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Gonzalo García de Santa María (1447-1521) : portrait d'un érudit aragonais

E. Les œuvres de Gonzalo García de Santa María

2. L’éditeur et le correcteur littéraire

Après avoir consacré les premières années de sa collaboration avec Paul Hurus à la réalisation de traductions, Gonzalo entama une tâche d’éditeur et de correcteur littéraire dans les ateliers de celui-ci434.

La première œuvre qu’il édita fut un violent traité anti-juif, le Dialogus pro Ecclesia contra Synagogam, qui vit le jour dans un contexte marqué par l’action virulente de l’Inquisition à Saragosse dans les années qui suivirent l’assassinat de Pedro Arbués. J’ai

por una terminología consagrada por la Biblia latina ? » (M. MORREALE, art. cit., p. 288-289). Pour un panorama assez complet et agrémenté de nombreux exemples de la pratique de la traduction de la Bible en castillan au fil du Moyen Âge, voir Gemma AVENOZA, « Las traducciones de la Biblia en castellano en la Edad Media y sus comentarios », in : Gregorio del OLMO LETE (éd.), La Biblia en la literatura española. I. Edad Media. I/2. El

texto : fuente y autoridad, Madrid : Trotta-Fundación San Millán de la Cogolla, 2008, p. 13-76. 431

Les attaques et réponses échangées entre Juan de Molina et Juan Boscán au début du XVIe siècle donnent une idée de la vigueur de la polémique (Voir Miguel Ángel PÉREZ PRIEGO, « La obra del bachiller Juan de Molina, una práctica del traducir en el Renacimiento español », 1616 : Anuario de la Sociedad Española de Literatura

General y Comparada, 4, 1981, p. 35-43, p. 40-41). Le point de vue de Boscán, qui considérait comme

« vanidad baxa y de hombres de pocas letras andar romanzando libros », recueillait l’assentiment d’un grand nombre, comme le montre Theodore S. Beardsley dans Theodore S. BEARDSLEY, Hispano-classical translations

printed between 1482 and 1699, Pittsburgh : Duquesne University Press, 1970, p. 129-134. Voir également

Gianfranco FOLENA, « Volgarizzare e tradurre », in : ISTITUTO DI FILOLOGIA MODERNA (TRIESTE ITALIA), La

traduzione. Saggi e studi, Trieste : Lint, 1973, p. 59-120, p. 65-66. 432

J’en veux pour preuve le colophon de l’édition salmantine : « Fenecen los euangelios e epistolas […] ; la qual obra se fizo a fin que los que la lengua latina ignoran, no sean priuados de tan excellente y marauillosa doctrina, qual fue la de Christo nuestro redemptor, escripta en los euangelios, e porque cada vno, retraydo en su casa, despenda el tiempo ante en leer tan altos misterios, que en otros libros de poco fruto » (G. GARCÍA DE SANTA

MARÍA, Evangelios e epistolas…, p. 490-491).

433 « [..] longeque commodius existimaui hac in re tempus consumere quam in interpretandis transferendisque e latino in Hispanum ydioma libris in quo Triennum fere consumpsi ut plebi ydiotisque satisfacerem » [j’ai considéré bien plus approprié de passer du temps à ce projet qu’à l’interprétation et la traduction de livres du latin à l’espagnol, tâche à laquelle j’ai consacré presque trois ans pour contenter le peuple et les ignorants] (Dialogus pro Ecclesia…, fol. aiiii).

434 J’emploie ici le terme au sens moderne. La tâche, qui implique l’établissement d’un texte que l’on n’a pas soi-même composé (sélection, correction, préparation à l’impression), était définie aux XVe et XVIe siècles par des verbes comme tradare in lucem et emendare. Le terme editor renvoyait encore alors à notre actuelle fonction d’auteur. Sur l’évolution terminologique de ce terme, voir infra p. 203 et suivantes.

