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de loi fédérale de procédure civile suisse (procédure civile suisse, PCS)

D. Déroulement de la procédure arbitrale

Par rapport au concordat, l'avant-projet de PCS contient d'importantes inno-vations dont il sera question ci-après:

1. L'article 362 traite de la litispendance; son preruier alinéa dont la teneur est, à quelques différences près, identique à celle de l'article 13 CIA, n'appelle pas de commentaire particulier. En revanche, son alinéa 2 mé-rite qu'on s'y arr~te quelque peu. Ainsi, en cas de saisine simultanée d'un ttibunal étatique et d'un ttibunal arbitral à raison de demandes identiques formées entre les mêmes parties, la disposition précitée applique le critère chronologique de la litispendance de sorte que le ttibunal saisi en second lieu, qu'il s'agisse d'un ttibunal étatique ou d'un ttibunal arbitral, devra suspendre l'instance jusqu'à droit connu sur la compétence de la preruière juridiction saisie. Si cette juridiction est un ttibunal étatique et qu'elle re-jette l'exception d'arbitrage, le ttibunal arbitral saisi en second lieu devra

16 ATF 111 la p. 72.

17 Dans deux arrêts publiés au Bull. ASA, Zurich, 1998 p. 634 et 1997 p. 99, le Tribunal fédéral a toutefois jugé que l'exigence de l'impartialité devait s'appliquer à l'arbitre unique et au président, ce qui paraît discutable au vu du texte précis de l'article 180 al. 1 lit. c LDIP; dans ce sens POUDRET/BESSON, (op. cit. in note 3), N 414, p. 367.

18 ATF 128 III p. 330.

se dessaisir, la décision du tribunal étatique s'imposant à l'arbitre en vertu du principe de l'autorité de la chose jugée".

C'est dire que l'avant-projet de PCS ne reconnaît aucune priorité à l'arbitre au regard de la juridiction étatique et applique ainsi, à la diffé·

rence du droit français'o, le principe de la compétence-compétence dans son seul sens positif. Toutefois, l'article 56 de l'avant-projet dont il a été question plus haut, tout comme l'article 7 WIP, ne s'adresse qu'au juge suisse. Qu'en est-il alors si la juridiction étatique saîsie en premier lieu est un tribunal étranger, hypothèse que l'on ne saurait exclure dès lors que, comme on ra vu, un arbitrage interne en raison du critère purement sub-jectif retenu pour le distinguer de l'arbitrage international, peut aussi viser des situations internationales?

Si donc une même demande formée entre les mêmes parties à raison d'un objet identique est simultanément pendante devant un tribunal arbitral siégeant en Suisse et une juridiction étatique étrangère, ce n'est pas l'article 362 al. 2 de l'avant-projet qui est en cause mais bien l'article 9 de la WIP qui régit la litispendance en matière internationale. Or, il a été ju-gé 2\ que l'article 9 WIP s'appliquait aussi à l'arbitre international sié-geant en Suisse de sorte que si celui-ci est saisi en second lieu, il devra suspendre l'instance arbitrale dans l'attente de la décision étrangère, pour ensuite se dessaisir si cette décision est susceptible d'être reconnue en Suisse aux conditions de l'article 25 WIP.

On rie voit pas pourquoi il en irait autrement de l'arbitrage interne, en-core que la solution retenue sur le plan de l'arbitrage international nous paraît critiquable; le juge étatique étranger statuant sur l'exception d'arbitrage en application de l'article II ch. 3 de la Convention de New-York devrait à notre avis s'en tenir aux ctitères d'arbitrabilité de la /ex

Jofi.

Or, celle-ci pourrait être moins libérale en la matière que le droit suisse.

Dans une telle hypothèse, l'application de l'article 9 WIP pourrait con-duire un tribunal arbitral siégeant en Suisse à se dessaisir alors même que le litige serait arbitrable en Suisse".

19 Voir POUDRET/BESSON, (op. cit. in note 3), ad § 515 S5, pp. 472 5S.

20 Voir art. 1458 al. 2 nCPC.

21 ATF 127 III 279; voir aussi l'obiter de l'ATF 121111 495 et celui de l'ATF 124 III 83 où Je Tribunal fédéral a laissé la question ouverte.

