouve la place forte de Sangüesa, et le reste de la Navarre]

Jacca esta como assentada en vn valle. Tiene ala parte del medio dia la famosa peña de vruel, que esta poco mas de media legua de jacca. Ala parte del norte obra de tres leguas, estan las altas montañas que llaman los montes perhineos. Y señaladamente la peña que llaman Collarada. El valle arriba faz a oriente, dizen que tiene aynssa, que es cabeça de Sobrarbre. Esta de Jacca obra de diez leguas. Ala parte baxa que es faza el poniente, cae sanguessa y la tierra de Nauarra643.

Dans ce cas, la confusion se produit en sens inverse : ce qui devait être positionné au nord est situé à l’est. Ici l’erreur n’est d’ailleurs pas corrigée. Il est impossible d’envisager que Gonzalo ne connaisse pas la localisation de Jaca et tout semble indiquer qu’il a simplement perdu le fil de sa description en répétant deux fois « oriente »/« orientem ». En d’autres termes, il s’agirait d’une sorte de lapsus calami par anticipation. Bien que ces occurrences revêtent des modalités distinctes, il faut peut-être les réunir dans une analyse d’ensemble, à cause de leur thématique commune. Les deux seules fois, en effet, où ces points cardinaux –

coutumières doit faire penser à un accident de transmission ponctuel, dans des conditions qui nous échappent » (ÉCOLE NATIONALE DES CHARTES, Conseils pour l'édition des textes médiévaux. Fascicule III. Textes littéraires,

Paris : CTHS, École des Chartes, 2002, p. 53).

642 G. GARCIA DE SANTA MARIA, Regum Aragonum…, fol. 10v (je souligne).

le nord et l’est – sont mentionnés dans les RARG, ils font l’objet d’une confusion. Je ne crois pas que l’on puisse aller jusqu’à envisager que la conceptualisation et la traduction des points