évoqué plus haut les condamnations subies par Micer Gonzalo et signalé dans quelle mesure l’édition de ce traité pouvait constituer, de la part du juriste et vis-à-vis des autorités inquisitoriales, une preuve de bonne foi435. Micer Gonzalo disait disposer, comme base à son édition, d’un manuscrit dont l’auteur était inconnu. Henri Labrosse et Moisés Orfalí ont attribué cette œuvre au judéo-convers dominicain Thibaut de Sézanne, qui l’aurait rédigée aux alentours de 1240, dans le contexte de la controverse sur le Talmud à Paris436. Carmen Cardelle de Hartmann a plus récemment montré que le Dialogus était le résultat d’une adaptation de Nicolas de Strasbourg à partir d’un texte initial de Thibaut de Sézanne. Ce remaniement aurait été effectué vers 1420, tandis que Nicolas résidait à Cologne. Carmen Cardelle de Hartmann émet l’hypothèse que le texte aurait pu arriver entre les mains de Gonzalo à travers l’imprimeur allemand Paul Hurus437. De l’unique édition connue et datée entre 1488 et 1490438 ne sont aujourd’hui conservés que deux exemplaires : l’un à la RBME et l’autre à la BNE. Il n’existe aucune édition moderne de ce texte, qui a cependant été microfiché dans le cadre du projet Incunabula439. L’œuvre est revêtue d’un intéressant prologue de la plume de Gonzalo García de Santa María. Celui-ci y aborde d’abord la question des relations entre auctorialité et autorité, particulièrement problématiques dans le cas de l’édition d’un traité anonyme440. Il justifie ensuite la présence du prologue en comparant un livre sans prologue à un corps sans tête441. Rentrant au cœur du sujet, il martèle la nécessité de ce traité pour dénoncer l’infamie des juifs, décrite avec beaucoup d’agressivité dans quelques exemples. Il profite de l’espace du prologue pour proclamer la sincère

435 Cf. supra p. 79.

436

Henri LABROSSE, « Oeuvres de Nicolas de Lyre », Études franciscaines, 35, 1923, p. 171-187 et 400-432, sur le Dialogus, p. 416-418 et M. ORFALI, « El Dialogus pro ecclesia contra synagogam: un tratado anónimo de polémica antijudía », Hispania, 18, 1994, p. 679-732.

437 Carmen CARDELLE DE HARTMANN, « El Dialogus pro ecclesia contra synagogam impreso por Pablo Hurus : autoría, fecha y transmisión manuscrita », Sefarad, 62/1, 2002, p. 3-19.

438 J. MARTÍN ABAD, « Gonzalo García… », p. 501. La datation de l’édition (traditionnellement estimée aux alentours de 1497) a été avancée en vertu d’une analyse typographique détaillée.

439 L. HELLINGA (dir.), op. cit., Unit 55 - Iberian Printing Part II, SP 128.

440

Le juriste met un point d’honneur à se défendre de vouloir usurper la place, les mérites ou la renommée de l’auteur inconnu du traité. C’est pour lui une question d’éthique à laquelle il est profondément attaché.

441 « Quod quidem opusculum cum esset acephalum incertoque auctore editum non ab re fuit eidem troncato corpori caput faciemque adiicere; est enim prologus in libro ut vultus in homine siquidem id se nobis quamprimum offert cum librum aperimus » [Et cet opuscule, bien qu’ acéphale et d’auteur indéterminé, il ne fut pas sans intérêt de le publier . Furent ajoutés à ce même corps tronqué une tête et un visage, car le prologue est pour un livre comme un visage pour un homme, puisqu’il s’offre à nous aussitôt que nous ouvrons le livre] (Dialogus pro Ecclesia..., fol. aiii). Gonzalo étend la comparaison : le prologue est au livre ce que son visage est à un homme ; c’est l’élément qui offre le premier contact avec l’autre, en l’occurrence avec le lecteur, d’où son importance. Paradoxalement, aucune des œuvres historiographiques qui nous sont parvenues ne présente de prologue. En ce qui concerne la biographie de Jean II, le récit commence directement sur la succession d’Alphonse V et le portrait de son héritier (G. GARCIA DE SANTA MARIA, Serenissimi principis…, CODOIN,