22 Voir dans ce sens PERRET F., Paralld actions pending before an arbitral Tribunal and a State Court: the solution under SwiS5 law, in: Arbitration International, The Hague [etc.], 2000, pp. 333 S5 et Arbittation and Licensing Agreements: the SwiS5 Experience, in: Crea-tive ideas for Intellectual Propeny: The Atrip papers, 2000--2001, Cédidac No. 46, Lau-sanne, 2002, pp. 231 ss.

ARBITRAGE INTERNE

Il est vrai que selon

J.-F.

Poudret et S. Besson, ce serait la loi du siège de l'arbitrage, donc le droit suisse, qui aurait vocation pour régir le sort de l'exception d'arbitrage formée dans le cadre de l'article II ch. 3 de la Con-vention de New-York23, et cette solution éviterait le risque d'un dessaisis-sement de l'arbitre si le litige est arbitrable selon cette loi. Il nous semble toutefois que l'application par le juge étranger du droit du siège de l'arbitrage est discutable, du moins dans certains cas bien précis24• Aussi, nous ne pouvons que souscrire à la thèse de ces mêmes auteurs qui ont . proposé une dérogation au critère chronologique de la litispendance dans les rapports internationaux conférant ainsi à l'arbitre une priorité sur la '\ juridiction étatique, ce qui revient à admettre que s'agissant de ces

rap-ports-là, c'est le principe de la compétence-compétence dans son sens négatif qui doit prévaloir25.

2. L'article 363 al. 1 lit. c autorise les parties à soumettre la procédure arbi-trale à la loi de procédure de leur choix; il ne peut s'agir à l'évidence que d'une loi étrangère puisque l'adoption d'une loi de procédure civile fédé-rale aura pour effet d'abroger les lois cantonales en la matière. Quoiqu'il en soit, le recOurS à une loi de procédure civile étrangère ne serait conce-vable que si la contestation vise une situation internationale.

3. Contrairement à l'article 26 al. 1 CIA, l'article 364 prévoit une compé-tence concurrente des juridictions arbitrales et étatiques pour ordonner des mesures provisionnelles. La convention contraire des parties est tou-tefois réservée de sorte qu'à teneur de ravant-projet, celles-ci pourront exclure aussi bien la compétence de l'une que de l'autre de ces autorités, alors qu'en matière d'arbitrage

international, l'accord contraire des. parties au sens de l'article 183 LDIP ne vise que la saisine du tribunal arbitral.

Les trois premiers alinéas de l'article 364 ayant été repris textuellement de l'article 183 LDIP, il n'y a pas lieu de les commenter ici. En revanche, les alinéas 4 et 5 constituent une innovation en ce qu'ils confèrent au tribunal arbitral le pouvoir de statuer sur le dommage causé par des mesures pro-visionnelles injustifiées, de même que celui de libérer les sûretés qui au-raient pu être ordonnées lorsqu'il est établi qu'aucune action en domma-ges et intérêts ne sera intentée. L'avant-projet règle ainsi une question

23 Voir POUDRET /BFSSON, (op. cit. in note 3), -ad § 335 pp. 303 ss.

24 Voir à ce sujet, PERRET, Arbitrabilité des comentÎeux, (op. cit. in note 10).

2~ Voir POUDRET/BESSON, (oP. cit. in note 3), N 520, pp. 479/480 et POUDRET J.-F., Litis-pendence entre "ubitre et le juge: queUe priorité?, in: Mélanges Jean-Pierre Sortais, BruxeUes, 2002, pp. 495, S06 ss.

controversée en matière d'arbitrage international, soit celle de savoir si l'interprétation de la clause compromissoire permet d'attribuer une telle compétence à l'arbitre26.

