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Les États-Unis et la France : deux politiques socio-urbaines et deux stratégies de réhabilitation de quartiers défavorisés

EXEMPLES DE LA FRANCE ET LES ÉTATS-UNIS ET CONDITIONS DE GENÈSE AU CHILI

1. LA RÉHABILITATION DE QUARTIERS DÉFAVORISÉS COMME RÉPONSE À L’EXCLUSION SOCIALE URBAINE : BRÈVE ANALYSE DES EXEMPLES DES MODÈLES D’ACTION PUBLIQUE DES

1.4 Les États-Unis et la France : deux politiques socio-urbaines et deux stratégies de réhabilitation de quartiers défavorisés

Après une brève description des politiques socio-urbaines et de leurs stratégies dans les quartiers, nous abordons le dilemme entre la place de la société civile et celle l’État : d’un côté, le risque d’un retrait de l’État quand il existe une stratégie d’empowerment des habitants ; d’un autre côté, le risque d’instrumentalisation de la participation quand il existe un État fort.

1.4.1 Politiques socio-urbaines et dispositifs principaux

Aux États-Unis, prédomine une politique de soutien aux Community Development Corporations ou mouvement communautaire, tandis qu’en France prédomine la Politique de la ville. Ensuite, les dispositifs pratiques sont, du côté américain le community development, et du côté français, le Développement Social Urbain (Donzelot et al, 2003 ; Bacqué, 2000).

D’une part, la Politique de la ville correspond à un ensemble d’actions de l’État qui tentent de revaloriser certains quartiers urbains et de réduire les inégalités sociales entre territoires. Cette politique inclut des mesures législatives et réglementaires dans le domaine de l’action sociale et de l’urbanisme. Elle est fondée sur le partenariat avec les collectivités locales (régions, départements et communes), et s’appuie, généralement, sur une base contractuelle. Ainsi, l’État intervient dans le cadre de contrats négociés avec les communautés locales et d’autres intervenants, tels que les « Contrats de ville » et les « Contrats de cohésion sociale ». Ces actions s’appuient sur une cartographie préalable du territoire urbain, qui identifie les quartiers sur lesquels intervenir, quartiers qui font partie des « Zones urbaines sensibles ».

Pour sa part, la politique américaine repose sur le développement communautaire, dans lequel trois éléments sont essentiels : tout d’abord, le développement d’un partenariat public/privé qui donne un rôle important aux acteurs économiques locaux et qui demande la participation des habitants, processus qui est accompagné d’un désengagement du pouvoir public, notamment de l’État ; le deuxième élément est l’appréciation de l’échelle locale comme l’échelle appropriée d’intervention et comme le lieu du développement de consensus territoriaux ; le troisième élément est le développement de la pratique professionnelle intermédiaire, ou ce qui a été appelé le « management » social et urbain (Bacqué, 2000), matérialisé par les Community Development Corporations.

De ce fait, les politiques de la ville des États-Unis et de la France suivent des chemins diamétralement inverses. À partir de l’histoire des deux politiques, la démarche française apparaît beaucoup plus volontariste que l’états-unienne : dans cette dernière « l’orientation people l’emporte à la faveur d’un certain renoncement de l’État fédéral à intervenir directement dans la

question urbaine » (Donzelot et al, 2003 : 144). Néanmoins, il est plus approprié de considérer que chaque politique suit sa propre évolution : le principe d’homogénéité qui gouverne la nation dans le cas français, et le principe de mouvement libre des hommes dans le cas états-unien.

Ce n’est donc pas l’opposition entre une politique volontariste en France et une absence de volonté politique aux États-Unis, mais une opposition entre deux options d’une cohérence équivalente, dont la distinction entre territoire et communauté est au cœur des différences. Ces relations inverses entre le territoire et la communauté, répondent à la fois au mode de formation des deux nations : en France, la souveraineté réside dans la nation, laquelle se définit par le territoire et, donc, les communautés représentent une menace ; aux États-Unis, la nation est construite à partir des communautés, les migrants fuyant les régimes autoritaires de la vieille Europe (Donzelot et al, 2003).

1.4.2 Deux stratégies de participation de la société civile

Comment ces différentes politiques publiques sont traduites quant au rôle des organisations de la société civile dans la réhabilitation de quartiers vulnérables ? En premier lieu, quel que soit le pays concerné, les politiques de rénovation des quartiers sensibles insistent, en général, sur la nécessité d’engager – à différents degrés – les habitants. La participation de tous est considérée comme une mesure d’efficacité, comme une manière de contribuer au capital social des quartiers, d’assurer leur autonomie et la durabilité des interventions. Elle est aussi une manière de renforcer la démocratie et l’intégration sociale (Bacqué, 2000).

Deuxièmement, il existe, en général, deux types de stratégies de mise en œuvre des politiques publiques : la stratégie top-down ou descendante, dans laquelle l’État intervient fortement, initie et prend finalement les décisions ; et la stratégie bottom-up ou ascendante, dans laquelle l’État décentralise des responsabilités et donne plus de pouvoir aux citoyens. La première est plus proche du modèle français et la deuxième plus proche du modèle étatsunien (voir tableau Nº9).

Aux fins de la réhabilitation de quartiers défavorisés, ces deux modèles de développement et de mise en œuvre des politiques publiques sont convertis, à leur tour, en deux stratégies différentes de participation de la société civile. Aux États-Unis il y a un plus grand potentiel pour une participation effective des citoyens, pour un développement coresponsable et un empowerment qui reconnaît que les gens ont des compétences et des ressources qui peuvent être mobilisées. L'exemple par excellence est celui des Community Development Corporations (CDC), dans lesquelles la participation active des habitants est essentielle. Des représentants de la communauté siègent dans les Boards of Directors (Conseils d’administration). Dans la pratique, ce sont les CDCs qui prennent l’initiative de commencer les interventions de revitalisation et qui exercent une pression sur la prise des décisions qui touchent les quartiers dans lesquels elles agissent.