conversion de sa respectable lignée. Enfin, il y explique la genèse du projet éditorial et fait la louange du dédicataire de l’ouvrage, l’archevêque de Séville, Diego Hurtado de Mendoza. Le prologue du Dialogus répond parfaitement à la description théorique d’Anne Cayuela – « Le prologue n'est que justification générique, morale, thématique, stylistique, auctoriale, etc. »442 – mais il entrelace à ces justifications textuelles une légitimation de l’être-même de son auteur. On perçoit combien Gonzalo se trouve alors, socialement, dans une bien fragile position.

Quelques années plus tard, sa situation semble s’être consolidée puisqu’il figure à la tête d’un projet éditorial de grande importance pour le royaume : une nouvelle version des Fori Aragonum abbreviati et observantiae (Paul Hurus, 1496)443, allant de la compilation de Huesca jusqu’aux Cortes de Tarazona de 1495. Son apport principal, outre l’inclusion des dernières évolutions législatives, réside dans ses annexes : sont inclus un répertoire des lois et des législateurs, des lettres des Justices Martín Díaz de Aux et Juan Jiménez Cerdán et une liste des jours fériés. Divers exemplaires de cette édition sont aujourd’hui conservés444 et l’un d’entre eux est consultable sur microfiche dans le cadre du projet Incunabula445.

En 1499, conformément aux termes d’un contrat signé un an plus tôt avec Paul Hurus, trois ouvriers typographes allemands associés, Koch (ou Coci), Hutz et Appentegger reprirent son atelier, caractères et matériel inclus446. C’est de ces presses que sortirent, en 1500, les Constitutiones synodales archiepiscopatus Cesaraugustani, c’est-à-dire une compilation des décisions prises par les synodes de l’archidiocèse de Saragosse, éditée par Micer Gonzalo. La parution de ce recueil serait le dernier labeur éditorial connu de l’érudit aragonais. Comme

p. 177). Dans le manuscrit des RARG, le prologue est annoncé mais ne figure pas. J’émets l’hypothèse qu’il était destiné à être rédigé à part ultérieurement.

442 Anne CAYUELA, Le Paratexte au siècle d'or : prose romanesque, livres et lecteurs en Espagne au XVIIe siècle,

Genève : Droz, 1996, p. 224.

443

Julián Martín Abad recense dans la bibliographie plusieurs mentions à une possible intervention de Micer Gonzalo déjà dans l’édition de 1494 mais il n’existe aucun exemplaire de cette édition permettant de le confirmer (J. MARTIN ABAD, « Gonzalo García… », p. 501).

444 En Espagne, la BNE et la RBME possèdent chacune un exemplaire ; les fonds des bibliothèques universitaires de la Complutense de Madrid, de Saragosse, de Salamanque et d’Oñate en renferment également chacun un. Dans le reste de l’Europe, on retrouve un exemplaire à la Österreichische Nationalbibliothek de Vienne et un autre à la British Library de Londres. Enfin aux Etats-Unis on en dénombre deux : un à l’Université de Yale et l’autre à la Hispanic Society of America.

445 L. HELLINGA (dir.), op. cit., Unit 54 - Iberian Printing Part I, SP 47. Il faut ajouter que dans son édition monumentale des fors d’Aragon de 1247 à 1542, Antonio Pérez Martín n’a pas eu recours à l’édition de Gonzalo García de Santa María. Il en reproduit toutefois le répertoire ou index (Fori Aragonum[…], éd. Antonio PEREZ

MARTIN, Vaduz : Topos, 1979, p. 85-94).