4. L'article 366 al. 1 et 3 de l'avant-projet traite de l'arbitrage multipartite, ce qui n'est pas le cas de son alinéa 2, comme on le verra plus loin.

a) L'article 366 al. 1 qui prévoit que l'arbitrage peut être introduit par ou contre des consorts, constitue une innovation au regard du concordat dont l'article 28 CIA ne vise que la participation subséquente de tiers à une procédure arbitrale et non la pluralité initiale des parties à la pro-cédure. A l'évidence, cette disposition ne concerne que la consorité simple au sens de l'article 63 de l'avant-projet et non la consorité né-cessaire de l'article 62 dès lors que dans un tel cas on ne se trouve plus dans le cadre d'un arbitrage multipartite, les consorts constituant une seule et même partie en raison de l'indivisibilité de la cause.

L'arbitrage multipartite instauré par l'alinéa 1" de l'article 366 est sub-ordonné à une double condition: il faut d'une part que les parties soient liées entre elles par une ou plusieurs conventions d'arbitrage concordantes, c'est-à-dire compatibles les unes avec les autres, ce qui ne sera pas le cas si l'une d'entre elles prévoit un arbitrage ad hoc alors que l'autre se réfère à un règlement d'arbitrage et d'autre part que les prétentions exercées par ou contre lesdites parties soient identiques ou connexes.

L'arbitrage multipartite, qu'il s'agisse de celui prévu à l'alinéa 1 ou à l'alinéa 3 de l'article 366 pose le problème du droit de chacune des parties à désigner son arbitre, question réglée par l'article 353 al. 2.

Cette disposition prévoit que dans une telle hypothèse, le juge d'appui ou l'organe désigné dans la convention d'arbitrage peut nommer tous les arbitres, cela naturellement si les parties n'en ont pas convenu au-trement, par exemple en se référant à un règlement d'arbitrage ..

En prévoyant un arbitrage multipartite ab initio et en réglant les diffi-cultés de constitution du tribunal arbitral liées à ce rype d'arbitrages, l'avant-projet constitue donc une nette amélioration par rapport au droit concordataire, sans parler de la LDIP qui est muette sur la ques-tion.

b) L'article 366 al. 2 de l'avant-projet prévoit la jonction dans une seule et même procédure arbitrale de prétentions connexes formées entre les

26 Voir sur la question S. BESSON, Arbitrage international et mesures provisoires, Zurich, 1998, ad § 457 & $S, pp. 272 S&

ARBITRAGE INTERNE

mêmes parties; cette disposition n'institue donc pas d'arbitrage multi-partite pas plus qu'elle ne prévoit la jonction d'arbitrages connexes puisque celle-ci ne peut intervenir que devant le même tribunal arbitral et non lorsque des tribunaux arbitraux différents ont déjà été consti-tués. La jonction de prétentions connexes est subordonnée toutefois à l'existence de conventions compatibles entre elles. La condition de la connexité de l'article 366 al. 2 ne devrait toutefois pas exclure une ex-tension de la clause compromissoire figurant dans un contrat principal ou dans un contrat cadre à des prétentions même non connexes lors-qu'elles ont leur origine dans des contrats particuliers ou dans des avenants modifiant sur certains points le contrat principal. La question relève en réalité de la portée ratione ma/erioe de la convention d'arbitrage27 et non de l'article 366 al. 2.

c) En visant les institutions procédurales de l'intervention et de l'appel en cause, l'article 366 al. 3 consacre, à l'image de l'article 28 CIA, la participation de tiers à la procédure arbitrale, cela aux mêmes condi-tions que la disposition concotdataire précitée. Il n'y a donc pas lieu de s'y arrêter plus longtemps.

5. L'article 367 de l'avant-projet traite de l'exception de compensation et de la demande reconventionnelle. S'agissant de l'exception de compensation, l'alinéa la de la disposition précitée confère au tribunal arbitral la pleine compétence pour en connaître, alors même que la créance compensante ne serait pas couverte par la convention d'arbitrage ou encore ferait l'objet d'une con:,ention d'arbitrage différente de celle sur laquelle se greffe le contentielh arbitral ou d'une clause de prorogation de for.