En revanche, dans le cas de la France l’intervention de l’État est plus forte : c’est lui qui engage les interventions dans le cadre de la politique de la ville, et qui ensuite mobilise les acteurs à travers la participation citoyenne. Dans la pratique, les interventions sont des programmes conçus et mis en œuvre par l’État et les collectivités locales, en appelant la participation citoyenne. Néanmoins, selon Donzelot et al (2003) l’accent est dans l’expression citoyenne plutôt que dans le pouvoir de pression des citoyens. Bref, les démarches participatives française et états-unienne montrent des divergences importantes : aux États-Unis la participation est communautaire et passe par la construction d’un pouvoir, alors qu’en France, la participation est citoyenne et relève de l’accomplissement d’un devoir (Donzelot et al, 2003). À cet égard nous devons ajouter, toutefois, que plusieurs niveaux de collectivités sont concernés par la politique de la ville en France, même si la commune reste l’échelon de base ; et que sans les associations sociales il ne pourrait y avoir de « politique de la ville », car elles sont les acteurs qui interviennent directement sur les territoires, au plus près des habitants, en appliquant les orientations et les priorités des politiques publiques (ORIV, 2012).

1.4.3 Le dilemme des rôles de la société civile et l’État : l’empowerment, mais le risque du retrait de l’État ; l’instrumentalisation de la participation mais un État fort

Chacune des stratégies de participation présentées ci-dessus, exprime des forces et des faiblesses, ce qui, quant à la réhabilitation de quartiers, conduit à deux risques potentiels (voir tableau Nº9). D’une part, la participation citoyenne semble plus favorisée par le modèle d'empowerment étatsunien où la réhabilitation est initiée de manière bottom-up par les CDCs. En revanche, le modèle français montre une tendance à l’instrumentalisation de la participation dans la politique de la ville, laquelle est animée par l’État : soit la subordonnant la participation à la dépense des ressources publiques disponibles, aux procédures et aux exigences des programmes publics ; soit parce que l’on cherche dans la participation beaucoup plus une légitimation de la décision – déjà prise par l’État – qu’une mobilisation pour l’action (Donzelot, 2006 ; Dela Maza, 2004).

À première vue, le modèle états-unien semble avoir plus d’avantages que le français parce qu’il met les gens en mouvement, il promeut la confiance, il mobilise les compétences et les ressources de la population, enfin, il favorise l'autonomisation ou empowerment. Toutefois, cette option se traduit aussi par le risque d’un retrait de l’État et une réduction des dépenses, entendue comme le transfert de la responsabilité et du contrôle aux CDCs, et une diminution des ressources de l’État en matière de logement et d’autres services sociaux pour des personnes et des communautés à faible revenu. D’autres risques existent : l’accountability (de transparence des comptes) de la part des associations ou CDCs, la corruption et la cooptation des seuls habitants les plus actifs, etc.

Néanmoins, le risque le plus dramatique est le retrait de l’État. Comme nous l’avons mentionné dans le chapitre 2, selon une étude réalisée sur 130 CDC aux États-Unis, celles-ci ne sont que 23% à intervenir dans les quartiers les plus difficiles, intervenant surtout dans des quartiers mixtes (Vidal, 1997, in Bacqué, 2000). Suivant la bibliographie consultée pour appuyer cette

observation, on aperçoit l’importance de faire la différence entre CDC et CBO, ou Community-Based Organizations (organisations de base), et FBO ou Faith-Based Organizations (organisations confessionnelles), lesquelles sont plus petites par rapport aux ressources gérées, au nombre d’employés, mais plus proches de la réalité territoriale des habitants les plus désavantagés.

Ainsi, le scenario des organisations à but non lucratif aux États-Unis est complexe et nous ne pouvons pas développer cette complexité dans cette section. Nonobstant, le point le plus significatif, c’est que ce sont ces organisations, localisées et travaillant dans les quartiers, qui sont sur les lignes de front, qui répondent aux exigences croissantes de la population, même lorsque les ressources se raréfient. Le gouvernement est encore la seule institution avec l’autorité formelle pour agir pour tous les gens, mais de plus en plus il se décharge de cette responsabilité sur les organismes sans but lucratif ou les entreprises. Une conséquence de cette transformation est que les rôles et les responsabilités des trois secteurs se chevauchent. Cela peut accroître les tensions entre les trois secteurs, mais aussi augmenter les possibilités de collaboration (Jennings, 2005). « … il y a une concurrence bien trop forte entre les organismes sans but lucratif communautaires pour faire quoi que ce soit ! », s’exclame un interviewé dans le contexte du travail de James Jennings (2005). Néanmoins, une recommandation alléchante est que, dans le contexte d’une forte concurrence, les mesures des résultats peuvent aider les groupes à but non lucratif à mettre en place des consortiums basés géographiquement qui peuvent maximiser l’impact de leur action à l'échelle communautaire.

Les politiques de la ville dans chacun des pays abordés ici ont une longue évolution et un nombre incalculable de dispositifs. L’objectif de cette section a été de donner un aperçu des fondements des politiques visant à réduire l’exclusion sociale.

2. LA NOUVELLE POLITIQUE DE LOGEMENT CHILIENNE : L’AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ ET

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