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EXCLUSION SOCIALE DANS DIFFÉRENTS CONTEXTES : POINTS COMMUNS ET DIFFÉRENCES

1. DES PROCESSUS GLOBAUX DERRIÈRE L’EXCLUSION SOCIALE

Si l’exclusion sociale est le résultat de privations diverses qui empêchent les individus de s’intégrer pleinement à la vie économique, sociale et politique de la société, une question se pose donc sur les situations ou les processus qui occasionnent cette exclusion, notamment les changements structurels dans la société et l'économie. Nous avons déjà mentionné que des populations socialement protégées auparavant, font face aujourd’hui à la menace de tomber dans des situations d’instabilité du travail et d’exclusion, à cause du nouvel ordre socioéconomique déterminé par la mondialisation de l’économie. Ces populations seraient les victimes des processus de restructuration productive et du marché de travail, caractérisés par, entre autres, la tertiarisation de l'économie ou la désindustrialisation ; la délocalisation d’une partie de la production dans les pays où la main-d’œuvre non qualifiée coûte le moins cher ; la sous-traitance et la réduction des effectifs à l’intérieur des firmes ; la professionnalisation et la diminution de groupes ouvriers traditionnels, etc.

Cette mondialisation de l’économie, qui se traduit par l'interdépendance croissante des économies, répond à un processus d’intégration des marchés et à une expansion des échanges et des interactions humaines. La mondialisation est donc plus que la circulation d'argent et des matières premières : c’est l'interdépendance croissante des peuples du monde. Ce n’est pas quelque chose de nouveau, mais l'époque actuelle a des caractéristiques particulières. D'abord, des nouveaux marchés : les marchés des changes et des capitaux liés à l'échelle mondiale,

fonctionnant 24 heures par jour, avec des transactions à distance en temps réel. Deuxièmement, des nouveaux outils : liens internet, téléphones cellulaires, des réseaux de médias. Troisièmement, des nouveaux acteurs : l'organisation de commerce mondial (OCM) avec autorité sur les gouvernements nationaux, les sociétés multinationales avec plus de puissance économique que de nombreux États, les réseaux mondiaux d'organisations à but non lucratif et d'autres groupes qui transcendent les frontières nationales. Finalement, des nouvelles règles : des accords multilatéraux sur le commerce, les services et la propriété intellectuelle, soutenus par des mécanismes d'application forts et plus contraignants pour les gouvernements nationaux, en réduisant la portée de la politique nationale (UNDP, 1999 : 1). La mondialisation de notre époque représente ainsi une partie importante des causes structurelles derrière l’exclusion sociale. Nous pouvons confirmer cette affirmation en examinant les causes structurelles de l’exclusion présentées par la Commission européen :

• Des transformations dans le marché du travail (en raison de la mondialisation, l'évolution technologique et la restructuration de l'industrie) qui ont modifié l'équilibre relatif entre flexibilité et sécurité de l'emploi, en marginalisant les personnes et les groupes les moins adaptatifs ;

• L'expansion de la société de la connaissance (et les rôles sociaux et économiques des technologies de l'information), qui a marginalisé les personnes technologiquement illettrées et d'autres individus qui n'ont pas les nouvelles connaissances et compétences requises ; • Des changements sociodémographiques (par exemple le vieillissement de la population, la

baisse du taux de natalité, les évolutions des modèles familiaux et communautaires, l'immigration, la migration et l'augmentation croissante de la diversité ethnique, religieuse et culturelle) ;

• Une territorialité, biais ou distorsion géographique, et la polarisation du développement, qui a laissé des zones (par exemple, les anciens sites industriels urbains) dépourvues des infrastructures financières, physiques et d’autres types, qui sont nécessaires pour le développement économique et social et, en définitive, pour l’inclusion dans la société.

Nous pouvons affirmer que toutes ces causes structurelles présentées par la Commission européen sont directement ou indirectement liées entre elles. Néanmoins, la thèse s’intéresse spécifiquement à la dimension urbaine de l’exclusion sociale. L’objectif de cette section est donc de revenir sur les causes structurelles derrière l’exclusion sociale, mais avec l’accent mis sur l’urbain, sur la dimension spatiale de cette exclusion.