L'avant-projet innove ainsi par rapport au concordat, lequel prévoit à son article 29 la suspension de l'instance arbitrale jusqu'à droit jugé sur la créance compensante. La règle concordataire qui déroge au principe qui veut que le juge de l'action soit aussi celui de l'exception, a fait l'objet de nombreuses critiques dans la doctrine sur lesquelles il n'y a pas lieu de re-venir28. On rappellera cependant que la compensation est un moyen libé-ratoire ou de défense qui, s'il est admis, entraîne l'extinction de la créance principale à hauteur du montant de la créance compensante. Pour ce mo-tif, l'attraction de compétence en faveur du tribunal saisi de la demande principale soit en l'espèce le tribunal arbitral, parait s'imposer et l'article

27 Dans ce sens POUDRET /BESSON, (up. cil. in note 3), N 208 p. 240 et N 308 ss, pp. 283 ss.

28 Voir POUDRET J.-F., Compensation et arbitrage dans le droit en action, in: tecueil de tra-vaux publiés par la faculté de droit de Lausanne, Lausanne, 1996, pp. 361 55.

367 al. 1 sanctionne pleinement ce principe, mettant ainsi un terme aux controverses créées par la règle de l'article 29 CIA.

Quant à la LDIP, elle ne règle pas la question. Toutefois, en la matière, il a été soutenu que cette attraction de compétence ne saurait s'étendre à une créance compensante relevant d'une autre convention d'arbitrage29.

Si donc, et à juste titre, l'avant-projet n'opère aucune distinction selon que la créance compensante relève ou non d'une autre clause compromissoire, encore faut-il que pour que cette attraction de compétence soit possible que le principe même de la compensation soit admissible'"; ceci ne sera pas nécessairement le cas si la créance compensante est soumise à un au-tre droit que le droit suisse, par exemple au droit français. Selon ce droit, lorsque la créance compensante n'est pas liquide, c'est-à-dire lorsqu'elle est incertaine, le défendeur ne peut la faire valoir que par une demande reconventionnelle et non par le truchement de l'exception de compensa-tion qui est une défense au fond3l , Or, il n'est nullement exclu, même dans le cadre d'un arbitrage interne, que le droit français puisse s'appliquer à la créance principale, auquel cas ce sera ce droit qui, en vertu de l'article 148 al. 2 LDIP, devra régir le sort de la créance compensante;

si celle-ci n'est pas liquide, le tribunal arbitral ne peurra qu'écarter le moyen tiré de la compensation et partant statuer sur le seul bien fondé de la demande principale. Toutefois lorsque la prétention opposée en com-pensation est couverte par une clause d'arbitrage concordante, l'arbitre pourra en connaître non plus en tant qu'exception, mais en tant que de-mande reconventionnelle dont la recevabilité, selon l'article 367 al. 2 de l'avant-projet, sera admise à cetre condition.

6. L'article 368 de l'avant-projet règle le problème de l'avance des frais d'arbitrage et se démarque de la solution concordataire de l'article 30 CIA en ce sens que si l'autre partie renonce à se substituer à la partie dé-faillante, cela n'entraîne pas automatiquement la caducité de la convention d'arbitrage. Comme le précise l'alinéa 2 in fine de l'article 368, cette partie conserve la faculté d'introduire un nouvel arbitrage si elle n'entend pas procéder devant le tribunal étatique compétent. Il semble bien qu'en rédi-geant cette disposition, les auteurs de l'avant-projet n'aient envisagé que l'hypothèse d'une défaillance de la partie défenderesse. Mais quid si c'est

29 Voir sur l'ensemble de la question L PrrrET, La compétence du juge et de l'arbitre en matière de compensation, Zurich, 2001.

;0 Dans ce sens ATF 1161. 154 = JdT 1990 [567.

" Voie L. Prrnrr. (op. al. in note 29), ad § 149 p. 141.

ARBITRAGE INTERNE

la demanderesse 'lui est défaillante et 'lue la partie défenderesse n'a aucun intérêt à faîte trancher la contestation, soit par voie d'arbitrage soit encore par le juge étatique? Dans une telle hypothèse, il nous parait 'lue le non paiement de l'avance des frais par la partie demanderesse doit cenes en-trainer la caducité de la convention d'arbitrage, mais non la renonciation à la prétention 'lue cette partie pourra toujours faire valoir devant la juri-diction étatique.