446 Cette association dure jusqu’en 1502. En 1503 et 1504, seuls Hutz et Koch travaillent ; enfin, Koch imprime en solitaire après 1504. Cf. Roberto SAN MARTÍN CASI, « Una edición desconocida del siglo XVI en la Biblioteca General de Navarra : Guy de Chauliac, El inventario o colectario de cirugía (Zaragoza : Coci, 1511) », Príncipe

nous l’avons vu plus haut, l’ouvrage sortit des presses peu de temps après qu’un différend substantiel se soit manifesté entre le juriste et l’archevêque, au point que Micer Gonzalo écrivît au roi pour lui demander d’intervenir447. La responsabilité donnée à Gonzalo dans l’édition des Constitutiones est-elle le gage de leur réconciliation ou une sorte de compensation formelle imposée par Ferdinand II à son fils Alphonse d’Aragon ? Le paratexte ne donne aucune information à ce sujet – le prologue est de l’archevêque et est adressé aux ecclésiastiques qu’il convoque – et la question reste entière. De cette unique édition sont disponibles actuellement six exemplaires en Espagne448 et un aux États-Unis449. Il n’existe aucune édition moderne.

Un an auparavant, dans une des dernières œuvres sorties de l’atelier de Hurus, apparaissait également, dans le colophon, le nom de Gonzalo García de Santa María. Il s’agit de la Corónica de Aragón de Gauberto Fabricio de Vagad, dont on apprend donc qu’elle fut « recognosçida y en algo esaminada por el magnifico y egregio doctor Miçer Gonçalo garcia de Sancta maria »450. Le nom du juriste figure également dans le prologue :

[…] por los tan egregios magnificos y famosos doctores miçer Gonçalo Garcia de Sancta Maria lugarteniente de justicia de aragon, y miçer Gaspar Manente, fue ya tan reconoçida y tan bien esaminada toda esta escriptura […]451.

Gonzalo étant qualifié de « lugarteniente del justicia », le prologue fut nécessairement rédigé entre avril 1496 et avril 1497, intervalle de temps au cours duquel le juriste exerça cette fonction. Le travail des correcteurs fut donc achevé, au plus tard, en avril 1497.Un document d’archive reproduit par Miguel Ángel Pallarés permet de préciser encore le terminus ante quem et apporte quelques détails supplémentaires :

1496, mayo 31. Gonzalo [García] de Santa María y Gaspar Manent reciben 300 sueldos cada uno, con cargo a la administración del General, por sus trabajos en la corrección de una crónica de Aragón, realizada por fray Gauberto [Fabricio de Vagad] (ADZ, Cuentas del General, año 1496-97, fol. 190v): Item poso en data los quales por mi administrador sobredicho con cautela de los senyores dipputados dada en Caragoca a XXVI de mayo anyo mil CCCCLXXXXVI por las causa y razones en aquella

447 Voir p. 118 et suivantes.

448 Deux sont à Madrid (BNE et Biblioteca del Palacio Real), deux à Saragosse (Biblioteca Municipal et Biblioteca Universitaria), un à l’Archivo-Biblioteca de la Catedral de Santiago de Compostela et un autre, incomplet, à la Biblioteca del Seminario de Vitoria. L’exemplaire de la bibliothèque universitaire de Saragosse est consultable en ligne dans le fonds digital « Zaguán » (Zaguán. Repositorio Digital de la Universidad de

Zaragoza, Zaragoza : Universidad, disponible en ligne : http://zaguan.unizar.es/ [réf. du 11/07/2012]). 449

Il se trouve à la Hispanic Society of America.

450 La citation complète figure en note 352.

contenidas son seydos pagados a micer Goncalbo de Santa Maria y a micer Gaspar Manent juristas ciudadanos de Caragoca y a cada huno d’ellos cada CCC sueldos jaqueses por quanto los sussodichos de voluntat de los senyores dipputados corrigioron y examinaron ensemble con fray Gaubert presentes don Ferrando Bolea y Martin de Rayza dipputados la conpilacion que el dicho fray Gaubert havia fecho de todos los volumenes de las caronicas del regno de Aragon acerqua lo qual los dichos micer Goncalbo e micer Gaspar Manent huvieron asatz fatiga y trebajo por los quales se les tacharon a cada huno d’ellos los dichos cada CCC sueldos jaqueses segunt que en la dicha cautela mas largament se contiene452.