En effet, il est important de tenir compte de la dimension urbaine dans l'exclusion sociale, d'intégrer l'élément spatial dans la discussion, ainsi que les notions de citoyenneté et d'espace public, qui peuvent être vues comme des nouvelles formes politiques et territorialisées dans le traitement du phénomène. Cette analyse spatiale, liée aux formes traditionnelles de l'exclusion sociale, peut mieux rendre compte de la complexité du problème. Surtout en Amérique latine, où l'exclusion sociale, ou l'incapacité d'une personne ou d’un groupe social à participer activement dans les domaines économique, culturel, politique et institutionnel de la société, est fortement

liée au processus de fragmentation urbaine, à la ségrégation résidentielle et à la formation d'une nouvelle pauvreté urbaine (Link, 2010).

Bien que les itinéraires d'exclusion sociale soient personnels, l’origine de l’exclusion est principalement structurelle, ce qui implique nécessairement la ville. L'exclusion est comprise comme une production sociale dans tous les sens (Bel Adell, 2002, in Link, 2010). Le processus de globalisation, à partir des changements dans l’organisation de la production, de la transformation du marché de travail et des processus de fragmentation urbaine – à la fois micro et macro – changent la structure morphologique, sociale et institutionnelle de la ville, occasionnant des nouvelles formes d’exclusion et de vulnérabilité, à la fois sociales et urbaines. Bref, la globalisation modifie la manière dont les individus construisent leur propre individualité dans la vie quotidienne, impliquant son intégration à l’ensemble de la société (Bauman, 2005).

Dans le contexte latino-américain, la marginalisation (ou l’exclusion sociale comme le concept de dernière génération), semble une situation plutôt historique chronique que le résultat des tendances mondiales. En fait, les inégalités dans l'accès aux biens et services, la pauvreté et la vulnérabilité, ont tous fait l'objet d'études et de diverses politiques depuis plus de trois décennies. Cependant, même si de nombreux chercheurs urbains latino-américains ont commencé à accepter et à utiliser le concept d'exclusion sociale (Faria, 1994 ; Ziccardi, 2000), il demeure une division entre ceux qui favorisent une perspective de redistribution des ressources et du pouvoir, et ceux qui mettent l'accent sur l'intégration, à travers la création d'emploi (SUR Profesionales Consultores, 2009).

Le Chili n’est pas exonéré des tendances mondiales mentionnées par de nombreuses études urbaines dans la dernière décennie, qui parlent des effets de la mondialisation dans les villes. Parmi ces études, plusieurs montrent que le phénomène de l’exclusion s’est aggravé en termes d’inégalités sociales et de ségrégation spatiale (Sassen, 1994 ; Borja y Castells, 1997 ; Wacquant, 2002, in SUR Profesionales Consultores, 2009). Des facteurs tels que la restructuration économique et la sous-traitance, la désindustrialisation, la précarisation du travail et la polarisation du revenu (Häubermann et al, 2001 ; Musterd y Murie, 2001, in SUR Profesionales Consultores, 2009), expliqueraient ces tendances des villes vers une plus grande inégalité sociale et spatiale.

L’effet de telles inégalités urbaines, c’est qu’elles menacent l’inclusion sociale, car elles limitent l'égalité des chances urbaines pour tous les citoyens. Beaucoup n’ont pas accès aux biens et aux droits qui sont reconnus comme des droits universels dans la société. Menacent la cohésion sociale de l’ensemble de la société : l’existence de quartiers exclus qui concentrent conflits sociaux et détérioration physique ; l’existence de quartiers où de nombreuses familles habitent dans des logements au standard déficient, mais aussi entourés d’équipements et d’infrastructures insuffisantes et/ou endommagés ; l’existence de quartiers où règnent le désespoir et la fragmentation sociale, avec un accès limité aux services et à l'emploi, associés à une identité négative qui stigmatise et intensifie le sentiment de décadence, ce qui a certainement des conséquences sur la santé, l'éducation, la sécurité, et des effets psychologiques tels qu’une faible estime de soi et un faible sentiment d'appartenance.

Cette dernière description pourrait correspondre, non seulement à la réalité des villes fragmentées chiliennes mais aussi à des villes du nord, soit en Europe, soit aux États-Unis. L’exclusion sociale est ainsi établie comme un risque inhérent du processus de la mondialisation. Néanmoins, malgré le fait qu’un phénomène similaire se répète dans les trois contextes, la construction de la pauvreté urbaine comme un problème public est différente, répondant aux spécificités de chaque pays. La section suivante a pour but de poser brièvement en revue les différentes manifestations de la pauvreté urbaine dans les trois continents, pour ensuite donner une vision plus particulière de la réalité chilienne.

2. TROIS PARADIGMES DE LA PAUVRETÉ URBAINE DANS TROIS CONTEXTES : MARGINALIDAD

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