En 1496, au moment où paraissait la nouvelle édition des Fori Aragonum, Gonzalo avait donc achevé, à la demande des députés – et peut-être également sur recommandation de Hurus –, la correction de la chronique de Vagad, labeur dont on ignore la durée mais dont on sait qu’il constitua une tâche considérable. Rien d’étonnant, à vrai dire, au vu de la longueur de la chronique. Ce travail fut effectué avec Gaspar Manent, autre juriste de Saragosse et vieille connaissance de García de Santa María, puisqu’il apparaît fréquemment dans la documentation municipale et siégeait au Conseil du Justice aux côtés de Micer Gonzalo453. Il fut réalisé sous le rétro-contrôle de Vagad, en présence – bien entendu très ponctuellement ou peut-être même prétendument – de deux députés, et fut rétribué par le versement de trois cents sous de Jaca. Rien ne permet de déterminer de quelle nature furent les interventions des deux correcteurs et si elles avaient trait au style et à la correction de l’expression, à l’orthographe et à la ponctuation454, à l’uniformisation linguistique du propos ou au contenu même (historique ou juridique) de la chronique455. Sans trace matérielle des interventions, il est en particulier impossible de savoir, comme le dit Robert Brian Tate, « hasta qué punto esta historia […] fue aprobada por el jurista ». La comparaison entre l’œuvre historiographique de Vagad et les RARG peut toutefois donner quelques pistes sur ce point. Tout porte à croire à une grande convergence de vues entre les deux chroniqueurs, malgré quelques nuances dignes de mention, comme je le commenterai dans les dernières pages de ce travail456. Laissons donc pour plus tard cette réflexion autour de la Corónica – qui fit l’objet d’une seule édition et dont

452

M. Á. PALLARÉS JIMÉNEZ, La imprenta de los incunables…, p. 745, doc. 305. Également reproduit, in

extenso, dans M. Á. PALLARES JIMENEZ, « La Crónica de Aragón… », doc. 4.

453 Voir par exemple ADPZ, Archivo del reino, El Justicia de Aragón, 771-5. Libro del consejo de la Curia del Justicia, Zaragoza, 1497.

454 Dean William Mc Pheeters rappelle que « en España, a fines del siglo XV y principios del XVI, hombres literarios distinguidos aludieron a la necesidad de esmero en la preparación de libros con ortografía y puntuación correctas » et qu’en conséquence, une grande partie du travail du correcteur « tenía que ver con la corrección de puntuación y ortografía » (Dean William MAC PHEETERS, El humanista español Alonso de Proaza, Valencia : Castalia, 1961, p. 184-185).

455

Micer Gonzalo travaillait habituellement avec Hurus mais l’intervention de Gaspar Manent est surprenante. La tâche requérait-elle donc des connaissances juridiques spécifiques ?

sont conservés près de trente exemplaires457 – pour traiter maintenant du travail historique de Gonzalo García de Santa María, cette fois-ci en tant qu’auteur.

3. L’historien

Aucune des œuvres historiques de Gonzalo García de Santa María ne fut imprimée de son temps. Ou, du moins, il ne nous en est parvenu aucune information. Jusqu’à récemment, seul un manuscrit semblait avoir été conservé : celui de la Joannis II vita, une biographie de Jean II d’Aragon que Ferdinand commanda à Micer Gonzalo458. De la lecture d’une collection de trois lettres conservées à la Real Academia de la Historia de Madrid, il apparaît que la commande fut passée en 1500 et que le travail fut achevé en 1515459. Il est frappant de constater que le roi Ferdinand demanda simultanément à Marineo Sículo de rédiger une autre biographie de Jean II460, œuvre dont une première version fut achevée en 1508, mais qui ne fut pas non plus publiée dans les années immédiatement postérieures461. Ces deux biographies ont fait l’objet d’une étude comparative sous la plume de Robert Brian Tate462. Trois ans auparavant, le chercheur britannique avait publié une brève analyse de la version de Micer

457 Barcelone, BC ; Madrid, RAE ; Madrid, RAH (exemplaire incomplet) ; Madrid, BNE ; Madrid, Biblioteca del Palacio Real ; Madrid, Biblioteca de la Universidad Complutense ; Madrid, Biblioteca de la Fundación Lázaro Galdiano ; Montserrat, Biblioteca de l’Abadia (incomplet) ; Palencia, Biblioteca Capitular ; Salamanca, Biblioteca Universitaria ; Toledo, Biblioteca Provincial ; Valencia, Biblioteca Municipal ; Valencia, Biblioteca Universitaria ; Zaragoza, Biblioteca Universitaria ; Londres, British Library (incomplet) ; Edinburgh, Nacional Library of Scotland (incomplet) ; Paris, BNF ; Paris, Bibliothèque Mazarine (2 exemplaires) ; Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek ; Cagliari, Biblioteca Universitaria ; Roma, Biblioteca Nazionale Centrale (exemplaire micro-filmé dans le cadre du projet Incunabula : L. HELLINGA (dir.), op. cit., Unit 4 - Chronicles and Historiography Part I, CH 95 IISTC) ; Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana ; New York, Public Library ; New York, Morgan Library ; Rio de Janeiro, Biblioteca Nacional do Brasil ; Santiago de Chile, Biblioteca Nacional de Chile. Une édition en fac-similé a été réalisée par Carmen Orcastegui Gros en 1996 (G. F. de VAGAD, op. cit.).

458 Madrid, BNE, ms. 9571, olim Dd184. Aucune autre copie n’a été, à l’heure actuelle, localisée. Le manuscrit est soigné et comporte un folio richement enluminé avec les armes de Ferdinand le Catholique (fol. 2). Une copie, exécutée par Zurita, de la lettre envoyée par Gonzalo García de Santa María à Ferdinand II en 1499 a été incorporée au début de l’ouvrage. La datation du manuscrit est vague : XVIe siècle.

459 RAH, A-11, fol. 292, Lettre de Ferdinand le Catholique à son protonotaire Felipe Clemente (Grenade, 16 janvier 1501) ; RAH, A-14, fol. 218v, Lettre de Ferdinand le Catholique à Gonzalo de Santa María (Burgos, 30 mai 1515) ; RAH, A-14, fol. 220, Lettre de Ferdinand le Catholique à Gonzalo García de Santa María (Aranda de Duero, 2 août 1515).

460 C’est ce qu’affirme Marineo Sículo dans une lettre datée de septembre 1500 (Lucio MARINEO SICULO,

Epistolarum familiarium…, IX, 10). Il le répète à plusieurs reprises ultérieurement : voir I, 14 ; II, 1, 10 ; VIII, 5.

L’objectif du roi était-il de créer une émulation ? De démontrer le faste de la production historiographique qu’il patronnait ?

461 Probablement conçue, initialement, comme une œuvre indépendante, la biographie allait être imprimée en 1530 dans le De rebus Hispaniae memorabilibus, dont elle constituait la partie la plus dense (sept livres). Marineo affirme dans sa correspondance que la version de 1508, qu’il donna à relire à l’archevêque Alphonse d’Aragon, était une trame qu’il pouvait développer au gré des désirs du roi. La magnitude des remaniements qui intervinrent entre la version de 1508 et l’édition de 1530 reste une inconnue.

Gonzalo, la qualifiant de « ejemplo más acabado de biografía humanística que ofrece la Península Ibérica en el umbral del Renacimiento »463. Il la résumait en ces termes :

El título de la biografía es, de hecho, un tanto desorientador, ya que la sustancia de la